Sommaire MAI 1982- Abonnement annuel (6 numéros) : 85 F 2 Appel au pouvoir de création des adolescents. 3 Erhard Stiéfel et ses masques. 6 L'enfant et Guernica. 12 Textes libres. 14 Nabile Farès, poète. 15 Fiches détachables. 19 Poèmes d'adolescents. 22 Maquillage. 23 Un festival de théâtre d'adolescents. 28 Paul Klee. 30 Courrier des lecteurs. Photographies : Pedro Guimaraès : couverture, p. 3 à 5 et 23 à 27. François Goalec : p. 2, 9, 10 et 11. Document Ed . Hazan : p. 6-7 et 28-29. Nicolas Go: p. 8. A.A.A. / Naud: p. 19. Marie-Claude San Juan : p. 21 et 22. Vincent Arnaud : p. 24 en bas. Yves Rousselet : p. 25 (les deux du milieu) et 26-27. Giraudon/ Lauros : p. 29. Alain AJquier : p. 30 et 31. 0 Appel aux pouvoirs de création des adolescents SI Il ne tient qu'en partie aux je pouvais éclater au milieu d'une magnifiera. Le maître, élément averti du groupe, impulsera de éducateurs d'aider à ouvrir les foule que je ne connais pas son dynamisme et de sa culportes, à déployer les ailes, à ture ces cultures naissantes, emtrouver le rythme allègre de la Si je pouvais dire ce que je pense danse et de la fête dans le Crier, rire, souffrir au milieu de gens qui bryons de projets, d'idées étranges, originales, venues du plus travail. Toutes les pistes ont souffert profond de chacun mais qui ne d'expression libre n'ont d'autres Ouvrir la porte vers la liberté doivent pas rester embryons. raisons d'être que d'étancher la soif d'exister, de dire, de Courir vers l'immensité de la gloire... Pas d'abandon de personne à peindre, de modeler, de danser, Je voudrais être un ange au milieu de la ses premiers cris, ses premiers de communiquer, de construire vie qui tourne comme un disque déchiré graffiti, ses premiers gestes sa personnalité au coude à sinon la chrysalide restera coude avec la vie, explosion de un démon au milieu des fla1Jlmes qui a fermée, la joie du dépassement en commun, difficile mais grajoies ou de rires, cris de colère, trouvé le rythme de la danse d'agressivité, amertume déjà. Je voudrais changer le monde et lui tifiante, ne serâ jamàis ressentie, La peinture, le drawing-gum, la donner les formes de l'espérance et de la vécue. La routine médiocre craie d'art, l'encre d'imprimerie s'installera et les bras d'abandoivent épouser le clair et le gris fête don s'alourdiront dans -l'amerdes jours, le calme ou la vio- être le couple artiste et le peuple specta- tume. Levons les têtes, tendons les lence des heure~ . l'ébauché de teur la main maladroite et la maîtrise bras, déplions toutes les reschanger de vie pour en porter une autre sources coopératives des désirs, du poignet délié. Le corps, la marionnette, le démystifier les secrets de la pièce dans la des bonnes volontés, bandons masque doivent réverbérer le comédie ou la tragédie des jours... toutes nos énergies, nos tendouble des souffrances, des dresses pour organiser le travail, Isabelle (3• D) rictus, des provocations ou de la humaniser les relations, atténuer l'agressivité, colorer les murs, prendre pouvoir sur l'espace sérénité, de l'espérance, du rire vrai. La parole est devenu nôtre. comme elle est : étouffée, pleine, agressive, poétique, Rien ne sera encore facile. Les vagues déferleront à chaque narrative, convaincante par le miracle sans cesse renouheure et rogneront nos enthousiasmes mais si plusieurs velé du texte et du chant libres, chant intérieur et Isabelle vous crient à l'oreille : «Si je pouvais ... » vous unique de l'enfant d'homme qui se cherche, s'avance ferez en sorte que le maximum d'adolescents puissent vers la vie, est la vie. renaître, vivre, s'épanouir afin d'être porteurs bientôt des Tout geste libéré, toute parole dite, tout message graphique espoirs d'une société nouvelle. griffonné sont des ébauches de communication qu'un ]anou Lèmery groupe attentif, aidant, rendra sonores, amples, déliera, ef ses asgue.s Prop os recueillis par Marisa Celestino et Rui Fratti. Un artiste-artisan uisse, trente-neuf ans, travaillant depuis dix-huit ans à côté d'Ariane S Mnouchkine, il est le créa teur de tous les masques utilisés par les acteurs du Théâtre du Soleil. ((Avec Ariane on est en parfait accord, on a évolué ensemble, on sent les mêmes choses. On ne s'est jamais trompés, on n'a jamais fait jouer par quelqu'un un masque qui est mauvais. JJ Plus encore qu'un «Super» fabricant de masques, Stiéfel participe entièrement à la vie de la troupe du Soleil. Il est présent à toutes les répétitions et propose aux acteurs des exercices pour aider à la découverte du personnage, à sa composition et à son enrichissement. ((C'est au fur et à mesure de répétitions qu'on se rend compte si un masque est nécessaire ou pas.;; Moi, l'acteur et le masque e fais des masques uniquement pour (( les amis, pour les gens que je connais vraiment, dont je sais comment ils travaillent. Je ne fais aucun commerce et je ne peux pas faire un masque sur commande. JJ J Les masques de Stiéfel sont faits pour le comédien qui va les porter, et sont tout à fait ajustés à son visage. A l'extérieur du masque, le visage du personnage et à l'intérieur, le visage du comédien. L'intérieur du masque devient le miroir du comédien. La fa brication d'un masque est très longue. Pour faire les cinq masques en bois, utilisés dans Richard Il, Stiéfel a travaillé près d'un an. Tou te la première partie du travail est très solitaire . Stiéfel est seul avec son idée et sa création . Une fois que le masque est prêt, que le bois est sculpté, que le visage du personnage existe déjà, tout un travail «à deux» va commencer. Stiéfel et le comédien vont être ensemble pour sculpter l'intérieur du masque qui deviendra le deuxième visage du comédien. Ensemble encore, ils vont trouver le corps et la personnalité du masque. Ensuite, c'est au tour du comédien d'être seul, de faire vivre son masque tous les jou rs sur la scène. ((C'est très intime ce qui se passe entre l'acteur et moi. Il faut que l'acteur ait une confiance absolue dans son masque. Il s'abrite derrière le masque et en même temps il s'appuie dessus. Le masque c'est plus qu'un point de repère, c'est son complice. Chaque fois que l'acteur a un problème il revient vers le masque, parce que c'est là qu'on trouve une vérité de jeu. Le masque aide, éclaircit. On sait tout de suite ce qu'il faut faire ou ne pas faire avec un masque. JJ 3 Le masque, une question de coup de foudre pris, et a pu jouer tout de suite. Il n'a jamais appris.;; 'est une des ((disciplines;; les plus difficiles du théâtre. John est le plus jeune acteur du Théâtre du Soleil, il a vingt ans et il joue un vieillard de quatre-vingt-deux ans. Il nous raconte : Il y a des acteurs qui choisissent un masque et le jouent tout de suite. Pour eux, c'est évident et facile. D'autres n'arriveront jamais à trouver le jeu du masque. John, par exemple, est venu me voir tous les jours pendant que je travaiÏiais. Le matin et le soir, pendant deux minutes. C'était rituel. Quand le masque a été prêt, il l'a ((Je ne mets pas mon masque au début. Je m'échauffe, je mets mon costume, petit à petit je commence à sentir mon personnage et tout à coup je mets mon masque. A partir de ce moment, je me suis transformé ; je change ma voix, je ne peux plus rigoler et je sais que bientôt je vais mourir sur scène.;; (( C Erhard Stiéfel poursuit : ((L'acteur balinais, par exemple, avant de mettre le masque, il regarde son intérieur comme dans un miroir, il danse avec, et à un moment donné il sent qu'il peut le mettre. Pour sa premtêre rencontre avec un masque, il l'accroche sur un arbre et il médite devant toute une journée. Quand moi-même je l'ai fait, au bout de cinq heures j'avais les larmes aux yeux, tellement j'étais heureux, parce que c'est là que j'ai appris quelque chose. Après, quand je l-'ai mis sur mon visage, j'étais dans un ((état;;. J'essaie de transmettre un peu de tout ça aux comédiens. Ce n'est pas pour rien que toutes ces grandes civilisations ont leurs masques et que cette tradition est tout à fait vivante et existe depuis des stëcles. Le théâtre devrait être un rituel et le masque en est un sûrement.;; première fois, il est sur scène, avec costume et acteur. Là, c'est beau ou c'est pas bien. On le sait tout de suite, à la premtëre seconde. Il y a des masques morts. Ils ne jouent pas. Ils n'arrivent pas à faire sortir le personnage.;; Le masque est vivant, ce n'est pas un objet maintenant on ne pouvait jamais J usqu'à parler avec un masque entier. 1981 : exposition au C.N.R.S. ; participation à la table rônde : «Masques, danse, théâtre et rituel». 1981 : fabrication de marionnettes pour Faust de Vitez, au Théâtre National de Chaillot. En Afrique ou en Orient, on porte des masques entiers, mais on ne parle pas. Bientôt, en 82 : Jacques Lecoq. our faire un masque, il faut être dans (( un ffétat limite;;, comme quand un comédien joue. Un Balinais par exemple, avant de faire un masque, va couper son bois dans la forêt, au moment précis de la nuit où la lune commence à monter. Son bois est sacré. Avant qu'un masque soit fim: chaque fois que je quitte ma table de travail, je le couvre... par pudeur. Ça ne peut pas se voir encore. Un masque, on ne peut le voir que dans le meilleur de lui-même. Et, à la minute où le bout de bois devient vivant, je l'enferme, parce que j'ai peur... ;; P Rappelons-nous l'aventure de Gepetto avec Pinocchio ... ((Un masque, lorsqu 'il est terminé, l'esc définitivement. On ne peut pas le corriger. On ne peut rien ajouter, ni rien enlever. Une fois que le masque est prêt, il faut trouver son corps. Au fur et à mesure, on l'habille, on cherche le personnage, on le situe socialement et on découvre le thème. C'est ainsi par exemple, qu'on a créé l'AGE D'OR. On sait si le masque est bien quand, pour la Deux problèmes de moins Les masques de la comedia dell'arte sont des demi-masques pour permettre la parole. Stiéfel inaugure dans Shakespeare le masque articulé (le menton est ajusté avec un système d'élastique). C'est une technique très récente qui représente une grande ouverture, un début qu'on va explorer maintenant. 1980 : fabri cation des masques pour la pièce Carta Diva, de Maurice Béjart. 1980 : exposition «Métier de l'Art» , Musée d'Art Décoratif. exposition à l'école Marisa CELESTINO et Rui FRA TT/ Autre inauguration avec Shakespeare : le masque adapté à la tragédie. Jusqu'à présent on n'y pensait même pas, il n'existait que pour la comédie. Mon premier masque, je l'ai fait à quatre ans, pour le carnaval. Ensuite ... Elève aux Beaux-Arts en Suisse et en France (peinture et sculpture), élève à l'Ecole de Théâtre de Jacques Lecoq. 62-63 : élève à L'Ecole Kyoto (Japon), traditions de masques Nô. A partir de 1964, travail avec le Théâtre du Soleil. 5 La peinture n'est pas faite pour décorer les appartements. <<Chaque enfant est un être global qui s'engage tout entier dans ce qu'il exprime.>> Soucieux de décloisonner au maximum les moyens d'expression donnés aux enfants, nous avons imaginé un travail interdisciplinaire (dessin, musique, écriture, expression corporelle) à partir de l'œuvre grandiose que représente le Guernica de Picasso dont la richesse pouvait servir d'incitation à une expression plus profonde, au-delà des stéréotypes paralysants. Première approche : projection de Guernica dans son ensemble. L'expression orale a été la seule utilisée par les enfants mais le volume des remarques et réflexions nous a rapidement informés sur leur disponibilité à l'égard du tableau. Après une première impression de chaos, ils ont très vite découvert la composition et le sens général du tabteau, puis se sont attardés sur chaque personnage. A la séance suivante, nous avons projeté individuellement chacun des neuf personnages. Les enfants ont très bien su déceler les expressions traduites par : l'attitude d'un corps ; les formes de ses composantes (tête renversée, yeux en forme de larmes, bouches ouvertes, mains ... ) ; la couleur; la composition du tableau. ' sr n'imporre quoi 1 cerre peinrure, ce catastrophe. on dirait une L'émotion provoquée par la force de cette œuvre a entraîné les enfants vers une expression personnelle en écriture, expression corporelle et musicale et jusqu' à un réinvestissement en dessin et peinture (voirs pages 10 et 11). Utilisant les remarques des enfants, nous nous sommes ensuite appliqués à mettre en évidence les détails, en projetant isolément des yeux, des bouches, des mains. Après cette projection, les enfants ont créé une série de dessins et d'expressions gestuelles animant des mains. éléments dénotés au cours des lectures d'images. Puis, p rogressivement, la création musicale a évolué vers une plus grande abstraction, un rendu de l'ambiance du tableau et des sensations des enfants. Ce déroulement sur une année s'est accompagné de recherches des possibilités sonores des instruments, mise en relation du son et de la parole avec un texte d'Eluard sur Guernica, improvisations à partir du support du tableau. Il faut préciser ici que, comme il y a eu évolution vers l'abstraction, le thème de Guernica n'est qu' un support et non une fin en soi. Ateliers de recherche A mon sens, la percussion, comme tout langage musical, ne doit pas être considérée comme un intermédiaire, un moyen de représentation (et encore moins comme un exercice ou un jeu). La recherche musicale n'a pas besoin de prétexte, elle n'est pas représentation d'autre chose qu'elle-même ; elle n'est pas une activité accessoire, secondaire, support, bruitage. Parallèlement à ces moments d'expression libre, les enfants ont participé à un travail de recherche, plus structuré, au sein de trois ateliers fonctionnant au même moment : musique, expression corporelle, peinture et dessin. MUSIQUE L'atelier percussion (école Frédéric-Mireur, Draguignan) : A l'origine, notre projet collectif était de travailler sur Guernica. Les enfants de l'atelier musique ont donc participé aux séances de lecture d'images et à la vie de la classe autour de ce thème. Notre première activité a été l'appréhension musicale du tableau de Picasso, en la reliant à tout ce qui se faisait en dehors de l'atelier. Cela a donné lieu à la représentation illustrative des 6 L'enfant Je pense qu'il faut envisager la percussion comme un langage autonome qui «mérite» d'être pratiqué pour lui-même ; toutefois cela n'interdit pas les interférences et l'on peut considérer aussi la musique comme un outil dans certaines circonstances. Nous avons attaché beaucoup d' importance à l'autonomie dans le travail ; aujourd'hui, les enfants reçoivent des satisfactions à travers la percussion, ils ont une grande demande, les moyens de répondre eux-mêmes à leur propre demande et de progresser. n instrument de guerre offensive et défensive contre l'ennemi. Guernica Picasso par Jeannette Roudier-Go et Monique Ménard Pour dépasser ces difficultés, Monique propose une séance de collage : recherche des différentes positions de la tête selon l'expression désirée ; disposition des bras et des mains pour traduire les cris d'une foule; travail sur les articula tions des jambes pour amener le mouvement. L'ATELIER DE PEINTURE ET DESSIN La première étude est l'expression du cri. Les enfants constatent que les dessins réalisés ne traduisent le cri que par des bouches ouvertes. Souvent, le corps reste figé, la tête et les membres raides. Dessins • raides• 7 Chemin faisant, les enfants font référence à leur propre corps ou à celui d'un camarade. Après ces séances de tâtonnements, les enfants se sentent plus aptes à réaliser leur projet initial du cri. EXPRESSION CORPORELLE En expression libre, sur une musique de percussion assez vibrante, ils ont voulu reproduire la fuite des exilés durant la guerre. Ils ont joué la terreur des alertes, se regroupant, serrés, affolés, puis l'horreur, laissant échapper des cris, des gestes désordonnés, des hurlements. La phase finale ramenait souvent le calme, avec des corps abandonnés, d'autres se débattant dans la douleur, les ~utres fuyant. On a travaillé l'expression du visage, le jeu de tout le corps entier, les· positions de la tête, l'utilisation du sol. Nous avons pu capter en photo des expressions intenses, sortant «des tripeS>>. L'une des phases finales de ces séances a été employée à reproduire dans l'espace le tableau de Guernica. Chaque enfant a choisi un personnage et il y eut alors de nombreux recours au tableau pour une «reproduction» la plus fidèle possible. Au cours d'une des séances de collage naît le projet d'une fresque qui pourrait être traitée avec cette technique. Monique Cubisme propose de s'inspirer du cubisme, les formes géométriques s'adaptant mieux au découpage et au collage. Les enfants effectuent des esquisses de personnages criant réellement avec tout leur corps, mais ils rencontrent des difficultés certaines à réaliser leur découpage avec des formes géométriques. Ils ont l'idée de consulter des planches de sque- l Grande fresque en noir - '. \ ---" 9 Lorsque Laurence a agrandi son dessin, le cou et le bras se sont trouvés confondus par erreur. Monique l'a aidée à réaliser que le dessin supportait fort bien cette confusion. Ensuite, elle est intervenue dans l'utilisation des dégradés de la couleur pour amener les volumes du corps. 0 lettes et d'écorchés pour analyser le corps. Une projection de peintures cubistes les ont aidés à mieux cerner la technique. Chacun ayant abouti à un projet satisfaisant, ils étudient ensemble la composition de la fresque et agrandissent leurs esquisses. Le moment venu de passer au collage, on s'affaire à trouver toutes sortes de papiers : journaux, tapisserie, kraft et on s'aperçoit vite qu'on est assez limité . D'autres matériaux sont nécessaires. On décide de faire une sortie dans le quartier à la recherche de sciure de bois, copeaux, tissus, cuir ... Du point de vue technique, la décision est prise de maintenir des couleurs de notes basses et d'utiliser les dégradés dans la couleur pour créer les volumes et introduire la lumière. Tout cela au fur et à mesure de la mise en place du collage, bien sûr. Cet atelier a entraîné dans le groupe des relations permanentes entre les individus et des retours fréquents au groupe-classe pour obtenir des avis, des critiques, des propositions. Le grand format de Guernica a donné à un enfant l'envie de réaliser un tableau aux dimensions exceptionnelles. L'instigateur passionné de cette fresque, réalisée à l'encre, a passé un grand nombre d'heures pour atteindre une perfection qu'il avait dans la tête. Il a été très impressionné par la fuite des émigrés talonnés par le fascisme. Son travail acharné a attiré d'autres participants. Il a contribué à la construction de sa personnalité, par une prise de pouvoir dans le groupe qui lui a permis de trouver sa place au sein de la classe. Marc avait en tête une idée précise et il a eu du mal à rendre la courbure du dos. Il a fait de nombreux essais avant de parvenir à la réalisation finale. LES ENCRES D'une façon générale, ces encres sont des dessins très spontanés : coups de crayon très rapides auxquels se sont ajoutés quelques détails de précision. C'est le réinvestissement immédiat d'une émotion ressentie lors de la projection des neuf personnages, mais on doit aussi tenir compte : de l'imprégnation reçue lors des différentes projections et lectures d'image ; de la présence de l'adulte qui aide l'enfant à tirer parti d' une <<erreur» et à choisir le moyen technique qui permet une meilleure expression (cf. dégradés de la couleur) ; de la réalité émanant du tableau et reprise en étude du milieu (la guerre civile d'Espagne, le fascisme et même, en parallèle, le coup d'état au Chili, avec bande sonore de chants faisant référence à Victor Jara). Les enfants ont été extrêmement frappés et émus par la condition de vie de certains peuples à un moment donné de leur histoire. lachid a expliqué la jambe foncée en faisant référen ce à l'une des pattes du au reau de Guernica qui se trouvait en arrière-plan_ La disproportion de la main •auche était considérée par lui comme un élément raté. Là encore, Monique ui a fa it prendre conscience que cette «erreur• était au contraire intéressante. ~Ile lui a demandé de travailler le pied de façon plus précise. Il a rajouté la main ur la jambe après avoir essayé la position lui-même (référence à son propre corps). D evant la position particulière de son personnage, M onique fait préciser son idée à A lbert. Au personn age asexué, il ajoute des seins et après coup, fait remarquer : •Je n'aurais jamais cru que j'oserais dessiner des seins. • Ensuite, il travaille la bouche et le nez, un peu confondus au départ, avec l'aide d'une petite camarade qui lui dit : •Tu devrais lui faire une langue pointue, comme moi• (référence à Guernica). Il constate que cette correction donne plus de force à son personnage. Détails de la grande f resque L'ensemble de ce travail a été mis en valeur par de nombreuses expositions dans les villages voisins et à l'Ecole Normale. «Ceci n 'est pas le reflet d 'un travail d 'enfant» nous a lancé un jour un chef hiérarchique. L'infantilisation des travaux d'enfants, en particulier en art, due à un enseignement sclérosé, amène ce type de réflexion devant un travail élaboré dont les enfants sont tout à fait capables à condition qu'on leur en donne les moyens. «Chaque être nourrit sa personnalité de tout ce qui l'entoure et l'émeut. » Nous conclurons sur cette réflexion relevée dans Perspectives d 'Education Populaire, en insistant sur l'environnement dans lequel vivent nos enfants, enrichi de nombreuses projections, de documents multiples mis à leur disposition qui leur ont permis de ressentir ce que furent les événements tragiques vécus par certains peuples et exprimés par des artistes. Jeannette ROUDIER-GO et Monique MÉNARD 11 E11trelts d un album, L11s tlNtUNIS de le classe de Jeanne Monthubert • Chatellerault IViennel Voudrais-tu être mi's dans une marmite ? être dans un château hanté ? être forcé de manger un poisson vivant ? être mis à la porte par un htppopotame ? être prisonnier d'une sorcière qui te ferait manger des araignées, qui te ferait coucher dans la cave où il y aurait des toiles d'araignées et des loups, qui te donnerait au petit déjeuner de la boue avec des feuilles et des toiles d'araignées? être emmené dans la famille des fantômes et être mangé par eux ? être dévoré par les cannibales ? être forcé d'avaler du bouillon de serpent ? être chatouillé par un ours ? être poursuivi par un pinçoir ? Moi, je ne voudrais pas ! Alors j'appelle le poème et de ce lieu où il demeure afin qu'au loin où il persiste il paraisse dans la lumière d' un seul chant. Le chant d'Akli pluvieux aux sourds et que Je sais de par le monde. ( ... ) Peut-être alors ne suis-je qu' Akli au nom d' esclave portant son nom et qui poète en fréquence au nom d' Akli porte le son. L e chant d'Akli Ed. L' Harmattan 14 Nabile Farès, écrivain né en Algérie en 1940. De Yahi'a pas de chance (1970) à lA mort de Sa/ah Baye et L'Etat perdu (1981-1982), des hvres comme Un passager de l'Occident ou Peuple sahraw1, Chants d'histoire ct de vie pour des roses de sable : quelques titres d'une œuvre qui pourrait convenir comme épigraphe de l'exposition Mille poèmes-affiches en avant du rêve lucide •d'un pays oû l'lcriture appartiendrait à ceux qui la désircnr., livres qui nous font réfléchir en nous racontant des histoires de visages el de rencontres quelque part dans l'exil d'ici ou d'ailleurs, Œuvre de nos •cavales frontalières» dont le symbole pourrait être cet arbre saturé de signes et les mots clés ceux d'un renversement de J'absence. pour des migrations devenues lieux, pays : •mémoire•. «effraction», «instance•. «témoif!nuf!e•. Des textes qui sont les traces d'une trajectoire contre l'opacité de la réalité sociale et culturelle. Un écrivain qui sait les silences multiples des écritures anonymes; «Il n'existe pa5 de plus grund malheur que celui qui est contenu dans les lè1•res ..• L'homme qui ne peut parler ne peut être.» (L'Exil et le désarroi). Marie-Claude SAN JUAN Nabile ' FARES Poète et écrivain contemporain o. Cinq en arabe : en berbère () insolite ou suspendu vous écrirez (un jour) dans votre langue les longs voyages de l'abeille et du papillon ; la vie pour elles 1 pour eux 1 L 'Etat perdu, Ed. Actes-Sud On n'enseigne pas le mélange à l'école. Non. On construit au-dessus. D'une manière imbécile, comme si rien n'était. Comme si rien n'existait. Comme si le mélange n'avait pas d'importance. Dahmane ?... Erreur. Le mélange existe. C'est lui qui travaille le monde. M émoire de l'Absent Ed. du Seuil Il faudrait que je puisse voir encore plus clair. Que j'invente une couleur fabuleuse. Que je croie à la découverte d'une couleur fabuleuse. Oui. Une couleur qui engendre. Oui. Qui engendre ma couleur. Le champ des Oliviers, Ed. du Seuil Etre immigré ce n'est ni un état ni un fait ni une morale ni une condition. Etre immigré c'est être histoire. L 'Etat p erdu p récédé du Discours pratique de 11mmigré, Ed. Actes-Sud © I.C. E.M. 82 1 © I.C.E.M. 82 Montage texte-images 1 Ecriture automatique 1 1 (<La terre est bleue comme une orange.>> (Paul Eluard). 1 1. Se référer aux intentions et au travail des poètes surréalistes : 1 ((Un automatisme psychologique par lequel on se propose d'exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée. Dictée de la pensée en l'absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale.» (André Breton, Manifeste du surréalisme.) Cet automatisme a pour but de déjouer le processus du refoulement en utilisant la rapidité d'écriture, dans un état de réceptivité et de passivité qui permet l'afflux des images fantasmatiques (qui ne remontent à la conscience qu'avec les rêves, ou ne font que traverser l'esprit sans être captées). Il faut donc se mettre «en situation de» car les habitudes mentales doivent être inversées. 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 2. (([a première phrase viendra toute seule, tant il est vrai qu'à 1 chaque seconde 11 est une phrase étrangère à notre pensée consciente qui ne demande qu'à s'extérioriser.>> (A. Breton). 1 Cela peut être fait ainsi : écriture au fil de la plume, à l'écoute. Mais cette facilité n'existe pas dans tous les cas : il suffit de peu de chose pour faire barrage. Pour faire affluer quand même (ou plus) les signes de cet univers inconscient, on peut utiliser un support où puiser le mot déclencheur (stimulation qui va produire le déclic de l'écriture) : Lecture d'un texte (poème ou chanson). Choix d'un mot dans ce texte (préférence). Rédaction d'un début de phrase ou de vers avec ce mot. Puis écriture à deux, comme pour un «cadavre exquis» (surréaliste), mais en regardant ce qui précède. Une feu ille po~r chacun(e), échange des feuilles à chaque vers ou phrase (écnture en alternance). Quand le texte semble terminé, on le laisse tel quel, sauf suppressions de lourdeurs ou corrections grammaticales de détail. On peut lire avant, pour référence, des textes comme, ~es Eta~s généraux de Breton (dans Signe ascendant, coll. Poes1e, Gallimard). 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1\1/ ~ ((Mettez donc une œuvre en scène et vous remplacerez tous les spécialistes de la terre.» (François Regna.ult, tr~ducteur d'Ibsen, pour la mise en scène de Peer Gynt par Patnce Chereau.) Un montage texte-images est en quelque sorte une mise en sc.ène sur papier : à la fois lecture subjective d'un text.e et trad~ct!on­ expression de cet «espace du dedans» que Michaux dechiffre en le traçant. Deux orientations possibles : montage réel mélangeant des images ou disposition dans l'espace des photos. Dans les deux cas, création au-delà de l'illustration pure. 1. Choisir un texte vraiment très apprécié (une préférence) : poème ou chanson ou paragraphe de roman ou fragment d'article de presse. Suivant les choix, le montage sera plutôt poétique o~ plutôt d'idées, comme un prétexte à réflexion. Mélange poss1ble de genres. 2. Faire appel à sa mémoire : penser à des images qu'on n'a plus sous la main mais qui auraient pu illustrer un des aspects du texte (photos rencontrées par hasard, séquenc.es et plans ?e films, peintures, etc.) : qu'est-ce qui nous retenait, accrochait le regard ? 3. Regarder le plus possible de photographies, illustrations de livres (d'enfants notamment), publicités, pages de journaux, peintures, créations graphiques. C'est le moment . le plus i~portant de ~~ travail , pour une gymnastique mentale qu1 va transfigurer la banalite quotidienne. On peut regarder, par exemple : des photos ~e Jean Louvel (visages d'Arman, César et Takis) dans Photo d'avnl 1977 ; des montages de créateurs japonais dans Zoom n° 45 de 1977 ; les tableaux de Chagall (coll. Chefs-d'œuvre de l'art, Hachette), comme Paris de la fenêtre, L'Ame de la Ville, Moi et le village ; des reproductions de la revue Graphis ; le livre de photomontages, Ed. du Chêne; les petits volumes de la collection Hazan (A. B.C.) sur la peinture surréaliste, notamment un collage de Max Ernst, un portrait de Miro. Se référer au vers d'Eiuard : (<La terre est bleue comme une orange» pour oser des rapprochements et métamorphoses. 4. Observ er alors aussi les rapports entre les lignes et les fo~mes, les plans, les couleurs, les objets, les signes (démonter l'Image comme un code à déchiffrer). 5. Découper des images dans les journaux (celles dont on trouve qu'elles ont un rapport avec ce que nous avons choisi de mettre en va leur dans le texte (et par association d'idées). Les disposer sur une table en inventant, avec ces morceaux d'un puzzle, une sorte de tableau, qui parlera indirectement du texte. Copier le texte en marge. 6. Présenter texte et montage en expliquant ses choix. © I. C.E. M. 82 S. I,C. E. M. 82 Montage texte-images de Florence : «Pourquoi parler d'amour quand il n'y a que haine dans le monde ?». VOLCAN Tu jailliras en dehors de ton âme Toi qui n'aimes que le feu. Tu détruis la beauté en la recouvrant De couleur et de chaleur. Tu surprends les gens dans la nuit, Peut-être pour mieux les saisir. Tu leur apportes la peur et la destruction de leurs biens. De ton pouvoir tu les paralyses Et leur fais découvrir ce qu'est la haine. Volcan, tu les envahis d'une crainte qui les fait rester sur place, Sans rien dire, ni pouvoir s'exprimer comme avant. Lorsque tu étais endormi, Personne ne pensait à toi, Et là, ils connaissaient le bonheur de vivre. Ta parole me fait penser aux vieux qui, comme toi, En ont assez d'attendre sur eux-mêmes, Alors ils meurent, et toi, tu répands ta lave. C'est en laissant la trace de ton passage Que tu fais qu'ils ne peuvent t'oublier, Le temps que tout se réorganise, Et tu réapparais de nouveau, C'est ta façon à toi de faire sentir ta présence. Texte écrit avec des lettres de journaux. Images : Amour et bonheur. Le bonheur est exprimé par des couleurs : la gaieté, la chaleur. Au milieu il y a le malheur en noir et blanc (enfant qui meurt de faim, hommes assassinés, guerre ... ). Contraste avec le bonheur en couleur. Tout au centre, UNE FEMME CRIE : elle crie le malheur, la beauté, le bonheur. Forme en cercle exprimant l'étouffement, le bonheur autour du malheur. Toutes les images sortent de la bouche de la femme. POURoUoJ pARL ER il n'y A QuE la o· AJ'vDJR quand HAine dAllS Je Mon&E · Isabelle et Valérie 1'" B.E. P. sanitaire, Neuilly UN VISAGE La bouche de mon frère, Telle un fruit rouge, une fleur bleue, l'iris de tes yeux, ton regard profond et doux, comme une fleur dans un champ qui pousse doucement et qui attend la tombée de la nuit. Vient le moment, et on la prend. Nadia et Anne-Marie 1'• B.E.P. sténo-dactylo, L. E.P . Neuilly LE BOURREAU Je suis épuisé, parce que je suis bourreau. Par ma faute, on creuse des tombeaux. J e suis inquiet par ma faute. Faute cruelle de bourreau. Je viens de me remettre de ma fatigue. Fatigue morale, fatigue de tuer. Me remettre, pour travailler, pour écrire. Ecrire ma besogne, écrire mon délire. Félicité et Catherine 1'" B.E.P. sténo-dactylo, _L.E .P. Neuilly f!.E6Niro/P(.,\M.>4 nr. 1~P ~~~~·fi~ - D I. C.E.M. 82 CJ I.C.E.M. 82 Rêves réels ou inventés Ecriture de rêves : vrais rêves ou textes d'un genre spécial, rêves de rêves, prétextes à une forme de création poétique. 1. S'informer des dangers de l'interprétation sauvage des rêves des autres et du risque de révéler sur soi-même, par le récit d'un rêve, ce qu'on ne voudrait pas dire autrement. Se dire qu'à la lecture du rêve de quelqu'un, nous projetons nos propres fantasmes. Se renseigner un peu sur la psychanalyse (Freud, etc.) ; discussion préalable (d'initiation) en cours, surtout pour demander ou donner des précisions sur le rêve comme langage. 2. Chercher ce qu·i a été fait par les surréalistes : rêves et écriture automatique. 3. Relire ou lire le passage sur le rêve dans Le rire de Bergson, où il explique que le rêve ne tient pas compte de la logique et des convenances. 4. Lire des rêves trouvés dans la littérature, pour pénétrer plus facilement dans l'univers du rêve, en saisir le symbolisme, mesurer le rôle des fantasmes dans la création littéraire et artistique (par exemple films de Fellini, etc.). Se raconter des rêves trouvés dans des livres et saisir les mécanismes de la création (images captées par l'inconscient). Se référer aussi à la mythologie. Exemples : les pièce~ de l'Antiquité, comme Œdipe roi de Sophocle ; la tragédie classique comme Phèdre de Racine ; Nerval ; Lewis Carroll ; Verlaine (((Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant>>) ; les surréalistes mais aussi des sommes comme les Mille et Une Nuits ; la science-fiction, par exemple Ylla dans Chroniques martiennes de Ray Bradburry; la littérature fantastique, notamment les nouvelles de l'anthologie de Marabout (histoires de cauchemars, histoires d'aberrations, avec la Gradiva de Jensen). Un livre récent : La réclusion solitaire de Tahar Ben Jelloun à rapprocher de ou opposer à L'Enfant de la haute mer de Supervielle. 5. Ecrire en utilisant une des techniques suivantes au choix : • Noter tout simplement un vra i rêve. • Mélanger plusieurs rêves comme s'ils n'en faisaient qu'un. • Ecrire à deux ou plus (une feuille par personne au départ). Chacun(e) commence un rêve, les feuilles tournent, on lit, on continue le rêve de l'autre en y mêlant ses fantasmes. • Inventer un rêve que «je» ou «il»/«elle» auraient pu faire; écriture seul(e), à deux, ou plus : une seule feuille. • Mélanger vrais rêves et invention. On peut lire aussi les volumes sur le rêve dans les collections thématiques de Larousse, Bordas et Hachette. Haïku ((La lucidité est la blessure la plus rapprochée du soleil. » (René Char). 1. Préciser l'objectif de travail. Un haïku est un court poème japonais, pas tout à fait une maxime, pas tout à fait un aphorisme : plutôt le produit poétique d'une méditation. Très dense, suggestif, il est le résultat d'un afflux de sens soudain (il n'y avait rien à dire, puis les images, les objets, les êtres qui étaient déjà là, dans l'instant juste avant, se chargent de signification). Pour mieux situer, on peut lire des textes de trois sortes : des haïku, dans l'anthologie Haiku des Editions Fayard, par exemple ; des pensées dont le style est plus proche du poème que de l' aphorisme, comme Voix d'Antonio Porchia ; des poèmes-fragments, comme les notes réunies par René Char sous le titre «Feuillets d'Hypnos», dans Fureur et mystère, coll. Poésie, Gallimard (cf. épigraphe). Certains vers, isolés du texte initial, pourraient faire penser à des ha'1ku, tant ils se suffisent à eux-mêmes. 2. Remplacer le temps de la méditation par l'utilisation de la rapidité (écriture semi-automatique) et l'usage d'un support (cinq mots plus cinq mots) . 3. Pour cela, utiliser la technique des poèmes dadaïstes, mais sans le découpage des journaux. Donc lire un texte (plutôt poème ou chanson), puis choisir cinq mots dans ce texte : ceux qui retiennent l'attention, qui nous séduisent ou «accrochent», sans qu'on sache forcément pourquoi, sans chercher à le savoir (au contraire faire très vite, mêmes raisons qu'en écriture automatique) . Inscrire ces mots dans une colonne verticale. En face, dans l'autre moitié de la feuille, écrire cinq autres mots : procéder par association d'idées ou d'images, inscrire les mots qui viennent à l'esprit. Regarder les deux séries de mots, les mélanger entre eux dans sa tête, comme on le ferait de mots découpés. Former avec certains mots (2/ 4) de chaque côté une phrase, qui va faire surgir, à partir d'un matériel (mots) choisi arbitrairement (peutêtre), un sens venu de nous (écriture seul(e) ou à deux) . -- ~ - - -='" 1 La violence est une allumette dont le reflet incertain fascine. Sandrine 2e C.A.P. esthétique L.E.P. Neuilly La rue redoute la frustration publique du cœur. Michelle 2e C.A.P. d'esthétique L.E.P. Neuilly Je marche. Sous mes pas un triangle s'allume et je me retrouve dans un cinéma porno. Un homme m'aborde et me demande si je veux un abonnement. Je refuse et je mets le feu au cinéma. Je pars en courant. Plein de têtes que je connais. Mais surtout ma mère et Jacques. On s'amuse. Deux collines, et moi sur un plateau un peu plus bas. Une énorme roche me tombe dessus, mais je l'évite. J'appelle vers la première colline, demande si Jacques est là. On me répond non. A la deuxième colline je dis : <<Jacques est là ?)) et il se présente. Je monte en courant. Je renverse un saladier plein d'avocats coupés en deux avec des boules noires autour. Je lui saute dessus et je lui donne des baffes, comme bouge une otarie. Il me dit : <(Tu vas souffrir.)) Les contours de ses yeux sont d'un rose pastel brillant que je ne lui connaissais pas. Je le retiens, supplie. Il dit ((bouche)), et je l'embrasse. Dispute pour une boum. Il y part directement de la gare sans me prévenir. Je ne sais pas comment y aller. Deux garçons (que je connaissais deux ans avant et qui m'avaient fait des ennuis) m'emmènent danser, mais je les quitte. Et je me réveille. Bénédicte Esthétique 28 C.A.P. L.E.P. Neuilly-sur-Seine Je rêve que je n'arrive pas à m'endormir et que tout est silencieux chez moi. Je rêve que je cours, cours très vite, à en perdre haleine dans les rues de Courbevoie. Il n'y a personne pour m'empêcher de courir. Seulement des policiers plantés là à chaque rue. Mais je cours encore. Je ne veux pas leur parler car je les déteste. Soudain je m'arrête : chaque policier est un membre de ma famille et, comme j'ai peur, je me réveille. Nora 1'8 B.E.P. sanitaire L.E.P. Neuilly-sur-Seine - -- ~- Algérie mon pays Le Noir est ma couleur Bloc de terre chaude que l'homme de ses mains maladroites a sculpté si grossièrement. Elle est si chaude et si profonde Terre fertile travaillée où il a su puiser l'indispensable mais pas l'irremplaçable avec tes pierres et tes cascades tes montagnes et tes richesses tes champs et tes prairies Pays tranquille et hospitalier tu restes ma fierté Algérie mon Pays tu t'es bâti par la patience et l'amour un chef-d'œuvre, et l'as remis aux mains de ceux que tu as choisis comme tiens impuissants, gestes lents et pauvres Il leur faut du temps Mais pour moi le temps a passé Jamais je ne pourrai subsister de ta beauté Algérie mon pays pardonne-moi Je voudrais rester ton amie noire est ma couleur blanche est ta couleur mais je voudrais rester ton amie Ne me renie pas je suis ton amie souvent tu cèdes la parole de tes parents t'ensorcèle te harcèle je suis ta souffrance tu me portes en ton âme Je soufflerai dans ton oreille mais je ne te contraindrai pas Libre tu es, libre tu resteras Noire seule est ma couleur Pleure, tu en as le droit Aide les tiens à nous comprendre et tu te soulageras toi-même acide deviendra ta vie douce elle retournera Car tu n'oublieras jamais que je voudrais rester ton amie, ta moitié Aïcha (1'• B.E.P.- B.l A sanitaire} Aïcho ________________le_~-~~---~ Adieu Adieu, plages des Antilles, soleil, fleurs, paysages, Pays où je suis née. Maintenant je dois vous quitter. Je ne te verrai plus, soleil De l'île des merveilles. Adieu paysage si charmant Que mon visage en te regardant en était étincelant. Adieu, Joli bouquet de muguet, Ma préférée, parmi les fleurs des Antilles, toi Qui portais toute ma joie. Désormais, adieu et ne pleure pas. Car tu briseras mon cœur en te fermant Sous mes yeux, Adieu, fleur du bonheur. Adieu danses, biguine, mazurka, Je dois partir pour un long voyage. Ne pleure pas, joli pays de perle et d'amour. Je parlerai souvent de toi aux étrangers. Malheureusement il faut toujours se quitter lôt ou tard. Adieu joli jupon, adieu collier chou, Je ne te porterai plus sur ma poitrine et à mon cou. Petite île d'or, chaque fois que je penserai A toi, une larme de désespoir coulera sur mes joues. Adieu, Martinique, Petite île de bonheur, Terre de soleil et d'amour. Béatrice (1'" B.E. P. sanitaire 81 B) Cocotier Toi, arbre royal de l'île merveilleuse, Tu te dresses dans l'azur, Tu trembles dans le vent. Tes palmes si hautes me chantent Les plus douces chansons de la Nature, Tu ne cèdes pas aux orages menaçants. C'est autour de toi que dansent Les Martiniquaises aux jupons relevés et à la tête calendée, Elles qui te chantent, elles qui te montrent Leurs plus belles biguines. Toi qui t'élances vers le ciel, Tu domines tous les arbres de l'île; Là-bas à l'horizon un bateau est perdu, C'est grâce à toi, en te voyant, Qu'ils s'écrient: Madinina! Béatrice 0 Tu es près de moi Tes ye.u x sont clos Je ne sais si je dors Je veille sur Toi Sur ton sommeil Je ne sais si je dors Doucement je m'enfouis dans Toi Sans te réveiller Je ne sais si je dors Puis tu sembles déjà loin Je suis seule Une peur violente m'arrache d'ici Autour de moi : RIEN sinon des gens un peu trop bruyants Je ne te vois plus Tes yeux sont toujours clos Une chaleur intense me brûle le corps Je cours après toi mais tu t'éloignes Je te cherche j'étouffe je ne peux plus courir Mon aœur devient glace je tremble je suis poussière Ta main se tend vers moi Et tu m'offres le Soleil Je ne sais si tu es Dieu Puis ton regard devient Eclair et tes yeux envoient des nuages de foudre je ne sais si je meurs Laurence {1 •• B.E.P. B.1 A sanitaire) Une voix claire et limpide Une voix claire et limpide comme le bruit des vagues résonne dans l'infini de mes pensées. Je ne comprends pas très bien. La voix crie et hurle comme le bruit profond et intense d'un orage Je ne comprends pas très bien. Pourtant il me semble entendre notre Histoire. Laurence Hommage à l'esthéticienne L'esthéticienne a une main. Une main qui vit, qui lit, qui découvre, qui porte la vie. Une main qui écoute, qui décrit, qui détend, adoucit, qui provoque l'abandon total de sa cliente. Une main qui a su exister et qui fait exister le sujet sur lequel elle se pose. Une main qui calme, une main qui s'imprime au plus profond de son travail. Une main qui impose, impérieuse et douce, qui traduit plein, délié, point, virgule, une main qui écrit, qui ponctue tout ce qu'elle a décidé de donner à sa cliente. La cliente qui est la matière d'œuvre ; qui peut devenir le chef-d'œuvre de l'artiste. Cette esthéticienne a «une main». Quel joli terme! Bernadette Saumon (présidente des Enseignements de l'Esthétique) Margareth 2 Joëlle Marisa. - J'avais quatorze ans. Le professeur nous dit un jour : «Vous aUez faire un arbre. - D'accord.,. J'en avais très envie ; je me sentais toute petite, une petite graine, je me concentrais pour faire vraiment naître les branches, les yeux fermés ... quand tout d'un coup cette bonne femme vient derrière moi, me touche brusquement et dit : «Ce n'est pas comme ça un arbre ! Il faut que tu ouvres plus les doigts et que tu tournes ton corps vers la droite ..... Ah !. .. je ne voulais plus jamais entendre parler de théâtre ! Heureusement, j'ai eu par la suite un autre professeur qui me disait : «C'est celui-là ton arbre, il n'est pareil à aucun autre, il est très joli parce que c'est le tien et chaque arbre est très joli parce qu'il est réeUement l'arbre de quelqu'un et c'est ça le théâtre. On va faire une forêt qui sera très jolie à voir parce que chacun de nous va montrer son propre arbre.,. Et je pense que c'est cela, le groupe et l'individu : chacun est, chacun a quelque chose à exprimer, chacun a sa place et tout ça dans un groupe va faire une image très belle. Le théâtre c'est le respect de l'individu ; le respecter assez pour le prendre là où il est et l'amener tout doucement là où il pourrait ~tre... Marie-Jo. - C'est ce qui est difficile, l'y amener tout doucement, sans le choquer, sans le décevoir.•. C'est tout l'art de l'animation 1 M. - A ce propos, je pense deux choses contradictoires : pour faire des animations théâtrales, il faut que/qu'un de compétent. C'est très important ce que l'on fait, donc il faut mettre toutes les chances de son côté, il faut un professionnel qui connaisse son métier, je veux dire qui sente les crispations et connaisse le moyen de les dénouer. En m~me temps, je pense que le théâtre doit faire partie de la vie de tous les jours de l'école, y ~tre intégré, reconnu et que cela doit ~tre fait aussi par les profs parce que les profs sont la figure centrale de l'école. Fernande. - Déjà sans ~tre un profes· sionne/ du théâtre, il faudrait que tous les profs, dans n'importe quelle matière, 23 4 pensent, lorsque quelque chose paraît obscur aux élèves, à le leur faire jouer, mimer très simplement avec des gestes de tous les jours. Ainsi on aura ramené à la vie le corps qui dans l'école n'existe plus. On peut faire cela sans être spécialiste, simplement en étant bien conscient que le langage n'est pas uniquement fait de paroles; qu'on parle aussi avec nos yeux, nos gestes, notre façon de nous habiller, de nous conduire.. . Il me semble qu'il y a deux obstacles qui freinent les profs : d'une part les locaux et l'aspect traditionnel de leur utilisation et d'autre part la pauvreté de leur formation dans tout ce qui est rapports humains. A un moment, il avait été question d'inclure dans la formation des cours de diction et de maintien ... Après tout... Mais nous ne souhaitons pas d'outils de manipulation, peut-être moins d'infantilisation, plus d'ouverture de la part des administrations et plus de temps pour que les profs puissent participer à des activités de pédagogi~ «annexe» ... Cela n'empêche que la présence d'un animateur compétent est souhaitable pour permettre aux élèves d'aller plus loin dans leur expression, d'une façon plus juste, plus efficace car c'est un tout autre langage qu'un prof ne peut que difficilement posséder sauf s'il sy consacre totalement... Mais ce que j'ai remarqué, c'est le plaisir des élèves à 11ous voir participer avec eux à cette activité, même si nous sommes aussi néophytes qu'eux. Ils sont heureux qu'on s'asseye par terre comme eux, heureux de pouvoir aussi nous montrer d'autres performances d'expression que la rédaction qu'ils ne réussissent pas très bien, heureux de pouvoir enfin se toucher, te toucher toi, le prof 1 M. - Cela me rappelle une expérience de théâtre-image ; il s'agissait de montrer des profs et j'étais frappée par l'image que les élèves en avaient : celui-là qui ne sait pas quoi faire de ses mains, l'autre qui marche tout le temps, les jambes toutes serrées et je me demandais comment les élèves pouvaient compre11dre de la physique, des maths, du français avec un prof qui ne parle qu'avec des mots _pn opprimant continuellement so_y6rps... - M~-J. - m-srk'théâtre était un langage de pudeur, qu'il permette de dire ce qu'on n'ose ou ne sait pas mettre en mots ? Mettre une situation en scène, cela permet à tous les tenants de cette situation de se regarder, ce qu'ils hésitent ou ne savent pas faire dans leur imaginaire intérieur. Lorsqu'on est trop oppressé, on se polarise très fort sur, contre l'autre, on se veut ou victime ou spectateur mais passif de toutes façons. Le théâtre permet un autre regard, plus critique. On se met en scène et e11jin on peut se regarder, prendre le temps de le faire. M . ..:.... Et le théâtre est u11 outil complet, le moyen de laisser s'exprimer sur le même sujet le conscient, l'inconscient, l'imaginaire, la raison, l'intelligence... M.-J. - Le corps, c'est le tabou, l'impur. Toucher le corps de l'autre, le contact est d'abord vécu comme une offense. M. - Justement le théâtre apprend à se toucher sans drames et plus que cela, il nous révèle chez l'autre des richesses inconnues qui, sans la <<permissivité» dont l'acte théâtral est chargé, ne se seraient jamais manifestées. Et en découvrant l'autre, on se découvre soi-même. Et aussi cela permet de lutter contre l'emprise des modèles, puisqu'on fait une recherche de soi-même. Dans l'école, les élèves sont toujours rangés dans des catégories : celui qui est sage, l'insupportable, le fugueur, etc. Et il leur faut une énergie si énorme pour se défendre de ces idées toutes faites qu'ils n'essayent même plus mais au contraire s'appliquent à ressembler à ce que l'on dit d'eux. Le théâtre peut lutter contre cela, les aider à se montrer autres. M.-J. - Mais ce n'est pas si facile. Ce passage entre le moment où on leur impose quelque chose qui leur est étranger, où il faut qu'on les pousse car d'emblée ils ne vont pas représenter les choses mais rester figés, où il faut les obliger, en quelque sorte, à s'exprimer et le moment où ils proposent eux-mêmes les choses, ce passage-là m 'inquiète toujours. J'ai toujours peur de les blesser, je me demande toujours jusqu 'où on a le droit d'aller. C'est là que la présence de l'animateur me rassure. M. - La personne qui s 'occupe de ces choses-là doit être infiniment attentive à la fois au groupe et à chaque personne en particulier. Elle doit être attentive de tout so11 corps pour savoir jusqu'où elle peut aller, jusqu 'où on peut pousser. Je me souviens de tout petits. Tout d'un coup, j'avais l'impression que leur corps poussait, grandissait sur scène par leur façon de se tenir, par leur assurance. Ils étaient tellement persuadés d'être grands qu'ils l'étaient. Et puis, en sortant de scène, même si leur corps était encore petit, ils savaient qu'ils pouvaient être grands! A travers le théâtre, que tu prennes n'importe quel support, les élèves parlent d'eux, ils parlent de leur problématique, de leur joie. Cela me rappelle une situation vécue dans un C.P. Le C.P. est un passage difficile. JI y avait un enfant qui n'était pas agressif comme le sont parfois les garçons à cet âge, donc il ne pouvait pas se joindre à eux ; il n 'était pas 25 s une fille, donc.. . ,· il ne parlait pas beaucoup parce qu'il était allemand. .. et on travaillait avec des marionnettes qu'on fabriquait nous-mêmes. Chacun présentait sa marionnette, elles étaient toutes très gentilles, très belles, et voilà que c'est son tour: .. Moi, je suis un pirate, j'habite tout seul dans un bateau et je n'aime personne !» Alors tous les autres: .. Et même pas moi, ni moi••• ,. et à la fin du jeu, tout le monde était dans le bateau et vivait avec le pirate ! Et parallèlement les maîtresses se rendaient compte qu'il s'intégrait enfin à la classe ! Il fallait qu'il organise son bateau, donc il s'était mis à parler, à s'expliquer. Je pense que c'est possible aussi avec une maîtresse attentive, tout au long d'une année, mais avec le théâtre, ça va plus vite, c'est tellement naturel pour l'enfant de jouer, de bouger ! Le théâtre à l'école... M.-J. -Je voudrais parler de ce que représente pour les profs (puisqu'on est au début des animations), le fait de participer aux exercices «théâtraux» avec les élèves. Au début, beaucoup étaient inquiets, ils n'avaient pas l'habitude, ils avaient peur de «perdre la face» en quelque sorte, mais aussi ils avaient bien conscience que c'était une occasion pour eux de vivre avec leurs élèves quelques moments plus naturels où ils n'avaient pas besoin de se retrancher derrière leur enseignement. Ainsi, dans une des dernières séattces de théâtre-image, un prof a montré sa famille. Il est sûr que le théâtre modifie les relations entre élèves et élèves, entre élèves et profs, entre profs aussi mais nous, nous posons aussi une autre <cours!> question, celle du retour dans le < après cela... Demain, je vais reprendre ma place derrière ma table et je vais.. . sanctionner ? M. - Je sais que c'est très dur, mais je pense que tu ne fais pas assez confiance à tes élèves, ou bien que le travail n'est pas assez évolué. Si c'est un véritable travail qui a été instauré, non seulement ils vont remettre en cause ton rôle mais ils doivent aussi, pour que ça puisse évoluer, remettre en cause leur rôle. S'ils ont compris comment ils font pour t'obliger à les opprimer, ils comprennent le mécanisme de la classe et alors ils peuvent du moins choisir. Si le travail va assez en profondeur et que c'est toi qui mets en scène la classe et que tu mets la pagaille dans la classe, tu leur dis : .. AUez-y, faites le prof, débrouillez-vous ••• ,. Ils vont comprendre la part que prend chacun dans l'oppression, ils vont comprendre l'oppression que subit le prof. M.-J. -Qu'est-ce qu'apporte le théâtre dans les rapports des élèves entre eux ? Dans cette classe où j'ai des difficultés, les élèves se sont mis à parler depuis qu'il y a ce projet de théâtre ; ils ont encore du mal à dire ce qu'ils pensent de ce théâtre, ce que cela leur apporte ; ils sont encore très conditionnés par ce que les autres vont penser de ça. Deux garçons, mal acceptés par la classe, ont éprouvé manifestement du plaisir à la première séance mais ne sont pas revenus à la seconde parce que leur plaisir avait été mal interprété par les autres. Mettre en avant le plaisir de faire ou d'avoir fait quelque chose, c'est très difficile pour eux. M. - Dès le début, il faut imposer le respect de ce qui se passe, il ny a pas de ;ugeme11t. Le bon et le mauvais, ça n'existe pas dans le théâtre. Pour qu'ils puissent avoir du plaisir, il faut qu'il soit clair que tout le monde est accepté. Quand ils n'ont plus peur d'être jugés et qu'ils ont pu se montrer sans problème, à ce moment-là, les relations vont changer. On vit tout le temps avec le jugement, je te dis bonjour et je me demande comment tu as interprété mon bonjour. Et quand on a cassé cela, les rapports vrais ont commencé à exister. Les professeurs qui font du théâtre acceptent de dire que cela va changer les élèves, les rapports, mais ils disent moins facilement que cela va les changer eux aussi. M.-J.- Quand j'ai commencé à faire du théâtre avec le groupe Boa/, j'ai tout de suite pensé qu'il fallait l'utiliser en classe parce que cela se présente comme un outil... M - Je pense que la dimension de technique théâtrale est très importante. C'est ça qui empêche les élèves d'être simplement dans leur petit monde à eux, dans leurs petits problèmes à eux, il faut qu'ils nous fassent ressentir ce qu'ils ont découvert et alors cela prend une autre dimension. Il faut qu'ils le théâtralisent pour que cela profite au groupe. Il ne faut absolument pas perdre de vue la dimension collective, il ne suffit pas qu'un élève se développe, il faut que ce que chacun découvre soit retransmis au groupe qui le rend ensuite à chacun parce qu'ils vont aimer vivre dans ce groupe. Pourquoi un festival ? M .-J. -J'ai d'abord introduit le théâtre dans ma classe, puis peu à peu j'ai souhaité que cette expression soit communiquée à d'autres, d'autant qu'elle permet à l'autre de répondre autrement qu'avec des mots. Et lorsque j'ai vu, à la Cartoucherie, les élèves de Marisa jouer, j'ai tout de suite eu envie qu'ils viennent dans ma classe , montrer leur spectacle. Le contact entre les élèves de <Œa Source», assez favorisés et mes élèves de L.E.P. était presque une gageure. Pourtant, passé le moment des petits ricanements et des gênes inévitables, le contact s'est établi, à travers le théâtre. Le scénario proposé par les élèves de la Source soulevait des remarques : «Oui, c'est ça, oui ça se passe bien comme ça.>> Cependant, et ce n'est pas étonnant, l'image du milieu scolaire ne coïncidait pas et les élèves du L.E.P. ont souhaité le changer. Le public s'est trouvé tout à coup sur la scène, l'occupant entièrement pour exprimer à son tour son propre problème, dans son propre langage. La relation nous a paru d'une telle qualité, d'une telle force que nous avons désiré étendre, développer ce type d'échange, que cela ne se borne pas à nos deux classes mais que cela devienne un grand mouvement de communications, c'est de là qu'est né le festival. Propos recueillis par Fernande LANDA 27 Picasso, Juan Gris ... Le 29 juin 1940, KLEE meurt d 'une grave maladie qui le paralysait. Il a vait dû cesser de jouer du violon, mais jamais il n 'a cessé de peindre malgré la douleur. Petite biographie écrite pa r Corine, Françoise et Chr istine (10 ans) extraite de la B.T. n ° 743 Senecio, 1922, Kunsbnuseum, Bâle. Chemins de serpent, 1924, collection particulière, Be rne. Portrait de J'artiste, 1919, Passadena Art lnstitute, Californie. Paul KLEE est né le 18 décembre 1879 en Suisse. Son père était allemand et sa mère suisse. Tous les deux étaient musiciens. Paul KLEE suivit des cours à l'Académie des Beaux-Arts de Munich. Il voyagea beaucoup, puis se maria avec une pianiste. Lui-même jouait très bien du violon. De 1921 à 1934, il est prOfesseur au «Bauhaus», une école qui groupait des peintres, des sculpteurs, des architectes, des urbanistes ... tous chercheurs. En 1931, il quitte le "Bauhaus» pour enseigner à l'Académie des Beaux-Arts de Düsseldorf. Il est le contemporain de peintres comme Kandinski, La mort et le feu, 1940, Klee-Stiftung, Berne. La vieille, 1926. L'art ne restitue pas le visible: il rend visible. La couleur me possède. Point n 'est besoin de chercher à la saisir, elle me possède, je le sais. Voilà le sens du moment heureux : la couleur et moi sommes un. Je suis peintre. Les tableaux nous regardent mais, dans leur regard, c'est celui de l'artiste qui est sur nous. Mon étoile s'est levée, tout bas, sous mes pieds. Ou se tapit donc mon renard en hiver 1 Où dort donc mon serpent 1 J'ai tout été, tout aimé, tout goûté e t maintenant je suis astre glacé. Ici-bas, je suis insaisissable. J'habite chez les morts et les pas-encore-nés. Un peu plus proche du cœur de tout qu'il n'est d'usage, un peu plus loin qu'il ne faudrait. Les arts plastiques ne commencent jamais avec un sentiment poétique ou une idée, mais avec la construction d'une ou de plusieurs figures, avec l'action d'accorder quel- 30 Vous avez de 14 à 18 ans 1 Ce numéro vous a plu. Vous avez des textes, des dessins, des poèmes, des nouvelles, des bandes dessinées, des enquêtes, des reportages, etc., qui sont votre œuvre. Si vous voulez les publier, envoyez-les à Boomerang c/o C. Poslaniec Neuvillalais 72240 Conlie Ils serviront à la création d'une revue d'expression des Pascal Decourt nous a fait parvenir de Saint-Rémy-sur-Creuse la gentille lettre cidessus des C.P. , C.E.l et C.E.2 ainsi que leur journal scolaire : Tout P'tit. Dans la vie de la classe, la poésie Un quatrième livre vient de paraître chez Casterman, couronnant la série : Poèmes d'enfants : La clé de la porte perdue, Comme je te le dis. Poèmes d'adolescents: Avec ces quelques mots qui enfantent le jour. Il répond aux questions que ces trois recueils - dont le succès a été considérable - ont suscitées. Comment ces poèmes sont-ils nés ? Par imitation ? A la suite d'exercices? Individuellement ? Collectivement ? Il apporte des témoignages très divers, d'élèves, d'anciens élèves - comme Joëlle : voir extrait ci-contre - et d'enseignants. Il est intitulé Invitation au poème Lisez-le, faites-le connaître autour de vous : c'est un moyen de plonger au cœur de notre pédagogie et de la comprendre d'emblée, de l'intérieur, dans son dynamisme créateur. 1~1Bans:Boo~nerang. Le palais du facteur Cheval (( Mes textes, je sais, en les relisant, à quoi ils font référence et ce qu'ils voulaient dire pour moi. Ils ne peuvent vous parler de la même manière qu'à moi. Moi seule peux les comprendre à fond, ils viennent de mes tripes 1 Pas de leçons apprises. Je ne donne à personne le droit de dire qu'ils ne sont pas de moi. D'ailleurs, il y a les brouillons. J'ai profité du congrès de Grenoble pour aller visiter le palais du facteur Cheval. Pour qui connaît l'existence de ce palais, encore faut-il savoir qu'il se trouve dans la Drôme, à Hauterives. Les renseignements ne pullulent pas sur ce sujet et rien dans la région ne le signale particulièrement au touriste ignorant (à moins que j'aie mal vu 1) C'est pourtant un monument classé par Malraux en 1969. Je continue à écrire maintenant, malgré tout, mais je me demande bien pourquoi... Chaque enfant faisait sa fleur, ses progrès, de jour en jour. Il s'épanouissait, s'ouvrait comme un bourgeon sans que rien le contraigne. Comment pourrais-je mieux dire ? Il n'est rien de plus simple que d'écrire un poème dès qu'il vient à l'esprit lorsqu'on sait qu'on pourra le faire lire à quelqu'un, en discuter avec passion... J'aimerais encore être une enfant, je me serais mise à une table pendant tout un mois, isolée, épiée, et j'aurais écrit sous surveillance... Trente poèmes, ça fait un paquet, non ? Personne n'aurait pu dire que je les avais appris par cœur : de plus, je suis certaine que je n'aurais pas été à court d'imagination ... Au contraire. Puisque la vie est un réquisitoire... Puisqu 'il faut sans cesse se défendre, mordre, se dresser, j'écris cela. Ce n'est rien que le témoignage de mon indignation, pour ceux qui, par ignorance, peuvent douter de l'authenticité des pensées d'enfants, des fleurs d'enfants. JJ J'avoue que l'émotion ressentie à la visite de ce palais a été à la hauteur d'une curiosité inassouvie jusqu'alors puisque j'avais dO me contenter d'un bout de reportage à la télé il y a longtemps. Cheval était un facteur, du temps où les facteurs allaient à pied ; ainsi parcourait-il chaque jour trente-deux kilomètres (est-ce pensable à notre époque ?) au cours desquels il ramassait les belles pierres qu' il rencontrait ; celles qu'il trouvait belles, lui, parce qu'elles lui «parlaient». C'est de cet amour des pierres que lui est venue l'idée de bâtir de ses mains le palais idéal, «œuvre d'un seul homme» qui lui coûta dix mille journées, 93 000 heures et 33 ans d'épreuves, avec pour seuls compagnons sa brouette et ses outils de travail. Né en 1836.• il est mort à 88 ans en 1924. Le palais est terminé en 1912 et en 1914, après le décès de sa femme, il entreprend la réalisation de son tombeau au cimetière, auquel il consacrera dix ans. Construit dans la cour de sa maison, le palais est une bâtisse à la dimension humaine (25 m sur 12 m). Véritable dentelle de pierre, ce temple, partout empreint de la Commentaires sur le n ° 2 Nous venons de recevoir le n° 2 de la revue. Nous ne pouvons que confirmer ce que nous avons déjà écrit à propos des «travaux inspirés de ... ». Cela ne nous paraît pas convenir du tout et à ce propos, ce que nous voudrions, c'est que l'on nous réponde à la question suivante : à quel aspect de la pensée de Freinet corespondent ces travaux «inspirés de ... » ? Autrement dit, quelle ligne de pen$ée propre à notre mouvement justifie la présentation de travaux de ce type ? Nous répétons ce que nous avons déjà écrit ; nous pensons que ce genre de travail ne peut être qu'occasionnel et transitoire et qu'en faire une méthode d'action pédagogique n'est pas dans le sens de la pédagogie Freinet. Mais peut-être nous trompons-nous. En ce cas nous voulons être convaincus. C'est pourquoi nous posons la question . Et pour reprendre l'expression de Jacqueline Bertrand, nous ne trouvons pas dans les paysages présentés dans le n° 2 «l'éblouissement de la couleur jaillie spontanément des mains préservées de l'enfant » ou plus justement au niveau des adolescents, le retour évident à cet éblouissement. Guy et Renée Goupil L'enfant et les pratiques photographiques en milieu scolaire et périscolaire nain laborieuse de l'homme, est un émou·ant hommage à la nature à laquelle il mprunte toute sa source d'inspiration. Tout 1'est que sculpture. Pas un brin de surface 1'est épargnée par la main de l'homme. :haque pilier, chaque colonne, chaque oûte, chaque courbe nous rappelle la 1ature ; les trois règnes y sont abondamnent représentés et l'homme y prédomine n parfaite union avec les plantes et les nimaux. La luxuriance de la décoration en as-relief, dentelle de pierre, en fait un lieu l'émerveillement. Chaque face est à regarder lans son ensemble et dans le détail, haque coin est à inspecter ; les yeux sont wités à couvrir toutes les. directions. J'ai u la sensation de pénétrer dans une culpture, d'en apprécier les contours mais urtout l'intérieur, le ventre. On y sent homme créateur dans le moindre espace, mpreint d'une mystique profonde et déborant de vie. Les murs lui ont servi d'écri)ire et ses annotations sont leçon de vie, 1ême si l'on ne partage pas la religiosité e certains propos . L'humilité et le courage aignent la force créatrice de cet homme 1odeste qui élève l'art au niveau du quotiien et lui donne toute son imposante oblesse. 'ai vraiment aimé cet endroit ; j'ai pensé à atin (en Mayenne) et à Gaudi en Espagne. :es lieux sont à voir avec des yeux grands uverts, et à faire connaître. Le palais du lcteur Cheval est en train de se détériorer ; ourquoi l'argent perçu à l'ent rée ainsi que le roduit des ventes (cartes postales, livres) ne ervent-ils pas à assurer sa conservation ? lne magnifique plaquette tirée en hélioravure présente des vues d'ensemble et de étails du palais. Anto Alquier Tel était le colloque organisé par l'atelier des enfants au Centre Pompidou le 23 janvier. A Paris ce jour-là, j'ai pu assister à la table ronde animée par Ginette Blery - critique qui clôturait cette journée au programme chargé. Le matin avaient eu lieu des présentations de travaux réalisés un peu partout en France. J'ai relevé des intervenants venant de Biarritz, Avignon, Dijon, Arles et bien sûr la région parisienne. Une cinquantaine de personnes assistaient à la table ronde, et les propos échangés m'ont permis de me rendre compte qu'il se fait quelque chose en photo avec les enfants, que les recherches sont variées quant au mode d'exploration de la photo. J 'ai noté dans les discours entendus le souci de préserver la notion de plaisir chez l'enfant, la recherche du dialogue avec le monde qui l'entoure. C'était de photographie à développement instantanée qu'il s'agissait. J'ai fait part de la recherche que j'ai entreprise cette année avec mes élèves de 5• dans le cadre d'un projet d'action éducative, sur le thème : «Ou'est-ce que je peux dire avec une photo ?» Le but que je poursuis, audelà du plaisir, est celu i d'une maîtrise d'un appareil photo de qualité, l'initiation au développement en même temps que la rec~erche d'une expression par la photo. Comme 11 peut y en avoir une en écriture, peinture, etc. Je recherche des camarades qui auraient cet objectif, c'est-à-dire celui d'aller beaucoup plus loin que la photo illustration, reportage ou photogramme. L'atelier des enfants propose des stages de formation destinés aux enseignants, animateurs et éducateurs. Ces stages variés, alléchants, d'une durée de trois ou quatre journées (9 h à 12 h et 14 à 18 h) coûtent dans les 500 F. Anto Alquier Nous avons reçu du C.N.D.P. un dossier pédagogique audiovisuel qui a pour titre : Donner forme à l'indéterminé - RVE 56 Il est proposé comme l'«un des chemins de la création». Il est composé de 12 diapositives, 1 livret et 1 disque souple. Les douze images sont des photos, difficilement lisibles au premier abord. Elles . imposent un regard attentif, 'interrogent, éveillent la curiosité. L'œil est obligé de fouiller l'image et pendant ce temps, l'imagination vagabonde. Pourtant, la photo ne retranscrit que du réel par l'intermédiaire de l'œil qui a choisi, sélectionné, cadré ce bout de réel. La projection de ces diapositives est une ouverture vers l'imaginaire et montre com- ment le «concret» peut devenir «abstrait» selon le regard que l'on choisit de jeter sur l'environnement. A partir de ces vues on peut envisager des pistes de recherche. C'est un moyen de réveiller l'œil endormi, l'imaginaire engourdi. C'est un autre regard posé sur le monde. Le livret explicatif des photos propose des activités diverses qui me paraissent intéressantes. Le disque souple propose un soutien sonore aux images par des textes et des musiques. Ce dossier mérite toute notre attention. Anto Alquier 31 • r r 1 • Théâtre de création Exposition 1 000 poèmes-affiches .. Films vidéo Musique rock et folk A Paris, début juin Des informations précises paraÎtront dans la presse L 'exposition sera visible durant tout le mois de juin aux librairies Alpha du Marais, 13 rue du Temple, Paris (I V•) et Marée Noire, 44 rue Vieille-du· Temple, Paris (I V•) Une mini-exposition poésie p eut être obtenue en écrivant à la librairie Alpha du Marais Ce festival est réalisé avec l'aide du Ministère de l'Education Nationale. Responsables de la rédaction : Anto Alquier, Geneviève Bouchet, Robert Poitrenaud, Bernard Trincavelli. Maquette: Bernard Trincavelli. Ont participé à la rédaction de ce numéro : Anto Alquier, Marisa Celestino, Marie-Jo Confolens, Rui Fratti, Guy et Renée Goupil, Fernande Landa, Janou Lèmery, Monique Ménard, Jeanne Monthubert, Jeannette Roudier-Go, Marie-Claude San Juan, Bernadette Saumon. Publication éditée, imprimée et diffusée par la COOPËRATIVE DE L'ENSEIGNEMENT LAIC !C.E.L.I Cannes La Bocca IAi pes·Maritimesl. France Directeur de la publication : Guy Champagne Loi n• 49-956 du t6 juillet 1949 sur les publicat1onsdestinéesâ la jeunesse, 5· 1982 Comité de direction : Guy Champagne, Jacky Chassanne, Jean-Claude Colson, Georges Delobbe, Maurice Marteau, Jean-Louis Maudrin, instituteurs Date d'édition : 5-1982-DépOtlégal : 2- tnmestre 1982 N° d'édition : 1461 - N•d'impression : 5641 N" C.P,P.A.P. : 53288 PUBLICATIONS DE L'ÉCOLE MODERNE P.E.M.F. Pédagogie Freinet Rédaction et abonnements : B.P. 109, 06322 Cannes La Bocca Cedex. Tél. (93) 47.96.11 . C. ~. P . : P.E.M.F. 1145-30 D Marseille. 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