Sommaire
MAI
1982-
Abonnement annuel
(6
num
éros) : 85 F
2 Appel
au
pouvoir de création des adolescents.
3
Erhard
Stiéfel
et
ses masques. 6 L'enfant
et
Guernica. 12 Textes libres. 14 Nabile Farès, poète.
15 Fiches détachables. 19 Poèmes d'adolescents.
22 Maquillage.
23
Un festival de théâtre d'ado-
lescents. 28
Paul
Klee. 30 Courrier des lecteurs.
Photographies : Pedro Guimaraès : couverture,
p.
3 à 5 et 23
à 27. François Goalec :
p.
2, 9, 10 et 11. Document Ed. Hazan :
p. 6-7 et 28-29. Nicolas
Go:
p. 8. A.A.A./
Naud:
p. 19.
Marie-Claude San Juan :
p.
21
et 22. Vincent Arnaud : p.
24
en
bas.
Yves
Rousselet : p. 25 (les deux
du
milieu) et 26-27.
Giraudon/Lauros : p. 29. Alain AJquier : p. 30 et 31.
0
Appel
aux pouvoirs de création
des adolescents
Il ne tient qu'en partie aux
éducateurs d'aider à ouvrir les
portes, à déployer les ailes, à
trouver
le
rythme allègre de la
danse et de la fête dans le
travail.
Toutes
les pistes
d'expression libre n'ont d'autres
raisons d'être que d'étancher la
soif d'exister, de dire, de
peindre, de modeler, de danser,
de communiquer, de construire
sa personnalité au coude à
coude avec la
vie
, explosion de
joies ou de rires, cris de colère,
d'agressivité, amertume déjà.
La
peinture, le drawing-gum, la
craie d'art, l'encre d'imprimerie
doivent épouser le clair
et
le
gris
des jours,
le
calme ou la
vio-
lence des
heure~
.
l'ébauché de
la main maladroite
et
la maîtrise
du poignet délié.
Le
corps, la marionnette, le
masque doivent réverbérer
le
double des souffrances, des
rictus, des provocations ou de la
SI
je
pouvais éclater
au
milieu d'une
foule que
je
ne connais
pas
Si
je
pouvais dire ce que
je
pense
Crier, rire, souffrir
au
milieu de gens
qui
ont souffert
Ouvrir
la
porte vers la liberté
Courir vers l'immensité de
la
gloire
...
Je
voudrais être
un
ange au milieu de la
vie qui tourne comme
un
disque déchiré
un
démon
au
milieu des
fla1Jlmes
qui a
trouvé le rythme de
la
danse
Je
voudrais changer le monde
et
lui
donner les formes de l'espérance
et
de
la
fête
être le couple artiste
et
le peuple specta-
teur
changer de vie
pour
en
porter une autre
démystifier les secrets de
la
pièce dans
la
comédie ou
la
tragédie des jours
...
Isabelle
(3
D)
magnifiera.
Le
maître, élément
averti du groupe, impulsera de
son dynamisme et de sa cul-
ture ces cultures naissantes, em-
bryons de projets, d'idées étran-
ges, originales, venues du plus
profond de chacun mais qui ne
doivent pas rester embryons.
Pas d'abandon de personne à
ses premiers cris, ses premiers
graffiti, ses premiers gestes
sinon la chrysalide restera
fermée, la joie du dépassement
en commun, difficile mais gra-
tifiante, ne serâ jamàis ressentie,
vécue.
La
routine médiocre
s'installera et les bras d'aban-
don s'alourdiront dans -l'amer-
tume.
Levons les têtes, tendons les
bras, déplions toutes les res-
sources coopératives des désirs,
des bonnes volontés, bandons
toutes nos énergies, nos ten-
dresses pour organiser le travail,
humaniser les relations, atténuer
sérénité, de l'espérance, du rire vrai. La parole est
comme elle est : étouffée, pleine, agressive, poétique,
narrative, convaincante
par
le
miracle sans cesse renou-
velé du texte
et
du chant libres, chant intérieur
et
unique de l'enfant d'homme qui
se
cherche, s'avance
vers la vie, est la vie.
l'agressivité, colorer les murs, prendre pouvoir
sur
l'espace
devenu nôtre.
Tout
geste libéré, toute parole dite, tout message graphique
griffonné sont des ébauches de communication
qu'un
groupe attentif, aidant, rendra sonores, amples, déliera,
Rien ne sera encore facile. Les vagues déferleront à chaque
heure
et
rogneront nos enthousiasmes mais
si
plusieurs
Isabelle vous crient à l'oreille : «Si
je
pouvais
...
» vous
ferez en sorte que le maximum d'adolescents puissent
renaître, vivre, s'épanouir afin d'être porteurs bientôt des
espoirs d'une société nouvelle. ]anou Lèmery
ef
ses
asgue.s
Prop
os
r
ecuei
lli
s
par
Marisa Celestino
et
Rui Fratti.
Un arti
st
e-artisan
Suisse, trente-neuf ans, travaillant depuis
dix-huit
ans à
côté
d'Ariane
Mnouchkine, il est
le
créateur
de
tous
les
masques utilisés par
les
acteurs du Théâtre
du Soleil.
((Avec Ariane
on
est en parfait accord,
on
a
évolué ensemble, on sent les mêmes
choses.
On
ne s'est jamais trompés, on n'a
jamais fait
jouer
par
quelqu'un un masque
qui
est mauvais.
JJ
Plus encore qu'un «Super» fabricant de
masques, Stiéfel participe entièrement à
la
vie de la troupe du Soleil.
Il
est présent à
toutes
les
répétitions et propose aux
acteurs des exercices pour aider à
la
découverte du personnage, à
sa
compo-
sition
et
à son enrichissement.
((C'est au
fur
et
à mesure
de
répétitions
qu'on
se
rend compte
si
un
masque est
nécessaire
ou
pas.;;
Moi,
l'
a
ct
eur et
le
m
as
qu
e
Je fais des masques uniquement
pour
((
les amis,
pour
les gens que
je
connais
vraiment,
dont
je
sais
comment
ils tra-
vaillent. Je ne fais aucun commer
ce
et
je
ne
peux pas faire un masque
sur
commande.
JJ
Les
masques de Stiéfel sont faits pour
le
comédien qui
va
les
porter, et sont
tout
à
fait ajustés à son visage.
A l'extérieur du masque,
le
visage du per-
sonnage et à l'intérieur,
le
visage du comé-
dien. L'intérieur du masque devient
le
miroir
du comédien.
La
fa
brication
d'un
masque est tr
ès
longue.
Pou
r faire
les
cinq masques
en
bois, uti-
lisés dans Richard Il, Stiéfel a travaillé près
d'un
an.
Tou te
la
première partie du travail
es
t très
solitaire. Stiéfel est seul avec son idée et
sa
création. Une fois que le masque
es
t
prêt, que
le
bois est sculpté, que
le
visage
du personnage existe déjà,
tout
un travail
«à
deux» va commencer. Stiéfel et
le
comédien vont être ensemble pour sculpter
l'intéri
eu
r du masque qui deviendra
le
deuxième visage du comédien. Ensemble
encore, ils vont trouver le corps
et
la
per-
sonnalité du masque. Ensuite, c'est
au
tour
du comédien d'être seul,
de
faire vivre son
masque tous
les
jou
rs
sur
la
scène.
((C'est très intime ce
qui
se passe entre
l'acteur
et
moi.
Il
faut que l'acteur
ait
une confiance
absolue dans son masque.
Il
s'abrite
derrière le masque
et
en
même temps
il
s'appuie dessus. Le masque c'est
plus
qu'un
point
de
repère, c'est son complice.
Chaque fois que l'acteur a un problème
il
revient
vers
le masque, parce que c'est
qu'on
trouve une vérité de jeu. Le masque
aide, éclaircit. On sait
tout
de
suite ce
qu'il
faut faire
ou
ne pas faire avec un masque.
JJ
3
Le
ma
sque, une question
de coup de foudre
C'est une des ((disciplines;; les plus
((
difficiles
du
théâtre.
Il
y a des acteurs
qui
choisissent un masque
et
le
jouent
tout
de
suite. Pour eux, c'est
évident
et
facile. D'autres n'arriveront
jamais à trouver le
jeu
du masque.
John,
par
exemple, est venu me
voir
tous
les jours pendant que
je
travaiÏiais. Le matin
et
le soir, pendant deux minutes. C'était
rituel. Quand le masque a été prêt,
il
l'a
pris,
et
a
pu
jouer
tout
de suite. Il n'a
jamais appris.;;
John est
le
plus jeune acteur du Théâtre
du Soleil, il a vingt ans et il joue un vieillard
de quatre-vingt-deux ans.
Il
nous raconte :
((Je ne mets pas
mon
masque
au
début. Je
m'échauffe,
je
mets
mon
costume,
petit
à
petit
je
commence à sentir
mon
per-
sonnage
et
tout
à coup
je
mets
mon
masque. A
partir
de ce moment,
je
me suis
transformé ;
je
change ma voix,
je
ne peux
plus rigoler
et
je
sais que
bientôt
je
vais
mourir
sur
scène.;;
Erhard Stiéfel poursuit :
((L'acteur balinais,
par
exemple, avant
de
mettre le masque,
il
regarde son intérieur
comme dans un miroir,
il
danse avec,
et
à
un
moment
donné
il
sent
qu'il
peut
le
mettre. Pour
sa
premtêre rencontre avec
un masque,
il
l'accroche
sur
un arbre
et
il
médite devant toute une journée. Quand
moi
-même
je
l'ai
fait,
au
bout
de cinq
heures j'avais les larmes aux yeux, tel-
lement j'étais heureux, parce que c'est
que
j'ai
appris quelque chose. Après, quand
je
l-'ai
mis
sur
mon
visage, j'étais dans un
((état;;.
J'essaie
de
transmettre
un
peu de
tou
t
ça
aux comédiens.
Ce
n'est
pas
pour
rien que
toutes ces grandes civilisations
ont
leurs
masques
et
que cette tradition est
tout
à
fait vivante et existe depuis des stëcles.
Le théâtre devrait être un rituel
et
le
masque en est
un
sûrement.;;
Le masque est vivant,
ce
n'est
pas un objet
P
our
faire un masque, il faut ê
tr
e dans
((
un ffétat limite;;, comme quand un
comédien joue.
Un Balinais
par
exemple, avant de faire un
masque,
va
couper son bois dans la forêt,
au
moment
précis
de
la
nuit
la lune
commence à monter. Son bois est sacré.
Avant
qu'un
masque soit fim: chaque fois
que
je
quitte ma table de travail,
je
le
couvre...
par
pudeur.
Ça
ne
peut
pas
se
voir encore. Un masque,
on
ne
peut
le voir
que dans le meilleur de lui-même. Et, à la
minute
le
bout
de
bois devient vivant,
je
l'enferme, parce que
j'ai
peur
...
;;
Rappelons-nous l'aventure
de
Gepetto avec
Pinocchio ...
((Un masque, lorsqu 'il est terminé, l'esc
définitivement.
On
ne
peut
pas le corriger.
On
ne
peut
rien ajouter,
ni
rien enlever.
Une fois que le masque est prêt,
il
fa
ut
trouver son corps.
Au
fur
et
à mesure,
on
l'habille, on cherche le personnage, on le
situe socialement et on découvre le thèm
e.
C'est ainsi
par
exemple,
qu'on
a créé
l'AGE D'OR.
On sait
si
le masque est bien quand,
pour
la
première
foi
s,
il est
sur
scène, avec
costume
et
acteur.
Là,
c'est beau
ou
c'est
pas bien.
On
le sait
tout
de suite, à la
premtëre seconde. Il y a des masques
morts. Ils ne
jouent
pas. Ils n'arrivent pas à
faire sortir le personnage.;;
Deux problèmes de moins
J usqumaintenant on ne pouvait jamais
parler avec un masque entier.
En
Afrique ou
en
Orient, on porte des
masques entiers, mais on ne parle pas.
Les
masques de
la
comedia dell'arte sont
des demi-masques pour permettre
la
parole.
Stiéfel inaugure dans Shakespeare
le
masque articulé
(le
menton est ajusté avec
un système d'élastique). C'est une techni-
que très récente q
ui
représente une
grande ouverture,
un
début qu'on
va
explo-
rer maintenant.
Autre inauguration avec Shakespeare :
le
masque adapté à
la
tragédie. Jusqu'à
présent on n
'y
pensait même pas, il
n'existait que pour
la
comédie.
Mon
premier masque,
je
l'ai
fait à quatre ans,
pour
le carnaval.
En
suite ...
Elève
aux Beaux-Arts
en
Suisse et
en
France
(p
einture et sculpture), élève à
l'Ecole de Théâtre de Jacques
Le
coq.
62
-
63
: élève à L'Ecole Kyoto (Japon),
traditions de
ma
sques Nô.
A partir de
1964,
travail avec
le
Théâtre
du Soleil.
1980
: fabrication des masqu
es
pour
la
pièce Carta Diva, de Mauri
ce
Béjart.
1980
: exposition «Métier
de
l'Art»
, Musée
d'Art
Décoratif.
1981
: exposition au C.N.R.S. ; partici-
pation à
la
table rônde : «Masques, danse,
théâtre et rituel».
1981
: fabrication de marionnettes pour
Faust de Vitez, au Théâtre National de
Chaillot.
Bientôt,
en
82
: exposition à l'école
Jacques Lecoq.
Marisa CELESTINO
et
Rui FRA TT/
5
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