13
Elle trouve, sans aucun doute, ses origines dans la convic-
tion du « bien faire », voire du « mieux faire ». La recherche
d’une place identifiée pour l‘anesthésiste-réanimateur dans
le parcours du patient comme dans l’espace de référence
pour les soignants est une autre possibilité… mais aussi la
nécessité de gérer les flux en s’écartant de la position de sim-
ple prestataire d’actes techniques.
LES PÔLES, « GRANDES SURFACES
DE SOINS »
La question n’est alors pas tant celle de la gestion des anti-
coagulants ou de l’antibiothérapie que de savoir si un anes-
thésiste mérite une place dans un service de soins, et
laquelle ?
Une unité de soins chirurgicaux, avec son personnel, avec
ses habitudes devenues aujourd’hui ses protocoles, avec ses
rythmes, voire ses rites, est indiscutablement un espace de
reconnaissance professionnelle. Que le chirurgien y occupe
une place de choix ne souffre pas de contestation : il est le
responsable médical référent du service pour sa spécialité,
depuis l’entrée jusqu’à la sortie du patient. Mais l’anesthé-
siste-réanimateur doit aussi pouvoir y jouer son rôle, y exer-
cer la pleine dimension de son métier dans des prises en
charge qu’il maîtrise. Il peut ainsi y faire valoir son expertise,
à égalité de droits et de devoirs avec le chirurgien, dans la
gestion des soins non chirurgicaux qui sont de son domaine
de connaissances. Le manque d’effectifs ou de temps dispo-
nible pour une équipe n’est pas une saine justification ni tota-
lement recevable pour accepter de voir arbitrairement sup-
primer cette prise en charge alors que le MAR a su, si
longtemps, y tenir une place essentielle. À l’ère des pôles,
« grandes surfaces de soins », il faut aussi savoir préserver
les relations professionnelles de confiance qui doivent se
tisser avec les personnels paramédicaux, avec les cadres, les
directeurs administratifs et les secrétaires… La vie profes-
sionnelle ne se résume pas aux actes techniques, mais
impose que l’acte intellectuel s’organise dans un milieu
favorable.
C’est dans ce contexte de prise en charge globale que l’on
peut craindre que la cession d’activités, jugées – par qui ?
– désormais non stratégiques, pour satisfaire à l’injonction
du recentrage sur le cœur du métier, puisse conduire à
une prise en charge moins efficace et, à terme, plus coûteuse
pour les patients. Bon nombre d’aspects médicaux, histo-
riquement couverts par les MAR en périopératoire, en
feront les frais si ceux-ci doivent s’inscrire dans la logique
exclusive de la prestation d’actes au bloc.
Il est clairement démontré que la sécurité anesthésique a été
largement assurée par l’organisation de la consultation à dis-
tance, confortée par la visite préanesthésique, la veille. La
sécurité peranesthésique est, quant à elle, aujourd’hui assu-
rée grâce aux procédures mieux codifiées, à la médicalisa-
tion de l’acte d’anesthésie, à la qualité du monitorage et sur-
tout, à des produits d’anesthésie administrés de manière
scientifique, modélisée, plus qu’empirique... La notion,
récemment émise, de décès évités comme indicateur de la
performance d’une équipe « médicochirurgicale » mérite que
nous considérions l’investissement de notre spécialité dans
ce champ-là. D’évidence, ce n’est pas en nous recentrant
à marche forcée sur les blocs opératoires que notre contri-
bution sera optimale en périopératoire.
ANESTHÉSIE-RÉANIMATION « ÀLA
FRANÇAISE » : UN CORPS DE MÉTIER
Cette logique d’anesthésie-réanimation « à la Française », bien
plus que le cœur de métier (ne devrait-on pas dire le corps
du métier ?), est aujourd’hui mise à mal du fait de contrain-
tes démographiques et économiques qui obligeraient à un
recentrage tant espéré des gestionnaires. Veut-on voir les
anesthésistes évoluer vers un profil de fonction qui tiendrait
plus du technicien de bloc opératoire que du médecin pra-
ticien à part entière qu’il est encore aujourd’hui ?
Changer la culture de l’anesthésie à la Française ? Pour-
quoi pas si, après une réflexion nourrie, tous les acteurs
sont d’accord ? Mais il faudrait alors en accompagner l’or-
ganisation pour s’assurer de la réalité du transfert de
responsabilités comme des compétences.
Quant au cœur du métier, la fausse bonne idée est d’ima-
giner qu’en saturant le bloc opératoire d’anesthésistes, l’ac-
tivité chirurgicale va automatiquement croître. De nombreux
FOCUS
Enfin, le MAR doit entretenir avec ses patients des
relations en amont et en aval, lors des soins pré- et
postopératoires, qui donnent toute sa valeur à la
suppléance des fonctions vitales qu’il assure en per-
opératoire, certains diront, au cœur de son métier.
Alors, le MAR doit-il cesser de prendre le temps de penser la
renutrition, de réaliser une réhydratation adaptée aux besoins
des patients âgés, d’assurer le dépistage et le traitement éner-
gique d’affections intercurrentes, de décider la suppression de
certains médicaments inutiles, donc dangereux ? Doit-il cesser
d’environner le patient et sa famille d’une prise en charge adap-
tée de la douleur et des troubles du sommeil, quand on sait
qu’ils sont autant de facteurs qui interviennent dans la qualité
et le succès des soins pour lesquels le MAR a longtemps joué un
rôle déterminant ? Le doit-il, le peut-il encore ? Vaste question
dont la réponse ne réside pas exclusivement dans le champ de
l’économie, mais plutôt dans celui du raisonnable, ou du bon
sens.
Suite page 14
phar-45:phar-45 26/06/08 17:33 Page 13