L’Homme
Revue française d’anthropologie
200 | 2011
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Comptes rendus
Édition électronique
URL : http://lhomme.revues.org/22919
ISSN : 1953-8103
Éditeur
Éditions de l’EHESS
Édition imprimée
Date de publication : 21 novembre 2011
Pagination : 227-283
ISSN : 0439-4216
Référence électronique
« Comptes rendus », L’Homme [En ligne], 200 | 2011, mis en ligne le 09 novembre 2013, consulté le 06
janvier 2017. URL : http://lhomme.revues.org/22919
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© École des hautes études en sciences sociales
Comptes rendus
Histoire & epistémologie
Alan Barnard & Jonathan Spencer, eds, The Routledge Encyclopedia
of Social and Cultural Anthropology, Second edition. London-New
York, Routledge, 2010, 855 p., gloss., index
1 CETTE ENCYCLODIE monumentale en un tome était initialement parue en 1996 chez
Routledge, le plus prestigieux éditeur britannique pour livres savants. Sa réédition est
plus que bienvenue. Les responsables de la publication sont tous deux professeurs
d’anthropologie à l’Université d’Édimbourg, en Écosse ; ils ont réuni une centaine de
collaborateurs. Pour le chercheur de langue française, cet ouvrage derence en anglais
aura l’ampleur et l’approfondissement du Dictionnaire de l’ethnologie et de l’anthropologie,
dirigé par Pierre Bonte et Michel Izard1.
2 Les notices clases alphabétiquement font ralement entre deux et cinq pages ;
celles-ci sont souvent d’une grande clar, me pour celui qui ne maîtriserait pas
parfaitement la langue anglaise. On y retrouve autant des concepts (iologie, identité,
mythe, race), des noms d’auteurs, des régions, des thèmes (les émotions, le corps, le
tourisme), des sous-disciplines et des intersections entre les domaines (film, genre,
anthropologie éthique, anthropologie urbaine, anthropologie visuelle). En outre, cette
édition mise à jour et augmentée comprend quelques nouveaux développements
consacrés, entre autres, aux organisations non gouvernementales (ici « NGOs »), au
oliralisme ou à la notion de diaspora (p. VIII).
3 Un grand dictionnaire de ce genre a deux fonctions principales : fournir des définitions
éclairantes, mais aussi proposer des pistes de réflexion pertinentes et fertiles. En ce sens,
l’ouvrage pond souvent aux attentes en proposant des discussions étoffées sur un bon
nombre de concepts, d’auteurs et de sujets, bien que des définitions concises (pourtant si
importantes pour les étudiants) n’apparaissent pas toujours d’ente de jeu dans les
notices. C’est d’ailleurs le principal défaut de ce livre : on ne sait pas toujours où trouver
une définition synthétique de telle idée ou de telle notion. Ainsi l’article
« Postmodernisme » crit-il amplement les débats cents autour de cette idée (depuis
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les années 1980), tout comme les liens unissant le postmodernisme au structuralisme, au
multiculturalisme et aux études culturelles, sans pour autant en proposer une définition
succincte (pp. 562-564).
4 Examinons quelques exemples représentatifs. Tel un passage obligé, la notice
« Structuralisme » évoque d’emblée le parcours de Claude Lévi-Strauss, à New York puis
en Amérique du Sud durant les années 1940 ; on précise l’influence primordiale de la
linguistique saussurienne et du totémisme ; enfin, on compare les principales
publications sur le sujet (p. 670). Une autre notice est par ailleurs entièrement consacrée
à Claude Lévi-Strauss (pp. 423-427).
5 Compte tenu qu’il s’agit d’une somme émergeant du monde anglo-saxon, certains thèmes
abordés ici ne se trouveraient probablement pas dans des ouvrages équivalents français :
par exemple, cette excellente analyse des « Cultural Studies », qui retrace les
contributions de Richard Hoggart et de Raymond Williams, mais aussi de leurs
continuateurs, tout en situant les aspects connexes de cette approche éminemment
transdisciplinaire (p. 166). Plus loin, l’article substantiel « Méthodologie » présente
successivement une série de méthodes de collecte de données (étude de cas, récits de vie)
et situe quelques problèmes théoriques reliés à l’application de certaines de ces méthodes
(p. 464). Toutefois, parmi les textes les plus faibles de l’ouvrage, « Histoire de
l’anthropologie » semblera beaucoup trop centré sur la Grande-Bretagne et le monde
anglo-saxon, accordant une très large place à Malinowski et à Radcliffe-Brown alors que
pratiquement aucune autre tradition anthropologique n’est incluse (p. 349). En outre, les
lecteurs français s’étonneront probablement de ne pas trouver d’ente pour Marcel
Mauss, l’auteur de l’Essai sur le don2 ; son nom est mentionné au passage dans d’autres
notices et également dans l’annexe contenant des courtes biographies d’auteurs (p. 743).
Enfin, on aurait souhaité trouver des développements sur la narration ou le cit narré
narrative » et « storytelling »), termes qui n’apparaissent même pas dans l’index et qui
correspondent pourtant à des recherches de pointe dans les sciences sociales,
particulièrement dans le monde anglophone, au carrefour de l’anthropologie culturelle et
de la sociolinguistique.
6 Mais ces remarques mineures ne rendent pas justice à un ouvrage exceptionnel et
indéniablement utile à l’enseignement et à la recherche, non seulement en anthropologie,
mais dans toutes les sciences de l’Homme. On souhaite que la Routledge Encyclopedia of
Social and Cultural Anthropology soit disponible dans les bibliotques universitaires.
Yves Laberge
Marc Augé, Carnet de route et de déroutes, septembre 2008 – juin
2009, Paris, Galilée, 2010, 118 p. (« Contemporanéités »)
7 USANT D’UN FORMAT modeste et d’un cadrage temporel limité – une année scolaire scane
mois par mois –, Marc Augé apporte une nouvelle pierre au chantier ouvert en 1985 avec
La Traversée du Luxembourg3 dans l’intention de déchiffrer un présent toujours en devenir.
Au fil d’un calendrier offrant des reres familiers au lecteur, qu’ils soient acamiques
(le statut de l’École des hautes études en sciences sociales), nationaux (présidence de la
publique) ou internationaux (élection de Barack Obama, crise financière, conférence de
Durban), il poursuit ses thèmes de réflexion au long cours : l’urbanisation du monde, sa
mise en images, la frontière, le paysage et la mobili elle-même4. Lui qui définit
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l’ethnologue de terrain comme « undentaire oblide voyager »5 se fait arpenteur de la
planète, « des voyages, des voyages en trop grande quanti», note-t-il (p. 105), tandis
qu’apparaissent au fil des pages les moteurs de ce mouvement pertuel : sens esthétique
toujours en éveil, ouverture aux autres, plaisir des échanges intellectuels et, plus
largement, souci de « monter la garde » (id.). Chicago, Milan, Andorre, Buenos Aires,
Alicante, Valparaiso…, les destinations n’étant ni interchangeables ni de simples décors à
un agenda scientifique (colloques, journées d’études, rencontres littéraires), chaque
voyage est une expérience unique. Partout, Marc Augé explore et musarde, regarde et
écoute, goûtant avec gourmandise la alité immédiate, conjuguant « l’appétence
intellectuelle et le goût des nourritures terrestres » (p. 82). Dans des vignettes ou des
billets d’humeur, il réagit à ce qui fait l’histoire : nic dans les détails ou exposé dans des
événements plataires, l’essentiel d’une ane se déploie sous nos yeux comme matière
vivante rendue intelligible par une pensée exigeante.
8 Dans l’entrelacs du proche et du lointain, du trivial et du remarquable, du psent et de la
moire, de l’intime et du public, Marc Augé débusque « les signes des temps » (p. 90), en
observateur disponible et critique qui sait porter sur le monde un regard toujours neuf.
La scansion mensuelle libère de la pression du quotidien et le présent amnésique des
dias est écarté au profit d’un présent adossé à l’histoire. L’itinérance spatiale le
parcours – s’accompagne ainsi d’un exercice sur les échelles et la distance les déroutes,
tours et digressions –, chaque voyage étant pour l’ethnologue une occasion de se
centrer et de se déprendre de sa culture. Sans complaisance à l’égard des
catégorisations qui ne restituent rien du réel, l’auteur ne tient aucune notion, aussi
familière soit-elle, pour acquise, qu’il s’agisse de « tolérance », de « communau» ou de
« culture ». Aucune opinion dominante ne s’impose à lui non plus, qu’elle concerne les
régions en Europe, les revendications identitaires, le Moyen-Orient ou le nouveau
président américain. De me raille-t-il les clichés paresseux de la « machine à broyer la
pensée » qui distille le relativisme ou pose comme équivalentes nouveautechnologique
et modernité. Dénonçant l’exploitation politique des émotions comme
l’instrumentalisation diatique des tradies, le cynisme du libéralisme comme la folie
des fondamentalismes religieux, il persiste à chercher un sens à l’histoire. Sceptique sans
être désabusé, il ne se signe pas à l’absence d’utopie ou au moins d’alternative à un
sysme qui engendre les pires inégalités nuement matériel comme pauvreté
intellectuelle –, et plaide pour l’éducation, seule susceptible à ses yeux de lutter contre
l’injustice. Preuve vivante de la liberté qu’apporte le savoir, il se fait le miologue d’un
présent dans son foisonnement et sa complexité.
Josiane Massard-Vincent
Lucas Marco Gisi, Einbildungskraft und Mythologie. Die Verschränkung
von Anthropologie und Geschichte im 18. Jahrhundert, Berlin, Walter
de Gruyter, 2008, 482 p., bibl., index, ill.
9 LA RECHERCHE sur la genèse de l’anthropologie dans les pays de langue allemande reste
cidément à l’ordre du jour, en particulier autour de ses paradigmes fondateurs, édifiés
dans le sillage de lAufklärung. Ces enquêtes embrassent tant la didactique des œuvres que
les disputes entre écoles philosophiques, l’apport des sources exotiques que la
construction de modèles physicalistes et neuroscientifiques, sans négliger la pédagogie et
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les savoirs populaires. Toutes ces investigations se rejoignent sur un point : une érudition
confondante, pondant au souci de redessiner largement le spectre des innovations
théoriques surgies à cette époque, sans exclusives et, ce faisant, de rendre justice à des
questionnements laissés au bord de la route, dont la plupart ont été largement occultés
par quelques auteurs phare de l’histoire des idées. Cette exigence est doublée d’une
ouverture aux courants de pensée non germaniques, essentiellement fraais. Mais qui se
soucie aujourd’hui des travaux des Dubos, Espiard ou Castilhon, comme de ceux des Ith,
Flögel ou Steeb ? Lucas Marco Gisi est un de ceux-là.
10 Sa thèse, Einbildungskraft und Mythologie, entend rendre compte de la naissance de
l’anthropologie historique au XVIIIe siècle, moins sous les traits d’une discipline de l’esprit
poussée par une visée léologique, que comme un « projet » faisant travailler tous
azimuts une Denkfigur : l’analogie entre ontogenèse et phylogenèse. Cette mise en regard
de l’évolution de l’individu par rapport à celle de l’humanité se clinera dans le tail
d’une suite discte de disciplines : du côté de l’ontogenèse, la pédagogie, la psychologie
et l’anthropologie ; de celui de la phylogenèse, l’histoire des civilisations et des religions,
puis l’ethnologie et l’historiographie. Cette démarche permet ainsi de reployer sur un
plan horizontal l’axe des différents stades de l’évolution, le fétichisme des peuples
primitifs faisant écho à l’enfance de l’individu, le monothéisme à la raison chez l’adulte, la
mythologie des peuples barbares à celle de l’âge classique. Au centre de ce schéma, se
tache la Mythologie, dans ses rapports à l’Einbildungskraft, l’imagination, en « position
charnière », comme point d’incandescence de cette pensée. En un mot, l’historicisme de l’
Aufklärung tiendrait fondamentalement à la mise en place de ce dispositif. Ce que tend à
montrer Gisi, est bien cet alliage de l’anthropologie et de l’histoire culturelle, nié par
lesritiers du kantisme sur la base de l’opposition nature/culture.
11 Après avoir identifié l’objet de sa recherche (chapitre I), Lucas Gisi réinstalle la question
du progrès au cœur de la dispute entre les Anciens et les Modernes, de part et d’autre du
Rhin. Une querelle dont il affirme la prééminence par rapport aux modèles
d’interprétation du veloppement culturel et de l’histoire des civilisations. Quand, d’un
côté, brille un Fontenelle, attac au parallèle entre les âges de l’homme et ceux du
monde, de l’autre, des penseurs zurichois (Bodmer et Breitinger) entrent en conflit ouvert
avec Gottsched sur l’éducation du goût, et l’invention d’une nouvelle théorie esthétique.
Pour Gottsched, s’impose l’idée d’une uniformi de la nature de l’homme, contre la
théorie des climats, conduisant à l’émergence progressive de l’entendement et de la
culture (chapitre II). Reprenant alors les cadres de l’espace et du temps, l’auteur met en
phase les populations primitives et antiques et nos cultures préhistoriques, la théorie des
climats étant de nouveau sollicitée pour justifier les différences culturelles. Au XVIIIe
siècle, ce parallèle trouvera sa légitimation respectivement dans les œuvres de Lafitau et
celles de Fontenelle (chapitre III). La genèse des croyances et de la mythologie fait l’objet
du chapitre IV. Au cours des siècles, leur évolution aurait mis en évidence non seulement
la construction d’un savoir de clercs, mais de surcrt la dimension psychologique de l’
Einbildungskraft, « de l’imagination comme source des représentations religieuses »,
autrement dit de « l’historicisation de la mythologie comme expression de la pensée d’un
stade de l’histoire culturelle » (p. 151). Ce modèle évolutionniste vient au passage
exhausser le rôle de la mythologie comme expression du mode de pensée de l’enfance.
Mais le XVIIIe siècle est aussi l’époque durant laquelle les soctés exotiques commencent à
fournir à l’Europe des élites, des sources nouvelles de réflexion, grâce aux cits de
voyage. Notamment les expéditions au Kamtchatka dont les observations sur la
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