Lettre écrite par Lucien Brendel

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Lettre écrite par Lucien Brendel
Lucien Brendel
Lettre écrite en 1999 par Lucien Brendel (1922-2010), malgré-nous, à ses enfants et petitsenfants.
Retranscrite intégralement sans aucune correction par Olivier Schlienger
15 Octobre 1999
Chers enfants et petits enfants,
J'aimerais résumer à votre intention, les années 1939 à 1945 qui pour moi furent les plus dures
de ma vie, aussi bien physiquement que moralement.
Né le 24 octobre 1922, j'avais, en septembre 1939, au moment de la déclaration de la guerre
de la France à l'Allemagne, presque 17 ans. Le plus bel âge pour une vie de jeunesse à son
début, où les yeux et les réflexions commencent à s'ouvrir sur des perspectives d'avenir, de
carrière future à envisager.
Nous habitions, à cette époque, à environ 3 km du centre de la ville de Haguenau (chef lieu
d'arrondissement au nord de Strasbourg) au lieu-dit « Stieffelhardt ». Mes parents exploitaient
un restaurant qui était en même temps une cantine militaire. Situé en pleine forêt, au départ
d'un stand de tir militaire immense et rattaché au camp militaire d’Oberhoffen-sur-Moder
(encore existant et en pleine activité à l'heure actuelle).
Mon père, ancien gendarme ayant pris sa retraite prématurément, avait su faire de ce
restaurant un lieu d'attraction pour les Haguenoviens qui, surtout les dimanches, venaient
profiter de l'air pur de cette forêt de pins et de sapins au goût très odorant. Je voudrais vous
rappeler que la forêt de Haguenau est immense et une des plus grandes de France. En plus,
mon père, grand amateur de chasse, avait loué celle dont notre logis faisait partie et nous ne
manquions jamais de gibier : faisans, lapins, sangliers, chevreuils, ni de champignons très
prolifiques eux aussi, dans cette forêt. Bien sûr, notre clientèle au courant de ces spécialités,
savait en tirer profit, et ma mère, fine cuisinière, avait une bonne réputation. Les dimanches,
toutes les tables étaient occupées et moi, comme mon frère, nous étions des serveurs habiles,
en plus des serveuses occasionnelles pour ces jours.
J'ai passé dans ce cadre et cet environnement des années heureuses. Aucun coin de cette forêt
ne m'était inconnu, aucun arbre trop haut pour mes escalades. Le seul inconvénient, vu les
distances, était de prendre la bicyclette pour aller à l'école St Nicolas de Haguenau et, ensuite,
l'école commerciale place du Château d'eau. Ayant opté, par la suite, pour la profession de
mécanicien auto, j'ai fait mon apprentissage au garage Zimmermann G. rue du Général
Rampant à Bischwiller, encore plus distant que Haguenau (6 Km). Cela alla du 27 juillet 1937
au 27 juillet 1940.
Vu les circonstances spéciales qui vous seront relatées par après, je ne pus faire mon examen
de compagnon que le 23 janvier 1941.
Mes souvenirs de cette période sont très nombreux. Ce furent 3 années dures car il fallait être,
hiver comme été, à 8 heures au travail -1 heure de temps pour déjeuner. Le patron était juste
mais ferme et notre insouciance de jeunesse lui causa maints soucis (nous étions 2 apprentis).
La réparation automobile était à ses débuts et j'ai eu l'occasion de faire connaissance avec les
véhicules d'avant 1937. B 14, Citroën, Renault et autres marques que l'on faisait démarrer à la
manivelle et à la main (gare au retour des manivelles !) car elles avaient encore des magnétos.
On rôdait les soupapes tous les 10.000 Km, on changeait les joints de culasse et d'autres
réparations mécaniques inconnues de nos jours.
Dès mes 17 ans et vu les circonstances, j'avais posé ma candidature pour devenir mécanicien
d'aviation à l'école militaire de Rochefort. On m'accusa réception de ma lettre mais jamais et à
mon grand regret, je ne reçus un appel d'incorporation. Trop jeune ? Allez savoir. Mais dans
la France des années 1936-1941 tout fut incohérent et incompréhensible dans toutes les
décisions, qu'elles furent politiques ou militaires. Je pense à l'entrée des troupes allemandes le
7 mars 1936 en Rhénanie sans aucune réaction positive de la part du gouvernement français
alors que l'Armistice 1918 interdisait catégoriquement la présence de ces militaires dans cette
portion de territoire allemand. Il fallut l'entrée en Tchécoslovaquie des troupes allemandes, en
septembre 39, pour que la France déclarât la guerre malgré l'accord de Munich etc. et j'en
passe.
Le 3 septembre 1940, Strasbourg ainsi que le nord de l'Alsace, dont Haguenau, reçurent
l'ordre d'évacuation, en quelques heures, de ses habitants. La plupart de ceux-ci furent
transférés par des trains à bestiaux dans des provinces du centre de la France, Sud-ouest,
Dordogne, Gers, Haute-Vienne avec un maximum de bagages autorisé de 30 Kg. Mon père
avait dû réintégrer le corps de la gendarmerie et rester, mais tint à ce que ses garçons partent
avec le maximum de meubles etc.
C'est ainsi que par un transporteur privé nous prîmes le chemin pour Thaon-les-Vosges pour
aller chez Marthe Rützler , cousine directe de notre tante Berthe, épouse du frère de notre
mère, j'ai nommé Paul Schlienger. Nous traversâmes les Vosges avec un camion plein de
meubles et autres objets et une remorque pleine de bois de chauffage ! Région complètement
inconnue pour nous, ce fut une traversée inoubliable. Arrivés chez Marthe, nous fûmes très
bien accueillis. Son mari était absent étant incorporé. Edmond, mon frère, nous quitta le
surlendemain pour aller chez les parents de Marthe qui avaient une ferme à Villoncourt, à l'est
de Thaon. Cette ferme des Erhard, isolée certes, mais très grande, avait toutes ses terres
agricoles autour de la bâtisse, des hectares en quantité avec des troupeaux de vaches, des
taureaux, etc. Monsieur Erhard, invalide de la guerre de 1914-1918 avec une jambe de bois
était un homme brusque et moi, j'ai préféré rester chez Marthe pour laquelle je m'étais pris
d'affection amicale. Je pris un emploi comme mécanicien dans une filature de Thaon jusqu'au
mois de mai 1940 où les évènements se précipitèrent.
Les troupes allemandes envahirent les Pays-Bas, le Luxembourg, la Belgique et malgré leur
héroïsme et la montée des troupes françaises, la résistance s'effondra en quelques jours. Puis,
ce fut la percée des lignes françaises dans le nord de la France, la prise par revers de la ligne
Maginot et la descente vers le sud des départements de l’Est, par les Vosges.
Tous les hommes âgés de 16 ans et plus, sur l'avis de mobilisation générale du gouvernement
français, furent appelés à gagner le sud et intégrer les troupes françaises. Mais où étaient-elles,
ces troupes ? Ce fut une pagaille générale sur les routes et moi aussi, emmené pour quelques
jours dans cette marée humaine, à bicyclette, je repris le chemin du retour voyant l'inutilité de
cette débandade. Je me rappelle avoir dépanné quelques voitures dans la possibilité de mes
moyens et mes connaissances et ce fut tout.
Les Allemands pénétrèrent dans Thaon-les-Vosges quelques jours après mon retour. La ville
paraissait totalement morte. Beaucoup d'habitants qui avaient fui, n'étaient pas encore de
retour et ceux qui étaient restés tenaient leurs volets clos. Marthe partant très bien l'allemand
ne les craignant point, était allée dans la rue principale avec moi. C'est ainsi que nous avons
vu le premier soldat allemand dans son side-car passer devant nous sans s'occuper de nous.
Suivi par d'autres motocyclistes ignorant totalement le danger.
Ce n'est d'une demi-heure plus tard que nous avons vu les premiers véhicules blindés légers
traverser la ville en direction d'Epinal. Derrière les volets, des gens nous interpellaient en nous
disant : « Attention, ils vont vous tuer ». Il n'en fut rien et encore aujourd'hui, je reste ébahi
devant notre imprudence et notre sang-froid.
Le surlendemain, Marthe éprouvant le besoin de savoir ce qui se passait à Villoncourt, voulut
rendre visite à ses parents, à ses frères et soeurs à la ferme de la campagne. Nous partîmes à
bicyclette. Seulement voilà, il s'agissait de traverser la Moselle et le seul pont existant, les
Français l'avaient fait sauter. Le génie allemand était déjà à pied d'œuvre et avait créé une
passerelle en bois. Mais, seuls leurs soldats étaient autorisés à passer...
Marthe eut beau essayer de parlementer, rien à faire. « C'est vous qui avez fait sauter le pont,
débrouillez-vous ». La rage au coeur, nous dûmes faire appel à un batelier qui nous déposa sur
l'autre rive grâce à sa barque. On ne vit pas un chat de l'administration communale.
Direction Girmont, Bayecourt et nous retrouvâmes la famille Erhard à Villoncourt. Effusions
bien sûr, retrouvailles sans dommages. Un état-major français qui s'était installé dans les lieux
avait fui, laissant tous ses véhicules intacts. Il devait y en avoir une quarantaine – voitures de
tourisme en tous genres, camionnettes, etc. ... - totalement abandonnées ! Lorette (soeur de
Marthe) et moi ne pouvant penser que ce trésor tomberait intact dans les mains de
l'envahisseur, décidâmes de saboter ce que nous pouvions. Mais les premiers soldats
allemands pouvant venir à chaque instant, nous nous contentâmes de prélever uniquement les
rotors se trouvant sous les têtes de delco. Au moins ces véhicules ne pourraient être utilisés
sans cette pièce. Ils furent par après tous dépannés par des engins motorisés. Mais nous étions
heureux et fiers d'avoir fait cela, ne comprenant pas que des Français puissent abandonner
leur matériel sans au moins le saboter.
L'administration allemande ne se mit en place que quelques jours plus tard, occupant
principalement la mairie et le poste de police municipale. Une ordonnance parue, enjoignant
tous les propriétaires d'armes à feu de les remettre immédiatement à la mairie, faute de quoi
on les passerait par les armes. Comme dans les affaires transportées d'Alsace se trouvaient
trois fusils de chasse de mon père, je dus, sur l'insistance de Marthe craignant pour sa vie, les
remettre, à contrecoeur bien sûr, au service de la municipalité. Mon père ne m'en fit jamais le
reproche par la suite mais il ne comprit pas pourquoi je ne les avais pas cachés. Et il avait
raison mais pouvais-je refuser cela à Marthe ?
Quelques semaines après, le 22 juin 1940 exactement, l'Armistice fut signé à Rethondes
mettant fin provisoirement aux combats et épargnant à la moitié sud de la France d'être
occupée.
Auparavant, il y eut la déclaration du 18 juin 1940 du Général de Gaulle, que la France avait
perdu une bataille mais pas la guerre, mais nous n'eûmes pas connaissance de cette
déclaration et vous pensez bien qu'aucun journal n'en fit mention.
Nous retournâmes par conséquent, fin juin 1940, en Alsace où nous retrouvâmes notre
maman. Mon père ne revint qu'en août 1940 ayant, dans la retraite de l'armée française, dû se
replier jusqu'à Toulouse. Ma mère avait été toute seule pendant cette période de fin mai 1940
à notre date de retour. Personne ne l'a importunée, comment et de quoi a-t-elle pu vivre ?
Aujourd'hui, connaissant les finances de mes parents de l'époque, j'ai trouvé la réponse.
L'Alsace fut annexée au Reich allemand et ceci sans réaction aucune du gouvernement
français. L'administration allemande se mit en place très rapidement. Ce furent surtout des
fonctionnaires du parti nationaliste socialiste qui en furent les dirigeants avec, à leur tête, le
Gauleiter Wagner. Les villes et villages furent quadrillés par la création de chefs de blocs
« Blockleiter » (10 à 20 familles à superviser). Ceux-ci supervisés par des « Zellenleiter »
(chef de cellules) 10 chefs de blocs sous leurs ordres. Au-dessus fut nommé le
« Ortsgruppenleiter » (chef de village ou de quartiers). On supprima tout ce qui était français,
noms de villes, de villages, de rues, noms, prénoms. Je fus appelé Luzian pour Lucien.
Une anecdote vraie : une personne de Haguenau nommé Roger Hund dut changer son prénom
en Rüdiger pour Roger ce qui lui donna le nom de Rüdiger Hund, ce qui veut dire, en dialecte
alsacien, « chien minable ».
Tous les écrits, livres, en français, disparurent ou furent brûlés, le port du béret basque
interdit, les francs furent échangés en marks - 1 mark pour 1 franc, à l'époque, ce fut une forte
dévaluation car le franc était fort par rapport au mark.
Bien sûr, interdiction absolue de parler ou chanter en français.
Je restais quelque temps à la maison puis je pris, en mai 1941, un poste de mécanicien au
Garage Haas de Haguenau. J'y suis resté jusqu'en juin 1942.
Le 8 mai 1941, le Gauleiter Wagner prit une ordonnance par laquelle les jeunes Alsaciens des
classes 1921 à 1925 devaient faire le service militaire obligatoire en passant d'abord par le
R.A.D. (Reichsarbeitsdienst — travail obligatoire du Reich) ou le S.T.D. (Service du Travail
du Reich). Devait suivre l'incorporation dans la Wehrmacht.
Pour essayer d'échapper au R.A.D., je signe un contrat de mécanicien au Garage AutoFütterer à Rastatt. Le week-end, je suis chauffeur P.L. à la Laiterie Centrale de cette ville,
après avoir passé mon permis de conduire toutes catégories. Cet examen m’a laissé des
souvenirs très précis.
J'ai dû apprendre par coeur le texte principal et le réciter devant l'examinateur au moment de
l'examen. J'en connais encore aujourd'hui, par coeur, les phrases, très claires, précises et
motivantes. A l'épreuve pratique, on me demanda de rouler avec une moto d'abord, puis en
autobus. Je dus, par exemple, sortir en marche arrière d'une petite route montante, débouchant
par un « stop » sur une route nationale. L'examinateur, à la fin du parcours, me remit mon
permis sans un mot et, plein de fierté, je l'empochai avec un chaleureux « merci » en français !
Ce permis allemand fut remplacé, en 1945, par un permis français que je possède encore
aujourd'hui.
La guerre ayant pris une ampleur considérable, vu l'envahissement de la Russie par les
troupes allemandes, après les invasions précédentes de la Pologne, de la Roumanie, des
Balkans, etc.. Voire même l'Afrique du Nord, Tunisie, etc. ...les dérobades au service militaire
furent de plus en plus difficiles.
Je n'avais plus d'autre solution pour retarder cette éventualité que de m'engager à la N.S.K.K.
(Nazional Sozialisticher Kraftfahrer Korps). Nous en avions changé le sens – N.S.K.K. – nur
Saufer, keine Kampfer – c'est à dire, seulement buveurs, pas combattants !
Cette unité annexe à la Wehrmacht s'occupait uniquement de convoyer des véhicules en tous
genres vers les ateliers de réparation ou de ceux-ci vers le front est, ouest, sud ou nord. Je
partis donc, après avoir quitté Rastatt, en octobre 1942 vers Wriezen an der Oder pour faire un
stage de quelques semaines en vue de conduire ou de réparer tous les véhicules imaginables,
essence ou diesel, grands ou petits.
J'avais d'autres Alsaciens avec moi tel que Gemmrich de Preuschdorf, bon joueur d'accordéon
ou Christ de Woerth devenu garagiste après la guerre. Nous avions même un nommé Hittler
(mais avec deux T !) de Goersdorf avec nous. Ce fut l'occasion de maintes quintes de fous
rires.
Après cette période, je fus transféré à Achy, en France, près de Marseille-en-Beauvaisis,
centre de commandement de cette unité pour le nord de la France et la Belgique. Notre
mission consistait à monter au front de Russie des véhicules à partir de Wilwoorde près de
Bruxelles. Nos déplacements furent nombreux et fréquents. Nous allions également en
Pologne, en Roumanie, etc. J'eus même l'occasion, jamais seul, bien sûr, d'aller chez Renault
ou Citroën à Paris et banlieue.
Au cours de cette période, je me suis mis en rapport avec Madeleine Bury, amie de la famille
Schlienger, surtout de Paul, afin de contacter une famille de Troyes qui connaissait des
résistants. Ceux-ci avaient créé ou participaient à un réseau d'évasion de Français vers
l'Angleterre via l'Espagne.
Bref, je reçus d'elle, un jour, un signe me demandant de me rendre à 15 heures, tel jour, à la
place de l'Opéra où on viendrait me contacter de la part d'un général français dont j'ai oublié
le nom. J'ai réussi à me rendre à ce rendez-vous avec, hélas, mon uniforme de la N.S.K.K. et
le coeur battant, j'ai attendu vainement 2 heures durant. Personne ne s'est manifesté.
Je dus repartir pour Beauvais avec l'unique train du soir qui circulait à cette époque. Mon
absence ne fut pas remarquée. Plus jamais personne ne s'est manifesté.
Fin 1942 on m'informa qu'il me faudrait passer au conseil de révision en Alsace pour mon
incorporation dans la Wehrmacht et ceci début 1943.
Je reçus un congé de 3 semaines dont je passais le début à Thaon-les-Vosges et à Villoncourt.
Le 5 janvier 1943 je prends le train pour Haguenau où je retrouve mes parents, mes amis ainsi
que la parenté à qui je rends visite les jours suivants – Lingolsheim, Bergheim dans le HautRhin. Je rencontre également Odile et ses parents.
Le 13 janvier 1943 je repars pour la France par Thaon et Paris où je loge pour la première fois
à l'hôtel Régence Opéra (hôtel que j'ai fréquenté souvent après la guerre). Après avoir préparé
mes affaires, fait mes adieux un peu partout à Achy et Marseille-en-Beauvaisis, je pars avec
Gemmrich, pour un dernier voyage à Bruxelles le 19 février 1943. Le lendemain, nous
sommes de retour à Paris. Nous achetons à Albert un nouvel accordéon et partons le soir
même avec le train de 18 heures pour Haguenau. Finie l'époque N.S.K. K.
21 février 1943, je suis donc de retour à Haguenau. Le 3 mars 1943, réception du message
militaire « Musterungsbefehl » c'est à dire, ordre de se présenter devant les autorités militaires
à la Douane (salle des fêtes) à Haguenau pour toutes les visites nécessaires, médicales, etc.
(conseil de révision, en français). Le 10 mars 1943, c'est à dire, le lendemain, fut la date à
laquelle toutes ces visites eurent lieu.
Le 12 mars 1943, Aufforderung der Wehrmacht.
Le 23 mars 1943, Einberufungsbefehl - ordre d'appel pour rejoindre l'unité, en l'occurrence, la
Stammkompanie – 25 Panzer Ersatz Abteilung à Schweinfurth à la date du 27 mars 1943.
Entre-temps a eu lieu un événement qui a été le départ d'une histoire d'amour qui dure depuis.
Mon père avait pas mal d'amis chasseurs tel l'entrepreneur Sturm, Moser l'armurier de
Haguenau, Wendling, restaurateur à Marienthal ainsi qu'un instituteur de l'école St Nicolas, A.
Stein. Celui-ci vint souvent chez nous avec son épouse, goûter nos produits, avec sa fille
Odile et son fils Hugo. J'en ai déjà parlé dans ces pages. Ce fut le cas durant cette période
avant mon départ et je vins les saluer à leur table puisque je les connaissais assez bien. Je
m'assis quelques instants avec eux et la conversation tomba bien vite sur mon incorporation.
C'est à ce moment là que me vint l'idée de demander à Odile si elle acceptait de devenir ma
marraine de guerre. A ma grande joie, elle acquiesça immédiatement et j'en fus enchanté. Elle
ne manqua jamais à son engagement et répondit, malgré les difficultés d'acheminement, à
presque toutes mes lettres.
En plus, elle m'envoya quand la possibilité existait, des colis de friandises. Elle-même était
incorporée en R.A.D. à Hirschlatt près du lac de Constance et se trouvait au moment de notre
rencontre, en permission. Je lui rendis visite avec mon ami Albert le 6 et 7 mars 1943 à
Friedrichshafen.
Nous voici à présent à la date du 27 mars 1943. Je partis de chez nous, vous pouvez vous
imaginer dans quelles conditions, à pied, vers la caserne des Dragons, lieu de rassemblement
pour 9 heures. Lorsque, après l'appel nominatif, nous étions au complet, nous partîmes bien
encadrés vers la gare de Haguenau. Un train nous attendait et surprise, des Alsaciens venus du
Struthof, du camp d'internement à triste réputation, près de Schirmeck, s'y trouvaient déjà
installés. Ils ne parlaient guère, craignant des représailles et ce n'est que par bribes que nous
avons pris connaissance de leurs tragédies. Ce fut d'ailleurs la première fois que j'entendis
parler des sévices et autres atrocités commises par des bourreaux sur ces prisonniers.
Ce train partit seulement à 16 heures, direction Schweinfurth, et ce n'est que vers 11 heures le
lendemain que nous arrivâmes à destination. Rien que le nom nous donnait déjà la nausée
mais que pouvions nous faire ?
Notre vraie chambre, où nous devions loger pour une longue période ne nous fut donnée que
le 30 du mois. Nous étions 6 Alsaciens dans une chambre pour 14 hommes. Lits superposés
en 3 parties. Visite médicale – réception inscription – habillement – occupaient les premières
journées, suivies presque' immédiatement par les exercices où nous fîmes connaissance avec
notre encadrement. Nous apprîmes à marcher au pas cadencé, à nous habituer aux cris et
vociférations, à manier nos fusils, à tirer sur cibles, à chanter des chants militaires, etc.
C'est au courant de ces exercices et surtout au moment d'apprendre le salut militaire que je
commençais à comprendre que j'avais un problème. Je ne pouvais pas lever la main droite
vers le képi en ayant la gauche le long du pantalon et bien droite. Il y avait une sorte de
dysfonctionnement entre ces deux bras. Au tir au fusil, ce fût pire, surtout dans la position
debout. Impossible, par manque de symétrie, de lever en même temps les deux bras. Je
n'atteignis jamais ou rarement la cible.
Les sous-officiers instructeurs, croyant que je jouais la comédie, m'insultaient de manière
incroyable. « Sie mal her, Sie Arschgeige » - venez par ici, violoniste du c... ou « Sie von den
Vogesen heruntergerollter Kartoffelbauer » - planteur de patates dégringolé des Vosges – etc.
Les « hinlegen » « aufstehen » « pumpen » - des pompes, fusil tendu, bras en avant, à un
rythme incroyable de plus en plus rapide. En face de moi, souvent un autre pauvre type qui
avait manqué la cible, comme moi, mais pour d'autres raisons, devait se baisser quand je me
relevais de ma pompe. Le dialogue était très intelligent. Je me baissais et je devais crier « oh
Herr, lass mich erfüllen » - oh Seigneur, laisse moi remplir mes conditions – me relever et
mon vis-à-vis, se baisser en criant « Der Hund soli dir was schei... « - le chien doit te ch.. des
crottes ». Bref, ce fut la galère.
J'étais la bête noire qu'il fallait mater. Grâce à mon caractère joyeux, je riais (mais uniquement
intérieurement) mais ce fut très dur. J'ai souvent couché au cachot, ce qui n'était pas marrant à
cette époque, encore fraîche de l'année.
Je me posais des questions sur mon handicap et ne comprenais pas mon problème. Ce n'est
que beaucoup plus tard, dans ma trentaine, que le professeur Isch de la Faculté de Médecine
de Strasbourg avec son épouse, professeur également, en neurologie, découvrit que j'avais la
myopathie scapulo-humérale type Landouzi-Déjérine.
Ce handicap me causa énormément d'ennuis. Je reçus rarement des autorisations de sortie
mais je me débrouillais à ma façon pour le faire. Nous avions des uniformes de sortie appelés
Sarazani-uniform (du nom du cirque !) et dans cet accoutrement, les contrôles à la sortie
étaient automatiques. Par contre, les actifs ou autres soldats, en Feldgrau, n'étaient jamais
contrôlés. Vous voyez à présent quelle était mon astuce. Je retrouvais mes copains en ville
pour boire une bière ou manger, quand cela était possible, un bout de pain avec une omelette
ou une saucisse quelconque.
Ayant le permis civil de conduire, je fus, après quelques semaines, appelé à conduire les
cuistots aux centres de ravitaillement des environs, voire Stuttgart, à l'abattoir. C'était
parcimonieux ce que nous touchions pour une si grande quantité d'hommes, mais avant d'être
découpée en petites rations pour être distribuée par après, nous nous taillions au retour une
bonne tranche de viande que le cuistot faisait griller pour nous. Je n'eus donc pas trop à
souffrir d'un manque de viande ou d'autre nourriture.
Entre-temps, le 9 avril 43, nous dûmes, en tenue parfaite, faire à haute voix le serment au
Führer (Vereidigung).J'étais fort heureusement au 2ème rang lors de la cérémonie et si mes
lèvres remuèrent, aucun son ne sortit de ma bouche.
Les exercices, les marches de jour comme de nuit, les alertes simulées se suivirent pendant
tout le mois d'avril et de mai 1943. Attaques de villages, combats de rues, puis porter des
masques à gaz nous mirent sur les genoux.
En plus des corvées de toutes sortes, surtout au moment où nous étions à Hammelburg, un
vrai terrain d'exercices immense. La pluie encore abondante en cette période, rafraîchissait
énormément la température et nous couchions dans des tentes sans pouvoir nous réchauffer ou
changer d'uniformes. Nous faisions des tirs à balles réelles, des exercices avec un masque à
gaz qui nous étouffait presque.
Nous apprîmes à les mettre très rapidement et à les porter continuellement en bandoulière.
Nous avions trouvé une astuce afin de nous faciliter la respiration. Nos balles pour les tirs
d'exercices étaient des balles à blanc. Les pointes, au lieu d'être en acier, étaient en bois creux.
Nous en coupions le bout en pointe et les glissions sous le masque. De cette manière, notre
respiration, par ces tubes creux, s'en trouvait facilitée. Mais au bout de quelques jours, notre
adjudant de service trouva que nos performances n'étaient pas normales et avec un
« Achtung » hurlé de toutes ses forces, nous fit mettre au garde à vous. Son examen trouva
rapidement notre combine et alors l'enfer commença ! Il nous traîne dans les endroits les plus
boueux et avec force commandements, « Hinlegen, aufstehen, roppen« (coucher, debout,
ramper) avec masques à gaz cette fois bien collés au visage, nous usa jusqu'à la corde, nous
étions à bout. II faut avouer que je prolongeais, chaque fois qu'il avait le dos tourné, la
position couchée et les ordres se suivant rapidement, cela me permit de garder un peu de
souffle. De retour à notre campement, il nous laissa juste 1/4 d'heure pour tout nettoyer et être
prêts pour une revue d'habillement.
Certains soirs, on nous simulait une alerte aérienne ou alerte au gaz, à une heure avancée de la
nuit, alors que nous dormions profondément. « Alarm, raustreten » Je me rappelle l'une
d'entre elles qui m'est restée très nette et très précise, qui s'est passée à la caserne.
« Raustreten mit Koppel und Gewehr » (sortir avec ceinturon et armes). Nous voici, nos
chambrées, alignées dans le corridor, en chemise de nuit, pieds nus, casqués. Ce fut immonde.
A gauche, gauche, coucher, ramper, commandements se suivant rapidement. Vous voyez le
tableau ! Ces hommes rampant l'un derrière l'autre, avec en vue celui qui le précédait et dont
la chemise de nuit ne cachait plus rien. Sadiques ? Salauds ?
Tous les lundis matins, révision d'habillement. Aucun bouton ne devait manquer à aucune
pièce d'habillement, ni aux sous-vêtements. L'échange entre le linge sale et le linge propre se
faisait le samedi après-midi. Tous les sous-vêtements propres que nous recevions étaient
démunis de boutons, car en perspective de ce manque, chacun de son côté rendait le linge sale
en ayant détaché les boutons qu'il avait pris soin de coudre. Et voilà comment une partie des
samedis et des dimanches étaient occupés ! Vers la mi-mai, lors des derniers jours de notre
formation de base, on nous fit faire une marche de nuit de 25 Km. Au pas cadencé par
moments, en chantant à tue-tête ces fameux chants « Es ist so schön Soldat zu sein etc. »
Retour à la caserne à l'aube, fourbus, harassés, n'ayant qu'une envie de s'allonger et de dormir.
Et voilà qu'on nous demande de chanter avec force et au pas bien militaire. Ces chants ne
plurent pas au Commandant de la Compagnie et on nous traîna pendant plus d'une heure sur le
terrain adjacent à faire des exercices répétés déjà mille fois ! Ce « Drill » nous sauva peut être
la vie plus tard aux moments des vrais combats mais ce fut néanmoins fort inhumain et
difficile à avaler.
Le 14 mai 1943 exactement, on fouille mes effets et on me prend mon revolver personnel que
j'avais pu cacher jusqu'à présent. Dénonciation ? Hasard ? Je ne l'ai jamais appris mais cela
me perturba sérieusement. C'était la veille de mon transfert dans une école de conduite pour
tous permis de conduire militaire.
A peine arrivés dans cette nouvelle chambre, nous fûmes consignés pendant 5 jours dans notre
chambrée à cause d'une diphtérie mystérieuse dont j'ignore l'origine.
Le 2 juin 1943 je passe le permis Poids Lourds (L.K.W.) réussi à 100 %. Le 10 de ce mois, je
passe le permis voiture tourisme (P.K.W.). En juillet on nous apprend à conduire des autocars,
le 8 je passe sans problème ce permis ainsi que le permis moto (Motorgenerator). En août, de
retour dans mon unité, les exercices avec masque à gaz reprennent, les sorties au camp de
Hammelburg également. Le 16 août 1943, je reçois mon uniforme pour partir au front.
Le 17 août 1943, les alliés bombardent la ville de Schweinfurth et notre caserne de façon
intense.
Nous avons relevé 50 morts à la caserne. Beaucoup, par imprudence, étaient restés à
l'extérieur pour voir les bombes tomber sur la ville. Nous dûmes partir immédiatement porter
secours aux habitants de la ville, sans nous préoccuper de nos dégâts personnels. D'autres
unités s'en chargèrent.
Ce fut mon premier contact avec des blessés et des morts dans une cité en flammes. Cela fut
très éprouvant et nous étions, mes compagnons d'infortune et moi, néanmoins heureux d'en
être sortis sans dommages personnels.
Le jour suivant, dimanche, notre compagnie fut désignée pour creuser les tombes au cimetière
central et de procéder à l'enterrement des morts. Ces tranchées nommées « Massengrab »
creusées, nous déposâmes les cadavres recouverts d'un linceul l'un à côté de l'autre sans autre
présence qu'un prêtre (ou un pasteur ?) et un secrétaire qui notait les numéros peints sur les
linceuls. Durant 2 jours, nous ne fîmes que cela, du matin au soir. Nous avions enterré au
moins 300 morts. Vous vous imaginez l'ambiance qu'il y avait et les commentaires furent
rares. Le mardi nous fûmes remplacés mais partîmes pour des déblayages en ville et à la
caserne. Ce furent des jours sinistres, sans eau et sans électricité.
Le 26 août 1943 — Vorbesichtigung — Réveil à 3 heures du matin, défilé devant nos officiers
pour démontrer que nous étions devenus des soldats. La permission était au bout (quelques
jours) avant de partir au front. A mon passage, le bras droit au képi ce fût un éclat de rire
général. « Halt! stehen bleiben. Was ist den das für eine Scheisshausfigur ? Scheren Sie sich
weg, Sie Arschgeige ! » Et ce fut tout. Je vis partir, en serrant les poings, mes compagnons de
chambrée en permission.
Le lendemain, je reçus des piqûres faites pour aller en Afrique du Nord et j'attendais le retour
de mes confrères. Le 20 septembre 1943, on fit nos paquetages (une fois de plus) chargeâmes
nos camions sur des wagons et partîmes à Böblingen à la 2ème compagnie à la
Panzerausbildung Abteilung 25.
Le 27 septembre 1943 nous avons reçu des fusils neufs, mitrailleuses pour d'autres, etc. ... et
oh, surprise, le 30 septembre j'ai droit à une permission de 15 jours. Je prends le train le même
jour, le soir après 20 heures, direction Stuttgart et j'arrive le 1er octobre 1943 à 7 heures du
matin, à Haguenau.
Vous pensez ce que purent être ces retrouvailles ! Mais le 2, j'étais déjà en direction de
Friederichshafen-Meckenbeuren, et comme je viens de le lire dans mes archives, en revoyant
mon Odile à 18 heures, ce fût comme un mirage. Le 4, hélas, retour à Haguenau. Ce furent
des journées relativement tristes en l'absence d'Odile, des copains, Haguenau presque vide.
Le 17 octobre 1943, je suis de retour à mon unité (Böblingen) à 2 heures du matin et le 20
octobre, je suis déplacé de la 2A à la 1ère Marschkompanie. Un vrai cinéma. Le 24 octobre
1943, je fête mes 21 ans. Majeur ! Fêtons cela au restaurant « Ochsen » ! Autour d'une table
relativement bien garnie avec une ambiance de fête grâce à un vieux piano et des danses bien
de chez nous !
Le 30 octobre 1943 au soir, branle-bas de combat parmi les Alsaciens. Nous ne partirons pas
pour la France. Confirmation le 31 au matin « Elsässer, links heraus » Dans mes écrits, je
retrouve cette phrase « Pour ceux dont les yeux n'étaient pas encore ouverts, le mois d'octobre
leur servira de leçon concernant le régime nazi ».
1 e` novembre 1943, déplacé une fois de plus de la Marschkompanie à la Stammkompanie !
Comprenne qui pourra !
Je passe le temps au garage, à convoyer des véhicules etc. Et le 28 novembre 1943, nouvelle
permission de 4 jours que je passe en train et bien sûr à Haguenau. Je repars le 1er décembre
1943, le soir, et arrive le lendemain 2 décembre à nouveau à Böblingen. Je passe les jours
suivants à réparer et charger des véhicules car le 6 décembre, nous sommes à Stuttgart pour
quelques jours, d'où nous allons prendre le départ le 19 décembre pour faire un stage de ski à
Obersdorf après avoir passé par Ulm-Kempten. Le cantonnement dans lequel nous allons est
situé en dehors de la ville et nous marchons jusqu'à 6 heures du matin pour l'atteindre, morts
de fatigue. Après avoir dormi quelques heures, nous faisons nos premiers exercices de ski
avec des souliers appropriés. Les jours qui suivent ne furent pour moi que culbutes sur
culbutes !
Le jour de Noël, nous sommes montés sur le grand Iff à 2.500 mètres avec 1,50 m de neige et
escalades jusqu'à 17 heures. Le dimanche 26 décembre, j'ai fait une belle chute l'après-midi et
mon nez ressembla à une citrouille.
Le 28 décembre 1943, premier et seul jour de repos. Le 30, nous partîmes pour le tir de nuit,
fusil sur l'épaule à 2heures du matin et nous sommes tombés dans une tourmente de neige à
2.400 mètres avec 20° sous zéro.
Complètement égarés, nous avons eu la chance de trouver un refuge tout bêtement. J'ai noté
« sommes heureux d'avoir trouvé un abri, nuit unique » Le matin, la tempête s'étant calmée,
nous sommes repartis, les souliers pleins de glace, oreilles gelées, pour arriver à midi. L'ordre
de départ nous attendait et malgré notre immense fatigue, il nous fallut nous remettre en
marche. Voilà de quelle façon j'ai terminé l'année 1943.
1er janvier 1944 : nous avons marché de 0 heure 30 à 5 heures du matin avec un demi mètre
de neige, sac au dos, fusil à l'épaule pour atteindre à nouveau Obersdorf (16 Km), les pieds
couverts d'ampoules et en sang. A 21 heures, nous étions revenus à Böblingen. Pourquoi ces
journées d'apprentissage de ski ? Cela nous a occupé l'esprit tous ces jours passés là-haut.
Les premiers jours de janvier se passent à faire des navettes de véhicules pour BambergSindelfingen-Stuttgart, à charger des véhicules sur wagons jusqu'au 15 janvier 1944 où nous
arrivons par le train à Nuremberg dans une caserne. 4 jours se passent à monter la garde, à
faire des réparations de véhicules. Le 19 janvier, après avoir été de garde jusqu'à 1 heure du
matin, je prends le train de 6 heures pour aller en Alsace, en permission, Passant par
Augsburg, Ulm et Stuttgart. A 6 heures 30, le jeudi 20 janvier, je suis à nouveau à Haguenau.
Le même jour, je pars pour Bergheim avec mon père où nous visitons toute la famille. Nous
ramenons bien évidemment quantités de bouteilles de vin d'Alsace et autres provisions. Quel
contraste entre les semaines passées et ces jours heureux, trop courts hélas.
Le 22 janvier 1944, au soir, je suis obligé de reprendre le train pour être le 23 janvier, à 9
heures 30, à nouveau à Bamberg. Exercices de tir réel, creusement de tranchées, les âneries
ont repris le dessus.
Le 31 janvier 1944, tenez-vous bien, je suis à nouveau déplacé à la Marschkompanie.
Exercices de parade car nous devons défiler devant le cercueil du Divizionskommandeur
Schulze ! Parade qui tombe à l'eau fort heureusement !
Le 5 février 1944, nous partons pour Vienne où nous arrivons le soir à 23 heures. Passons 2
nuits au Wehrmachtsübemachtungsheim. Nous visitons Vienne, le Prater, etc. en attendant
que l'on nous case à l'arsenal de cette ville. Je suis dans une chambre de 32 hommes et
désigné pour faire 3 mois d'instruction dans un atelier de chars comme électricien. II s'agit de
chars « Tiger, » « Panther » les nouveau-nés de la fabrication allemande - grosses bêtes de 30
tonnes et plus - impressionnant.
Et le 25 mars 1944, je repars à nouveau en permission pour 4 jours pendant lesquels je rends
visite à la famille de Lingolsheim.
Retour à Vienne le 29 mars 1944. Les jours qui suivirent mon retour ressemblèrent comme
deux gouttes d'eau à ceux qui les précédèrent. Les seuls souvenirs qui me restent sont ceux de
la ville de Vienne, .de certaines de nos soirées au théâtre ou au cinéma car nous étions
relativement libres et nous disposions de beaucoup de temps, le soir.
Mais comme les mois d'instructions étaient écoulés, je reçus le 24 mai 1944, plus d'un an
après mon incorporation ! ! L’ordre de rejoindre au front une Haubitzenabteilung comme
Panzerfachhandwerker. Je reçus des insignes très spéciaux sur un uniforme complètement
noir et portant à la boutonnière une tête de mort. Insigne des divisions de chars. Avant notre
départ, notre commandeur et grand chef de l'arsenal, nous avait réunis dans la cour de l'usine,
souhaité bonne chance. Il nous recommanda de lui signaler personnellement si des problèmes
devaient se poser au sujet de notre affectation. Cela n'était pas tombé dans l'oreille d'un sourd.
Nous partîmes pour Berlin par Breslau le même soir. Nous avons passé la nuit à Krugau dans
une baraque au milieu d'une caserne. Le lendemain après midi arrivons à Spandau.
Je dus retourner à Schönweid parmi les ruines chercher un soldat égaré. Les 25, 26 et 27 mai
1944 je fais connaissance de Berlin complètement ravagée par les bombes — Unter den
Linden — Brandenburgertor, Potsdamerplatz, etc. ruines et immeubles détruits. Et une fois de
plus, le 27 mai au matin je vais en permission à Haguenau par Frankfurt ! J'arrive le 28 mai à
3 heures et demie du matin à la maison de mes parents.
Je suis en civil les jours de Pentecôte chez nous ! Jusqu’au 30 mai 1944. Retour par Karlsruhe
bombardée elle aussi et je suis le 31 mai à minuit, à Spandau.
Le 2 juin 1944, faisons à nouveau nos malles pour Krugau. Une vie de cinglés ! Et le 5 juin, à
Spandau — Berlin. Le 18 juin, j'écris dans mon cahier « Avons eu presque toutes les nuits
alertes aériennes mais à part ce petit inconvénient ! ... la vie est très supportable et de ma
carrière de soldat, je n'aurai de meilleur souvenir que ce séjour à Berlin. Les 4 électriciens que
nous sommes ne pourraient trouver d'entente plus harmonieuse que celle actuelle ».
Le 6 juillet, retour à Vienne jusqu'au 10. Je prends le train pour Bamberg où j'arrive le 11.
Nouvelle fois déplacé de la Stammkompanie à la Marschkompanie. Une histoire de fous !
Le 23 juillet, je suis déplacé à la 19ème Division, je reçois des effets neufs. Course au tailleur,
déménagement dans une chambre différente, signatures, contrôle complet, etc. et tout cela
remis une nouvelle fois au mercredi 26.
Nous prenons le train direction Cologne par Würzburg, et longeons le Rhin en contemplant
les villes dévastées par les bombes et arrivons à Aix la Chapelle, complètement détruite elle
aussi, à 21 heures 30.
Nous repartons le lendemain pour Maastrich en Hollande, après avoir passé la nuit dans le
seul hôtel valide. Nous nous présentons à la Frontleitstelle où nous avions ordre de nous
rendre. Le samedi 29 juillet, nous partons direction Eindhoven-Helmond et nous trouvons
enfin cette 19ème Panzerdivision. Le 30 et 31 juillet, les deux premiers jours d'août,
chargeons au moins 50 véhicules sur des wagons. Le train chargé part, avec nous dans le
dernier wagon, le mercredi 2 août par Almelo, Hengelo, Osnabrück, Hannover, Stendal vers
Berlin où nous arrivons la nuit tombée.
En nous repartons le jeudi 3 août, sans interruption vers la Pologne - Posen-Guesen-Thorn - et
à la frontière de la Prusse, notre terminus. C'est à Arys, un camp d'exercice que nous
déchargeons nos véhicules et que notre « résidence » sera une écurie de chevaux. Nos lits
seront de la bonne paille à même le sol mais quand on a besoin de sommeil peu importe le
lieu et l'endroit.
Le front allemand avait énormément reculé suite à la poussée des troupes russes et les villages
où nous nous trouvions étaient vides d'habitants. Néanmoins, nos soirées pour les 8 jours où
nous sommes restés en ce lieu furent animées grâce à l'orchestre du camp. Les journées ne
furent pas chômées d'après mes notes et les déplacements avec véhicules, fréquents. Stablach
- Koenigsberg, d'autres noms de villes et lieux qui ne me disent plus rien. J'ai noté Augs ? Un
campement avec chevaux et voitures tels qu'ils apparaissent dans les films du Far West.
13 août 1944. Autre ville dont je n'ai noté que la première initiale A. il y avait un lac dans
lequel j'ai pu me baigner. J'avais un Bussing flambant neuf de 4,5 tonnes.
Le 15 août 1944, rechargeons nos véhicules. Le train part direction Varsovie. Le 18 août 1944
sommes à Tomaschov — à Zyrardorf — déchargeons une nouvelle fois et faisons une marche
de nuit de 6 Km pour camper dans un bois près d'un ruisseau.
Le dimanche 20 août 1944, départ à 5 heures direction Grojec. Sommes à 20 Km du front
(Warkafront). Campons encore dans une forêt. Le lendemain, j'installe une centrale
téléphonique pour toutes les communications nécessaires. Sommes restés dans ces bois
environ 10 jours jusqu'au 30 août 1944.
Partons après cette date en direction de Radom et on s'installe à Wawziszow où nous restons
également jusqu'au 16 septembre 1944.
Le 17 nous rechargeons nos véhicules sur wagons et roulons en direction de Lodz —
Gochacjew. Déchargeons au volant de nos camions jusqu'à Scholako (je ne garantis pas
l'exactitude de l'orthographe des noms car mon écriture est des plus déplorables).
Le courrier suivait plus ou moins irrégulièrement. C'est ainsi que le 17 septembre 1944, je
reçus 7 lettres qui m'apprennent que début septembre 44, les troupes alliées avaient atteint la
frontière de l'Alsace ainsi que Lunéville du côté sud. Thaon était libérée.
Le 23 septembre 1944 nous avions une messe, dans un décor primitif, mais pour nous,
grandiose vu les circonstances.
Le 29 et 30 septembre 1944, faisons la chasse aux partisans polonais dans le bois de Chopin et
la forêt qui prolongeait la ville de Varsovie. Le 1er octobre 1944 je suis déplacé dans
l'artillerie motorisée. Je pars en train pour Varsovie pour aller le soir du 3 octobre 1944 en
première ligne qui pour moi est une fabrique de marteaux nommée « Parysow ». Powozki
Chaussée Warschau 32. J'ai gardé des lettres portant cet entête car je les utilisais pour écrire à
Odile.
Cette incursion dans les faubourgs de Varsovie était due à un événement spécial. Nous ne
l'apprîmes que par après. Des partisans avaient provoqué une insurrection et essayaient de
reprendre la ville aux Allemands. Notre artillerie devait pilonner les endroits susceptibles de
les gêner et détruire leur potentiel militaire car ils avaient des armes lourdes !
Le 9 octobre 1944, au soir, après avoir passé la Weichtel de l'est à l'ouest et passé la nuit dans
une tranchée (pour la forme car j'ai dormi dans une maison vide), j'ai réintégré cette tranchée
en toute hâte à 9 heures du matin car un feu d'enfer (Trommelfeuer) s'abattit sur nous.
C'étaient des avions russes venus au secours des partisans, utilisant eux de l'artillerie. 12 de
mes camarades de mon unité nous sommes restés sous ces mitraillages pendant 4 jours, sans
sommeil et attaqués sans répit.
Le 14 octobre 1944 au matin, nous sommes enfin remplacés. Le 15 octobre, repassons à
nouveau la Vistule, heureux de nous en sortir mais non sans angoisse car la mort nous frôle de
partout. En fait, ces soi-disant partisans, c'étaient les Russes qui avaient percé le front.
Le 17 octobre 1944, je me trouve logé dans une villa de nobles. Chambre à coucher style
Louis XI originale mais pleine de charme. Elle m'a permis de me sortir de ces X affreux jours
de cauchemar et de me retrouver un homme avide d'une vie nouvelle.
Ce n'était hélas qu'un répit car vers le 22 octobre 1944, nous nous retrouvons entre la Vistule
et Narew, en face des Russes. Attaque de leur part et nous reculons de 2 Km sous leur poussée
intense jusqu'à un bois où nous pouvons trouver refuge dans des bunkers. Pars pour l'arrière
chercher munitions et ravitaillement le lendemain.
Le 28 octobre 1944, le froid s'installe avec un temps affreux de début d'hiver. Nous sommes
arrivés dans un village inconnu. Logeons dans ce que les Polonais appellent une maison. II
s'agit de quatre murs et d'un toit. Une pièce unique pour 5 personnes au plus, servant de
cuisine, salle à manger, chambre à coucher, avec bétail en temps normal.
J'avais, en arrivant dans cette unité du 19ème régiment d'artillerie, écrit à mon ancien
commandant à Vienne du rôle qui m' avait été dévolu et qui ne correspondait aucunement aux
formations de mécanicien et électricien de chars. Le 4 novembre 1944, par ordre du Haut
Commandement, je suis déplacé à Gross Bom Linden en Allemagne. C'était son rapport à
l'état-major qui a emporté cette décision. Encore aujourd'hui, je lui en sais gré.
Je fis donc partie à cette date de la 4ème Marschkompanie. A peine arrivé, je passais
l'essentiel de mes journées à essayer d'avoir une permission. Mais aller en Alsace à pareille
époque paraissait du domaine de l'impossible. Et pourtant ! Je suis allé jusqu'à demander à
voir le général de garnison. Celui-ci avait été jeune officier à Haguenau en 14-18 et avait
gardé un excellent souvenir de l'Alsace. II m'accorda généreusement une permission
exceptionnelle de 2 semaines.
Ce fut le 11 décembre 1944 au matin et après 2 jours de trajet car à partir de Frankfurt, X ce
fut atroce, je débarquais à Haguenau, dans mon pays d'Alsace, n'en croyant pas mes yeux et
pleurant de joie.
Mon livre de chevet s'arrêta ce jour là et je n'ai plus fait de commentaires par après, ayant
laissé ce tableau de bord dans les mains d'Odile.
Les troupes du général Leclerc entrèrent à Strasbourg et nous les attendions chaque jour
durant cette période. Les troupes américaines arrivèrent à Saverne et poussèrent jusqu'à
Schweighouse et à la Moder, mais sans rentrer dans Haguenau. L'offensive du général
allemand Von Rundstedt se développa à partir du nord de l'Alsace et nos chers amis
américains se retirèrent sur la ligne des Vosges. Nous étions entre 2 feux. Personne ne voulut
s'occuper de moi à Haguenau et des troupes avec officiers allemands logeaient chez nous à
Stieffelhardt.
Ayant dépassé mes 15 jours de permission et pouvant être considéré comme déserteur, je
repartis de la rue St Georges où habitait mon Odile, le cœur déchiré. Même le docteur Gerling
auquel je m'étais confié ne put rien pour moi. (Il reçut après la guerre de hautes distinctions et
médailles françaises comme résistant etc. tu parles ...)
Le 28 novembre 1944, je remontais les rues désertes de Haguenau, la route de Soufflenheim,
sans voir un chat, pour atteindre le Rhin et rejoindre par après Gross Bom. Je fus nommé à la
25ème division de chars qui était en garnison à Gross Bom et y suis resté jusqu'au 20 janvier
1945.
Le front se rapprochait de plus en plus, nos chars furent mis à contribution pour retarder
l'avance des Russes. N'ayant plus de journal de bord, je ne puis plus donner de détails précis
de nos interventions. Je me souviens seulement que tous les hommes valides de l'arrière
durent monter au front et subir les assauts de l'infanterie russe à certains jours très précis.
Anniversaire de Staline, sa fête, autres fêtes patriotiques de Russie, etc. Je dus, par
conséquent, moi également aller remplir les tranchées afin d'éviter la rupture du front.
Mon premier souci, à chaque fois que l'on ordonnait cette montée dans les tranchées, c'était de
bien repérer les lieux afin de pouvoir éventuellement revenir à l'arrière sans trop de
problèmes. Mes collègues avaient pris la même habitude et nous essayions de n'être pas trop
séparés.
A chaque offensive russe, le même scénario se développa. Tirs intenses d'artillerie sur les
tranchées pendant des heures, pilonnages par les « orgues de Staline », obus tirés presque à la
verticale et qui retombaient avec beaucoup de précision sur les tranchées. Bombardements par
les avions volant à très basse altitude. Nous avions pris l'habitude de nous creuser bien bas
une espèce de niche dans laquelle nous nous logions... Seul inconvénient, on risquait de
mourir étouffés si l'obus tombait sur l'endroit même. Mais à choisir ....
Heureux quand on entendait les obus des mortiers et de l'artillerie allemande sifflant audessus de nous pour aller s'écraser dans les lignes russes. Au bout d'un certain temps, qui
pouvait durer quelques heures, les obus s'éloignaient vers nos amères. Nous savions alors que
nous aurions à subir l'assaut des fantassins russes. Les cris des « Hourra » s'amplifiaient au fur
et à mesure de leur avancée vers nos tranchées, fusils tendus, baïonnettes au canon.
C'est alors que nos fusils et mitrailleuses crépitaient à qui mieux-mieux. Les canons de nos
armes devenaient rouges et les premiers hommes tombés étaient suivis par d'autres qui
ramassaient les fusils de ceux qui étaient tombés.
On ne peut comprendre ces faits si on ne les a pas vécus. C'est horrible. J'ai également tiré
mais à chaque fois que je pressai la gâchette, je fermai les yeux. Je n'ai pas conscience d'avoir
tué quelqu'un et pourtant ma propre vie était en jeu.
Et le jour vint néanmoins où le front se rompit. Etait-ce du côté de Zipfnow – Schneidemühl,
Deutsch-Krone – Gross Zacharin – Hoff Dievenow. Je ne le sais plus. En mars 1945, je fus au
moment du recul arrêté par la Feldgendarmerie et mis à la disposition du
Fahnenjunkerregiment 1 de Gross Born. Je fus chauffeur du commandant, cuistot, etc ... bref,
le seul homme n'étant pas officier aspirant.
Ce fut le régiment qui ne se rendit pas aux Russes. Nous avons marché dans ce no man’s land
pendant des nuits et des nuits, nous reposant le jour, poursuivis par moment par des troupes
russes, toujours en alerte.
Je me rappelle un jour où, reposant dans une maison au 1er étage, un obus d'artillerie traversa
le mur à quelques centimètres de ma tête, sans éclater. Couvert de briques, d'éclats divers,
j'avais la vie sauve.
C'est ainsi que nous arrivâmes à la mer Baltique à Misdroy, entre les troupes russes qui
cherchaient à organiser un front uni entre cette mer du Nord et le Sud de l'Europe et les
Allemands, ceux qui n'étaient pas encore encerclés. Imaginez et voyez ces kilomètres du nord
de l'Europe au sud de celle-ci. Des centaines, voire des milliers de kilomètres.
Nous étions derrière les troupes russes en arrivant à la Pommersche Bucht et la ligne
allemande s'était formée entre cette mer qu'ils appelaient « Ostsee » et le lac intérieur de
Stettin. Nous avions 15 km à franchir pour rejoindre cette ligne du front allemand. C'est au
pas de charge que le long de la côte, nous avons écarté les Russes. Surpris par l'arrière, et ne
sachant ce qui leur arrivait, ils cédèrent le passage mais devant nous se trouvaient les
Allemands. Ceux-ci croyant que les Russes attaquaient, nous soumirent à un tir d'artillerie au
départ. Les pieds presque dans l'eau, le long de la plage étroite, nous arrivâmes dans leur ligne
. Comprenant que quelque chose d'anormal se passait, car aucun coup de feu ne venait d'en
face, leurs lignes s'ouvrirent. Nous étions, ceux du moins de notre régiment qui avaient passé
sans encombre cet obstacle inimaginable, revenus dans un monde qui nous paraissait
merveilleux.
Juste derrière la première ligne, nous reçûmes un premier ravitaillement. J'étais assis sur un
tas de pierres, dégustant un vrai sandwich garni quand soudain un éclat d'obus russe s'abattit à
mes pieds. Encore une chance inouïe de la part du destin à mon égard.
Vous imagine, le repli immédiat que nous fîmes. Nous restâmes 3 jours dans cette région et
ru`~r~e`~t~, embarqués sur un bateau qui, malgré les attaques aériennes et par mer, nous
amena dans un port dont j'ai oublié le nom. De toute façon, tous les noms allemands ont été
modifiés car occupés à présent par la Pologne ces villes et villages ont pris des noms polonais.
C'est ainsi que Stettin s'appelle à présent Szczecin. Pour prononcer ce nom là, il faut avoir une
langue fourchue !
Nous sommes arrivés après notre débarquement à Neubrandenburg puis Neustrelitz vers le 20
mars 1945. C'est alors que tous les aspirants officiers furent nommés officiers avec destination
Berlin par ordre du Führer. Nous avons eu droit au Wehrmachtsbericht, décorés de la
« goldene Nahkampfspange » (croix en or des combattants ayant subi des combats de
proximité !). Tous, sauf un Autrichien et moi, furent nommés dans l'armée Schoemer en
Tchécoslovaquie, avec ordre de route « Frontleitstelle Deutschbrod »
Nous partîmes pour Prague le 29 mars 1945. Mon collègue, comme moi, n'avions plus aucune
envie de rejoindre le front surtout que Schoemer avait mauvaise réputation. Le hasard voulait
que mon compagnon ait un oncle qui était libraire à Prague. II nous modifia notre ordre de
route en effaçant « Deutschbrod » (je ne sais comment il le fit) pour le remplacer par
« Frontleitstelle München (Munich) ». C'était juste à l'opposé !
Entre temps, l'insurrection de la Tchécoslovaquie eut lieu et les partisans, très actifs,
s'attaquaient aux soldats allemands en uniforme. C'est ainsi que je me débarrassai de ma veste
militaire et ne me déplaçai qu'en pull-over. Ma culotte ne pouvait me trahir.
Pendant un mois, je me suis caché comme je pouvais tout en allant en direction de Pilsen —
ces villes s'appellent aujourd'hui Praha et Plzen ! Des Tchèques m'aidèrent fort heureusement.
Le mois d'avril 1945 passa. Les Américains avançaient lentement suite à un accord avec les
Russes. Ces derniers occupèrent Prague et s'arrêtèrent à mi-chemin de Pilsen.
J'avais une chance de rejoindre des troupes américaines qui enfin envahirent la
Tchécoslovaquie jusqu'aux lignes russes. Je me rendis aux Américains le 6 mai 1945 à
Wiesengrund, au sud de Pilsen, en tant que prisonnier français.
Le temps de vérifier mon identité réelle, de rejoindre d'autres Français, nous fûmes quelques
jours plus tard embarqués sur des camions conduits par des soldats noirs. Des fous du volant.
Nous avons craint pour nos vies alors que nous croyions les avoir sauvées.
Enfin nous arrivâmes à Nuremberg où un train fut mis en place afin de nous amener à Chalons
sur Marne où se trouvait un camp de transit pour prisonniers.
Le lendemain, celui-ci se mit en marche direction la France. Nous rêvions, rêvions ... Est-ce
possible ? ...
Le fait d'aller à Chalons ne m'enchantait pas. Ce n'était pas ma direction et les rumeurs
entendues parlaient de plusieurs semaines avant la libération définitive. Sachant que le train
passerait par Thionville-Metz, je pris la décision de sauter du train quand il passerait en gare
de Thionville.
C'est ce que je fis le 23 mai 1945.
Je pris, sans billet, un des premiers trains en direction de Strasbourg, puis Haguenau où
j'arrivais dans la foulée, le même jour.
Je ne puis décrire mon état d'âme en foulant le quai de ma ville !
Je n'eus qu'une hâte, rentrer chez mes parents, revoir notre maison. Et, arrivant sur les lieux,
ce fût un choc brutal, terrible. Plus rien que des ruines
Que s'était-il passé ? Où étaient mes parents ?
Aussitôt, après une courte inspection des lieux, je reprends le chemin de Haguenau direction
rue Saint-Georges, voir la famille Stein, pour prendre des nouvelles.
Je n'ai jamais marché aussi vite de ma vie et arrivé au n° 9 de la rue Saint-Georges, j'ai pris
ma tête entre mes mains, l'appartement de la famille Stein avait reçu une grenade d'artillerie et
la toiture était démolie.
Plus de famille, plus d'Odile !
L'idée me vint de rejoindre la famille Zuber, amis de mes parents et oh ! Bonheur, ceux-ci
avaient trouvé à ma mère un appartement juste en face, au rez-de-chaussée du notaire. Après
la démolition de notre maison due à l'artillerie française, des amis gardes forestiers l'avaient
prise chez eux, route de Surbourg, dans leur maison et s'étaient, de connivence avec les Zuber,
occupés de leur sort.
Le 26 mai 1945, au soir, j'avais retrouvé la trace de la famille Stein qui habitait à présent dans
une maison, au Zef étage de la rue St Materne. Je retrouvais celle que j'aimais et qui devint, le
6 juin 1945, mon épouse, votre maman, aujourd'hui grand-maman et même arrière-grandmère.
Le 18 juillet 1945, je fus démobilisé officiellement. Ce fut la fin de mon histoire militaire.
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