Grosse Théâtre présente
LE NEVEU DE RAMEAU
De Denis Diderot
ADAPTATION ET MISE EN SCÈNE Hervé Guilloteau
CREATION 2015 – 2016
WWW.GROSSETHEATRE.COM
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GROSSE THEATRE27, av. de la Gare Saint-Joseph - 44300 Nantes / T. 02 28 23 60 24
Association META JUPE / SIRET 414 736 728 00042 / APE 9001 Z / Licence 2.1044042 - Licence 3.1057717
contact@grossetheatre.com / www.grossetheatre.com / https://www.facebook.com/grosse.theatre
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Photo © Jean D.!
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Sommaire
Note d’intention p . 3
Note de mise en scène p . 6
Notes de scénographie et références p . 8
Denis Diderot p . 9
Bios p . 10
L’équipe p . 10
Le calendrier p . 12
La production p . 12
Extraits de presse cie p . 13
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Note d’intention
Nous sommes d’accord. Je n’ai nullement besoin de présenter le philosophe Denis Diderot (1713
1784). Je n’ai pas lu les vingt-huit volumes de L’encyclopédie pour laquelle D’Alembert et lui ont
consacré plus de vingt ans de leur vie. A transmettre la connaissance au risque d’être arrêtés et
emprisonnés par les curés.
Ces intellectuels ne se sont pas contentés d’écrire mais ont mené un véritable combat pour l’accès des
Hommes au savoir. On a appelé ça Les Lumières. Après il y a eu la révolution et plein d’autres choses
avant ma naissance. On m’a souvent dit à l’école que je n’en étais pas une de lumière. Je ferais alors
bien de me demander pourquoi une œuvre qui me rapporta quatre points au bac me préoccupe à ce
point aujourd’hui.
Lui- (Les génies) ne sont bons qu’à une chose. Passé cela, rien. Ils ne savent ce que c’est
d’être citoyens, pères, mères, frères, parents, amis. Entre nous, il faut leur ressembler
de tout point ; mais ne pas désirer que la graine en soit commune. Il faut des hommes ;
mais pour des hommes de génie ; point. (…) Si je savais l’histoire, je vous montrerais
que le mal est toujours venu ici-bas, par quelque homme de génie. Mais je ne sais pas
l’histoire, parce que je ne sais rien…
Donc pas de copié-collé Wikipédia. Ni de http://www.bacdefrançais.net/neveu-rameau.php. Encore
moins d’extraits d’ouvrage du très dévoué Jacques Attali à son Diderot préféré pour vous convaincre
que Le neveu de Rameau vaut la peine qu’on en reparle. Y compris que j’aimerais me charger de mettre
en scène le plus célèbre des entretiens philosophiques sans avoir pour obligation au terme du spectacle
de poser au public la question au coefficient sept : Est-ce que le dialogue argumentatif est une solution
pour que l’homme pense par lui-me ?
Moi- Mais à votre compte, dis-je à mon homme, il y a bien des gueux dans ce monde-
ci ; et je ne connais personne qui ne sache quelque pas de votre danse.
Lui- Vous avez raison. Il n’y a dans tout un royaume qu’un homme qui marche. C’est
le souverain. Tout le reste prend des positions.
Il n’y a pas de matin je ne me dis que tout est faux. Pourquoi les civilisations
sont-elles nées des défauts des hommes et pas l’inverse ? Céline disait qu’à la guerre, les hommes sont
fiers de leur haine, à la différence des chiens qui en souffrent. Puis je me remémore le combat de
quelques uns, sans qui ces civilisations n’auraient jamais vu le jour. Et ç’eut ésans doute utile qu’ils
fussent plus nombreux.
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Alors gros nounours. Dégage ta télé sur Le bon coin. Mets à profit ta raison et ta générosité. Adhère à un
groupe. Et si la ferveur associative t’insupporte, tend à la sagesse du moine. Mais ne continue pas à
glander dans les vernissages pour y évaluer ton degré d’importance. Parce que c’est la guerre ça aussi.
Toutes ces précieuses passionnées qui au fond n’ont qu’une préoccupation : parvenir à gravir le tas de
merde. Ne plus faire partie des mouches qui gravitent autour ou en bas, écrasées.
Ça peut devenir très violent dans ma tête auquel cas je dois impérativement me recoucher. Mais au
second réveil, trouver soudain tout délicieux. Avoir l’envie apaisée de rejoindre tout ce cirque.
Regarder cela comme une vaste plaisanterie. Faire l’inventaire de mes O6 et de mes lignes directes.
Convenir d’un déjeuner avec un con et choisir à dessein la brasserie il y en aura d’autres. Me forcer
à manger de la joue de porc. Etre d’accord sur les derniers cris de Macaigne. D’accord sur la vitalité
redonnée aux quartiers. D’accord sur le Mali. D’accord qu’il aurait fallu communiquer autrement.
D’accord pour une invitation au stade. « Que le monde aille à sa perte, c’est la seule politique ». D’accord
avec Duras. Pourvu que je ne sois pas obligé de retourner vivre chez mes parents.
Lui- Et puisque je puis faire mon bonheur par des vices qui me sont naturels, que j’ai
acquis sans travail, que je conserve sans effort, qui cadre avec les mœurs de ma
nation (…) ; il serait bien singulier que j’allasse me tourmenter comme une âme
damnée (…) pour me donner un caractère étranger au mien ; des qualités très
estimables, j’y consens (…) mais qui me coûteraient beaucoup à acquérir, à pratiquer,
ne mèneraient à rien, peut-être à pis que rien, par la satire continuelle des riches auprès
desquels les gueux comme moi ont à chercher leur vie. On loue la vertu ; mais on la
hait ; mais on la fuit ; mais elle gèle de froid ; et dans ce monde, il faut avoir les pieds
chauds.
Si Nabila, un soir de prime sur NRJ12, disait cela. Elle finirait au Panthéon (et non pas au Panthène,
qui est sa marque de shampoing). Même si, des préceptes de Talleyrand - savoir, faire, savoir faire, faire
savoir - la jeune femme semble n’avoir retenu que le dernier. Woyzeck dit à son capitaine : « Nous les
gens simples, on n’a pas de vertu, on a que la nature (…) Ca doit être quelque chose de magnifique d’être vertueux.
Mais je ne suis qu’un pauvre gars ». Rassurez-vous, nous sommes tous, un jour ou l’autre, d’une certaine
manière, ce pauvre gars. Le neveu de quelqu’un. Mais les arguments du dandy de Diderot ne se
résument pas au brave ressenti d’un branleur botoxé. Il ne dit pas simplement qu’il faudrait être stupide
de grave bosser quand on peut gagner un max de fric sans effort. Il ne dit pas uniquement que face à
tous ceux qui profitent des faveurs de l’histoire, on aurait tord de se gêner. Il fait surtout preuve d’un
gai pessimisme et d’une réelle lucidité, à l’égard du monde (de l’art) et de la place qu’on peut s’y faire.
J’ai longtemps pensé que c’était grâce à la politique des années 80 et à l’évolution de la société que
j’avais pu faire du théâtre mon métier. Aujourd’hui je pense que c’est seulement grâce à un homme. Pas
deux, un. Aujourd’hui aussi, je crois que mon vrai tourment n’est plus celui de me faire à tout prix une
place. Même si je reconnais que si j’avais quinze ans, je tenterais le casting de La nouvelle star, avec les
encouragements de ma marraine, femme de flic persuadée que je vais faire mon trou. Ce qui ressurgit
régulièrement, violemment et sans appel, c’est un sentiment de l’enfance, presque un état, celui que
j’illustrerais par les mots de la chanson de Bashung : « A quoi ça sert la frite si t'as pas les moules ? »
L’atroce collision entre le désir et l’ignorance. C’est une verrue. Ça te colle aux baskets toute une vie.
Parfois, il faut bien s’en arranger.
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5!
Moi- Mais je crois que si le mensonge peut servir un moment, il est nécessairement
nuisible à la longue ; et qu’au contraire, la vérité sert nécessairement à la longue ; bien
qu’il puisse arriver qu’elle nuise sur le moment.
L’intérêt de donner à voir Le neveu de Rameau doit aller au-delà de la simple restitution d’une
conversation à bâtons rompus comme on dit. La force émotionnelle contenue dans ce dialogue réside
surtout dans la volonté de Diderot à provoquer son propre égarement. A remettre en cause ses idées et
à donner chair et identité à un être de mauvaise compagnie le neveu qui n’est autre que Diderot
lui-même.
« Voilà ce que je me suis dit, et voilà ce que je me suis répondu. »
« Des convictions profondes, seuls en ont les êtres superficiels » écrit Pesoa. Et si c’était ça finalement ? Vivre
pleinement cette complexité. Sans tenter de la dompter derrière des postures inébranlables. Mettre en
scène Le neveu de Rameau revient pour moi à couper un homme en deux dans le sens de sa hauteur. Ce
savant je t’aime moi non plus doit produire un théâtre organique, touchant et libérateur.
HG
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