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Comptabilité
fiant les objectifs assignés au système comptable ?
1. FONDEMENTS ACTUELS
DES CONCEPTS COMPTABLES
Plutôt que de tenter de participer à un débat académique relan-
cé sur des propositions datées du milieu du siècle dernier, la pré-
sente réflexion se propose de l’éclairer par l’examen de la pra-
tique et des implications de la théorie financière dans la grande
entreprise actuelle.
Cet examen montre, en premier lieu, que la pratique est bien
conforme à l’objectif toujours d’actualité de la “comptabilité
d’engagement”, traduction imparfaite mais officielle dans les
IFRS de “l’accrual accounting” des Anglo-saxons. La comptabili-
té d’engagement repose en priorité sur les flux financiers, qui
sont les seules transactions absolument objectives et qu’il faut
enrichir par des éléments calculés (les “accruals”), écritures non
monétaires destinées à augmenter la pertinence d’un dispositif
qui ne serait, en leur absence, qu’une comptabilité de caisse. S’il
fallait donner une prééminence à un composant quelconque du
modèle, elle devrait l’être plutôt au tableau des flux de trésore-
rie, sans positionnement de supériorité a priori du bilan ou du
résultat. Et, en pratique, chaque utilisateur privilégie les états qui
l’intéressent, grâce à un principe de comptabilité en partie
double et à des systèmes modernes intégrés qui lui garantissent
un ensemble cohérent et pertinent.
La question de fond est donc bien sur les concepts : quel est
l’objectif des “accruals” que sont les amortissements, provi-
sions, charges à payer et autres ajustements tels que la valeur
de marché ? Les partisans du résultat considèrent que les écri-
tures non monétaires ont pour objet de refléter les transac-
tions dans la période dans laquelle elles se sont produites
(principe de réalisation). Les partisans du bilan pensent
qu’elles permettent de refléter la valeur des actifs et passifs de
l’entreprise (principe de valeur). Or le cadre conceptuel d’ori-
gine des IFRS, comme de nombreux autres, donne raison aux
deux (chapitres “Accrual Basis, et Recognition of the Elements of
Financial Statements”).
L’existence de ces deux concepts unificateurs fait la force du
modèle, pour le temps qu’il leur reste à vivre, car leur disparition
est programmée dans la réforme en cours. Pour tenter de récon-
cilier les parties avant que l’irréparable ne se produise, la théo-
INCOHÉRENCES DE LA JUSTE VALEUR
DANS LE MODÈLE COMPTABLE (1)
Les développements en cours au niveau international
ont-ils encore quelque chose à voir avec la
comptabilité ? C’est une question saugrenue pour
un néophyte, mais qui se pose pourtant à un nombre
croissant de “préparateurs” comptables.
Les novations conceptuelles récentes des IFRS ont en effet de
quoi alimenter toutes les interrogations possibles sur l’avenir du
métier de ceux qui sont directement en charge de produire et
de justifier les comptes. On leur fait valoir, entre autres, l’émer-
gence d’un nouveau concept de juste valeur, l’obsolescence
supposée du coût historique, les inconvénients d’un modèle qui
serait devenu mixte, un concept de résultat global devant se
substituer à celui du résultat net, une préférence pour la déter-
mination du cash-flow en méthode directe au lieu de la métho-
de actuelle indirecte et, pour finir, la nécessité de substituer à un
modèle fondé sur des règles un nouveau modèle reposant sur
des principes.
La principale source de référence dont ils disposent pour se faire
une opinion est un document conjoint de l’IASB et du FASB de
2005 (Revisiting the Concepts) affirmant la supériorité concep-
tuelle de l’approche comptable par le bilan sur celle par le résul-
tat, et inspiré d’une étude académique du Pr. J. Hicks de 1946.
Assistons-nous à une évolution normale d’adaptation au contex-
te économique ou bien à un bouleversement plus radical modi-
Résumé de l’article
La juste valeur est-elle si juste que cela ? Pour un comptable
praticien, l’accolade du mot “valeur” au mot “juste” sonne un
peu faux car la justesse est, dans son métier, signifiante d’ob-
jectivité maximale. Il s’interroge donc naturellement sur la
mise en pratique de ce nouveau concept comptable, alors
qu’en même temps la communauté financière perd ses repères
sur les valeurs financières et prend ses distances avec ses outils
de modélisation. L’examen des principes sous-jacents reven-
diqué par le normalisateur international et leur confrontation
à la théorie financière n’ont pas de quoi le rassurer. Sans pré-
juger du fond, il sera vital pour la qualité de l’information
comptable que le “préparateur”, principal responsable des
comptes, adhère aux évolutions en cours.
Dominique BONSERGENT (2)
Conseiller auprès du directeur financier
de Total
1. Remerciements à Mrs. E. Boris (PWC), E. Jacquemin (DLT) et O. Poupart-
Lafarge (CNC) pour leurs critiques constructives sur des versions antérieures. Les
vues exprimées restent celles de l’auteur, à titre personnel.
2. Dominique Bonsergent, conseiller auprès du directeur financier de Total,
anciennement responsable des comptes du groupe, est administrateur de
l’APDC et d’Acteo, et co-auteur avec Laurent Batsch du Que Sais-je ? « Les 100
mots de la comptabilité » aux PUF. Il est diplômé d’HEC et d’expertise comptable
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rie financière élémentaire, qui gouverne le comportement de
l’investisseur sans remise en cause apparente, peut être un
arbitre utile. Les techniques d’actualisation financière, qui sont à
la base du concept de valeur actionnariale, sont bien connues
des évaluateurs qui procèdent à des calculs de valeur actuelle
nette pour aider à la décision d’investissements, mais elles le
sont moins du monde comptable, parce qu’elles n’y sont pas
toujours explicites dans les normes et qu’elles y sont moins
utiles au quotidien.
L’objet principal de ce document est de montrer qu’on les
retrouve pourtant depuis toujours derrière tous les principes
comptables, même dans les méthodes les plus classiques
comme la méthode du coût amorti, et que cela conforte la soli-
dité du modèle. Que, partant de là, la juste valeur n’apporte
aucune novation conceptuelle et n’est ni plus moderne ni plus
actuelle que les méthodes existantes. Et qu’enfin, opposant arbi-
trairement modèles anciens soi-disant historiques et modèles
modernes soi-disant prospectifs, elle introduit une confusion
telle qu’il vaudrait mieux probablement l’abandonner.
2. LA THÉORIE FINANCIÈRE ÉLÉMENTAIRE
DANS LA COMPTABILITÉ
Le domaine dont il est question ici est celui de l’investissement
à risque en milieu capitaliste qui diffère de celui des activités à
but non lucratif ou des collectivités publiques. En milieu capita-
liste, la mobilisation de capital à risque et la valeur temps de l’ar-
gent imposent à l’investisseur d’obtenir une rémunération des
montants placés proportionnelle au risque pris. Le modèle éco-
nomique et financier de référence utilisé pour valoriser des
investissements est celui de l’actualisation financière, dans
lequel un flux d’investissement initial doit correspondre à des
flux futurs de trésorerie, calculés en valeur actuelle à un taux
représentatif du risque. Deux approches sont généralement
employées. La première est celle où le taux utilisé fait corres-
pondre exactement l’investissement aux flux actualisés. Par
exemple, un investissement de 100 euros effectué sur un an doit
rapporter 115 euros si le taux exigé en fonction du risque est de
15 %. Ce taux est le taux interne de rentabilité de l’investisse-
ment (TRI). La seconde consiste à actualiser les flux à un taux
prédéterminé, par exemple le coût du capital de l’entité et à
comparer le montant obtenu au montant de l‘investissement.
La différence donne la valeur actuelle nette (VAN) de l’investis-
sement. Admettons dans l’exemple cité plus haut, un coût
financier du capital de 8 % extrapolé à partir du marché. La
valeur actuelle de l’investissement est le cash-flow de 115 actua-
lisé à 8 % soit 107 et sa VAN, après déduction de l’investisse-
ment, de 107 moins 100 soit 7. Le projet crée de la valeur pour 7.
On montre alors que ces deux approches ont leurs parfaits équi-
valents en comptabilité dans les trois méthodes de référence uti-
lisées, coût amorti, valeur de marché et valeur d’utilité.
3. L’ACTUALISATION FINANCIÈRE
DANS LES TROIS MÉTHODES COMPTABLES
DE RÉFÉRENCE EXISTANTS
COÛT AMORTI
La traduction comptable de la formule d’actualisation évoquée
précédemment s’exprime en développant le flux généré de 115
en 100 + 15 % de 100 qui montre que ce flux de trésorerie de
115 couvre un montant de 100 de remboursement du capital
(l’amortissement) et une rémunération de ce capital de 15 (le
résultat). Le résultat est de 15 % de 100, soit le taux d’actuali-
sation appliqué au capital employé.
Le résultat est déterminé par la différence entre le flux d’exploi-
tation de 115 et une charge calculée (accrual) appelée amortis-
sement de 100. Le bilan se construit ensuite en déduisant
l’amortissement de l’investissement de départ.
La méthode du coût amorti a pour hypothèse que le flux pro-
bable est, a minima, le plan de remboursement du capital, soit
par contrat (cas d’un prêt financier à échéance fixe) soit par
hypothèse industrielle (l’outil industriel va produire des flux
réguliers pendant 10 années et est amorti linéairement sur dix
ans). C’est la méthode inspirée du TRI et décrite dans l’exemple
ci-dessus. Le taux d’actualisation n’est pas connu, mais se
reconstitue à partir du résultat, différence entre le cash-flow
généré et l’amortissement. C’est le fameux ROCE, ratio de ren-
tabilité du capital employé tant prisé des investisseurs parce
qu’il représente l’estimation de la moyenne du TRI des investis-
sements de l’entité. Conceptuellement, les actifs comptabilisés
au coût amorti sont valorisés en cash-flows futurs actualisés à
leur TRI. C’est donc la méthode comptable de base des immo-
bilisations industrielles, qui donne les résultats les plus “pro-
bables” pour ces actifs. Pour les actifs financiers à amortissement
et rendement contractuels, la démonstration est encore plus
immédiate : le coût amorti est le nominal restant à rembourser,
exactement égal aux flux de remboursement actualisés au taux
du contrat. Pour ces raisons, la méthode du coût amorti est la
seule qui permette de tracer en comptabilité le rendement d’un
actif et le coût d’un financement.
VALEUR DE MARCHÉ
Tous les actifs et passifs d’une entité ne sont cependant pas sus-
ceptibles de faire l’objet d’un plan de remboursement du capi-
tal. En particulier, les instruments financiers dérivés n’ont pas de
capital employé du tout. L’alternative, quand ils sont cotés sur
un marché liquide et peuvent être immédiatement réalisés, est
de se référer au marché qui fournit directement la valeur de
cash-flows futurs la plus probable quand ceux-ci sont gérés à
des fins de trading. La valeur au bilan est cette valeur et le résul-
tat se calcule par différence de deux valeurs entre l’ouverture et
la clôture.
Abstract
Is fair value really fair? For accounting professionals, the “value”
and “fair” duo rings somewhat off-key as, in the profession,
the notion of fairness means maximum objectivity.
Implementation of this new accounting concept is naturally
questionable, particularly at a time when the financial world is
losing confidence in commonly held notions of financial value
and distancing itself from the use of traditional models. Analysis
of the underlying principles promoted by international standard-
setting bodies that challenge financial theory provides little
comfort. To ensure high quality financial information, it is essen-
tial that in the future, professionals who “prepare” accounting
disclosures respect “changes-in-progress” without questioning
their content.
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par sa disparition envisagée pour les instruments financiers. Il
faudra un jour analyser l’histoire pour comprendre pourquoi les
travaux n’ont pas été poursuivis dans la même voie et ont bru-
talement bifurqué dans une direction radicalement différente de
“juste valorisation”.
4. DES NOVATIONS COMPTABLES
SUJETTES À CAUTION
En attendant, si les préparateurs “revisitaient” eux aussi les
concepts et les mettaient à l’épreuve de la théorie et de la pra-
tique financière qu’ils vivent au quotidien, ils seraient en droit
de contester toutes les novations évoquées au début.
Premièrement, la “juste valeur”, qui tente de regrouper sous un
même chapeau conceptuel la valeur de marché et la valeur
d’utilité, n’arrive pas à convaincre parce qu’elle associe arbitrai-
rement deux approches ayant un degré de certitude très diffé-
rent. Or, dans certains cas, le coût amorti et la valeur de marché
sont plus proches conceptuellement par leur objectivité que la
valeur de marché ne l’est de la valeur de modélisation. Si l’on
prend l’exemple d’un prêt ou d’une dette à échéancier connu
portant intérêt à taux variable, il y a forte convergence de
valeurs entre la méthode du coût amorti et celle de la valeur de
marché car elles ne diffèrent que du risque de crédit ajouté par
le marché. Au contraire, la valeur d’utilité qui repose sur des
hypothèses propres à l’évaluateur, a toutes les chances de ne
pas se retrouver dans la valeur de marché.
Pourquoi la juste valeur s’introduit-elle dans le monde comp-
table au moment précis où la crise financière conduit la com-
munauté financière à prendre du recul par rapport à la modéli-
sation ? Et comment contester que, pour les investissements
industriels décidés sur la base de leur TRI, le coût amorti soit
aussi une forme de juste valeur à part entière puisqu’il repré-
sente la valeur actuelle du capital employé au taux d’actualisa-
tion du risque vu par le décideur ? Au-delà du concept sous-
jacent qui prête à critique, le terme même de juste valeur est
trompeur, car il donne, en français, une présomption de solidi-
té des chiffres qui n’a pas de fondement.
Deuxièmement, la critique du “coût historique” comme méthode
dépassée, parce qu’orientée sur le passé, n’est pas fondée puis-
qu’il s’agit en fait du coût amorti et que cette méthode valorise
les actifs et passifs à leur flux futurs actualisés à leur taux propre,
taux du contrat ou TRI de l’outil industriel. En abandonnant
cette terminologie malheureuse et en la remplaçant par coût
amorti, on qualifierait correctement une méthode au moins
autant prospective qu’historique.
Troisièmement, le modèle comptable n’est pas devenu mixte par
un phénomène de mélange de méthodes historiques et pros-
pectives. C’est un modèle cohérent de flux réels et de flux pro-
bables qui deviendrait mixte si, accordant à la valeur d’utilité une
place prépondérante contredisant l’objectivité maximale deman-
dée aux comptes, on leur faisait perdre leur fonction d’états de
reporting pour en faire progressivement des états de valorisation.
Il devrait alors, à l’extrême de la logique, devenir un modèle en
full fair value”. Dans un tel modèle, pratiqué par les évaluateurs,
le concept d’amortissement n’existe plus. Il devient impossible
de mesurer le coût du capital et le ROCE des actifs. Le résultat
n’est qu’un perpétuel changement de valeur, sans aucun rap-
prochement possible avec les flux de cash finalement obtenus.
C’est un modèle qui se passe de normes et de comptables.
Mais si on applique cette méthode à l’exemple du paragraphe
précédent, en supposant que le marché s’enthousiasme exagé-
rément pour le projet, que l’actif cote 120 euros la première
année et que l’entité le conserve à son échéance, elle va déga-
ger un profit de 20 (120 moins 100) immédiatement, suivi par
une perte de 5 (120 moins 115). L’application de la méthode
conduirait à anticiper un résultat la première année, qui ne sera
jamais réalisé. Cette méthode est donc inadaptée au cas d’un
investissement productif dont la destinée est de rester dans l’en-
treprise.
VALEUR D’UTILITÉ (OU VALEUR ACTUELLE
ET AUTRES MODÉLISATIONS)
Avec la valeur d’utilité, nous atteignons les limites du monde
comptable. Jusqu’à présent, la comptabilité dispose d’une base
de valorisation probable conforme à son objectif d’objectivité
maximale (remboursement du capital ou flux de sortie sur un
marché). Mais en cas d’incertitude sur ces éléments, il faut, sauf
à ne rien faire et donc conserver le coût d’entrée, trouver une
valeur probable alternative de flux futurs estimés. Ce peut-être,
parmi les modèles disponibles, l’application comptable de la
VAN. Si l’entité charge ses évaluateurs de son calcul, ceux-ci
feront par exemple une hypothèse de taux d’actualisation au
coût du capital, mettons 8 %.
En poursuivant l’exemple précédent dans lequel l’actualisation
des 115 à 8 % donnait 107, le résultat dégagé est, avant même
que l’investissement n’ait produit, de 7 (107 moins 100) soit la
création de valeur, le solde de 8 (115 moins 107) étant pris l’an-
née suivante et ne servant qu’à compenser le coût du capital
(8 % de 100). Il apparaît que cette méthode anticipe les résul-
tats avec un alea non négligeable et présente un fort aspect de
subjectivité. La VAN, comme beaucoup de modélisations finan-
cières, mesure la création de valeur potentielle à un stade initial
du processus, très en amont de sa concrétisation effective. Utile
pour donner une valeur à des actifs à des fins de transaction, elle
ne trouve sa place en comptabilité qu’entourée de toutes les
précautions nécessaires.
En résumé, l’examen du modèle comptable confirme qu’il est
bien à la fois un modèle de flux existants et de flux futurs. D’une
part, il mesure les flux réels, ceux du capital effectivement
employé. D’autre part, tous les actifs et passifs y sont valorisés
au bilan suivant des scénarios de flux futurs actualisés avec des
hypothèses spécifiques prenant en compte le risque impliqué,
même en coût amorti. L’objectivité maximale est en effet assu-
rée par l’application d’hypothèses, notamment de taux d’actua-
lisation, qui sont celles propres à chaque actif et passif. C’est ce
qui, au fond, distingue ce modèle des modèles de valorisation,
dans lesquels les hypothèses sont extraites de données externes
et donc empreintes d’une beaucoup plus forte subjectivité. Si
l’on devait opposer des modèles, il faudrait opposer modèles de
reporting et modèles de valorisation plutôt que modèles fondés
sur le bilan et modèles fondés sur le résultat.
Tous les développements qui précèdent sont dans l’esprit des
concepts de maintien du capital évoqués succinctement dans
le cadre conceptuel originel des IFRS (chapitres 102 et suivants,
Concepts of Capital and Capital Maintenance) mais non dévelop-
pés faute de besoin ressenti à l’époque. Ils partagent notam-
ment l’idée qu’un flux d’exploitation est du résultat à condition
que le capital soit maintenu, ou amorti quand il est consommé.
Ainsi le concept d’amortissement est aussi essentiel à la finance
qu’à la comptabilité et l’on peut comprendre l’émoi provoqué
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Quatrièmement, le résultat global n’apparaît pas comme un
concept supérieur au résultat net. Il n’y a conceptuellement en
accrual accounting” qu’un seul résultat, égal au flux d’exploita-
tion ajusté des “accruals”. S’il existe dans les faits deux agrégats,
qui ne diffèrent que du fait d’exceptions inévitables et justifiées
au principe de probabilité des flux futurs, tels les écarts de
conversion ou autres imputations directes en capitaux propres,
c’est une question de désagrégation et de présentation ad hoc.
Enfin, dernier élément de la liste des postulats sujets à caution
et qui n’est pas qu’un détail de forme, la supériorité supposée
de la méthode directe pour présenter les flux d’exploitation du
tableau de flux de trésorerie est contredite par l’approche du
modèle comptable par les flux et les “accruals”. Le résultat étant
déterminé par différence entre un flux d’exploitation et des
amortissements et autres charges calculées, la méthode indirec-
te, qui met en évidence le remboursement du capital et son ren-
dement, est la plus pure conceptuellement. Il n’est donc même
pas besoin d’évoquer les gigantesques problèmes soulevés par
la mise en œuvre pratique de la méthode directe, bien qu’ils
mobilisent en ce moment légitimement les praticiens.
Partant de toutes ces constatations, il n’y a qu’un pas à franchir
pour considérer que l’abandon du concept de juste valeur en
comptabilité et le maintien séparé de ses composants (donc
sans amalgamer “mark to market” et “mark to model” dans un
concept unique arbitraire) servirait la cause de la clarté du
débat. Le modèle comptable, assis comme avant sur coût amor-
ti, valeur de marché et valeur d’utilité utilisés de façon ad hoc
suivant la fonction des actifs et passifs dans l’entreprise, ne serait
privé d’aucun outil à sa disposition.
5. LES RISQUES CONCRETS IMPLIQUÉS
PAR LES CHANGEMENTS CONCEPTUELS
EN COURS
Toute cette discussion n’est pas qu’académique. Dans la liste
des nombreux risques concrets que fait encourir la confusion
actuelle, on peut retenir deux exemples représentatifs des
inquiétudes vécues par les préparateurs. Le premier concerne le
contrôle interne. Dans une grande entreprise, les acteurs qui ont
à gérer les actifs industriels, ceux qui font de l’optimisation du
coût des matières premières ou du coût du capital et ceux qui
font de la simulation stratégique ou budgétaire à base de
modèles ont des méthodologies cloisonnées pour des raisons
élémentaires de contrôle interne. Ils utilisent des méthodes qui
leur sont propres sans avoir le droit de s’écarter vers les
méthodes des autres quand elles les arrangent. Coût amorti
pour les outils productifs, valeur de marché pour les activités de
trading, valeur actuelle et autres modélisations pour les évalua-
teurs de projets. Autoriser les opérationnels à faire de la juste
valeur quand la production n’est pas au rendez-vous ou autori-
ser les traders à faire du “mark to model” au lieu du “mark to
market” quand le marché ne donne pas les résultats escomptés
est la porte ouverte au désastre. La récente crise financière a par-
faitement mis en évidence ce risque, qui pourrait menacer
maintenant la mesure de performance dans le monde industriel.
La deuxième illustration concerne le risque d’évolution rampan-
te du modèle comptable vers un modèle mixte, prélude à
d’autres évolutions plus radicales. L’exemple de l’IAS 36 me
semble, à ce titre, représentatif. Cette norme prévoit, contraire-
ment à la norme américaine, que les tests de dépréciations des
actifs valorisés au coût amorti sont effectués avec des valeurs de
cash-flows actualisés. Or, comme nous l’avons vu précédem-
ment, un actif valorisé avec un flux actualisé au coût du capital
de 8 % produira, toutes choses égales par ailleurs, un résultat de
8 % du coût amorti à la date de dépréciation. Supposons, dans
l’exemple du départ, qu’à la clôture des comptes de la premiè-
re année les cash-flows attendus ne soient pas, du fait de la
conjoncture, de 115, mais que la société pense récupérer seule-
ment sa mise de 100. L’actualisation de 100 au coût du capital
de 8 % donne une VAN de 93 et donc une perte par déprécia-
tion de 7. Le résultat de la seconde année ne sera pas nul, mais
un profit équivalent de 7, alors que l’actif n’a rien rapporté. On
imagine les effets de la méthode avec l’application à la lettre de
l’IAS 36 avec un taux d’actualisation égal au taux du risque spé-
cifique à l’actif, soit dans l’exemple 15 %. La dépréciation et le
résultat créé artificiellement en seconde année serait de 13 (100
moins 100 actualisé à 15 % de 100 soit 87). Heureusement il
semble que ce ne soit pas la pratique générale.
Quoi qu’il en soit, en IFRS, tous les actifs ayant été dépréciés ont
une valeur de flux futurs substituée à un coût amorti et donc un
rendement rajeuni proche du taux d’actualisation. D’où l’intérêt
bien perçu par certains des “big baths” (grandes lessives comp-
tables). Est-il souhaitable d’afficher une rentabilité théorique
minimale et, si oui, pourquoi alors ne pas appliquer la méthode
de la valeur actuelle au début de vie de l’actif (donc retenir la
valeur d’utilité avec VAN à 8 % et non le coût amorti) et pour-
quoi accorder un traitement de faveur aux actifs à problèmes ?
Et dans ce cas, si l’objectif est de garantir dès le départ un résul-
tat égal au coût du capital, pourquoi ne va-t-on pas au bout de
la logique en déduisant du résultat l’intégralité de ce coût, y
compris celui des fonds propres qui en fait partie ? Mais cela
reviendrait alors à appliquer la théorie de la création de valeur,
dans laquelle le résultat n’est pas le résultat global mais l’EVA®,
l’economic value added”, dans laquelle l’effet d’actualisation
des actifs est compensé par une charge financière d’un montant
équivalent. Il ne semble pas que ce soit à l’ordre du jour ni
même que la question, soumise avec insistance par les investis-
seurs dans le milieu des années 90, ait été discutée.
Ainsi, la confusion de deux méthodes, coût amorti et valeur
actuelle, pour un même actif conduit à une incohérence et
fausse la comparabilité des résultats. Conceptuellement, un actif
valorisé au coût amorti doit être déprécié par réexamen du plan
de remboursement du capital, qui est le concept sous-jacent, et
donner lieu à amortissement exceptionnel égal au capital qui ne
sera pas remboursé, donc sans actualisation. Dans l’exemple
analysé au paragraphe précédent, le montant de la dépréciation
devrait être nul parce que la société récupère sa mise de 100. S’il
fallait faire avancer le débat sur la convergence des normes et
trancher entre la méthode IFRS et la méthode US GAAP, le choix
cohérent serait d’aller dans le sens d’un test de dépréciation
reposant, pour les actifs en coût amorti, sur des flux futurs non
actualisés.
6. CONCLUSION : L’ACCEPTATION
INDISPENSABLE PAR LES PRÉPARATEURS
Qu’en est-il, finalement, de la querelle entre une approche à
base de règles qui serait opposée à une approche à base de prin-
cipes (le “rule based” des normes US contre le “principle based
des normes IFRS) ? Que la longue histoire de la comptabilité
nord-américaine ait conduit à un développement exagéré de
règles destinées à combattre la fraude dans un univers forte-
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qui devront les appliquer, c’est-à-dire les comptables praticiens.
Si ceux-ci sont relégués au simple rang de “préparateurs” alors
qu’ils sont les premiers responsables concernés, et s’ils ont à
mettre en œuvre des normes qu’ils ne comprennent pas ou qu’ils
rejettent parce qu’ils les perçoivent contraires aux objectifs qui
leur sont assignés dans la réalité quotidienne, la prochaine bulle
à éclater pourrait bien être une bulle comptable.
Dominique BONSERGENT
ment judiciarisé est matière à débat. Mais que des principes
puissent suffire seuls à canaliser les comportements humains
semble bien peu réaliste. Il s’agit donc d’un débat d’experts
dont on comprend mal qu’il puisse être le principe fondateur
d’un nouveau modèle. Admettons donc qu’il faille, en compta-
bilité comme dans la vie courante, un lien logique et un équi-
libre raisonnable entre principes et règles et que, si l’équilibre
actuel n’est pas satisfaisant, on le réadapte. Mais, en procédant
à une refondation à base de bilan en juste valeur prenant appui
sur une substitution des principes aux règles, le normalisateur
prend le risque que son modèle ne soit perçu que comme un
échafaudage destiné à justifier a posteriori des normes à carac-
tère dogmatique, à des fins particulières.
Le modèle existant était jusqu’alors bien en ligne avec l’image
donnée aux utilisateurs, celui d’un modèle d’objectivité maxi-
male. Quand nous disons, dans le langage commun, que l’heu-
re des comptes a sonné ou qu’il est temps de faire le bilan d’une
opération, tout le monde comprend que nous sortons du
monde des espoirs et des conjectures pour rentrer dans celui de
la réalité des faits. Le débat reste entier de savoir quelle incerti-
tude est tolérable dans les comptes sans changer cette percep-
tion. Les réformes en cours sont muettes sur l’objectif poursuivi
en la matière et la juste valeur n’apporte pas plus de réponse
que l’approche par le bilan.
En conclusion et quelle que soit l’orientation retenue, il sera
nécessaire de disposer de normes reconnues en priorité par ceux
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