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10 avril 2013 0756 Revue Médicale Suisse
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cas spéciaux : surveillance
En comparaison à la population générale, le risque de
développer un cancer colorectal est approximativement
multiplié par deux si le patient est affilié à un parent de
premier degré, ayant souffert d’un cancer colorectal à l’âge
de plus de 60 ans. Dans le cas où ce cancer s’est déclaré
avant 60 ans ou en présence de plusieurs cas familiaux, ce
risque est augmenté d’un facteur 4. Dans ces différentes
situations, il est recommandé d’effectuer une coloscopie
au minimum dix ans avant l’âge du plus jeune parent ayant
présenté un cancer colorectal.
Les cancers héréditaires du côlon ( 10% de tous les
can cers du côlon), tels que la polypose familiale héréditaire
ou le syndrome de Lynch (HNPCC), feront partie d’une
catégorie de surveillance précoce particulière. Le diagnos-
tic de syndrome HNPCC est basé sur les critères d’Amster-
dam et les guidelines de Bethesda et dépasse le cadre de
cet article.20
Les patients atteints d’une colite chronique (rectocolite
hémorragique ou colite type Crohn) bénéficieront d’une co-
loscopie de surveillance annuelle après huit ans d’évolu-
tion de la maladie en cas de pancolite et après quinze ans
en cas de colite gauche.
conclusion
La mortalité liée au cancer colorectal a diminué de 30%
entre 1990 et 2005. Cette diminution est liée à la conjonction
de plusieurs facteurs tels que l’utilisation d’examens effi-
caces de dépistage et l’amélioration des traitements. Il est
envisageable que la généralisation de la prise d’aspirine
dans la prévention des maladies cardiovasculaires joue éga-
lement un rôle.21
De nombreux pays européens ont adopté des program-
mes de dépistage pour le cancer colorectal à partir de l’âge
de 50 ans, associant le plus souvent un test de recherche
de sang occulte à une coloscopie en cas de résultat positif.
L’Allemagne a opté pour un programme de dépistage par
coloscopie optique à partir de 55 ans. Les résultats sont
encourageants en termes de réduction de la mortalité liée
au cancer colorectal, mais le programme est suivi par moins
de 10% de la population ayant droit à cette prestation.22
En Suisse, il n’existe toujours pas de stratégie officielle
de dépistage, mais des projets pilotes sont en cours d’éla-
boration dans certaines régions, notamment dans le can-
ton de Vaud.11 La problématique de l’absence de prise en
charge d’un examen de dépistage par l’assurance-maladie
demeure donc pour l’instant entière.
Dans la pratique gastroentérologique générale, nous
constatons une augmentation des coloscopies de dépistage
pur ainsi qu’un recours plus facile à la coloscopie chez des
patients de 50 ans présentant une symptomatologie gastro-
intestinale chronique (ballonnements, troubles du transit).
Il est évident que la coloscopie devient plus acceptable pour
le patient grâce aux nouvelles techniques de sédation (Pro-
pofol), mais aussi à la perspective d’un intervalle prolongé
sans dépistage (dix ans) en cas d’examen négatif.
des moyens endoscopiques,12,13 le bénéfice de la rectosig-
moïdoscopie ne concerne logiquement que les néoplasies
du côlon distal et elle ne devrait pas être proposée dans un
pays aux standards médicaux élevés tel que la Suisse.
Coloscopie
Une étude helvétique récente, publiée en 2012, compa-
rant 1912 patients ayant eu une coloscopie à 20 774 témoins
sans examen de dépistage, dans une population essentiel-
lement rurale, a permis de démontrer une réduction signifi-
cative en termes d’incidence du cancer colorectal (OR : 0,31 ;
IC 95% : 0,16-0,59) et de mortalité liée à ce cancer (OR : 0,12 ;
IC 95% : 0,1-0,93).14 Cette étude revêt une importance toute
particulière puisqu’elle a été réalisée dans le contexte
sanitaire de notre pays. Elle corrobore les résultats d’autres
études cas-témoins ou de cohortes internationales anté-
rieures. A ce jour, il n’existe pas d’étude randomisée contrô-
lée comparant la coloscopie complète à d’autres moyens de
dépistage. De telles études sont en cours de réalisation dans
les pays scandinaves, en Espagne et aux Etats-Unis.15
La coloscopie n’est pas exempte de complications (sai-
gnement, perforation). Celles-ci sont heureusement rares.
De plus, 6-12% des adénomes avancés ( 10 mm) et jus-
qu’à 5% des cancers pourraient échapper à la détection par
cette technique.16 Ceci serait dû à des problématiques de
préparation et/ou d’examens incomplets ou alors à l’histo-
logie des lésions néoplasiques. En effet, il apparaît que
certaines tumeurs du côlon droit emprunteraient une voie
de carcinogenèse alternative, telle que la voie de l’adéno me
dentelé. Ces lésions sont généralement planes et recou-
vertes de mucus, ce qui rend leur diagnostic par coloscopie
plus ardu.17
Colo-CT
Le colo-CT est en cours d’évaluation comme examen de
dépistage. Il peut être proposé à des patients qui ne sou-
haitent pas la coloscopie optique ou chez qui une colosco-
pie complète n’a pu être menée à bien pour des raisons
techniques. Des études récentes montrent que 90% des
polypes 10 mm pourraient être identifiés par cet examen.
On ignore la performance de cet examen dans le diagnos-
tic des adénomes plans. Par ailleurs, le colo-CT nécessite
une préparation similaire à la coloscopie. En cas de détec-
tion de polypes, une deuxième préparation pour une co-
loscopie optique sera nécessaire. Enfin, on notera la pro-
blématique de l’irradiation liée à l’examen et de la mise en
évidence de lésions extra-digestives asymptomatiques
(incidentalomes) susceptibles de générer des investigations
complémentaires.18
Examen par vidéo-capsule du côlon
Cet examen a été comparé à la coloscopie dans une
étude multicentrique européenne, portant sur 117 patients.19
La sensibilité et la spécificité pour le diagnostic de poly-
pes de 6 mm étaient de 84 et 64%, de 88 et de 95% pour
les lésions de 10 mm. L’examen par vidéo-capsule du cô-
lon est tributaire d’une préparation parfaite du côlon. Il ne
peut actuellement être recommandé comme examen de
dépistage puisqu’il n’est, en aucun cas, remboursé par les
caisses.
Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêt en relation avec
cet article.
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