Intégralité du rapport sur les conflits d`intérêts

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Rapport adopté lors de la session du Conseil national
de l’Ordre des médecins du 8 avril 2011
Dr Jean-François CERFON
Conflits d'intérêts dans l’exercice médical :
La déontologie médicale peut elle aider à restaurer la confiance ?
Les conflits d’intérêts : un sujet d’actualité
Les conflits d’intérêts : un sujet d’actualité qui interpelle l’Ordre des Médecins
Comme en témoignent les manchettes des médias ci dessous la notion de conflits d’intérêts
revêt un regain d’actualité ces derniers mois dont la presse s’est largement saisie ; outre le
domaine de la santé et de la médecine, ce phénomène touche tous les domaines de notre
société, aussi bien politique que financier.
Garant de la qualité de la relation médecin/malade et de l’indépendance professionnelle des
médecins, mais aussi conforté par l’expérience de plus de 15 années de gestion des contrats
entre praticiens et industrie pharmaceutique ou biomédicales, l’ordre des médecins a un rôle
majeur d’expertise à jouer dans la gestion des conflits d’intérêts, dans le respect de la garantie
des règles de transparence.
Conflits d’Intérêts : Sarkozy veut un projet de loi en 2011
Mercredi 2 février 2011
Conflits d'intérêts: 24 /09/ 2010 - Martin HIRSCH monte au front
Le président de la République a été destinataire récemment du Rapport de la commission
SAUVE sur la prévention des CI, intitulé « pour une nouvelle déontologie de la vie
publique ».
Tentative de définition de la notion de conflit d’intérêts (CI) :
Il n’existe pas de définition générale, ni sur le plan légal, du CI ; cependant, un certain
nombre d’auteurs ont proposé une approche permettant d’encadrer cette notion.
Définition du conflit d’intérêt en général
 Une situation où celui qui est chargé de l'intérêt général peut être influencé par ses
propres intérêts, classiquement financiers ;
 « Son portefeuille est trop proche du stylo qui signe la décision prise au nom de
l'Etat. » l. M. HIRSCH.
Dans le domaine de la médecine
R. SMITH, éditeur du British Journal of Médecine avait publié dès 1998 une définition du CI
comme une série de situations où le point de vue d’un professionnel sur un sujet donné est
susceptible d’être modifié de façon indue par la prise en compte d’un intérêt secondaire
comme un bénéfice financier ou un autre avantage.
« Le CI concerne tout intervenant au titre d’expert dans des comités de réflexion et de
recommandations qui pourrait tirer un avantage personnel pour peser sur la décision finale.»
(F. Mc BETH in : rencontres HAS 2009 )
Dans le cadre d’un organisme public selon la HAS, le conflit d’intérêts peut être défini,
comme « un conflit entre la mission publique et les intérêts privés d'une personne qui exerce
une mission de service public, lorsque la personne possède à titre privé des intérêts qui
pourraient influencer indûment la façon dont elle s'acquitte de ses obligations et de ses
responsabilités. L’intérêt peut être financier ou intellectuel. Il peut également être direct ou
indirect. »
Il peut également être direct ou indirect.
On entend par :
− Intérêt direct : un intérêt impliquant pour l’intéressé la rémunération ou une
gratification, occasionnelle ou régulière, à titre personnel et sous quelque forme que ce
soit.
− Intérêt indirect : c’est la même opération que celle de l’intérêt direct, effectuée cette
fois au bénéfice d’une personne, d’une institution ou d’un service, avec lesquels est
habituellement en relation le membre visé, le comportement de ce dernier pouvant se
trouver influencé, même s’il ne reçoit rien à titre personnel.
Pourquoi un regain d’actualité pour ce sujet ?
Comme en témoignent les actualités, les conflits d’intérêt ont toujours existé dans différents
domaines de la société notamment politiques financiers ou industriels. Ils sont le propre des
comportements humains qui peuvent être influencés par toutes sortes de motivations.
Le regain d’intérêt pour ce sujet témoigne de la perte de confiance de la société envers les
élites et les médecins n’en sont pas épargnés, non pas tant dans le cadre de leur exercice
individuel, mais surtout à l’égard des responsables de la Santé Publique suite aux différentes
affaires allant du sang contaminé à l’hormone de croissance et plus récemment de la
pandémie grippale. Ainsi selon le journal le PARISIEN en janvier 2009, seuls deux des dix
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sept experts du Comité de lutte contre la grippe A H1N1 n’avaient pas de relations avec des
firmes ! Cette perte de confiance est de nature à altérer gravement la relation
médecins/patients. Dans un sondage récent réalisé par l’IFOP et publié par le Quotidien du
Médecin on apprend que deux tiers des médecins témoignent de ce que leurs patients sont
désormais plus méfiants des prescriptions ordonnées.
Dans le domaine de la santé et de la médecine en particulier, l’idée que les décisions
médicales puissent être guidées par des intérêts financiers ou autres est inacceptable au regard
de ce que la société attend de ceux à qui les hommes doivent pouvoir confier leur vie et leur
intimité sans aucune arrière pensée : La probité, l’impartialité et l’indépendance du
médecin sont des corollaires indispensables à l’exception qui est faite aux médecins,
seule profession à pouvoir porter atteinte à l’intégrité corporelle des individus telle que
prévue par l’Art. 16-3 du Code Civil.
A l’instar de ce qui existe pour le respect de la confidentialité, sans gage de probité totale, de
loyauté, d’indépendance et de transparence aucun consentement ne saurait être accordé à un
acte médical.
En effet, l’indépendance attendue du médecin doit être telle qu’aucune autre
considération ne saurait passer avant le seul intérêt du patient. C’est là une exigence
lourde, tant cette indépendance est menacée : par les intérêts matériels du médecin, par son
employeur, ses confrères, ou l’établissement de soins ou tout autre structure avec laquelle il
collabore.
Qui plus est, dans le domaine collectif, comme la santé publique, les enjeux humains, sociaux
et économiques revêtent une importance particulièrement grande. Cela suppose une exigence
d’indépendance et d’impartialité de la part de l’ensemble des personnes participant aux
procédures de décisions, d’avis ou de recommandations. Les recommandations
professionnelles sont basées sur les résultats d’études cliniques. Mais l’on sait qu’un grand
nombre d’entre elles sont financées voire même contrôlées, notamment à travers des clauses
contractuelles de confidentialité. L’industrie pharmaceutique ou biomédicale forme certains
professionnels de santé en vue d’en faire des leaders d’opinion sensés influencer les
prescripteurs et ainsi assurer la promotion de leurs produits. Ces leaders d’opinion eux-mêmes
participent aux équipes de rédaction des recommandations professionnelles.
Trop d’exemples montrent combien des techniques ou des thérapeutiques ont été proposées
sans pourtant apporter un avantage déterminant en terme de bénéfice rendu. Aussi les
conclusions déposées dans ce domaine ne doivent être entachées d’aucun doute quant aux
motivations qui ont pu conduire les experts à les établir !
La presse médicale n’est pas épargnée
L’impact de l’industrie pharmaceutique sur les publications médicales est rapporté depuis de
nombreuses années dans la littérature anglo-saxonne ; dès 1993 en effet F. THOMPSON
abordait ce sujet dans un article du New England Journal of Medecine. Le site de
FORMINDEP sous le titre « des recommandations professionnelles peu recommandables »
mentionne un article du JAMA de 2002 rapportant les résultats d’une enquête sur la nature
des liens d’intérêts entre l’industrie et les auteurs de recommandations en Amérique du nord
et en Europe : 60 % des auteurs auraient des liens d’intérêts financiers avec les firmes dont les
médicaments étaient concernés par la recommandation et 81% des auteurs avaient des liens
d’intérêts avec des firmes. Des recommandations sur le diabète et sur le cholestérol en
3
Amérique du Nord auraient été influencées par des liens d’intérêts avec des firmes. Selon un
article paru en 2003 dans la même publication, les essais cliniques financés par les
laboratoires seraient cinq fois plus favorables aux médicaments testés que ceux financés par
des organismes indépendants.
Enfin, un article du JAMA de mars 2011 relève à propos de 29 méta-analyses portant sur 509
essais thérapeutiques randomisés, publiés dans plusieurs revues scientifiques l’absence de
transparence des sources des essais ainsi que le manque de déclaration sur les CI.
Et force est de reconnaître que malheureusement les CI ne se limitent pas au cas des produits
de santé ; ils pourraient résider aussi dans la réalisation d’un acte au seul profit de son auteur
ou par exemple dans les rapports entre experts d’assurances et les compagnies qui les
rétribuent, entre un médecin salarié et son employeur etc. ! Sans se lancer dans une chasse aux
sorcières, cela devrait être suffisamment convaincant pour justifier une veille déontologique
renforcée sur ce sujet.
Pourtant dans le domaine du soin, la loi n’impose pas de transparence quant aux liens
d’intérêts dans l’activité de soins proprement dite. En 2009 une extension de l’obligation
d’informer a été proposée : l’objectif était que le patient soit informé de l’existence et non du
contenu du lien entre le médecin qui le soignait et une entreprise ; l’amendement a été rejeté
au motif que la transmission d’une convention à l’Ordre suffisait pour en assurer la
conformité déontologique (séance du 04.06.09 au Sénat).
Les textes législatifs et réglementaires applicables en France
Dans un souci de transparence la loi relative aux droits des malades et à la qualité du
système de santé a voulu encadrer la communication des médecins sur les produits de
santé :
Code de la Santé Publique Article L.4113-13 prévu par loi 2002-303 du 4 mars 2002.
« Les membres des professions médicales qui ont des liens avec des entreprises et
établissements produisant ou exploitant des produits de santé ou des organismes de conseil
intervenant sur ces produits sont tenus de les faire connaître au public lorsqu'ils s'expriment
lors d'une manifestation publique ou dans la presse écrite ou audiovisuelle sur de tels produits.
Les conditions d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d' Etat. »
Les manquements à ces règles sont punis de sanctions prononcées par l'ordre professionnel
compétent.
Art. R.4113-110 (décret d’application du 25.03.2007)
 « L'information du public sur l'existence de liens directs ou indirects entre les
professionnels de santé et des entreprises ou établissements mentionnés à l'article
L.4113-13 est faite, à l'occasion de la présentation de ce professionnel, soit de façon
écrite lorsqu'il s'agit d'un article destiné à la presse écrite ou diffusé sur Internet, soit
de façon écrite ou orale au début de son intervention, lorsqu'il s'agit d'une
manifestation publique ou d'une communication réalisée pour la presse
audiovisuelle. »
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N B. :Si les textes prévoient l’obligation de déclaration, et de sanction disciplinaire
éventuelle de l’Ordre a posteriori, il n’est en revanche pas prévu de modalités de
contrôle a priori comme cela est le cas pour les relations avec l’industrie
pharmaceutique réglementées par l’article L.4113-6 du CSP.
Législation concernant l’AFSSAPS Art. L.5323-4 du code de la santé publique
« Les agents contractuels de l’agence mentionnés à l'article L.5323-2 et L.5323-3 du CSP :
2° Ne peuvent, par eux-mêmes ou par personne interposée, avoir, dans les établissements ou
entreprises contrôlés par l'agence ou en relation avec elle, aucun intérêt de nature à
compromettre leur indépendance.
Les agents précités sont soumis aux dispositions prises en application de l'article 87 de la loi
n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de
la vie économique et des procédures publiques.
Les personnes collaborant occasionnellement aux travaux de l'agence et les autres personnes
qui apportent leur concours aux conseils et commissions siégeant auprès d'elle, à l'exception
des membres de ces conseils et commissions, ne peuvent, sous les peines prévues à l'article
432-12 du code pénal, traiter une question dans laquelle elles auraient un intérêt direct ou
indirect. »
L’interdiction faite aux personnes exerçant une fonction publique de se placer dans des
situations où leur intérêt serait en contradiction avec l’intérêt général répond à un double
objectif :
1- éviter qu’elles n’en tirent profit pour elles mêmes et négligent ainsi l’intérêt public
qu’elles doivent servir ;
2- éviter qu’elles puissent seulement en être suspectées, car le délit peut être considéré
comme constitué même s’il n’y a pas eu de recherche d’un gain ou avantage
personnel, et même si aucun profit n’a été retiré de l’intervention. En outre, le délit ne
suppose pas que la collectivité ait subi un préjudice. La sanction est prononcée même
en l’absence de dommage.
La responsabilité de la HAS peut être engagée, et elle peut être condamnée à verser des
dommages intérêts, si l’acte illégal a causé un préjudice, dès lors que celui qui demande
réparation est en mesure de prouver que l’irrégularité commise lui a été directement
préjudiciable.
Code Pénal : Prise illégale d’intérêts (article 432-12 du Code Pénal) :
« le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de
service public [-] de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt
quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l’acte, en
tout ou partie, la charge d’assurer la surveillance, l’administration, la liquidation ou le
paiement… ».
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La prise illégale d’intérêts est punie de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros
d'amende.
L’article R.161-85 du Code de la sécurité sociale
Etend la sanction de la prise illégale d’intérêt à « tout traitement, par les membres ou
collaborateurs de la HAS, d’une question dans laquelle ils auraient un intérêt direct ou
indirect ». Les personnes collaborant occasionnellement aux travaux de la Haute Autorité, les
experts, les personnes qui apportent leur concours au collège ou aux commissions
spécialisées de la Haute Autorité et les membres des commissions spécialisées ne peuvent,
sous les peines prévues à l’art.432-12 de Code Pénal, traiter une question dans laquelle elles
auraient un intérêt direct ou indirect.
En cas de manquement à ces dispositions, le collège statuant à la majorité de ses membres
peut mettre fin à leurs fonctions.
L’exemple de la HAS
La haute autorité a été récemment la cible de vives critiques quant à la neutralité des experts
participant à l’élaboration de certaines recommandations, notamment sur la maladie
d’Alzheimer (FORMINDEP Revue Prescrire), qui ont conduit à l’annulation par le Conseil
d’Etat de recommandations sur le diabète de type 2. Pourtant la HAS a travaillé depuis
plusieurs années sur une meilleure approche dans le domaine de la transparence :
En effet, dès 2006, la HAS a élaboré un guide des déclarations d’intérêts et de prévention des
conflits.
Selon cette dernière, les recommandations professionnelles sont « des propositions
développées selon une méthode explicite pour aider le praticien et le patient à rechercher les
soins les plus appropriés dans des circonstances cliniques données ». L’objectif est
d’informer les professionnels de santé et les patients et usagers du système de santé sur l’état
de l’art et les données acquises de la science afin d’améliorer la prise en charge et la qualité
des soins.
La Haute Autorité de santé a accentué sa politique de prévention des conflits d’intérêts en
créant un groupe indépendant d’experts extérieurs « Déontologie et indépendance de
l’expertise » et en publiant les déclarations d’intérêt de l’ensemble de ses membres et agents
exerçant des fonctions de responsable. Elle publie également un guide des déclarations
publiques d’intérêts qui précise l’ensemble des règles applicables (contenu des déclarations,
modalités de gestion des conflits d’intérêts, diffusion publique des déclarations). Une charte
de déontologie a du reste été adoptée par le collège le 19.11.2008 applicable à tous ceux qui
participent aux travaux de la HAS.
En France le sénateur François AUTAIN a manifesté à plusieurs reprises son souci de
défendre l’indépendance et la transparence des prestataires de santé : aussi il exige que soit
appliqué avec plus de rigueur l’article L.5323-4 du code de la santé publique afin, d’une part,
de faire cesser les conflits d’intérêts existant au sein de la Haute Autorité de santé et d’autre
part de rendre effective l’obligation pour l’ensemble des personnes travaillant pour la Haute
Autorité de rendre publiques leurs déclarations d’intérêts.
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La transparence actuelle prévue par les dispositions susvisées reste cependant insuffisante
pour nombre d’observateurs. En effet, ils estiment que la France devrait s’inspirer des ÉtatsUnis où a été adoptée une disposition assez contraignante avec la loi OBAMA sur la santé.
Cette disposition, issue d’un texte d’origine parlementaire « the Sunshine Act », oblige, à
partir de 2011, tous les laboratoires pharmaceutiques, à rendre publics tous leurs liens avec les
médecins et le montant des sommes qui leur sont versées. Sans attendre cela, certaines firmes
ont déjà anticipé cette mesure et présentent, sur leur site américain, toutes les contributions
versées aux experts. C’est le cas notamment de Glaxo SmtihKline (GSK) ou de Pfizer : cette
firme précise sur son site qu’entre juillet et décembre 2009, elle a versé un total de 35 millions
de dollars à environ 4 500 professionnels de santé américains.
Sur le plan international, l’évaluation de la qualité des recommandations professionnelles
repose sur un outil standardisé de 23 critères, appelée grille AGREE.
Des procédures de déclaration d’intérêts existent depuis plusieurs années et figurent sur les
sites de la HAS ou de l’AFSSAPS. La nature des liens doit être graduée : en effet, il peut
s’agir de liens financiers durables avec une entreprise du secteur biomédical comme le fait de
déposer un brevet ou de liens plus ponctuels comme des activités de conseils ou la
participation à une enquête épidémiologique voire même d’une invitation à participer à une
réunion professionnelle.
Le problème de l’indépendance de l’expert :
Certains experts vivent mal l’obligation légale de déclaration et cela explique leurs réticences
dans ce domaine ; c’est ainsi que le Pr NISAND ou le Dr LETOMBE estiment qu’il ne faut
pas aller trop loin dans ce domaine au risque d’écarter des agences sanitaires les experts les
plus pointus ; les personnalités qui disposent des compétences et connaissances nécessaires ne
sont pas nombreux : faut il alors se passer de l’avis de ceux qui bien qu’ayant des relations
avec les firmes figurent parmi les plus avisés sur le sujet ? « La notion de CI est
cosubstantielle à toute activité humaine requérant une compétence chaque expert ayant ses
idées. » écrit L. Degos. « L’indépendance totale n’existe pas à moins de faire appel à une
personne totalement extérieure au sujet ce qui est contraire à la notion même d’expert. »
Le fait même d’être expert ou simplement passionné par son sujet expose à une difficulté de
neutralité et bien au delà des seuls intérêts financiers évoqués. C’est alors à travers la
pluralité des avis rendus et des sources de compétence que l’on doit trouver la solution à
l’objectivité indispensable pour trouver les solutions à ces conflits. Mais pour pouvoir les
appréhender, la nature de ces conflits doit être connue pour saisir le degré de dépendance
éventuelle de l’expert.
Il y a lieu de hiérarchiser les CI en conflits mineurs telle qu’une invitation à une réunion
scientifique et les conflits majeurs qui concernent les brevets déposés ou les financements
réguliers et qui doivent alors faire envisager l’exclusion de l’expert sur le sujet pour lequel il
peut y avoir conflit comme cela est préconisé dans le guide la gestion des CI publié par la
HAS : cinq ans pour les conflits majeurs, trois ans pour des financements ponctuels et un an
pour des conflits mineurs.
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Une place de choix pour l’Ordre des Médecins :
La déontologie médicale peut elle répondre à la prévention de dérives des CI ?
Bien avant les textes susvisés, la déontologie médicale devrait pouvoir répondre aux situations
pouvant susciter des conflits d’intérêts, cette notion en effet touchant au cœur même de la
déontologie comme le rappellent les articles du code ci-dessous. Le CNOM a eu l’occasion
d’aborder ce sujet à plusieurs reprises en communiquant vers les médecins au travers des
bulletins et des circulaires.
L’Ordre des médecins, garant de la probité et de l’indépendance professionnelle des
médecins, doit avoir manifestement une place de choix dans le rôle de gestion des
conflits d’intérêt ; En effet l’indépendance attendue du médecin doit être telle qu’aucune
autre considération ne saurait passer avant le seul intérêt du patient. La place de l’Ordre se
justifie d’autant plus que le législateur lui a donné la charge de sanctionner les manquements à
l’obligation de déclaration.
Fort de son expérience dans la gestion depuis plus de 15 ans des relations entre médecins
et industrie pharmaceutique, l’Ordre est particulièrement bien positionné pour juger de
la nature et du degré d’importance des CI
Article 2 : le Code de déontologie médicale rappelle que le médecin est « au service de
l’individu et de la santé publique ».
Article 3 : Le médecin doit, en toutes circonstances, respecter les principes de moralité, de
probité et de dévouement indispensables à l'exercice de la médecine.
Article 5 : Pour exercer sa mission, l’article 5 précise que le médecin ne peut aliéner son
indépendance professionnelle sous quelque forme que ce soit.
Article 13 : Lorsque le médecin participe à une action d'information du public de caractère
éducatif et sanitaire, quel qu'en soit le moyen de diffusion, il doit ne faire état que de données
confirmées, faire preuve de prudence et avoir le souci des répercussions de ses propos auprès
du public. Il doit se garder à cette occasion de toute attitude publicitaire, soit personnelle, soit
en faveur des organismes où il exerce ou auxquels il prête son concours, soit en faveur d'une
cause qui ne soit pas d'intérêt général.
Article 14 : Les médecins ne doivent pas divulguer dans les milieux médicaux un procédé
nouveau de diagnostic ou de traitement insuffisamment éprouvé sans accompagner leur
communication des réserves qui s'imposent.
Article 15 : Le médecin ne peut participer à des recherches biomédicales sur les personnes
que dans les conditions prévues par la loi ; il doit s'assurer de la régularité et de la
pertinence de ces recherches ainsi que de l'objectivité de leurs conclusions ;
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Article 23 : Tout compérage entre médecins, entre médecins et pharmaciens, auxiliaires
médicaux ou toutes autres personnes physiques ou morales est interdit.
Article 24 : sont interdites au médecin :
− toute ristourne en argent ou en nature, toute commission à quelque personne que ce
soit ;
− en dehors des conditions fixées par l' article L.4113-6 du code de la santé publique , la
sollicitation ou l'acceptation d'un avantage en nature ou en espèces, sous quelque
forme que ce soit, d'une façon directe ou indirecte, pour une prescription ou un acte
médical quelconque.
Cette énumération n’étant pas exhaustive on pourrait y rajouter les articles 105, 111.
Conclusion
Alors, tous achetés ?
Méfions nous des amalgames : ce n’est pas parce que les experts ont bénéficié de
financements de l’industrie qu’ils sont forcément malhonnêtes et que les conclusions de leurs
travaux sont pour autant conditionnées par les financeurs !
Les médecins doivent plus que jamais être suffisamment indépendants et faire preuve d’un
esprit critique particulièrement développé vis-à-vis de toutes les tentatives d’ingérence dans
leurs décisions ; Acquérir un esprit critique est une qualité indispensable au médecin ; à
ce sujet on ne peut que se réjouir de ce que la lecture critique d’articles fasse désormais partie
depuis 2009 du programme de l’examen national classant. Notre déontologie nous rappelle si
besoin en était qu’en toute circonstance les médecins doivent conserver leur liberté de
jugement ou d’intervention pour que rien ne vienne compromettre l’intérêt premier du
patient ! La mainmise de l’industrie pharmaceutique sur les études cliniques peut jeter le
discrédit sur la source d’informations ; les données médicales à visées collectives doivent
donc être établies avec la rigueur scientifique et éthique nécessaire au progrès des
connaissances, sans aucun biais, indépendamment de tout groupe de pression émanant
notamment du complexe médico-industriel.
« Le tabagisme est là pour nous rappeler comment un fléau plus meurtrier de par le monde,
que le commerce des armes peut se développer sans entrave, voire parfois avec la
bienveillance des pouvoirs publics. Les médecins doivent être protégés par des
réglementations les mettant autant que possible à l’abri de tentations ou de pressions, dans le
cadre d’une politique de santé publique qui serait non seulement bien définie mais encore
clairement affirmée. » écrivait B. HOERNI.
La notion de CI est inéluctable soit ; mais il faut pouvoir avoir connaissance de leur nature
afin de pouvoir relativiser les conclusions de certaines publications car tous les intérêts
déclarés ne sont de loin pas de même ampleur. Certes il faut que les conflits d’intérêts soient
déclarés de façon spontanée c’est le minimum que l’on puisse demander mais cela n’est pas
suffisant : il faut que leurs conséquences puissent être évaluées par une instance qui elle
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serait, financièrement totalement indépendante, afin de mieux garantir l’impartialité des
conclusions publiées.
Dans l’attente bien utopique d’un financement public exclusif de la recherche médicale, des
solutions doivent être mises en place afin de crédibiliser les recommandations scientifiques à
la fois aux yeux des médecins et du citoyen. Les chercheurs dans le domaine médical doivent
être rémunérés à la hauteur de leurs travaux pour pouvoir disposer d’indépendance sans faille.
Les Anglo-saxons ont compris depuis longtemps qu'être bien rémunéré pour un travail n'est
pas honteux et ne veut pas dire être acheté !
Afin de rétablir la confiance indispensable à la relation médecin patients il y a une
révolution culturelle sur le sujet de la transparence à accomplir dans laquelle l’Ordre
des médecins doit jouer un rôle majeur d’accompagnement et d’arbitrage. La gestion des
conflits d’intérêts a pour but de garantir les valeurs de probité et d’indépendance
professionnelle qui constituent les fondements de notre déontologie.
Déclaration personnelle de Conflits d’Intérêts : AUCUN
Je tiens à remercier tous les membres de notre institution qui ont largement participé par leur
travail et leurs publications à débroussailler ce sujet en citant B HOERNI, Cl. DEGOS, F.
JORNET, Fr. ROUSSELOT me permettant de tenter d’en aborder ici la problématique.
Bibliographie
 Création d’une autorité de déontologie de la vie publique Rapport Sauve 2009 Les Echos
26.01.2011
 Guide de la HAS sur la prévention des conflits d’intérêts
 Lettre HAS n°19 page 5
 Rencontres HAS has- santé.gouv.fr - 2009
 Rapport de l’IGAS sur la visite médicale en 2007
 IFDQS : la déclaration d’intérêt : illusion ou gage de transparence
 Revue Prescrire 2008 ; 28 299 :705
 Revue Prescrire 07.2009 29,309 p 546
 http//formindep.org
 K.OKIKE & all. N ENG J MED 2009 1466-1473 Accuracy of Conflict of Interest Disclosures
Reported by Physcians
 Réflexion à propos des conflits d’intérêts CANIS Gyn obst .& fertlité 38 ,2010 ,371-372
 L’OMS sous influence de l’industrie pharmaceutique Duparc in Journal le Monde du 26.03.
2010
 Communiqué de l’Académie de Médecine du 08.06.2010
 Bulletin CNOM janvier 2008 et juillet 2010
 Gérer les conflits d’intérêt pour plus de confiance L. Degos Press.Med 2010,39 743-7
 Définir les conflits d’intérêts : J MORET-BAILLY recueil Dalloz 21.042011 n°16
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