Terra Nova – Note - 3/75
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INTRODUCTION
Le prochain quinquennat sera européen ou ne sera pas. L'Europe, comme la France, est en
crise. La France, en tant que pays fondateur de la Communauté européenne, a la responsabilité
fondamentale de proposer des orientations pour sortir l'Union européenne de l'ornière. Mais elle
a aussi besoin que l'Europe se réforme pour préserver les valeurs auxquelles elle croit et agir sur
des évolutions d'ampleur mondiale que seul le niveau européen peut aider à influencer.
La polycrise qu'elle connaît depuis près d'une décennie met l'Union européenne en danger. Elle
s'ancre, de plus, dans une crise politique profonde des pays européens et de la représentation
politique en général. Leur combinaison suscite la crainte, voire le rejet, de l'altérité, et alimentent
tous les populismes. Dans ce contexte, l'Union européenne devient la victime expiatoire.
Le logiciel sur lequel s'est bâtie la construction européenne depuis soixante ans est en cause
aujourd’hui. L'Europe de la libéralisation – ôter les restrictions pour gérer une intégration
économique profonde – n'est pas adaptée pour traiter des chocs asymétriques tels que la crise
grecque ou celle des réfugiés. Les crises géopolitiques à nos frontières appellent des réponses
rapides faisant appel à des instruments traditionnellement réservés à la protection de la
souveraineté nationale (frontières, police, armée). Les mécanismes de décision européens,
caractérisés par la prédominance des négociations diplomatiques intergouvernementales
insuffisamment contrôlées par les instances parlementaires sont inefficaces à répondre à ces
bouleversements, tandis que cette inefficacité met en cause la légitimité même de l'Union
européenne dans son ensemble.
En conséquence, aux yeux des citoyens, l'Europe semble ballotée par des évolutions
extérieures : d'une part, la mondialisation, à savoir la conjonction de la puissance du capitalisme
mondialisé et d'évolutions technologiques d'ampleur séculaire ; d'autre part, la perte de
l'hégémonie économique et politique occidentale et le basculement vers l'Asie, qui semblent
replacer l'Europe dans l'orbite technologique des Etats-Unis.
Sans sursaut, l'Union européenne collectivement, et ses Etats membres dont la France en
premier lieu, se préparent à des échecs plus flagrants encore. Car que voyons-nous à l’horizon ?
Une population européenne déclinante à l'échelle mondiale, des concurrents de taille
continentale en Amérique et en Asie, une économie ne pouvant concurrencer ces géants que
dans les segments de haute technologie, une base en savoir-faire et connaissances solide mais
sous pression, une planète appauvrie en ressources et au climat déréglé mettant en cause tous
les modèles de production connus jusqu’à présent, et enfin un environnement géopolitique pour
longtemps encore en crise et générateur de pressions migratoires majeures. Dernier
développement en date, pour la première fois, la peur en Europe ne vient pas uniquement de
l'Est ou de Proche et Moyen Orient, mais aussi de l'Ouest, avec l'élection de Donald Trump et le
triomphe du populisme réactionnaire à la tête des Etats-Unis.