
Introduction
Au Cameroun, l’action gouvernementale dans les domaines économique et
social est rythmée par le thème de la « lutte contre la pauvreté ». Cette
dernière est présentée comme la priorité absolue depuis le tournant des
années 2000 qui a vu le pays retrouver le chemin de la croissance, après
plus d’une décennie de crise économique. En 2003, l’adoption d’un
« document de stratégie pour la réduction de la pauvreté » visant à obtenir
l’élection du pays à la très convoitée « initiative PPTE1 » a été présentée par
les thuriféraires du régime comme la preuve de sa détermination à réduire
sensiblement la pauvreté au moyen d’une croissance économique qu’on
annonçait forte et de l’amélioration de la gouvernance. Entre-temps, le
refrain incantatoire de « l’Émergence en 2035 » est venu s’ajouter à celui
des « Grandes Ambitions », nouveau slogan préféré du régime de
Paul Biya, au pouvoir depuis 1982.
La relance économique ne s’est toutefois pas encore traduite par un
relèvement important du pouvoir d’achat de la majorité de la population du
pays. Depuis le début des années 2000, le pourcentage de personnes vivant
en dessous du seuil de pauvreté a baissé de 2,7 %, passant de 40,2 % en
2001 à 37,5 % en 20142. Mais le nombre de pauvres en valeur absolue, lui, a
augmenté, passant de 6,2 millions en 2001 à 8,1 millions en 2014, du fait
d’une forte croissance démographique (2,6 % par an) combinée au faible
recul de l’incidence de la pauvreté.
Du reste, c’est uniquement en milieu urbain que la pauvreté a reculé
au Cameroun ces deux dernières décennies, d’après les statistiques
officielles. Et c’est dans les deux villes prises en compte dans le cadre de
cette étude que son recul a été le plus significatif. À Douala, elle serait
passée de 49 % en 1996 à 10,9 % en 2001 pour tomber à 5,5 % en 2007 ;
à Yaoundé, elle serait passée de 37,3 % en 1996 à 13,3 % en 2001 et à 5,9 %
en 20073. Ce phénomène urbain semble avoir pour corollaire un
1. Une initiative lancée en 1996 par le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque
mondiale, visant l’annulation ou la réduction de la dette des pays les plus pauvres.
2. Voir Institut national de la statistique (INS), Quatrième Enquête camerounaise auprès des
Ménages (ECAM 4), Yaoundé, 2014, p. 15-19. Ces évaluations sont à relativiser, dans la mesure où
le seuil de pauvreté monétaire utilisé dans le cadre de ces enquêtes est un seuil unique en milieu
rural et en milieu urbain, alors que le coût de la vie est bien plus élevé en ville.
3. Document de Stratégie pour la Croissance et l’Emploi (DSCE), août 2009, p. 35. Ces données
proviennent des « Enquêtes camerounaises auprès des ménages » (ECAM), menées par l’INS,