Et moi je ne veux pas finir comme une putain

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Et moi je ne veux
pas finir comme une
putain rangée après
avoir mis de côté de
quoi suffire à mes
vieux jours
Création du
LIV
Collectiv
d’après Madame de Sade de Mishima et le
travail d’adaptation qu’Ingmar Bergman
a fait de la pièce.
Première étude 5 juin 2015 au
Théâtre de la Bastille lors du festival
Notre Temps Collectif.
Contact: [email protected]
LIV
Collectiv
Le Liv Collectiv est composé de cinq femmes:
Caroline Breton, Pauline Moulène, Georgia
Scalliet et Ruth Vega Fernandez sont comédiennes, Alma Palacios est danseuse.
En 2013, Georgia, Ruth et Alma ont toutes trois
collaboré avec Franck Vercruyssen du Tg STAN
à la création des spectacles suivants: Après
la Répétition et Scènes de la vie conjugale de
Bergman, et Mademoiselle Else de Schnitzler. Ces
spectacles continuent de tourner en Europe.
Cette expérience de la démarche artistique et de
la ”méthode Stan” a profondément marqué les
trois jeunes femmes. Elles décident de poursuivre
le travail. Elles invitent Caroline Breton et Pauline Moulène à les retrouver et ensemble elles se
lancent dans l’aventure du collectif.
Les interprètes ont donc autant de liberté qu’ils
ont de responsabilité. Ils portent le spectacle du
choix du texte jusqu’à l’expérience scénique.
” … La table, la chaise, la scène, la lumière de
travail, les comédiens en habits de tous les jours,
des voix, des gestes, des visages. Le silence. La
magie. Tout représente quelque chose, il n’y a
rien qui soit. L’entente entre l’acteur et le spectateur. (…) Tous ce fatras que nous apportons sur
scène! Au théâtre, une représentation est évidente si ces trois éléments sont présents: la parole,
le comédien, le spectateur. On a besoin de ça et
c’est tout, on a besoin de rien d’autre pour que le
miracle ce produise.”
– I. Bergman
Il n’y a pas de chef de troupe ou de metteur en
scène dans notre collectif. L’idée est de concevoir
un spectacle ensemble – choisir un texte ensemble, traduire, adapter, mettre en scène et jouer
ensemble.
Le spectacle se construit ”à la table” autour de
l’étude du texte, sa traduction, son adaptation;
des aspirations des comédiens, leurs désirs et prises de position quant au matériau qu’ils ont entre
les mains. Il y a une ”vérification ” au plateau quelques jours avant la première mais le spectacle
se révèle essentiellement lors de sa rencontre
avec le spectateur. Nous souhaitons risquer l’ici
et maintenant avec le poème et le public.
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caroline breton
Caroline Breton est une actrice formée à l’ERAC
(auprès de Valérie Dréville ou encore Jean-Pierre
Vincent: promotion 2004) et à la danse contemporaine auprès de Sophie Lessard, après un parcours universitaire et une prépa à Normale Sup.
De 2004 à 2009, elle participe aux 5 créations du
collectif Extime qu’elle co-fonde avec Jean-Pierre
Baro (L’Épreuve du feu de Magnus Dahlström,
L’Humiliante histoire de Lucien Petit de Jean-Pierre Baro, Léonce et Léna / Chantier d’après Georg Büchner, Je me donnerai à toi toute entière
d’après Victor Hugo jusqu’à Ivanov [Ce qui
reste dans vie…] d’après Anton Tchekhov). Travaille avec François Rodinson sur George Dandin
au CDN d’Orléans. Joue dans 2 productions de
Jean-Louis Martinelli au CDN Nanterre-Amandiers. En 2014, elle joue Viola et Sébastien dans
La nuit des rois de Shakespeare mis en scène
par Bérangère Jannelle au Théâtre de la Ville.
Elle crée une SuperTalk « Quelle est la différence
entre une femme » à la Gaîté Lyrique.
Joue dans des fictions radiophoniques pour
France Culture (Etienne Vallès, Alexandre Plank,
Laure Egoroff, Cédric Aussir) et participe à des
lectures en direct et en public dans l’émission Pas
la Peine de crier sur France Culture.
avec Nir de Volff et Nils Haarmann.
Elle rejoint l’équipe de LA ZOUZE avec Communextase qui sera créée à Danse à Uzès en juin 2015.
Au cinéma, elle joue notamment sous la direction
de Bruno Podalydès, Etienne Chatillez, Nicolas Engel,
Arnaud Sélignac et Olivier Van Hoofstadt, Samanou
A. Sahlstrøm ou encore François Ozon.
Caroline propose aussi des performances. Elle
est invitée par le festival Il faut brûler pour briller
à New York, le festival Sans titre mai poétique à la
Laiterie de Strasbourg et le festival Hors Piste au
Centre Pompidou.
Avec 4 autres actrices et danseuses, elle co-fonde LIV Collectiv dont la première création sera
jouée au Théâtre de la Bastille en juin 2015 lors
de la première édition du Festival « Notre Temps
Collectif ».
Participe à la Biennale de Venise sous la direction
de Falk Richter, projet en cours, en collaboration
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pauline moulene
Pauline Moulène débute le théâtre au cours
Florent avec Michel Fau et suit le cursus d’études
théâtrales de Paris 3 puis intègre la 62e promotion de l ENSATT. Elle travaille avec Jerzy Klesyck,
Enzo Corman, Christian Schiaretti, elle rencontre
alors Ruth Vega Fernandez qui la met en scène
dans Cabaret… puis toujours sous sa direction
elle joue Electre dans Oreste d’Euripide .C’est
également à l ’Ensatt qu’elle rencontre Philippe
Delaigue et Christophe Perton qui lui proposent
d’entrer dans la troupe permanente de la Comédie de Valence (CDN Drôme Ardèche). Pendant
7 ans de collaboration, elle joue Bénénice, Mara,
Elvire, Clytemnestre, Nova (Par les villages), crée
des pièces de Pauline Sales, Marion Aubert,
Marius von Mayenburg, Marie N Diaye, Lancelot
Hamelin et joue sous la direction de Jean Louis
Hourdin, Richard Brunel, Michel Raskine, Olivier
Werner, Emmanuel Daumas, YJ Colin, Olivier
Maurin et donc Philippe Delaigue et Christophe
Perton.
De retour à Paris, elle multiplie les expériences: le
concours de mise en scène du theatre 13 gagné
avec Samuel Theis pour Juste la fin du monde
de Lagarce , la Comédie Française dans la Folie
d’Heracles d’Euripide, le théâtre de l’Atelier avec
Les Liaisons Dangereuses mise en scène de John
Malkovich qui se jouera jusqu’au festival du Lincoln Center à New York.
Elle travaille avec la compagnie Opera éclaté (le
Malentendu de Camus, Cabaret de Bob Fosse),
collabore régulièrement à des fictions radiophoniques sur France Culture.
La saison prochaine elle jouera dans Un fils de
notre temps de Horvath mis en scène par Simon
Deletang et Une chambre à Rome, mise en scène
de Sarah Capony.
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alma palacios
Alma Palacios naît en 1989 à Paris de père argentin et de mère suisse. Très tôt intéressée par
les arts scéniques, elle commence un cursus en
danse contemporaine au CNR de Paris puis le
poursuit au CNSM de Paris. Elle est ensuite admise à P.A.R.T.S. (Bruxelles) où elle étudie la danse,
la chorégraphie et le théâtre pendant quatre ans.
De 2008 à 2011 elle obtient le prix d’études Migros pour la danse contemporaine.
Depuis la fin de sa formation, elle travaille autant
comme danseuse que comme comédienne. En
mai 2012 elle crée avec Frank Vercruyssen (cie
Tg STAN) Mademoiselle Else, un texte d’Arthur
Schnitzler; une collaboration qui se poursuivra
en novembre 2013 lorsqu’elle est interprète dans
Nusch. Elle participe en septembre 2012 au Tryangle Research Laboratory coordonné par Tiago
Rodrigues à Montemor, Portugal. Elle est interprète pour Guillaume Guilherme dans les pièces
chorégraphiques UN NU et LES DEUX présentées aux Festivals Antigèle et Quarts d’heure de
Sévelin à Lausanne. Elle est engagée par Mathilde
Monnier en avril 2013 pour une reprise de rôle
dans la pièce Twin Paradox.
En juillet 2014, elle crée avec l’écrivain et chanteur-compositeur Jacinto Lucas Pires le spectacle
Libretto au théâtre Maria Matos (Lisbonne), en
tournée en mai 2015 au Portugal.
Elle travaille actuellement à la création de trois
spectacles: Herself, mis en scène par Thomas
Fourneau (création le 12 mars 2015 au theâtre
Joliette Minoterie, Marseille), La Chair du monde, une pièce chorégraphique crée avec la Cie 7
Pépinièrs; Et moi je ne veux pas finir comme une
putain rangée après avoir mis de côté de quoi
suffire à mes vieux jours, avec le LIV Collectiv,
création le 5 juin au Théâtre de la Bastille.
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georgia scalliet
Née d’une mère américaine et d’un père franco-belge, Georgia Scalliet grandit à Dijon. Très
tôt, elle commence à s’intéresser au théâtre. Elle
suit notamment deux stages avec Catherine Dasté
à la Maison Jacques Copeau à Pernand-Vergelesses. Parallèlement à ses études au lycée, elle
entre au Grenier de Bourgogne pour suivre pendant trois ans une formation avec Guy Martinez,
aventure qui débouche sur la création d’une compagnie semi-professionnelle, ”le groupe al’dente”.
Après avoir passé quelques semaines aux ÉtatsUnis à la Phillips Exeter Academy, à Londres à la
Royal Academy of Dramatic Art, elle étudie deux
ans à Bruxelles dans la section art dramatique de
l’Institut des arts de diffusion avec Luc Van Grunderbeek, Daniel Donis, Éric de Staercke, Janine
Godinas..., puis continue sa formation durant trois
ans à l’ENSATT de Lyon avec Philippe Delaigue,
Christian Schiaretti, Vincent Garanger, Giampaolo
Gotti, Bernard Sobel, Alain Françon...
En septembre 2009, elle entre comme pensionnaire à la Comédie Française. Elle y interprète
de nombreux rôles, dont Viviane dans Le Fil à
la patte de Feydeau, mis en scène par Jérôme
Deschamps. Elle joue notamment, Irina dans Les
Trois Sœurs de Tchekhov ainsi que Giacinta dans
La Trilogie de la Villégiature de Goldoni, sous
la direction d’Alain Françon . En avril 2014, elle
interprète aussi Célimène dans le Misanthrope de
Molière, mis en scène par Clément Hervieu-Léger.
Par ailleurs, au Théâtre Garonne, elle crée au sein
de la compagnie tg STAN avec Frank Vercruyssen,
après la répétition d’Ingmar Bergman.
Elle a reçu le Molière 2011 du jeune talent féminin
pour son interprétation d’Irina dans Les Trois
Sœurs de Tchekhov, mises en scène par Alain
Françon.
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ruth vega fernandez
Née de parents espagnoles au Canaries, elle
grandi entre l’Espagne et la Suède ou elle se forme à la danse à l’Académie de danse et à L’opéra
Royale de Göteborg. Puis arrive en France à 17
ans après avoir vécu un an aux Etas unis et y avoir
fais des études d’art, de théâtre et de danse. À
Paris elle apprend le français et obtient un Baccalaureat international au Lycée international de
Saint-Germain-en-Laye. Puis continue à étudier le
théâtre à l’université et auprès de Valerij Fokine, Maurice Bénichou, Genevieve Mnich, Simon
Abkarian…
Par la suite elle entre à l l’ENSATT (École Supérieure National de Arts et Métiers du spectacle
de Lyon) comme premier élève comédienne
étrangère. Elle y étudie avec Richard Brunnel,
Philippe Delaigue, Enzo Corman, Christophe
Perton et Christian Schiaretti et met en Scène
”Cabaret…” et ”Orestes” avec entre autre Pauline
Moulène dans le rôle titre. A la sa sortie de l’école
elle intègre la troupe du TNP (Théâtre National
Populaire de Lyon) et joue sous la direction de
Christian Schiaretti. Elle seras entre autre Bertha
auprès de Nada Strancar et Johan Leysen dans
Père de Stringberg.
De retour en Suède elle décroche un des rôles
titres dans la serie Upp Till Kamp aka How Soon Is
now (prix FIPA D’Or et Prix Italia). Sa prestation lui
vaudra la reconnaissance de la profession et de
la critique. Elle enchaine par la suite des premiers
rôles au cinema, à la télévision et aux théâtre en
Suède.
De retour en France elle joue sous la direction
de Jean-Pierre Barro dans Ivanov – ce qui reste
d’Envie – et tourne pendant trois ans dans le rôle
d’Anna Petrovna.
Puis à l’écran:
Elle y tient le premier rôle féminin dans Kyss Mig –
Une histoire suédoise – sortie en France en 2012.
La même année elle est actuelle dans Call Girl,
film selectionné au le festival de Toronto.
en France courant 2015. En France elle incarne un
des rôles principaux dans Arès dirigé par Jean-Patrique Benes, sortie prévu 2015. Puis dans le film
fantastique Cirkeln sortie prévue en Europe en
2015. En 2016 elle incarnera aussi le rôle principale féminin dans la série de prestige Gentleman et
Gangsters.
Sur scène:
En 2013 elle joue et crée Scènes de La Vie Conjugal avec la compagnie STAN qui continue de tourner en Europe et au Canade courant 2015-2016.
Puis monte le collective LIV Collectiv qui jouera au
Théâtre de la Bastille courant 2016.
En 2016 elle seras artiste résidente au Théâtre de
la bastille et jouera dans Madame de Bovary sous
la direction de Tiago Rodrigues.
En 2016-17 elle travaillera avec Gisèle Vienne dans
le Sacre du Printemps.
En 2014 elle incarne Maud personnage culte et
rôle pricipal féminin de l’Opus Gentleman, sortie
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”Si on est enfermé dans le
rêve de l’autre, on est foutu”
– Deleuze
photo de nobuyoshi ar aki
tallul a bankhe ad au bal de truman capote
note d’intention
La première création de Liv Collectiv est: ”Et moi
je ne veux pas finir comme une putain rangée
après avoir mis de côté de quoi suffire à mes
vieux jours.”
Nous avons choisi de travailler à partir de Madame de Sade de Mishima. C’est à travers Ingmar
Bergman que nous nous sommes intéressées à
cette pièce qu’il a lui même traduite et mise en
scène.
La pièce raconte comment la marquise de Sade
après avoir défendu son mari malgré ses frasques,
son emprisonnement et la désapprobation générale, décide de rentrer dans les ordres lorsqu’il
est enfin libéré et que sa mère l’encourage à
rester auprès de lui.
Le regard de Bergman est essentiel pour nous.
Ruth étant suédoise, nous avons pu étudier et traduire en français la version utilisée par Bergman,
réalisée expressément pour son travail d’adaptation. Nous nous sommes également appuyées sur
les traductions française, anglaise et italienne.
Il ne s’agit pas pour nous d’incarner les personnages de Mishima mais plutôt de raconter la pièce
et d’en extraire les problématiques qui nous
intéressent.
L’homme auteur, mettant en scène ces personnages féminins; les rapports entre ces femmes:
mère, soeur, servante; leurs fonctions: religieuse
ou putain, le thème de la révolution qui bouleverse la société et ses codes sont les axes qui nous
intéressent.
Nous travaillerons à la construction de notre
matériau-texte jusqu’à la fin de nos représentations puisque c’est bien de cela qu’il s’agit: faire
du plateau de théâtre un lieu de vie et d’échange
entre un texte et un public.
distribution
Renée, marquise de Sade – Ruth Vega fernandez
Madame de Montreuil, mère de Renée – Pauline Moulène
Anne Prospère, soeur cadette de Renée – Alma Palacios
Baronne de Simiane – Caroline Breton
Comtesse de Saint-Fond – Alma Palacios
Charlotte, femme de chambre – Georgia Scalliet
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extrait
Renée:
Oui, je suis devenue la complice d’une colombe. J’ai découvert que la bête indomptable
qu’on appelle habituellement une femme n’était en vérité qu’une chienne soumise. Vous,
mère, n’êtes qu’une chienne comme toutes les autres.
Montreuil:
Jamais, de toute ma vie, personne ne m’a dit une chose pareille.
Renée:
Je vous le dirai encore et encore. Vous n’avez cessé de déchirer Donatien de vos crocs et de
vos dents.
Montreuil:
Tu es folle. C’est moi qui ai été déchirée par les crocs blancs de ce monstre.
Renée:
Il n’a rien qui ressemble à des crocs. Tout ce qu’il a est un fouet, un couteau, une corde, les
vieux et sempiternels instruments de torture inventés par les hommes. Ils ne sont pas très
différents des instruments (de torture) que nous autres femmes utilisons pour nous mettre
en valeur : les miroirs, les poudres, les fards, les parfums. Mais vous vous avez été dotée
de crocs à votre naissance. Vos seins blancs sont des crocs. Vos cuisses, qui ont gardé leur
lustre malgré l’âge, sont des crocs. Votre corps tout entier, du haut de la tête jusqu’aux bout
des doigts, porte une cuirasse brillante, armée des dards de l’hypocrisie, et si vous pouvez
transpercer celui qui vous approche, vous pouvez aussi l’étouffer.
Montreuil:
N’oublis pas que mes seins t’ont nourrie.
Renée:
Je me le rappelle/ Je ne l’oublis pas. Le même sang coule en vous et en moi et nous avons
des corps qui se ressemblent. Mais mes seins ne sont pas comme les vôtres. Ils n’ont pas la
forme hypocrite imposée par les convenances. Vos seins faisaient les délices de mon père
parce que vous étiez un couple qui préférait les conventions à l’amour.
Montreuil:
Je te défends de médire de ton père.
Renée:
Vous regretteriez de perdre le bon souvenir d’une vie où vous suiviez même au lit les règles
de la société. Vous voudriez conserver la satisfaction d’entendre dans le murmure de l’homme qui vous aimait, un éloge de la convenance de vos transports. Tous deux, vous étiez une
clé et une serrure banales. Il vous suffisait de vous joindre pour que s’ouvrît aussitôt la porte
du plaisir.
Montreuil:
Quelle vulgarité!
Renée:
Vos seins, votre ventre, vos cuisses étaient collés comme les ventouses d’une pieuvre aux
conventions de la société. Vous faisiez un couple qui couchait avec la bonne éducation, la
bonne moralité, la bonne normalité en poussant des grognements de plaisir. Un comportement de monstre, selon moi. Non moins que de trois repas bien nourrissants, vous vous
alimentiez de haine et de mépris pour tout ce qui semblait sortir de la norme. Vous n’ouvriez
la porte que pour trouver la chambre là, le salon là, le cabinet de toilette là, la cuisine là, et
vous alliez et veniez d’une pièce à l’autre en pérorant d’honneur, de caractère, de réputation
et ainsi de suite. Jamais, dans vos rêves les plus fous, vous n’avez imaginé que vous pourriez
pousser la porte étrange/fantastique qui ouvre sur un ciel plein d’étoiles.
Montreuil:
Ce n’est pas nous qui aurions cherché à ouvrir les portes de l’enfer. Bien sûr que non!
Renée:
Le monde est plein de gens qui méprisent ce qu’ils ne peuvent pas imaginer. Ils passent leur
après-midi repus à se balancer dans leur hamac. Mais, avant d’avoir pu s’en apercevoir, il
leur vient des seins en laiton, des flancs en laiton, un ventre en laiton, qui brillent quand on
les astique…Vous et ceux de votre espèce, vous voyez une rose et vous dites: « Qu’elle est
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belle! » Un serpent et vous dites: « Qu’il est répugnant ! » Vous ignorez tout du monde oùla
rose et le serpent sont assez intimes pour échanger leurs apparences dans la nuit, de telle
façon que les joues du serpent rougissent et que la rose se couvre d’écailles brillantes.
Devant un levraut, vous dites: « Qu’il est gentil! ». Et devant un lion: « Qu’il est terrible ! ».
Mais vous n’avez aucune idée des nuits de tempête où ils se sont unis dans une commune effusion de sang. Vous ne savez rien des nuits où la sainteté et l’ignominie échangent
imperceptiblement leurs apparences. C’est pourquoi vous vous voudriez exterminer la nuit,
après vous être moquée d’elle avec votre tête de laiton. S’il n’y avait plus de nuit, pourtant,
ni vous ni votre espèce ne pourraient reposer en paix.
Montreuil:
Comment osez-vous parler à votre mère en disant « vous et votre espèce »? L’unique et
irremplaçable mère que vous aurez jamais.
Renée:
Irremplaçable? Alors que vous vous vantiez d’être comme tout le monde. Alors que m’avez
toujours enjoint d’être une femme comme les autres. Les autres-là, voilà votre espèce!
Montreuil:
A vous entendre, la gentillesse du levraut, l’air répugnant du crapaud, l’air terrible du lion,
l’air malin du renard sont de même espèce et ne font plus qu’un sous les éclairs de la nuit
d’orage. Ça n’est pas nouveau! /Oui/ Bien sûr. Cette pensée n’a rien d’original et dans le
passé beaucoup de femmes ont été brûlées sur un bûcher pour l’avoir exprimée. Comme
vous, elles avaient ouvert la porte qui donne sur ce que vous appelez le ciel plein d’étoiles
et elles avaient fait un pas au-dehors.
Renée:
Vous et vos semblables avez tout ordonné en des sortes diverses, dans des compartiments
différents. Ainsi vous mettez les gants dans un tiroir, les mouchoirs dans un autre. Ainsi décidez-vous d’attribuer la gentillesse au levraut, et au crapaud la vilenie/la laideur. Ainsi vous
rangez Mme de Montreuil dans le tiroir de la vertu et Donatien dans celui du vice.
Montreuil:
Chaque chose et chacun vont dans le tiroir approprié à leur nature. Cela ne se discute
même pas…
Renée:
Mais un tremblement de terre pourrait bien renverser le meuble à compartiments, et vous
pourriez vous retrouver dans le tiroir du vice, Donatien dans celui de la vertu.
Montreuil:
Je veillerai aux tremblements de terre avec une méfiance extrême et je mettrai des cadenas
aux tiroirs.
Renée:
Si votre miroir pouvait vous montrer combien vous êtes répugnante, vous ne sauriez plus
dans quel tiroir vous mettre. Aujourd’hui que le feu risque de prendre à votre propre
maison, vous ne seriez point mécontente de me racheter comme une prostituée rachète la
garde-robe qu’elle avait mis en gage. Votre rêve est une vie heureuse, une vie confortable
et vous n’avez jamais cherché à voir ce qui se trouve au bout du monde ou au-delà. Au contraire, vous prenez des rideaux roses pour aveugler vos fenêtres. Puis vous mourrez. Et vous
n’aurez qu’une seule fierté: être restée hors d’atteinte de ceux que vous avez méprisé. De
toutes les sources où puise la fierté humaine, celle-là est la plus ignoble et la plus misérable.
Montreuil:
Vous aussi, vous mourrez un jour.
Renée:
Pas comme vous, mère.
Montreuil:
Naturellement. Je n’ai pas l’intention d’être brûlée vive.
Renée:
Et moi, je ne veux pas mourir comme une putain rangée, après avoir mis de côté de quoi
suffir à mes vieux jours.
Montreuil:
Renée, je te giflerais volontiers.
Renée:
Ne vous retenez pas. Mais que feriez-vous si je me tordais de plaisir sous vos coups?
Montreuil:
Oh! Quand tu parles ainsi, votre visage…
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faisant un pas en avant:
Renée:
Eh bien! Mon visage?
élevant la voix:
Montreuil:
…ressemble à faire peur à celui de Donatien.
Renée riant:
Renée:
Saint-Fond l’avait déjà dit: « SADE, c’est moi! »
the snake , peinture par jason gl asser
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”Les trois quarts de l’univers peuvent
trouver délicieuse l’odeur d’une rose,
sans que cela puisse servir de preuve, ni
pour condamner le quart qui pourrait la
trouver mauvaise, ni pour démontrer que
cette odeur soit véritablement agréable.”
– Marquis de Sade
wiltered rose , photo de nobuyoshi ar aki
photo de tina modot ti
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