Base étymologique établie par Bernard Chapuis, Porrentruy
2
Gailifraie
Dans son glossaire des Franches-Montagnes, Marie-Louise Oberli signale la variante gâfraie, en
usage sur le Haut-Plateau. Ce verbe signifie se goinfrer, bouffer, gloutonner, dévorer. Le patois de
Chatenois a galafrâ, verbe polysémique qui s'utilise aussi dans le sens de dilapider, dépenser
inconsidérément, comme le fils prodigue. Bâfraie, engatchie, engoulaie sont autant de synonymes
qui expriment l'idée de gloutonnerie. Le moyen français connaît le substantif galifre, homme vorace.
Comme notre bouffer, le verbe gailifraie fait partie du langage familier. Il a une connation ironique.
Il apparaît dans une fôle (histoire) orale, recueillie en pays d'Ajoie :
Jean-Pierre était connu pour son appétit glouton. A l'occasion de St-Martin, on fait bombance. Jean-
Pierre regarde, médusé, les victuailles préparées en abondance.
- T'veus r'poéyai r'galifraie, Djain-Piere, lui dit un moqueur. Tu vas pouvoir t'empiffrer, comme
d'habitude.
Le goinfre, blessé dans son orgueil, quitte la table.
- Eh bïn, te galifrerés tot pa toi. Eh bien, tu boufferas tout seul.
Mais notre amateur de bonne chère ne peut faire taire sa gourmandise. Après avoir boqué (boudé)
quelques instant, il rejoint sa place parmi les convives et se met à galifraie avec avidité.
Le Trésor de la langue français signale le substantif masculin galfâtre, qui s'applique au goinfre et au
propre à rien. Selon la même source, on le trouve chez Léon Bloy, Anatole France, Balzac. Quant à
l'origine du mot, elle est difficile à établir.
B. Chapuis, Porrentruy février 2012 5/35