© Fonds Françoise Foucault
© Fonds Françoise Foucault
1993
« Aujourd’hui, dans ce monde en
morceaux, ce Bilan jouerait le rôle d’un
“ramasse-miettes” d’images que nous
nous devons de conserver plutôt que de
les jeter aux souris : pas de grands
éclats, pas de philosophie, mais des
short stories éphémères d’allure qui,
d’année en année, deviendront les
images les plus sincères de nos sociétés
en débâcle. » […] « Enfin, transpa-
raissent des thèmes à rêver : l’abolition
des frontières, les sociétés sans état, les
passe-temps du pouvoir, mais, aussi
l’impuissance à prévoir le lendemain.
Qui aurait cru, il y a un an, aux rebonds
d’une guerre du Golfe soit disant
gagnée (dont les Marines de François
Reichenbach étaient, il y a cinquante
ans, l’avertissement poétique), aux
massacres racistes de Sarajevo, au
chaos néo-chrétien de l’ex URSS ?
Sommes nous à la veille d’un monde
“sans Dieu ni maître” ? »
1994
« […], l’anthropologie visuelle n’a plus
accès dans les salles de cinéma, mais
dans les grilles austères des program-
mes documentaires de la télévision. »
[…] « Ce treizième Bilan reflète cette
équivoque de la diffusion du film Ethno-
graphique : Pour quel public filmons-
nous ? Mais sans donner de réponse,
les cinéastes ethnographes n’en pour-
suivent pas moins la grande aventure,
laissant entrevoir une des nouvelles
tendances : “donnons la parole à ceux
que l’on filme”. Ils systématisent, ainsi,
l’exemple des pionniers, de David
MacDougall (To live with Herds - Prix
Nanook, Venise 1970), de John Marshall
(Documents Bushmen du Kalahari), de
Timothy Asch (Série Yanomami), en
laissant la parole aux Yanomami de la
“Rivière du Miel”, aux Aborigènes de
l’Australie Occidentale, aux Indiens
Arhuaco de Colombie, aux prêtresses
de Gambie... Avaient-ils prévu l’étape
suivante : que les “filmés” prennent à la
fois la parole et la caméra ? Encore
faudra-t-il que ce très jeune “cinéma
pieds-nus” ne soit pas récupéré par les
Major Companies. À suivre ... »
1996
« Dans les 22 arcanes moyennes du
Tarot de Marseille, l’arcane 14 est la
Tempérance, l’arcane 15, le Diable,
l’arcane 16, la Maison Dieu et l’arcane
17, chère à André Breton, c’est l’Etoile. »
[…] « 15 est un chiffre étrange. » […]
« “Et ce charme inconnu, cette fraîche
auréole qui couronne un front de 15 ans”
écrivait Victor Hugo dans les Orientales. »
[…] « C’est dire si ce Quinzième Bilan est
lourd de menaces (la vidéo à l’assaut du
vrai cinéma). Il est en même temps riche
d’espérances représentées, comme
chaque année par les Films d’École,
comme toujours d’une certaine grâce,
réalisés en toute liberté. »
1997
« Il ne faut jamais prédire l’avenir car il
devient vrai ! Et ce Bilan 1997, nous fait
entrer par la porte de la Maison Dieu ou
la Tour foudroyée pour en ressortir,
comme des cambrioleurs, par la fenêtre,
submergés de documents ethnographi-
ques en vidéo. » […] « Nous souvenant
ce que disait en 1993 Freddy Buache à la
Cinémathèque de Lausanne : “Le cinéma
c’est partager la même émotion dans un
même lieu”, nous avons donc établi un
programme regroupant films et vidéos et
quand cela était impossible, nous avons
prévu un entracte pour reposer les yeux
des spectateurs. »
1998
« Le Bilan a dix-sept ans, et à dix-sept
ans tout est permis : “les jeunes filles ne
seront jamais plus belles et les jeunes
garçons ne seront jamais plus ardents et
l’on comprend le conseil de cette mère
grecque à sa jeune fille: Méfies toi des
garçons qui marchent sur les routes du
soir avec des reflets d’or dans leurs
cheveux ailés” (Pierre Louÿs). Faut-il
donc considérer que les précédents
Bilan n’étaient que des plaisanteries
de Zazi dans le métro? Non car il y aura
toujours quelques Raymond Queneau
pour en raconter l’histoire et nous ravir. »
1999
« Rappelons ici le texte de Marcel Mauss
du 17 mai 1934 (Les techniques du
corps) :
“Quand une science naturelle fait des
progrès, elle ne le fait jamais que dans
le sens du concret, et toujours dans
le sens de l’inconnu ... aux frontières des
sciences, là où les Professeurs, comme
dit Goethe, se ”bouffent” entre eux :
c’est dans ces domaines mal partagés
que gisent les problèmes urgents... On
plante, sur ces masses de faits, le jalon
d’ignorance : “divers”. C’est là qu’il faut
pénétrer. On est sûr que c’est là qu’il y a
des vérités à trouver, d’abord, parce
qu'on sait qu’on ne sait pas...”
Concluons avec Jean Marie Pradier, (La
profondeur des croyances) : “Le film
ethnographique est une discipline
émerveillée...” »
Rétrospective Jean Rouch
Cinémathèque française, 1999. Jane et Jean Rouch à Pes
aro, 1987.
5VOIR AUTREMENT LE MONDE4VOIR AUTREMENT LE MONDE
(Introduction et choix des extraits,
Laurent Pellé, Comité du film
ethnographique)
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