Les Etudes du CERI - n° 37 - janvier 1998
développement d'une base industrielle s'est fait progressivement grâce à l'action
parfois concurrente des trois Etats. Il faut cependant attendre l'établissement du
Manchukuo japonais pour que l'industrialisation prenne toute son ampleur. Les
industries lourdes qui sont développées à cette période sont restées la base du tissu
industriel de la province, et particulièrement de Shenyang. La ville connaît alors un très
fort développement et se transforme progressivement de centre de petit commerce et
d'artisanat en cité industrielle populeuse.
A l'arrivée au pouvoir des communistes, la ville est le centre d'industrie lourde le plus
important de Chine, et cela malgré les dommages causés par les guerres. L'ensemble
de la province du Liaoning a hérité d'une infrastructure qui n'a pas son pareil en Chine.
L'intérêt stratégique de cette base industrielle pour le nouveau pouvoir va accélérer sa
reconstruction. L'industrie d'armement laissée par les Japonais contribuera à l'effort de
guerre contre les armées nationalistes puis lors des événements de Corée. Durant le
premier plan quinquennal, la province recevra 6,5 milliards de yuans de l'Etat pour la
remise à flot de son économie. Elle sera aussi une des cibles privilégiées du
programme de reconstruction puisqu'on y trouve 24 des 156 projets d'investissement
prioritaires financés par l'aide russe. Enfin, elle profitera des prix fixés à des niveaux
arbitrairement bas par l'Etat pour les matières premières et l'énergie. Dès lors, en
moins de quatre ans, la production industrielle et agricole de la province va retrouver
son niveau antérieur à la débâcle japonaise. Comme le note Hu I-min : « La production
industrielle de la province connaît un taux de croissance exceptionnel de 25,3 % », ce
qui, ajoute-t-il, « prouve l'incontestable supériorité du communisme sur le
capitalisme ». Dans les grandes lignes, les orientations du développement du nouveau
pouvoir reprennent celles des Japonais. La province poursuit donc le développement
de la sidérurgie, de la production de machines-outils et de l'automobile en tirant profit
des abondantes ressources en métaux et en charbon qui entourent la ville. Elle
développera plus tard la pétrochimie après la découverte de champs pétrolifères dans
la région.
Depuis la fin des années soixante, le bilan officiel est beaucoup plus mitigé. Le
Grand Bond en avant et surtout la Révolution culturelle auront une incidence
importante sur la production industrielle de la province. En 1978 pourtant, à la veille
des réformes économiques, le Liaoning demeure une des provinces les plus riches et
les plus industrielles de Chine. La valeur de la production de ses industries lourdes est
la plus importante du pays, alors que celle de l'industrie légère la place au cinquième
rang. Cette richesse relative s'exprime aussi à travers les transferts fiscaux opérés par
le Liaoning au profit du reste de la Chine. Aujourd'hui que la province a bien besoin de
l'aide de l'Etat central, ses chercheurs aiment à rappeler qu'elle lui a versé 112
milliards de yuans au titre de l'impôt entre 1952 et 1988, sans parler des dons de
produits industriels et des millions de tonnes de minerai de fer, de charbon, d'acier ou
de pétrole. Plus riche, le Liaoning a aussi une main-d'œuvre mieux formée, et les
diverses universités techniques de la ville de Shenyang ou de Dalian sont (ou étaient)
réputées. Nombreux sont les cadres, y compris ceux de l'échelon national, qui y ont
suivi des études. La province a contribué au développement des autres régions de la