LA SECONDE VENUE / THE SECOND COMING Tournant, tournant dans la gyre toujours plus large Le faucon ne peut plus entendre le fauconnier. Tout se disloque. Le centre ne peut tenir. L’anarchie se déchaîne sur le monde Comme une mer noircie de sang : partout On noie les saints élans de l’innocence. Les meilleurs ne croient plus à rien, les pires Se gonflent de l’ardeur des passions mauvaises./ Turning and turning in the widening gyre The falcon cannot hear the falconer; Things fall apart; the centre cannot hold; Mere anarchy is loosed upon the world, The blood-dimmed tide is loosed, and everywhere The ceremony of innocence is drowned; The best lack all convictions, while the worst Are full of passionate intensity. Sûrement que quelque révélation, c’est pour bientôt. Sûrement que la Seconde Venue, c’est pour bientôt. La Seconde Venue ! A peine dits ces mots, Une image, immense, du Spiritus Mundi Trouble ma vue : quelque part dans les sables du désert, Une forme avec corps de lion et tête d’homme Et l’oeil nul et impitoyable comme un soleil Se meut, à cuisses lentes, tandis qu’autour Tournoient les ombres d’une colère d’oiseaux… La ténèbre, à nouveau ; mais je sais, maintenant, Que vingt siècles d’un sommeil de pierre, exaspérés Par un bruit de berceau, tournent au cauchemar, -Et quelle bête brute, revenue l’heure, Traîne la patte vers Bethléem, pour naître enfin ? Surely some revelation is at hand; Surely the Second Coming is at hand. The Second Coming! Hardly are those words out When a vast image out of Spiritus Mundi Troubles my sight: a waste of desert sand; A shape with lion body and the head of a man, A gaze blank and pitiless as the sun, Is moving its slow thighs, while all about it Wind shadows of the indignant desert birds. The darkness drops again but now I know That twenty centuries of stony sleep Were vexed to nightmare by a rocking cradle, And what rough beast, its hour come round at last, Slouches towards Bethlehem to be born? William Butler Yeats dans Michael Robartes and the Dancer (1921) et traduit par Yves Bonnefoy dans Anthologie bilingue de la poésie anglaise, La Pléiade, 2005 Dès son plus jeune âge William Butler Yeats possède une imagination débordante, peuplée d'être irréels. Quand sa famille protestante s'installe à Londres, le jeune Yeats a des difficultés à s'adapter et son attachement pour les paysages de l'Irlande se fait de plus en plus fort. Il suit des cours à la Metropolitan School of Art et écrit déjà des poèmes aux tendances mystiques. Son oeuvre poétique regroupe des poèmes narratifs de légendes irlandaises Les errances d’oisin, des poèmes d'amour Le vent parmi les roseaux. Mais c'est surtout de luttes nationalistes et de héros historiques dont Yeats s'inspirent pour dire son amour à sa terre natale. En 1896 il fonde et dirige avec son amie Lady Gregory le théâtre littéraire national irlandais, Abbey Theatre. Il participe aussi aux luttes politiques qui déchirent le pays à cette époque et incorpore le Sénat de l'Etat libre d'Irlande de 1922 à 1928. En 1930 il se retire de la vie politique et part vivre dans le sud-est de la France où il décède en 1939. Source :http://www.evene.fr/celebre/biographie/williambutler-yeats-1560.php Au sujet de ce poème et la référence qui lui est faite dans le cadre du débat sur la présence des États-Unis d’Amérique en Irak, voir le blog La république des livres de Pierre Assouline intitulé « Il faut sauver le soldat Yeats » affiché à l’adresse http://passouline.blog.lemonde.fr/2007/02/14/il-faut-sauver-lesoldat-yeats. Pour une analyse approfondie de ce poème, voir l’entrée dans l’Encyclopédie libre Wikipédia (version anglaise) à l’adresse http://en.wikipedia.org/wiki/The_Second_Coming_(poem).