Thèse

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Numéro d’ordre:79
Année:2010
Thèse
Présentée à la
FACULTE DES SCIENCES D’AGADIR
Pour l’obtention du titre de Docteur
UFR : Physique des solides
Spécialité : Recherche et développement en Physique des solides
Ancrage et dynamique des vortex dans les couches minces
de supraconducteurs à haute température critique
d’YBa2Cu3O7-δ
Par
Abella BOUAADDI
Soutenue le 6 Mars 2010 devant la commission d’examen :
A. BENYOUSEF, Professeur, Faculté des Sciences, Université, Mohammed V, Rabat
A. TAOUFIK, Professeur, Faculté des Sciences, Université Ibn Zohr, Agadir
Président
Directeur de thèse
N. HASSANAIN, Professeur, Faculté des Sciences, Université Mohammed V, Rabat
Rapporteur
A. NAFIDI, Professeur, Faculté des Sciences, Université Ibn Zohr, Agadir
Rapporteur
L. BOUHOUCH, Professeur, Ecole Supérieure de Technologie, Université Ibn Zohr, Agadir
Rapporteur
A. MENOU, Professeur, Académie internationale de l’aviation civile, ONDA, Casablanca
Examinateur
A. TIRBIYINE, Professeur, Faculté poly- disciplinaire, Université Cadi Ayyad, Safi
Examinateur
A. ELKAOUACHI, Professeur, Faculté des Sciences, Université Ibn Zohr, Agadir
Examinateur
Travail effectué dans le cadre de coopération de recherches entre l’Equipe des Matériaux
Supraconducteurs à Haute Température Critique, Faculté des Sciences Université Ibn
Zohr, Agadir et le laboratoire de physique des solides d’Orsay, Université Paris XI,
France,
-0-
Table des matières
Introduction……………………………………………………………………………………………………………………..
5
Chapitre I : Généralités sur les supraconducteurs………………………………..................
8
1. Historique…………………………………………………………………………………..………………………………
9
2. Principales caractéristiques remarquables des supraconducteurs …………………………
10
3. Théories phénoménologiques …………………………………………………………………………………
12
3.1 Les équations de London…………………………………………………………………………......
12
3.2 La théorie de Ginzburg-Landau et les deux types de supraconducteurs……..
14
3.3 Théorie BCS……………………………………………………………………………………………………
18
4. Diagramme de phase (H, T)…………………………………………………………………………………
19
Références…………………………………………………………………………………………………………………..
21
Chapitre II : Les supraconducteurs à haute température critique……………………….
22
1. découverte des SHTC……………………………………………………………………………………………….
23
2. Le supraconducteur YBCO……………………………………………………………………………………….
24
2.1 Synthèse du composé…………………………………………………………………………………….
24
2.2 Diagramme de phases…………………………………………………………………………………….
27
2.3 Structure et propriétés du composé YBCO……………………………………………………
29
2.4 Caractéristiques physiques…………………………………………………………………………….
33
2.4.1 La température critique ………………………………………………………………….
34
2.4.2 La résistivité en courant continu……………………………………………………..
34
2.4.3 La longueur de cohérence et la longueur de pénétration ………………
35
2.5 Comportement magnétique et réseau de vortex…………………………………………
36
2.5.1 Définition d’un vortex……………………………………………………………………….
36
2.5.2 Force de Lorentz et écoulement du flux…………………………………........
37
2.5.3 Force de piégeage et fluage du flux…………………………………………………
39
-1-
2.6 Les Mécanismes de piégeage dans les Supraconducteurs…………………………….
39
2.6.1 Défauts ponctuels…………………………………………………………………………….
39
2.6.2 Macles et autres défauts étendus…………………………………………………….
40
2.7 Modèle du flux creep dans les supraconducteurs HTC…………………………………….
41
2.7.1 Formulation générale…………………..……………………………………………………
41
2.7.2 Flux creep ………………………………………………………….……………………………..
42
2.7.3 Flux flow thermiquement activé……………………………………………………….
45
Références….………………………………………………………………………………………………………………….
47
Chapitre III : Techniques expérimentales…………………………………….........................
49
1. Cryostat………………………………………………………………………………………………..................
50
2. Anticryostat………………………………………………………………………………………………………………
51
3. Méthode du courant pulsé ………………………………………………………………………………………
52
4. Présentation de l’échantillon………………………………………………………………………………….
54
4.1 Ablation Laser………………………………………………………………………………………………
54
4.2 Propriétés structurales du film mince d’YBCO……………………………………………
58
4.2.1 Analyse de texture: spectre θ-2θ.............................................
58
4.2.2 Analyse de la mosaïcité: spectres ω-scan ou rocking curves.………
59
4.2.3 Analyse des relations épitaxiales dans le plan: φ-scans.………………
60
Références………………………………………………………………………………………………………………………
63
Chapitre IV. Densité de courant critique et force d’ancrage des vortex…..........
64
1. Introduction …………………………………………………………………………………………………………..
65
2. Densité de courant…………………………………………………………………………………………………..
65
2.1. Détermination de la densité de courant J*…………………….…………………………
66
2.2 Variation de J* en fonction du champ magnétique appliqué.……………………
67
-2-
2.3. Variation de J* en fonction de la température………………….…………………….
70
2.4. Discussion…………………………………………………………………………………………………
72
2.5 La puissance dissipée avant la transition……………………………………………………
74
3. Densité volumique de force d’ancrage……………………………………………………………………
76
3.1 Introduction…………………………………………………………………………………………………
76
3.2 Détermination de la densité de courant critique Jc……………………………………
77
3.3 Détermination de la densité volumique de force d’ancrage………………………
81
4. Etude de la fraction de vortex piégés…….………………………………………………………………
88
4.1 Généralités …………………………………………………………………………………………………
88
4.2 Détermination de la fraction de vortex piégés p ………………………………………
89
4.3 Variation de p en fonction de la température et du champ magnétique …
91
4.3.1 Influence de la température……………………………………………………………
91
4.3.2 Influence du champ magnétique…………………………………………………….
92
4.4. Anisotropie de la fraction de vortex piégés….…………………………….……………
93
4.4.1 Introduction……….……………………………………………………………………………
93
4.4.2 L'anisotropie des caractéristiques E(J)………………………………………..
94
4.4.3 Anisotropie de l’ancrage………………………………………….……………..………
95
Conclusion………………………………………………………………………………………………………………………….
97
Références………………………………………………………………………………………………………………………..
99
Chapitre V : Bruit de vortex dans les supraconducteurs HTC……………..................
101
1. Généralités sur l’étude du bruit………………………………………………………………………………
102
1.1. Introduction ………………………………………………………………………………………………
102
1.2. Les outils mathématiques pour l’étude des phénomènes aléatoires……….
102
-3-
1.3. Les différents types de bruits électroniques……………………………………………..
105
2. Bruit de flux magnétique dans les films minces et les monocristaux………………….
108
3. Bruit de conduction dans un champ magnétique……………………………………………………
109
3.1. Bruit de tension à faible champ magnétique……………………………………………
109
3.2 Bruit de tension à fort champ magnétique ……………………………………………….
109
4. Bruit en 1/f dans les SHTC………………………………………………………………………………………
110
5. Résultats et discussion…………………………………………………………………………………………..
111
5.1. Mesure de bruit en fonction de la température……………………………………….
112
5.2 Influence du courant électrique sur le spectre du bruit…………………………….
115
5.3 densité spectrale du bruit des vortex………………………………………………………..
117
5.4 Détermination de la fraction de vortex piégés p…..……………………………………
119
5.5. Influence du champ magnétique et du courant électrique sur p …………….
121
5.6 Mesures du bruit des vortex en 1/f dans les films minces d’YBa2Cu3O7-δ…
122
5.6.1 Propriétés du bruit en 1/f……………………………………………………………….
122
5.6.2 Effet de la température………………………………………………………………….
126
5.6.3 Exposant cinétique………………………………………………………………………….
128
Conclusion………………………………………………………………………………………………………………………..
131
Références :…………………………………………………………………………………………………………………...
133
Conclusion générale………………………………………………………………………………………………………….
135
Liste des publications et des communications…………………………………………..
-4-
137
Introduction
La découverte de la supraconductivité à haute température critique a
fait reculer une limite qui était jugée insurmontable dans le cadre de la
théorie BCS : La température de transition de l’état supraconducteur à l’état
normal. L’hypothèse de l’interaction électron-phonon dans le cadre de cette
théorie avait conduit à prédire une limite de 30K pour Tc. La découverte des
composés au lanthane en 1986 avait fait monter la température critique à
35K , puis avec les composés à base de terres rares dépasser 90K et
finalement atteindre puis dépasser 100K avec les composés au bismuth et
ceux au thallium. Ces découvertes qui se sont succédées dans un laps de
temps relativement court ont fait naître beaucoup d’espoirs pour leurs
applications pratiques et ont suscité de très nombreux travaux théoriques et
expérimentaux.
La
possibilité
d’avoir
des
matériaux
supraconducteurs
à
une
température supérieure à celle d’ébullition de l’azote liquide (77K) ouvre donc
des perspectives d’applications dont les implications technologiques et
économiques seraient importantes. Ces applications touchent des domaines
très variés comme ceux des bobines produisant des champs magnétiques
intenses,
les
télécommunications,
l’informatique,
l’électronique
et
la
médecine (imagerie médicale). L’azote liquide est beaucoup plus disponible et
plus maniable que l’hélium liquide. Le gain économique concerne aussi bien la
disponibilité du gaz, l’énergie utilisée pour le liquéfier que les installations
pour le stocker.
Si, dans les laboratoires, la fabrication de cristaux supraconducteurs est
une
technique
assez
bien
mise
au
point,
celle
des
matériaux
supraconducteurs pour les applications pose encore des problèmes d’ordre
fondamentaux et technologiques. Les principaux paramètres non encore
maîtrisables sont :
D’une part, le composé YBa2Cu3O7 qui conserve un courant critique
élevé à 77K même pour des champs supérieurs au tesla mais qui est
malheureusement très fragile.
-5-
D’autre part, les composés de la famille du Bismuth qui sont assez
maniables mais dont le courant critique chute dramatiquement avec la
température.
Depuis la découverte de ces nouveaux matériaux que nous citerons
désormais par leur initiales SHTC, un nombre important de travaux a été
consacré à l’étude de leur densité de courant critique et au problème plus
général de l’interaction entre le réseau de vortex et les défauts de structure
dans le matériau. Un grand progrès a été accompli pour la compréhension de
ces problèmes mais beaucoup de points fondamentaux n’ont pas encore été
éclaircis et sont encore l’objet de recherches poussées.
Le travail de cette thèse est consacré d’une part à l’étude des courants
critiques et de l’ancrage des vortex par l’intermédiaire des mesures de
transport dans des échantillons d’YBaCuO et d’autre part à l’étude du bruit de
la région de la transition conducteur normal supraconducteur dû à ces vortex
par la détermination de la densité spectrale de puissance et de la fraction
piégée en vortex.
Le matériau étudié est l’YBa2Cu3O7- δ sous forme de films minces. Nous
avons concerné nos efforts d’une part sur l’étude des courants critiques en
fonction du champ magnétique, de la température et d’autre part, à la
caractérisation du bruit des vortex dans la zone de transition état normalétat
supraconducteur
en
mettant
en
évidence
l’influence
du
champ
magnétique appliqué, de la température et du courant de transport sur les
caractéristiques de ce bruit.
A cause de la nature feuilletée des SHTC utilisés, l’anisotropie joue un
rôle
fondamental
à
la
fois
sur
le
plan
théorique (origine
de
la
supraconductivité) et sur le plan pratique car on pense que c’est à cause
d’elle que la densité de courant critique décroît avec la température.
Le plan de ce mémoire de thèse est le suivant :
Dans le premier chapitre, je décris quelques généralités sur les
supraconducteurs et leurs propriétés physiques intéressantes, en
passant
en
revue
les
modèles
supraconductivité.
-6-
proposés
pour
décrire
la
Le chapitre II est consacré d’une part à la description des échantillons
utilisés, les SHTC en exposant leur structure cristalline et les valeurs
des
différentes
constantes
fondamentales
et
d’autre
part
à
l’introduction des mécanismes de piégeage des vortex en présentant
succinctement quelques types de défauts qui peuvent agir comme des
centres de piégeage.
Le chapitre III développe les techniques expérimentales qui ont permis
d’une part l’élaboration et la caractérisation des échantillons et d’autres
part les mesures des caractéristiques E(J) par la méthode du courant
pulsé
et
le
bruit
des
vortex
dans
la
région
de
la
transition
supraconducteur-conducteur normal.
Dans le chapitre IV nous présentons les mesures E(J). Les données
obtenues permettent de déterminer la densité de courant de transition
J* et la densité de courant critique Jc. Une comparaison de ces densités
ainsi que de leur variation en fonction de la température et du champ
magnétique appliqué sont analysées. La densité volumique de la force
d’ancrage a suscité notre intérêt. Sa détermination et son utilisation
pour expliquer le phénomène d’ancrage seront faites. Par ailleurs un
paragraphe sera réservé à l’étude de l’anisotropie.
La dernière partie est consacrée à présenter les résultats de bruit de
vortex dans la région de la transition en étudiant la densité spectrale
de puissance de bruit après un calcul de la transformée de Fourier du
signal bruit et en examinant la fraction piégée en vortex et sa
dépendance vis-à-vis de la température, du champ magnétique et du
courant de transport.
-7-
Chapitre I
Généralités sur les
supraconducteurs
-8-
1. Historique.
La supraconductivité a été découverte en 1911 par H. Kamerlingh
Onnes dans le mercure, à 4.2 K
[1,2].
Elle se manifeste par une disparition
brutale de la résistance électrique en dessous d’une certaine température
critique Tc (figure. I.1). Cette découverte fait suite aux travaux de H.
Kamerlingh Onnes sur les propriétés de la matière à très basse température,
qui l’ont amené à réussir le premier la liquéfaction de l’hélium, et pour
lesquels il reçoit le prix Nobel de physique en 1913.
Figure.I.1 Découverte de la supraconductivité dans le mercure à la température de
l’hélium liquide. La résistance électrique R(T), représentée, décroît
brutalement à T = 4.2 K [2].
L’origine microscopique de ce phénomène est restée un mystère
pendant plus de 45 ans. Entre 1911 et 1957, la connaissance de la
supraconductivité a progressé en plusieurs étapes détaillées dans les soussections suivantes. On retiendra d’abord la découverte de l’effet MeissnerOchsenfeld en 1933
[3].
Ensuite, différentes théories phénoménologiques se
sont succédées pour rendre compte des propriétés des supraconducteurs.
Après le modèle bifluide de Gorter-Casimir en 1934, qui consiste à distinguer
des électrons normaux et des électrons supraconducteurs
-9-
[4],
la théorie des
frères London en 1935
[5]
a introduit la notion de longueur de pénétration du
champ magnétique λ , puis cette théorie a été étendue avec la théorie de
Ginzburg-Landau en 1950
[6].
On notera aussi la contribution de Pippard en
1953, qui introduit la notion importante de longueur de cohérence
[7].
La théorie microscopique de la supraconductivité est mise au point en
1957; c’est la théorie BCS, du nom de ses auteurs J. Bardeen, L.N. Cooper et
J.R.
Schrieffer
[8].
Elle
permet
d’expliquer
toutes
les
observations
expérimentales réalisées jusqu’alors, voire d’en prédire d’autres, comme
l’effet Josephson prévu en 1962 par B.D. Josephson
[9],
et observé quelques
années plus tard. En particulier, la théorie BCS introduit la notion de paire de
Cooper qui correspond à deux électrons appariés grâce à une interaction
attractive par le biais des phonons du réseau cristallin. Ces paires de Cooper
constituent les porteurs de charge élémentaires dans la théorie BCS de la
supraconductivité.
Les propriétés remarquables des supraconducteurs ont conduit les
scientifiques à essayer d’élever au maximum la température critique de ces
matériaux, afin de faciliter leur étude (en utilisant des systèmes de cryogénie
moins lourds et moins coûteux) et leurs éventuelles applications pratiques.
Malgré tous les efforts entrepris, la température critique maximale a
longtemps saturé à 23.3 K, obtenue dans le composé Nb3Ge en 1973
[10].
La
découverte de nouveaux supraconducteurs avec des températures critiques
supérieures à 30 K a révolutionné la physique du solide à partir de la fin des
années 1980. On distingue ces supraconducteurs à haute température
critique des supraconducteurs découverts entre 1911 et les années 1970.
Parmi ces derniers, on appelle supraconducteurs conventionnels ceux pour
lesquels la théorie BCS s’applique.
2. Principales caractéristiques remarquables des matériaux
supraconducteurs.
La première propriété remarquable des supraconducteurs est leur
résistance électrique nulle, mise en évidence dans l’expérience de Kamerlingh
Onnes
[1].
La circulation d’un courant électrique persistant dans un anneau
- 10 -
de matériau supraconducteur est une autre illustration du caractère de
conducteur parfait de ces matériaux. Cette propriété n’existe que pour des
intensités de courant I inférieures à un courant critique Ic au delà duquel la
supraconductivité est détruite et le matériau revient dans l’état normal.
La seconde propriété remarquable des supraconducteurs est l’effet
Meissner
[3].
Il correspond à l’expulsion totale du flux magnétique hors du
volume de l’échantillon supraconducteur auquel on applique un champ
magnétique
(figure.I.2).
Les
supraconducteurs
présentent
donc
un
diamagnétisme parfait. Cet effet ne se manifeste cependant que pour des
champs H inférieurs à un champ limite, le champ critique thermodynamique
Hc. Pour des valeurs supérieures à Hc, la supraconductivité est détruite.
a)
b)
Figure.I.2 a): Illustration de 1‘effet Meissner. Un échantillon supraconducteur,
soumis à un champ magnétique H<Hc, expulse complètement le flux
magnétique hors de son volume. b): mise en évidence expérimentale.
On notera également la propriété de quantification du flux magnétique.
Un anneau de matériau supraconducteur dans l’état normal, soumis à un
champ magnétique H perpendiculaire à son plan, puis refroidi en dessous de
Tc, piège le flux magnétique lorsqu’on annule le champ H. Le flux piégé est
quantifié en unités de quantum de flux (1.1)
- 11 -
φ0 =
h
=2.07 10-15 Wb
2e
(1.1)
où h est la constante de Planck, et e la charge élémentaire de l’électron.
Une autre caractéristique remarquable des supraconducteurs est la
présence d’une bande interdite (le gap supraconducteur) dans le spectre des
excitations électroniques, qui sépare les états excités de l’état fondamental
d’une énergie ∆ .
3. Théories phénoménologiques sur la supraconductivité.
3. 1. Les équations de London.
Le modèle bifluide de Gorter et Casimir exprime la densité totale
électronique n comme la somme de deux contributions constantes et
uniformes dans l’espace, celle provenant des électrons normaux, de densité
nn, et celle provenant des électrons supraconducteurs, de densité ns
[4]
n = nn + ns.
Utilisant ce modèle, les frères London ont proposé la relation (1.2)
G
entre la densité de courant superfluide js portée par les électrons
G
G
supraconducteurs, et le potentiel vecteur A (la jauge de Coulomb div A = 0),
pour rendre compte des propriétés observées sur les supraconducteurs.
G
G
A
js = −
µ0 λL2
(1.2)
Dans cette relation apparaît le paramètre phénoménologique important qu’est
la longueur de London (1.3)
1

2
m
λL (T) = 

2
 µ0 e ns (T) 
(1.3)
où m et e sont respectivement la masse et la charge des porteurs. Obtenues
à partir de la relation 1.2, les deux équations de London
- 12 -
[5]
relient les
G
G
G
champs électrique microscopique E et magnétique microscopique H à js et
s’écrivent (1.4) (1.5)
G
G
2 ∂ js
E = µ 0 λL
∂t
(1.4)
JJJG G
G
H = − λL2 rot js
(1.5)
A l’aide de l’équation de Maxwell-Ampère, la relation (1.5) conduit à la
relation (1.6) (courant de déplacement étant négligé)
G 1 G G
∆rH − 2 H = 0
λL
(1.6)
La solution de cette équation différentielle montre que le champ
magnétique, dans un supraconducteur soumis à un champ magnétique
appliqué, décroît comme exp(− r
λL
) où r est la distance par rapport à la
surface du supraconducteur. La signification physique de λ L apparaît alors
comme la longueur de pénétration du champ magnétique dans un échantillon
supraconducteur dans l’état Meissner (figure. I.3).
Figure.I.3 Signification physique de λ L longueur de pénétration de London
- 13 -
Les courants d’écrantage supraconducteurs circulent donc à la surface
de l’échantillon dans une fine couche d’épaisseur caractéristique λ L , distance
sur laquelle le champ magnétique décroît très sensiblement. Dans les
supraconducteurs conventionnels, λ L (T = 0K) = 0.01 - 0.1µm.
3. 2. La théorie de Ginzburg-Landau et les deux types de
supraconducteurs
La théorie de Ginzburg-Landau (GL), initialement introduite pour
décrire les transitions de phase thermodynamiques du second ordre, postule
l’existence d’un paramètre d’ordre supraconducteur représenté par une
fonction d’onde complexe ψ(r) dépendant de l’espace
[6].
Son module est
directement relié à la densité de porteurs appariés (les paires de Cooper),
 ψ(r) 2 = ns*. Cette théorie est une généralisation de la théorie de London
au cas où la densité de porteurs ns* peut varier dans l’espace.
L’énergie libre de GL dans l’état supraconducteur, Fs, en l’absence de
champ magnétique appliqué, s’écrit (1.7)
Fs = Fn + ∫
V


1
2 β (T)
4

ψ +
α (T) ψ +
2

2m∗


JJJG G 
 G
 2
 =
e∗ G 
(rot A )2 
A  ψ +
 ∇−
 dV

c
8π 
 i



(1.7)
Dans cette expression, Fn, est l’énergie libre du matériau dans l’état
normal, V son volume, m* et e* respectivement la masse et la charge des
G
porteurs élémentaires (ici, les paires de Cooper, de charge e* = 2e < 0), A
G
le potentiel vecteur, B le champ magnétique local dans le matériau
JJJG G G
( rot A = B ), et α(T) et β(T) deux constantes phénoménologiques, a priori
dépendantes de la température.
En première approximation, α(T) = α’.(T—Tc) avec α’ > 0 et β(T) = β
(β > 0). La minimisation de l’énergie libre Fs par rapport au paramètre
G
d’ordre ψ et au potentiel vecteur A conduit aux deux équations de Ginzburg-
- 14 -
Landau, (1.8) et (1.9) équations différentielles couplées décrivant le
G
paramètre d’ordre et la densité de supercourant js [12, 13]:
2
2
1  = G e* G 
A  ψ + αψ + β ψ ψ = 0
∇−
* 
c 
2m  i
(1.8)
2
G
G
*
*
JJJ
G
e
2 G
1
H
J
e=
rot
= =−
ψ*∇ψ − ψ∇ψ* − * ψ .A
*
4π
µ0 c
2im
mc
(1.9)
(
)
( )
De ces équations, on déduit deux longueurs caractéristiques:
La longueur de cohérence de Ginzburg-Landau ξGL (T) est l’échelle de
longueur des variations spatiales du paramètre d’ordre. C’est la plus courte
distance sur laquelle ψ peut s’annuler; elle s’écrit (1.10)
1
ξGL

2
=2
=
 2m∗ α '(T − T ) 
c 

(1.10)
La longueur de pénétration de GL λGL (T) donne l’échelle de distance
G
des variations spatiales du potentiel vecteur A , et donc du champ magnétique
G
H ; elle est donnée par (1.11)
1
1
2

2 
m∗
m∗β
λGL (T) =  ∗ 2
=
 ∗ 2

∗ 
 (e ) µ0ns 
 (e ) µ0 α '(T − Tc ) 
On a la relation λ L = l.35. λGL
[12].
(1.11)
Près de la température critique,
ξGL (T) et λGL (T) divergent comme (Tc - T)-1/2. Bien que la théorie de GL ne
soit a priori valable que près de Tc, il se trouve qu’elle donne des résultats
raisonnables dans l’ensemble du domaine de température d’existence de la
supraconductivité. ξGL (T) et λGL (T) ont la même dépendance en température
près de Tc. Le rapport de Ginzburg-Landau (1.12) :
- 15 -
K=
λGL (T)
ξGL (T)
(1.12)
est donc constant près de Tc, et permet de classifier les supraconducteurs en
deux grandes catégories:
-si K <
1
, ( ξGL > 2 λGL ), la perte d’énergie de condensation dans l’état
2
supraconducteur dans une couche d’épaisseur
λGL (interface normal -
supraconducteur) est supérieure au gain énergétique résultant de la
pénétration du champ magnétique dans ce même volume. L’énergie d’une
interface normal - supraconducteur est positive, et le matériau cherchera à
limiter au maximum la formation de cette interface. Ce matériau présentera
l’effet Meissner jusqu’au champ critique thermodynamique Hc où l’énergie de
condensation est exactement compensée par l’énergie diamagnétique.
Pour H > Hc, le matériau revient dans l’état normal. Ce comportement est
caractéristique d’un supraconducteur de type I (figure. I.4a).
-si K >
1
( ξGL < 2 λGL ), la perte d’énergie de condensation dans l’état
2
supraconducteur
dans
supraconducteur)
est
une
couche
inférieure
au
d’épaisseur
gain
λGL (interface
énergétique
résultant
normalde
la
pénétration du champ magnétique dans ce même volume. L’énergie d’une
interface normal-supraconducteur est négative, et le matériau dans l’état
supraconducteur est stable vis-à-vis de la formation de plus en plus
d’interfaces normal-supraconducteur. Ce matériau présentera l’effet Meissner
jusqu’au premier champ critique Hc1. Pour Hc1 < H < Hc2 où Hc2 est le
deuxième champ critique, le flux magnétique pénètre dans l’échantillon sous
la forme de lignes de flux quantifiées, les vortex
[14].
Au delà de Hc2, le
matériau revient dans l’état normal. Ce comportement est caractéristique
d’un supraconducteur de type II (Fig. I.4b).
- 16 -
Figure.I.4 : Échelles de longueur des variations spatiales du champ magnétique B(x) et
du paramètre d’ordre
ψ (x) dans les deux types de supraconducteurs :(a)
type I et (b) type II.
Dans la théorie de GL, le champ critique thermodynamique s’écrit (1.13) :
Hc =
φ0
(1.13)
8 π µ0 ξGL λGL
tandis que les champs critiques Hc1 et Hc2 s’écrivent
Hc1 ≈
[12, 15]
(1.14) et (1.15)
φ0
ln(K)
4 π µ0 λ2GL
(1.14)
φ0
2 π ξ2
(1.15)
Hc2 =
Le tableau I.1 indique les valeurs typiques de λGL , ξGL , Hc et Hc2, à
température nulle, pour des supraconducteurs conventionnels de type I et de
type II.
- 17 -
λGL (nm)
ξGL (nm)
Hc (mT)
type I
40-70
90-1600
10-80
type II
60-300
2-5
Hc2 (T)
13-38
Tab.I.1 : Valeurs typiques de λGL , ξGL , Hc et Hc2, à température nulle, pour des
supraconducteurs conventionnels de type I et de type II [16].
3. 3. Théorie BCS.
En 1956, Cooper considère le problème de deux électrons entre
lesquels existe une interaction attractive, en présence de la mer de Fermi de
tous les autres électrons. Il montre qu’il se forme un état lié entre ces deux
électrons, la paire de Cooper, et ce aussi faible que soit le potentiel attractif .
A partir de ce résultat, Bardeen, Cooper et Schrieffer écrivent la théorie BCS
de la supraconductivité en 1957
[8],
pour laquelle ils recevront le prix Nobel
de physique en 1972. Dans cette théorie, les électrons dans l’état
supraconducteur sont appariés entre eux. L’interaction attractive qui conduit
à la formation de ces paires est faible et provient de l’interaction électron
phonon (figure I.5).
Figure.I.5 : Schéma illustrant la formation des paires de Cooper selon la théorie BCS.
L’extension spatiale d’une paire de Cooper est de l’ordre de la longueur
de cohérence ξ . Seule une faible proportion des électrons du matériau se
condense dans l’état supraconducteur, à savoir les électrons ayant une
énergie E telle que E – EF < ħ ωp , où EF est l’énergie de Fermi et ωp la
pulsation de Debye. L’énergie de condensation vaut ∆ , qui correspond au
- 18 -
gap supraconducteur. L’accord entre les prévisions de la théorie BCS et les
observations expérimentales est remarquable. L’état supraconducteur est
donc un état quantique macroscopique.
4. Diagramme de phase (H, T).
Suivant qu’il est de type I ou de type II, un supraconducteur expulsera
complètement ou seulement en partie le champ magnétique dans lequel il est
plongé. Cela donne lieu à deux diagrammes de phase (H, T) distincts,
schématiquement représentés dans la figure 1.6 pour des supraconducteurs
homogènes et isotropes.
Dans le cas des supraconducteurs de type I, le flux magnétique est
complètement expulsé hors du volume du matériau quand le champ appliqué
H est inférieur au champ critique thermodynamique Hc(T): c’est l’état
Meissner.
Sauf
dans
une
couche
d’épaisseur
λ
à
la
surface
du
supraconducteur, le champ magnétique locale H est nul dans le matériau.
Quand H >Hc(T), la supraconductivité disparaît et le champ H pénètre
complètement dans le matériau revenu à l’état normal.
En ce qui concerne les supraconducteurs de type II, l’état Meissner
existe pour H < Hc1 (T) < Hc2(T).
Quand Hc1 (T) < H < Hc2(T), le matériau est toujours supraconducteur,
mais le flux magnétique pénètre partiellement dans le volume de l’échantillon
sous la forme de vortex. C’est l’état mixte, ou phase de Shubnikov.
Pour
H>
Hc2(T)
>
Hc1(T),
le
matériau
perd
la
supraconductivité, et laisse complètement pénétrer le champ H.
- 19 -
propriété
de
Figure.I.6 : Diagramme de phase (H,T) schématique pour des supraconducteurs homogènes
de type I (a) et de type II (b).
- 20 -
Reférences
[1] H. Kamerlingh Onnes, Leiden Gomra., 120 b, 122 b, 124 c (1911).
[2] H. Kamerlingh Onnes, Nobel lecture, (11 décembre 1913).
[3] W. Meissner et R. Ochsenfeld, Naturwissenschaflen 21, 787 (1933).
[4] C. J. Gorter et H. B. G. Casimir, Phys. Z. 35, 963 (1934); Z. Techn. Phys. 15, 539
(1934).
[5] F. et H. London, Proc. Roy. Soc. (London) A149, 71 (1935).
[6] V. L. Ginzburg et L. D. Landau, Zh. Eksperim. i Teor. Fiz. 20, 1064 (1950).
[7] A. Pippard, Proc. Roy. Soc. (London) A216, 547 (1953).
[8] J. Bardeen, L. N. Cooper et J. R. Schrieffer, Phys. Rev. 108, 1175 (1957).
[9] B. D. Josephson, Phys. Lett. 1, 251 (1962).
[10] J. R. Gavaler, Appt. Phys. Lett. 23, 480 (1973).
[11] B. S. Deaver et W. M. Fairbank, Experimental Evidence for Quantized Flux in
Superconducting Cyclinders, Phys. Heu. Lett. 7, 43 (1961).
[12] M. Tinkham, Introduction to superconductivity, 2 éd., McGraw-Hill (1996).
[13]
M.
Héritier,
Transitions
de
phase
électroniques
-
Magnétisme
itinérant
-
Supraconductivité, Cours du DEA de Physique des Solides de la région parisienne, (19992000).
[14] A. A. Abrikosov, Zh. Eksperim. i Teor. Fiz. 32, 1442 (1957) [Sou. Phys. - JETF 5,
1174, (1957)].
[15] E. H. Brandt, Vortices in superconductors, Physica C 369, 10 (2002).
[16] N. Mros, Intrinsic Josephson effects in Bi2Sr2 CaCu2 single crystals: effects of
Josephson vortices on critical current fluctuations and rf induced resonances, Thèse,
Université de Gôteborg, Suède, éd. par Chalmers (1999).
- 21 -
Chapitre II
Les supraconducteurs
à haute température
critique
- 22 -
1. Découverte des SHTC.
En 1986, Muller et Bednorz montrent qu’un oxyde à base de lanthane,
barium, cuivre et oxygène, La2-xBaxCuO4 devient supraconducteur à une
température critique Tc ~ 35 K
supérieure
à
la
plus
[1],
haute
c’est-à-dire à une température bien
Tc
atteinte
jusque-là
dans
Nb3Ge
(Tc = 23 K). Cette découverte de nouveaux matériaux supraconducteurs à
haute température critique (SHTC) a révolutionné la physique de la matière
condensée; elle vaudra d’ailleurs à ses auteurs le prix Nobel de physique en
1987. Dans les mois qui suivirent l’annonce de Bednorz et Muller, de
nombreux
groupes
de
part
le
monde
ont
synthétisé
des
oxydes
supraconducteurs (contenant tous l’élément cuivre, d’où leur nom de
cuprates), ayant des températures critiques de plus en plus élevées (fig. 2.1).
Parmi eux, on s’intéressera, ici, essentiellement au composé YBa2Cu3O7-δ [2],
dont la température critique atteint Tc≈ 92 K à champ magnétique nul.
Figure.II.1 : Evolution de la température critique dans les nouveaux supraconducteurs
suite à leur découverte [3, 4]
- 23 -
2. Le supraconducteur YBCO
2. 1. Synthèse du composé
Le composé YBaCuO est jusqu’à présent le plus étudié des cuprates.
C’est le premier dont la Tc ait dépassé la barrière symbolique de l’azote
liquide (Tc=92K), et l’un des plus faciles à synthétiser (Wu, 1987).
La présente démarche a pour objet de décrire un procédé de
préparation d'une poudre d'YBaCuO (phase 123) en vue d'une mise en forme
par étirage-laminage, procédé selon lequel:
On prépare un mélange réactionnel poudreux de précurseurs
élémentaires Y2O3 , BaCO3 , CuO. de pureté supérieure à 99% et
dont la stoechiométrie est exacte à moins de 1%,
On agglomère ce mélange réactionnel poudreux pour en faire des
pièces intermédiaires d'épaisseur inférieure à deux millimètres que
l'on introduit dans un four en limitant au maximum leur contact
avec un support,
On effectue un traitement thermique comportant au moins les
étapes suivantes:
9
Un premier palier de durée comprise entre 10 et 30 heures à
une température T1 comprise entre 890°C et 910°C sous une
atmosphère à 20% d'oxygène, correspondant à la synthèse de
la phase Y123 quadratique,
9
Un second palier de durée comprise entre 20 et 100 heures à
une température T2 comprise entre 920°C et 960°C sous une
atmosphère
à
20%
d'oxygène,
correspondant
à
la
recristallisation de la phase quadratique Y123,
9
Un troisième palier de durée comprise entre 10 et 50 heures à
une température T3 comprise entre 500°C et 300°C sous
oxygène pur, correspondant à la transformation de la phase
Y123 quadratique en phase Y123 orthorhombique,
- 24 -
un broyage à sec est effectué jusqu'à obtenir des grains de diamètre
moyen de l'ordre de quelques µm formant la dite poudre.
Les valeurs de T1 et T2 , données précédemment pour une atmosphère de
20% d'oxygène, doivent être abaissées de 10°C à 20°C lorsque cette
atmosphère contient 10% d'oxygène; elles doivent être élevées d'autant,
lorsque l'atmosphère contient 30% d'oxygène. La fourchette pratique de
pression partielle d'oxygène est de 5 à 30% durant la partie du traitement
thermique où la température est supérieure à T1 ; cette valeur peut être
augmentée jusqu'à 100% durant la partie du traitement thermique où la
température est inférieure à T1.
Le traitement thermique peut être détaillé de la manière suivante:
montée rapide jusqu'à 800°C
montée lente jusqu'à T1
premier palier de 10 à 3O heures à T1
montée lente jusqu'à T2
second palier de 20 à 100 heures à T2 (d'autant plus long que T2
est plus basse)
descente moyenne jusqu'à 600°C
descente lente jusqu'à T3
troisième palier de 10 à 50 heures à T3 (d'autant plus long que
l'épaisseur des pièces intermédiaires est plus grande)
descente moyenne jusqu'à 250°C
descente rapide jusqu'à 25°C,
Avec :
montée ou descente rapide : 120 à 60°C/heure
montée ou descente moyenne : 60 à 40°C/heure
montée ou descente lente : 40 à 20°C/heure.
Dans
tous
les
modes
de
réalisation
stoechiométrie soit la plus exacte possible.
- 25 -
il
est
obligatoire
que
la
Les pièces intermédiaires peuvent être avantageusement des tubes
empilés en pyramide, des plaques ou des pastilles empilées les unes sur les
autres, et séparées par des cales; elles peuvent définir une structure
alvéolaire en nid d'abeille.
Grâce à de telles dispositions et au fait que les zones de contact des
pièces intermédiaires avec un support quelconque dans le four soient réduites
au maximum, il y a peu de risque d'absorption par ce support de la phase
liquide apparaissant au cours du traitement thermique et qui a généralement
la composition Ba3Cu5O8. Toute fraction de phase liquide manquante ferait en
effet défaut à la masse réactionnelle et il en résulterait un produit final pollué
par des composés parasites tels que Y2BaCu05.
La préservation de la totalité de la phase liquide de la masse
réactionnelle a également pour effet de favoriser le grossissement des grains
de Y123 sous la forme quadratique.
Le grossissement de ces grains est optimisé en outre par le choix de la
température T2 comprise entre 920°C et 960°C sous une atmosphère à 20%
d'oxygène. La durée de ce second palier de cristallisation des grains n'est
limitée que par des considérations économiques et par des phénomènes lents
tels que la sublimation de CuO; des durées de 20 heures à 100 heures
semblent être des limites pratiques.
Au terme de ce second palier, la porosité résiduelle des pièces
intermédiaires précédemment définies est de l'ordre de 10 à 15%, ce qui
correspond à une densité de 5,8 à 5,5. Ces pièces intermédiaires présentant
une forme à grand rapport surface/volume, le parcours de diffusion de
l'oxygène se trouve limité uniformément au cours du troisième palier du
traitement thermique permettant la transformation des cristaux de Y123
quadratique, en cristaux de Y123 orthorhombique. On aboutit donc à la fin de
cette transformation à une homogénéité des pièces intermédiaires qui
présentent suivant toute leur épaisseur la composition Y123 orthorhombique
supraconductrice, stable à basse température.
- 26 -
Grâce
aux
paramètres
du
procédé
selon
l'invention
les
pièces
intermédiaires traitées sont homogènes à trois niveaux:
Pureté de phase: la composition YBa2Cu307 est non seulement
globale, mais locale au niveau du grain élémentaire,
Forme allotropique : tous les cristaux sont orthorhombiques en
tout point,
Diamètre
des
grains
cristallographiques:
la
répartition
de
diamètres observée sur une coupe métallographique est étroite;
on peut indiquer 50 à 100 µm entre deux écarts types.
Par
suite
du
broyage
des
pièces
intermédiaires,
les
grains
cristallographiques sont cassés et l'on a une poudre dont les grains ont un
diamètre moyen choisi voisin de 10 µm, et en tout cas inférieur à 50 µm.
2. 2. Diagramme de phases
L’utilisation
subordonnée
à
des
oxydes
l’élaboration
supraconducteurs
de
céramiques
à
l’état
denses,
massif
est
chimiquement
homogènes et en particulier à l’obtention de joints de grains exempts de
phases
intergranulaires
non
supraconductrices.
Cette
contrainte
est
particulièrement critique en raison de la faible longueur de cohérence
caractérisant
nécessite
de
ce
matériau
maîtriser
[5,6].
deux
L’élimination
étapes
des
importantes
phases
de
secondaires
l’élaboration
des
céramiques :
la synthèse de poudres très homogènes en composition et aptes
au frittage ;
le frittage de ces poudres dans des conditions évitant le
développement d’hétérogénéités chimiques.
Le frittage des poudres d’YBaCuO est contrôlé par l’apparition d’une
phase liquide vers 910-940 °C
[7-9],
qui est à l’origine de phases secondaires
intergranulaires. La constitution du diagramme de phases joue un rôle
déterminant pour prévoir les effets du frittage sur l’homogénéité chimique.
Les compositions étudiées sont représentées sur le diagramme établi à
950°C, initialement par Roth et al.[10] et précisé par d’autres auteurs
- 27 -
[11-13].
Ces
compositions
se
localisent
principalement
dans
les
triangles
de
compatibilité centrés autour de (123) : (123)-BaCuO2-CuO, (123)-CuO-(211)
et (123)-(211)-BaCuO2.
Figure.II.2 : Régions où des phases liquides sont détectées autour du composé
supraconducteur YBCO(123). Leurs températures d’apparition pour
900°C<T<995°C sont indiquées.
Le composé supraconducteur (123) présente successivement trois
transitions endothermiques lorsqu’il est chauffé à l’air jusqu’à 1 300 °C. Une
première transition de faible intensité est observée à 935 °C. Une seconde
transition nettement plus intense est détectée à 995 °C : elle correspond à la
fusion incongruente du composé et à sa décomposition en (211) plus un
liquide. Une troisième transition se produit à 1 240 °C, elle correspond à la
fusion péritectique du composé (211) qui se décompose alors en Y203 +
liquide. La transition à 935 °C est corrélée avec une perte de masse
significative
[5]
(départ d’oxygène), elle conditionne pour
frittage du composé YBa2Cu3O7-δ, et son homogénéité chimique
beaucoup le
[14].
L’observation en microscopie à balayage (sur poudres et frittés) montre
la présence de zones ayant partiellement fondues. Cette transition à 935 °C
apparaît sur la ligne de conjugaison (123)-BaCuO2 jusqu’à des teneurs en
(123) voisines de 67 %, sur la ligne (123)-(211) jusqu’à des teneurs en
- 28 -
(123) proches de 1 % et sur la ligne (123)-CuO, elle apparaît jusqu’à des
teneurs de 6 % en (123). Cette transformation apparaît aussi dans le triangle
(123)-CuO-(211), l’ensemble de ces données est résumé dans la figure 2.4.
2. 3. Structure et propriétés du composé YBCO
La structure cristallographique de l’YBa2Cu3O7- δ est du type perovskite
ABO3 (Figure II.3). La maille élémentaire d’YBCO est formée de trois mailles
perovskites.
La
présence
des
plans
CuO2
(clef
de
voûte
de
la
supraconductivité dans les oxydes) est caractéristique de cette structure.
Comme la plupart des oxydes supraconducteurs, le composé l’YBa2Cu3O7- δ
possède une structure très anisotrope comme illustrée (Figure II.4).
Figure .II.3 : L’unité structurale de base des pérovskites est un cube (a). Un atome métallique
(A) se trouve au centre du cube, 8 atomes métalliques plus petits (B) occupent les
sommets et 12 atomes non métalliques (X) sont situés au milieu des arêtes. La
structure pérovskite est formée d’octaèdre (b).Ceux-ci sont formés par 6 anions X
entourant un cation B. Dans cette description du cristal, l’unité structurale est
constituée de 8 octaèdres joints par leurs sommets, autour d’un cation A (c). Les
cristaux résultent de la répétition de tels groupements dans les trois dimensions (d).
- 29 -
Figure.II.4. maille élémentaire de YBaCuO
Figure.II.5 : Maille élémentaire et structure du composé YBa2Cu3O7- δ pour δ =1 (a) et
δ = 0 (b),
- 30 -
La teneur en oxygène joue un rôle prépondérant sur la structure et les
propriétés physiques du composé YBa2Cu3O7- δ . Pour δ ≤ 0.65 (Figure II.5.b)
il a une structure orthorhombique et devient supraconducteur. Pour δ > 0.65
il a une structure quadratique et devient semi-conducteur (Figure II.5.a).
Lorsque δ décroît, des atomes d’oxygène s’insèrent le long de l’axe b et
forment des chaînes CuO. La formation de ces chaînes entraîne une distorsion
de la maille et induit un dopage en trous dans les plans CuO2 et en électrons
dans les chaînes CuO.
En
comparant
la
structure
de
l’isolant
YBa2Cu3O6
à
celle
du
supraconducteur YBa2Cu3O7, on constate que les ions de cuivre ont deux
types d’environnement en oxygène :
Soit ils sont au milieu de la base d’une pyramide tétragonale avec
cinq oxygènes comme premiers voisins. La sixième place de
l’octaèdre d’oxygène n’est pas occupée. Les bases de ces
pyramides forment les couches CuO2.
Soit ils se trouvent sur un site avec seulement quatre oxygènes
comme premiers voisins. Il s’agit là des chaînes de CuO selon l’axe
b. Selon l’axe a, les oxygènes manquent entre les atomes de
cuivre. Les ions d’oxygène dans les chaînes de CuO attirent des
électrons fournis par les plans CuO2, et dopent ainsi ces plans par
des trous, comme l’ont démontré Rietschel et al. par des mesures
EELS (c’est-à-dire en spectroscopie électronique)
[15].
L’isolant
YBa2Cu3O6 se voit ainsi transformé en un conducteur métallique.
Mis à part Ba1-xKxBiO3 qui est isotrope et cubique et qui a une
température critique Tc = 30K
[16],
tous les autres oxydes à haute
température critique sont des cuprates pérovskites en couche.
Le Sr2RuO4, découvert en 1994
[17],
est une autre exception
importante qui ne comporte pas de Cuivre, ce qui permet de faire des
comparaisons intéressantes avec des pérovskites similaires (comme le
La2-xSrxCuO4) par contre, il s’agit là d’un supraconducteur avec une très faible
température de transition (Tc ~1 K).
- 31 -
Une des propriétés intéressante pour le composé YBCO est la transition
structurale qui a lieu au voisinage de 500°C. Lors de cette transition
structurale quadratique orthorhombique le paramètre de maille b augmente,
ce qui induit des contraintes atomiques et des défauts comme les plans de
macle qui constituent de bons sites d’ancrages pour les vortex. Pour δ ≤ 0.65
le composé est supraconducteur, cependant sa température critique varie en
fonction de sa teneur en oxygène (Figure II.6). Elle atteint sa valeur
maximale 93 K pour δ ≈ 0.1.
Figure.II.6 : Influence du taux d’oxygène sur la température critique d’YBa2Cu3O7- δ
selon Cava [18]
Les différentes grandeurs physiques qui permettent de quantifier
l’état supraconducteur sont sensibles à la structure anisotrope lamellaire
d’YBCO. Son anisotropie structurale (a = b = c/3) se répercute
sur les
caractéristiques électriques (résistivité ρ et densité de courant critique Jc), et
les paramètres microscopiques du supraconducteur (longueur de cohérence ξ
et longueur de pénétration de London λ L ). Le Tableau II.1 récapitule les
valeurs des différents paramètres dans les plans (ab) et selon l’axe c.
- 32 -
Grandeurs
YBa2Cu3O7- δ
Tc (K)
92
ξab (0K) [nm]
1,5
ξc (0K) [nm]
0,4
λab (0K) [nm]
150
λc (0K) [nm]
700
Bc 2⊥ (0K) [T]
110-140
Bc 2& (0K) [T]
240
Bc 1& (0K) [T]
0,1-0,2
Bc 1⊥ (0K) [T]
0,01-0,1
ρab (300K) [µΩcm]
300
ρc (300K) [µΩcm]
3000-4500
γ
3-10
Tableau.II.1 : Principales paramètres physiques du composé YBCO d’après [19]
L’anisotropie est exprimée par le paramètre γ (2.1)
1/2
λ
m 
ξ
γ = ab = L,C =  c 
ξc
λL,ab  mab 
1/2
ρ 
≈ c 
 ρab 
(2.1)
C’est la raison pour laquelle nous allons parler des grandeurs selon leur
orientation par rapport aux plans CuO2, c’est-à-dire les plans ab.
Contrairement au BSCCO, qui est quasi-bidimensionnel, l’YBa2Cu3O7- δ
présente plutôt un comportement tridimensionnel anisotrope.
2. 4. Caractéristiques physiques:
Dans ce paragraphe nous ne citerons que les propriétés physiques
générales bien établies pour cette famille de composés. Tableau (II.1)
- 33 -
2. 4. 1. La température critique.
La température critique Tc est de l’ordre de 102 K, c’est-à-dire une
température au-dessus de la température de liquéfaction de l’azote, ce qui
rend ces matériaux très intéressants au niveau des applications industrielles
[20].
En effet, la Tc dans les supraconducteurs “classiques” – au contraire des
supraconducteurs à haute température critique – ne dépassait pas les 27 K.
D’un autre coté, l’énergie de liaison des paires de Cooper est
approximativement donnée par kBTc, donc pour Tc ~100 K, cette énergie est
environ 10 fois plus élevée que celle prédite par la théorie microscopique
BCS. Il n’existe actuellement pas de théorie, qui expliquerait ces valeurs
élevées pour l’énergie de liaison et donc pour température critique Tc
2. 3. 2. La résistivité en courant continu.
L’anisotropie de la cellule élémentaire déjà citée se retrouve également
dans la résistivité. Ainsi, les résistivités selon les axes a et b sont légèrement
anisotropes :
La résistivité est plus petite dans la direction des chaînes CuO, dans un
matériau dopé optimal,que dans la direction b
ρa
ρb
≤2
[21,22].
Ce rapport
diminue quand on augmente δ , c’est-à-dire quand on va vers un matériau de
plus en plus sous-dopé.
Par contre, la résistivité ρc perpendiculaire aux plans ab, est nettement
plus élevée que ρab ( ρc / ρab ≥ 20 à 300 K et ≥ 100 à 100 K) ρab est linéaire
entre 100 K et 600 K pour le matériau dopé optimum,
[23].
ρc montre par
contre un comportement en température bien différent (fig II.7 et II.8). En
effet, en fonction du dopage, elle est métallique à haute température, mais
plutôt de type semi-conducteur à basse température. La température du
changement de régime entre le comportement métallique et semi-conducteur
décroît quand le dopage augmente, c’est-à-dire quand δ diminue, jusqu’au
dopage optimum où le comportement semi-conducteur ne peut plus être
observé.
- 34 -
Figure.II.7 : Résistivité ρab en fonction de la
température
pour
un
échantillon
d’
YBa2Cu3O7/SrTiO3-100. Dans l’encadré on
représente la zone de la transition agrandie.
Figure.II.8 : Résistivité ρc en fonction de la
température
pour
un
échantillon
d’
YBa2Cu3O7/SrTiO3-100. Dans l’encadré on
représente la zone de la transition agrandie.
2. 4. 3. La longueur de cohérence et la longueur de pénétration.
La longueur de cohérence est faible, elle est de l’ordre de la taille de la
cellule élémentaire ( ξ ~1 - 2 nm), elle est en particulier beaucoup plus petite
que la longueur de pénétration du champ électromagnétique λ . De ce fait,
l’YBa2Cu3O7- δ est un supraconducteur de type II extrême avec un champ
magnétique critique thermodynamique Hc2 très élevé et corrélativement un
champ magnétique de première aimantation Hc1 très petit.
La petite taille du volume de cohérence ( ξ 3, ou plus précisément
ξab 2 ξc ) a d’autres conséquences fondamentales :
On constate une sensibilité accrue aux perturbations de petite
taille comme celle dues à des impuretés chimiques, des défauts de
structure ou des grains. Cette sensibilité se traduit par une
destruction locale de la supraconductivité.
Les effets des fluctuations thermiques sont importants.
Contrairement aux supraconducteurs classiques, où le nombre de
paires de Cooper par volume de cohérence est de l’ordre de 106, il
est seulement d’environ 10 dans le cas des cuprates à haute
température critique.
- 35 -
2. 5. Comportement magnétique et réseau de vortex.
2. 5.1. Définition d’un vortex.
Un vortex, ou ligne de flux, correspond à une inclusion de phase
normale dans la phase supraconductrice. Il est constitué d’un coeur
cylindrique de rayon ξ dont l’axe est parallèle au champ appliqué H. Ce coeur
est dans l’état normal et laisse passer les lignes de champ magnétiques, de
sorte qu’il y ait exactement un quantum de flux φ0 ≈ 2,07.10-15 Wb qui
traverse le matériau à l’endroit du vortex. Le paramètre d’ordre ψ s’annule à
l’intérieur du coeur de vortex. Celui-ci est entouré par une couronne
cylindrique, d’épaisseur de l’ordre de
λ , dans laquelle circulent des
supercourants de densité js (courants non dissipatifs). Ceux- ci écrantent le
champ magnétique à l’extérieur du vortex (figure.II.9). Ces courants créent
une interaction répulsive entre les vortex, qui vont s’arranger sur un réseau
triangulaire régulier - le réseau d’Abrikosov afin de minimiser leur énergie
d’interaction
[22,24].
(figure.II.10).
Un vortex est également un défaut topologique pour la phase ϕ du
paramètre d’ordre supraconducteur ψ = ψ exp(iϕ) , qui varie de 2 π lors d’un
tour complet autour du vortex.
Figure. II.9 :— Schéma d’un vortex dans
un supraconducteur isotrope. L ‘axe de
symétrie du vortex est parallèle au champ
H. A l’intérieur du coeur dans l’état normal
de rayon ξ ,. Le champ magnétique pénètre
complètement dans ce coeur cylindrique,
et
décroît
distance
exponentiellement
typique
de
l’ordre
sur
de
une
λ
à
l’extérieur du coeur. Dans cette zone, des
courants non dissipatifs js circulent autour
du
coeur,
et
écrantent
le
magnétique _à l’extérieur du vortex.
- 36 -
champ
Figure.II.10 : Schéma représentant le réseau d’Abrikosov
2. 5. 2. Force de Lorentz et écoulement du flux.
Ce sont les vortex qui déterminent pour l’essentiel la réponse
électrodynamique des supraconducteurs de type II sous champ magnétique,
d’où l’importance de l’étude des vortex
En particulier, lors de
G
l’application d’un courant électrique de densité j ext dans un échantillon
G
G
G
supraconducteur, une force de Lorentz FL = Jext ∧ µ0H s’exerce sur les lignes
[25].
de flux (figure II.11)
G
Sous l’action de FL , les vortex se mettent à bouger, créant un champ
G
G G
électrique E = µ0H ∧ v
G
G
G
colinéaire à jext ; E = ρ.Jext . La résistivité électrique ρ
devient non nulle et l’énergie est dissipée en raison du mouvement des
vortex; le matériau perd son caractère de conducteur parfait (figure.II.12.a).
Pour préserver la propriété de supraconductivité, les vortex doivent être
G
piégés à l’aide de centres de piégeage qui exerceront une force FP pour les
G
empêcher de se mouvoir sous l’action de FL , (figure.II.12.b).
- 37 -
Figure.II.11
: Force de Lorentz et écoulement du flux
Cet ancrage sera efficace tant que la densité de courant appliquée ne
K
dépasse pas un certain seuil, ou densité de courant critique Jc . Au-delà,
JG K
j > Jc , la force de Lorentz excède la force d’ancrage et les vortex sont de
nouveau mis en mouvement.
G
G
G
Figure.II.12 : (a) Lors de la circulation d’un courant électrique de densité j (ici j ⊥ B ),
les vortex sont mis en mouvement sous l’action de la force de Lorentz
G
G
FL . Cela crée un
G
champ électrique E //à j (b) : Des centres de piégeage des vortex créent une force de
piégeage
G
G
G
FP qui s‘oppose à FL . Les vortex restent immobiles sous l’action de j et la
supraconductivité persiste ( ρ = 0) tant que j < jc
- 38 -
2. 5. 3. Force de piégeage et fluage du flux.
Soit
au
sein
d’un
matériau
supraconducteur
une
région
non
supraconductrice (qui peut être une impureté, un précipité, un site vacant,
une inclusion normale, etc…), si le cœur d’un vortex traverse cette région non
supraconductrice, il économisera une énergie de condensation de l’ordre
H 2 
de  C  τ
 8π 
[23],
τ étant le volume de la région du cœur qui s’est mise sur le
défaut. Cet abaissement de l’énergie libre du supraconducteur donne lieu à
un processus où les vortex cherchent à rencontrer le maximum de défaut et à
s’y accrocher afin de gagner de l’énergie de condensation: on dit que les
vortex sont ancrés ou piégés par les défauts, et on parle d’ancrage ou
piégeage du réseau de vortex. Le vortex reste piégé tant que la force de
Lorentz est inférieure à la force de piégeage (FL < FP), ce phénomène est
appelé fluage du flux (flux-creep).
2. 6. Les Mécanismes de piégeage dans les Supraconducteurs HTC.
Le piégeage n’est pas une propriété spécifique des supraconducteurs à
haute température critique. Mais les hautes températures rendent le
dépiégeage thermiquement activé et le mouvement du flux plus important.
Nous allons présenter très succinctement quelques types de défauts qui
peuvent agir comme centres de piégeage.
2. 6. 1. Défauts ponctuels.
Dans les SHTC, à cause de la longueur de cohérence très petite, un
petit écart par rapport à la stœchiométrie exacte (ne serait-ce que sur un
seul site atomique) est suffisant pour annuler localement le paramètre
d’ordre
du
supraconducteur.
L’élément
le
plus
influent
sur
cette
stœchiométrie est l’oxygène des plans CuO2 qui jouent un rôle important au
niveau de la supraconductivité de ces matériaux. Même des cristaux
d’YBa2Cu3O7- δ de très bonne qualité sont à quelques pour cents de la
stœchiométrie idéale. Ceci implique une densité assez importante de lacunes
d’oxygène, qui sont probablement distribuées d’une manière aléatoire.
- 39 -
2. 6. 2. Macles et autres défauts étendus (figure .II.13)
Les directions a et b ne sont pas équivalentes dans l’YBa2Cu3O7- δ à
cause
de
sa
structure
cristalline
orthorhombique.
Les
macles
(“twin
boundaries”), c’est-à-dire des plans dans lesquels a et b sont échangés, sont
donc une forme de défaut souvent rencontrée.
Comme
des
défauts
ponctuels
et
des
impuretés
s’accumulent
inévitablement à ces endroits, la supraconductivité est affaiblie et des vortex
sont ancrés. En outre, le piégeage agit de manière cohérente plutôt que de
façon aléatoire à cause de la structure planaire étendue des macles
Les défauts d’empilement (“stacking defaults”) sont d’autres défauts
étendus que l’on peut rencontrer dans des cristaux de SHTC. Il s’agit de plans
CuO2 supplémentaires, adjacents au plan contenant les chaînes CuO. Il en
résulte
l’apparition
d’une
phase
YBa2Cu4O8
qui
est
un
supraconducteur mais dont la température critique est plus basse
composé
[26].
Pour compléter cette liste de défauts “naturels”, mentionnons un autre
type de défaut : les dislocations vis (“screw dislocations”) qui sont alignées
dans la direction de croissance et qui sont entourées d’un motif de marches .
L’effet de piégeage est double puisque les vortex ne sont pas seulement
piégés par la structure interne de la dislocation, mais en plus par la rugosité
de surface augmentée par ce motif de croissance.
Il est également possible de créer artificiellement des défauts étendus
et colonnaires en bombardant le supraconducteur avec des ions lourds. Cela
permet de faire varier de manière contrôlée la densité des sites de piégeage.
Figure.II.13 : Récapitulatif des défauts intrinsèques possibles dans l’YBaCuO
- 40 -
2. 7. Modèle du flux creep dans les supraconducteurs SHTC
2. 7. 1. Formulation générale
Les atomes diffusés, la dislocation dans les cristaux, ou encore, dans
notre cas, les lignes de flux (vortex), situées dans un puits de potentiel de
profondeur U à une température T et en absence de toute contrainte,
peuvent par activation thermique sauter pour sortir ou entrer dans les puits
avec une fréquence donnée par:
 U 
 ,
f = Ω 0 exp −
 k BT 
(2.2)
tel que Ω0 la fréquence de vibration des entités et k B la constante de
Boltzman. Dans le cas de la diffusion, cette fréquence sera la fréquence de
vibration du réseau (≈ 1011 Hz). Comme les chances de saut sont les mêmes
dans l’une ou l’autre des directions, aucun mouvement de l’entité n’est
observé.
Quand une contrainte extérieure est imposée pour favoriser les sauts
dans une direction donnée, qu’on peut qualifier de direction d’avancement
par opposition à la direction de recul, les fréquences de sauts deviennent :
 U − ∆W
f a = Ω 0 exp −
k BT


 ,

(2.3)
 U + ∆W
f r = Ω 0 exp −
k BT


 ,

(2.4)
où fa et fr sont respectivement la fréquence d’essai d’avancement et de recul.
∆W est le travail accompli par la contrainte en déplaçant l’entité de sa
position d’équilibre en bas de puits à sa prochaine position d’équilibre. Par
conséquence, la fréquence nette d’avancement est donnée par la différence
entre les équations (2.3) et (2.4) :
 ∆W 
 U 
 .
 sinh 
f net = f a − f r = 2Ω 0 exp −
k
T
k
T
 B 
 B 
(2.5)
Deux cas sont possibles:
9 Quand ∆W >> k B T , qui est le cas de forte contrainte imposée ou de
faibles températures,
- 41 -
 ∆W 
 ∆W  1
 , ainsi la fréquence nette de saut devient :
sinh 
 ≈ exp
 KT  2
 k BT 
 U − ∆W
f net ≈ Ω 0 exp −
k BT


 .

(2.6)
9 Quand ∆W << k B T , qui est le cas de faible contrainte imposée ou de
hautes températures,
 ∆W  ∆W
sinh 
, ainsi la fréquence nette de saut devient :
≈
 KT  k B T
 U 
 ∆W 
 .
 exp −
f net = 2Ω 0 
 k BT 
 k BT 
(2.7)
2. 7. 2. Flux creep.
Tout d’abord, il est nécessaire de définir la profondeur U et le travail ∆W.
Supposons que dans le supraconducteur, les vortex ou les lignes de flux sont
piégées par des particules non supraconductrices dont la densité par unité de
volume est Np.
La grandeur U est la différence de l’énergie de Gibbs quand la ligne de
flux est en intersection avec la particule et quand elle est en dehors de la
G
particule. En réalité, U dépend de l’induction magnétique B et de la
température Τ. Quand le champ d’induction magnétique est assez intense
pour que chaque particule soit le siège d’une ligne de flux, l’énergie d’ancrage
par unité de volume est égale UNp.
D’autre part, la distance de déplacement de la ligne de flux est l’espace
 φ 
interligne a 0 = 1.07 0  .
 B


Ainsi, la force de piégeage par unité de volume est :
J0B =
UN p
a0
,
(2.8)
où J0 est la densité de courant critique en absence de flux creep.
Le passage du courant exerce une force de Lorentz sur le réseau de ligne de
flux; cette force par unité de volume est donnée par :
- 42 -
G G G
F = J ∧ B,
(2.9)
où J est la densité de courant.
Le travail effectué par le déplacement d’une distance δy d’un volume δV du
réseau de vortex est :
δW = J .B.δy.δV ,
(2.10)
En raison de l’interaction avec les autres lignes de flux, quand une ligne
de flux (vortex) n’est pas ancrée, elle ne bougera pas toute seule mais
d’autres lignes de flux se déplaceront avec elle. Il est donc raisonnable de
supposer que le volume entier du réseau de vortex est associé à un centre de
piégeage. Ce volume de réseau, qui est équivalent à la bande de lignes de
flux d’Anderson, bougera vers la prochaine position d’équilibre, qui sera la
nouvelle particule d’intersection, quand la ligne du flux se déplace. Donc la
distance de mouvement δy est égale à l’espace interligne de flux a0, et l’on
a:
∆W =
JBa0 JU
=
,
Np
J0
(2.11)
On peut remarquer qu’on retrouve ∆W = U, quand J = J0.
G
Le mouvement des lignes de flux génère un champ électrique E , donné
G
G G G
par : E = V ∧ B , où V est la vitesse moyenne de réseau de ligne de flux, qui
vaut a0fnet. Le champ électrique est alors donné par :
 U 
 ∆W 
 sinh 
 ,
E = f net a 0 B = 2a 0 BΩ 0 exp −
 k BT 
 k BT 
(2.12)
Quand le premier cas du paragraphe (2.7.1) est satisfait, c’est-à-dire
∆W >> k B T ,
 ∆W − U
E = a 0 BΩ 0 exp
 k BT
et
 U (J − J 0 ) 

 ,
 = a 0 BΩ 0 exp

 J 0 k BT 
 k T   E
J = J 0 1 +  B  ln
  U   a 0 BΩ 0

 ,

(2.13)
(2.14)
où Ω0 est une fréquence caractéristique de vibration du réseau des lignes de
flux qui varie entre 105 et 1011 Hz.
Quand un champ d’induction de 10 T est appliqué, on a a0 = 15 nm. Le choix
d’un champ électrique critique de 10-6 V/cm comme critère, permet de voir
- 43 -
que le terme en logarithme de l’équation (2.14) est petit et négatif. Par
conséquence, la densité du courant critique correspondante Jc est inférieure à
J0.
On peut également voir que Jc dépend faiblement de E critique utilisé
pour définir l’état critique. La possibilité de flux creep activé thermiquement
peut être ignoré dans ce cas.
Quand le deuxième cas du paragraphe (2.7.1.) est réalisé, c’est-à-dire
∆W << k B T , on a :
 2a BΩ 0UJ 
 U 
 exp −
 ,
E =  0
J
k
T
k
T
0
B
B




(2.15)
La résistivité électrique est donnée par :
ρ=
E  2a 0 BΩ 0U
=
J  J 0 k B T

 U 
 exp −
 ,
 k BT 

(2.16)
2
et en substituant U ainsi que pour a 0 ,
 2.3φ 0 BΩ 0 


 exp − U  .
ρ = 



 k BT 
 N p k BT 
(2.17)
Ceci est le résultat de flux creep dans la résistivité flux flow qui semble
G
être linéaire avec le champ d’induction magnétique B . La variation de ρ en
température est plutôt compliquée. Il faut se rappeler que U n’est pas
constant mais varie avec Τ et B . Il tend vers zéro quand B s’approche de
Bc2, ou quand Τ est proche de Τc.
D’après l’équation (2.17), à la limite, ρ peut devenir infinie. Ceci ne
peut pas arriver car ρ a une limite supérieure qui est la résistivité de flux flow
ρf. En l’absence totale d’ancrage, le flux coule avec une vitesse déterminée
par l’entraînement visqueux dû à la dissipation dans les coeurs de vortex. La
résistivité de flux flow résultant, ρf, peut être décrite par la résistivité de l’état
normal, ρn, multipliée par le rapport du champ magnétique appliqué et du
champ critique supérieur Bc2.
La densité du courant critique dans les conditions de flux creep est donnée
 EN p k B T 
 U
 exp
par : J c = 
 k BT
 2.3φ 0 Ω 0 B 

 .

- 44 -
(2.18)
Ce qui permet de déduire que Jc dépend directement du choix du champ
électrique qui définit l’état critique.
2. 7. 3. Flux-flow thermiquement activé.
Lorsqu’un courant continu traverse un supraconducteur, il crée un
champ magnétique continu, perpendiculaire à ce courant, et qui pénètre le
matériau sous forme de vortex. Ces vortex sont soumis à la force de Lorentz
G G
(proportionnelle à J ∧ B ) qui a alors tendance à les déplacer parallèlement.
Certains vortex sont « ancrés » sur des impuretés du matériau. D’après la
théorie de Anderson et Kim
[27],
les vortex ont une probabilité de sauter de
leurs centres de piégeage par activation thermique. En présence d’une force
de Lorentz, une « direction de sauts » devient privilégiée. Selon la valeur des
forces de Lorentz, donc du courant, on distingue différents phénomènes. Pour
des faibles courants, les vortex se déplacent de point d’ancrage en point
d’ancrage, ce phénomène est appelé TAFF (thermally activated flux-flow),
pour des courants plus importants, le phénomène s’emballe, on parle alors de
« flux-creep ».
Dans ce domaine l’équation de la caractéristique E(J) dépend de la
température. À basse température, c’est une exponentielle d’équation
 U (J − J 0 ) 
 ,
E = a 0 BΩ 0 exp
 J 0 k BT 
(2.19)
où a0 est la distance entre deux vortex, B est l’induction magnétique, J0 est la
densité de courant critique en absence de "flux creep" et Ω0 est une
fréquence qui varie entre 105 et 1011 Hz. A haute température le champ
électrique est donné par
[28]
:
 2a BΩ 0UJ 
 U 
 exp −
 .
E =  0
 k BT 
 J 0 k BT 
(2.20)
Dans ce cas, on a une relation linéaire entre E et J et on parle du régime
"Thermally Assisted Flux Flow" (TAFF).
D’autre part, lorsque les forces de Lorentz deviennent très supérieures
aux forces d’ancrage, les vortex se déplacent alors librement; on a alors un
phénomène dit de « flux flow ». Dans ce cas, les forces appliquées aux vortex
- 45 -
entraînent un déplacement de ceux-ci, donc une dissipation d’énergie.
Lorsque J>>JC où JC est la densité de courant critique donnée par l’égalité de
ces deux forces, la caractéristique devient approximativement linéaire.
La figure II.14 représente ces trois modes du mouvement des vortex.
Figure.II.14 : Caractéristiques E-J d’un supraconducteur, on observe à faible et à fort
courant une résistivité linéaire. Entre les deux régimes réside le régime
du flux creep avec une résistivité hautement non-linéaire.
- 46 -
Références
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system, Z. Phys. 64, 189 (1986).
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- 47 -
[17] Y. Maeno, H. Hashimoto, K. Yoshida, S. Nishizaki, T. Fujita, J.G. Bednorz, and F.
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YBa2Cu3O7−δ: Spin-gap effect on in-plane and out-of-plane resistivity”. Phys. Rev. B,
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[25] G. Blatter, M. V. Feigelman, V. B. Geshkenbein, A. I. Larkin, V. M. Vinokur, Vortices
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[28] M. S. Colclough et al., Cryogenics, 30 439, (1990).
- 48 -
Chapitre III
Techniques
Expérimentales
- 49 -
Les mesures de transport sous champ magnétique intense nécessitent
une technique d’appareillage assez lourd. La valeur du champ magnétique
atteint 16 Tesla et les températures varient de 4,2 K (température d’Hélium
liquide) à 130 K (au delà de la température de la transition des nouveaux
matériaux supraconducteurs).
Les mesures de transport requièrent la réalisation des contacts
électriques sur l’échantillon. Les mesures des caractéristiques tension courant
des SHTC en courant continu sont très souvent affectées par l’échauffement
au niveau des contacts électriques. La chaleur ainsi diffusée dans l’échantillon
entraîne une variation non négligeable en fonction du temps, de la
température de l’échantillon, et de fortes instabilités thermiques peuvent se
produire à haute densité de courant. Les valeurs de la densité de courant
critique s’en trouvent ainsi limitées.
Le champ magnétique est produit par une bobine supraconductrice
immergée dans l’hélium liquide. Le dispositif qui permet cette opération est
un cryostat à bain d’hélium liquide avec une garde d’azote liquide. Un autre
appareil, l’anticryostat, permet de varier la température de l’échantillon en y
faisant circuler le gaz d’hélium chaud
[1].
1. Cryostat
Son rôle principal est de maintenir la bobine supraconductrice à la
température de 4,2K et de construire une réserve de l’hélium liquide pour
refroidir l’échantillon à la température de mesure. Dans la partie supérieure
se trouve une garde d’azote liquide qui permet de maintenir l’écran de
radiations à la température de l’azote liquide (77K). Le vide du cryostat
dispose d’une soupape de sécurité. La bobine supraconductrice est placée au
fond du cryostat. Elle est maintenue par des tiges sur les quelles sont fixés,
espacés régulièrement, des disques en cuivre qui jouent le rôle d’écrans de
radiations. Les amenées de courant de la bobine supraconductrice ont été
améliorées pour réduire la consommation d’hélium liquide. Il s’agit dans ce
cas de faire un compromis entre la résistance de ces amenées et leur
conductibilité thermique. Pour un bon fonctionnement du matériel, le vide du
- 50 -
cryostat est contrôlé régulièrement et la garde d’azote est maintenue remplie
pendant les périodes de mesure.
Figure.III.1 : Schéma d’un cryostat
2. Anticryostat
C’est l’enceinte où se trouve l’échantillon. Tout comme le cryostat il est
à doubles parois. Alors que le rôle du cryostat est de maintenir la bobine
supraconductrice à la température de l’hélium liquide (4,2K) et de constituer
une réserve d’hélium, celui de l’anticryostat est de maintenir l’échantillon à la
température de mesure.
Il est placé dans l’axe du cryostat. Il est menu d’une vanne froide,
actionnée en haut du cryostat, qui permet le passage de l’hélium liquide dans
un capillaire vers l’enceinte où se trouve l’échantillon. Le flux d’hélium liquide
est chauffé à la température désirée par une résistance placée près des
thermomètres.
La
vapeur
d’hélium
obtenue
est
pompée
afin
d’uniformiser
la
température aux alentours de l’échantillon. Entre les deux parois où est
- 51 -
maintenu un vide cryogénique, est disposée une sonde de Hall pour la
mesure du champ magnétique de la bobine supraconductrice. Un système de
chauffage de l’hélium liquide avec deux thermomètres, une résistance au
carbone-glass et une autre de platine 100 w, pour la régulation de la
température, est disposé au fond de l’anticryostat.
Figure.III.2 : Schéma d’un anticryostat
3. Méthode du courant pulsé
Les supraconducteurs de type II ont une capacité de transporter de
très grandes densités de courants en présence d’un champ magnétique. Donc
pour mieux les caractériser nous avons utilisé la méthode de mesure du
courant pulsé décrite ci-dessous capable d’éviter tout échauffement de la
résistance au niveau des contacts des points de mesures.
L'alimentation
de
courant
peut
délivrer
des
courants
pulsés
rectangulaires (figure III.3 a-b) d'intensité variable de 1nA à 100mA et de
durée τ ≥ 5ms. L’intensité de courant est lue directement à la sortie du
- 52 -
générateur par l'ordinateur, la tension aux bords de la région centrale de
l'échantillon passe à travers un transformateur de bas bruit de rapport
n = 100, puis dans un préamplificateur de gain égal à 100 et finalement dont
un filtre RC pour éliminer les bruits à haute fréquence. L’oscilloscope, grâce à
une mémoire numérique, permet de réduire considérablement le bruit restant
à la sortie du filtre en faisant une moyenne sur un nombre élevé de pulses.
Trigger
Alimentation
filtre
Préamplificateur
G=100
J
Transformateur à bas
bruit n=100
t
Echantillon
Champ magnétique
Figure.III-3 a: Schéma de principe des mesures de transport à courant pulsé.
- 53 -
-8
4,0x10
aprés filtrage
avant filtrage
-8
V(V)
3,0x10
-8
2,0x10
-8
1,0x10
0,0
0
5
10
15
t(ms)
20
25
30
35
Figure.III.3 b : pulse de tension détectée au bord de l’échantillon avec et sans
filtre
4. Présentation de l’échantillon
Le film mince monocristal d'YBa2Cu3O7- δ a été déposé par la méthode
de l'ablation laser sur la face (100) d'un substrat monocristal de SrTiO3.
4. 1. Ablation laser
L’ablation laser est une méthode pouvant être décrite par l’impact
photonique de grande énergie sur la matière (cible), l’énergie reçue par la
matière sera utilisée pour l’expulsion d’une certaine quantité d’atomes sous
forme de plasma (gaz ionisé) lors de chaque impulsion laser. Ce processus se
réalise dans une enceinte totalement hermétique sous dépression et sous
oxygène (0,3 mbars) pour déposer des oxydes. Les éléments principaux du
banc d’ablation laser sont : La chambre, le laser, la pompe turbomoléculaire,
l’élément chauffant et les différentes cibles (figure III.4)
- 54 -
Figure.III.4 : Photographie et schéma du banc de dépôt par ablation laser
(d’aprés thèse Laurence Méchin)
Le laser émet une onde électromagnétique dans l’ultraviolet en mode
pulsé. Il est préférable d’utiliser un rayonnement UV car il ne faut pas avoir
de processus d’évaporation thermique mais seulement de l’ablation. Le laser
est focalisé par une lentille et pénètre dans l’enceinte à vide (vide
dynamique) via un hublot en suprasil (pour éviter l’absorption des UV)
Le faisceau laser vient frapper une cible en rotation placée sur un
carrousel. En effet, il est nécessaire de faire tourner la cible pour éviter les
phénomènes d’érosion préférentielle et de surchauffe de la cible, l’impact du
laser ne doit pas rester sur la même zone. En général, le carrousel est
- 55 -
composé de plusieurs porte cibles et permet ainsi de changer d’éléments et
de composé quand on le souhaite pour tout système multicouche. Il est
indispensable pour les super réseaux, les couches d’adaptations, les dépôts
d’or, (figure III.5).
Figure.III.5 Schéma de principe simplifié de l’ablation laser, et photographie de la
plume de matière éjectée lors de l’impact du laser sur la cible.[4]
L’impact du faisceau laser est suffisant pour arracher les atomes de la
surface de la cible. Cinq types de mécanismes peuvent avoir lieu lors de
l’impact :
L’échange d’une quantité de mouvement :
Ce processus ne fournit pas suffisamment d’énergie. Un photon de 10 eV ne
fournit que 8.10-9 eV. Ce processus n’intervient pas lors de l’ablation.
Le mécanisme électronique qui regroupe l’excitation et l’ionisation :
En effet les atomes excités peuvent envoyer leurs électrons dans des niveaux
antiliants et donc détruire les liaisons chimiques, ainsi l’atome est expulsé de
la cible. Ce mécanisme n’est important que si l’atome reste excité
suffisamment longtemps, ceci concerne surtout les diélectriques ou encore les
semiconducteurs à grand gap. Sa signature se trouve dans les mesures de
températures par « temps de vol » : des températures très supérieures à la
température thermodynamique critique sont obtenues. Pour l’YBCO, une
énergie cinétique de 2,4 à 6,5 eV suggère un mécanisme électronique.
L’échange thermique relatif à la vaporisation de la cible :
- 56 -
Le problème est qu’il est nécessaire d’atteindre des températures locales
nettement supérieures à la température d’ébullition de l’élément de la cible,
ceci étant dû à un effet thermocinétique assez lent. Des mesures de « temps
de vol » révèlent expérimentalement que la température est bien inférieure à
celle nécessaire pour effectuer ce type d’échange.
L’échange par processus hydrodynamiques :
Il est effectué lorsque des gouttelettes sont formées puis expulsées lors des
fusions successives de la cible. Ce mécanisme est expliqué par une expansion
thermique. En effet, une aspérité à la surface du film subit une élongation
lors de la fusion en surface (dilatation), mais à chaque impulsion l’aspérité
s’éloigne de la surface de la cible et finit par être éjectée sous forme de
gouttelette (afin de diminuer l’énergie de surface).
L’exfoliation :
C’est un procédé qui expulse des « flocons » sous l’effet de l’impact répété du
laser. Lorsque la température maximale atteinte ne dépasse pas la
température de fusion, l’énergie est accumulée et ne peut être relaxée, elle
provoque des craquelures de la surface de la cible. Ce phénomène est
augmenté par la présence de bulles à l’intérieur de la cible.
L’interaction entre le faisceau et les espèces résultantes de l’ablation
dans l’oxygène forme un plasma appelé « plume » ayant une direction
perpendiculaire à la surface de la cible, sa couleur est caractéristique de
l’élément de la cible. De plus, le laser interagit avec le plasma et le porte à
très haute température. D’autres phénomènes d’absorption se produisent
comme la photo ionisation ou la dissociation d’amas. La luminescence du
plasma qui s’établit quelques dizaines de microseconde après l’impulsion n’est
pas attribuée au laser car les états excités ont une durée de vie très faible.
Un plasma d’YBCO comprend les ions (Y+, Ba+, Cu+, YO+, BaO+, CuO+), des
espèces neutres ( Ba, Cu, O, YO, BaO, CuO ) excitées ou non, ainsi que des
agrégats.
Les atomes arrachés de la cible vont parcourir une distance qui est le
libre parcourt moyen λ (distance moyenne entre deux collisions, qui doit être
- 57 -
de l’ordre de la distance cible substrat chauffant (T est généralement compris
entre 600°C et 800°C) favorisant la croissance du film sur le substrat.
Lorsque le dépôt est fini, il est nécessaire de faire une pression plus
importante d’oxygène (pour l’YBCO généralement 500 mbars en restant à la
température du dépôt) afin de bien oxygéner le film. Après cette étape, une
descente en température est programmée jusqu’à la température ambiante
sauf si l’on effectue un dépôt d’or auquel cas un palier de température est
fixé.
L’avantage principal de cette technique est que le transfert de la cible
sur le substrat s’effectue de façon stoechiométrique lorsque l’on se place dans
des conditions optimales. Il est très important en effet de bien contrôler la
composition des films pour pouvoir optimiser les caractéristiques physiques
des films.
4. 2. Propriétés structurales du film mince d’YBCO.
L'analyse par diffraction de rayons X est une technique non destructive,
de mise en œuvre facile puisqu'elle ne demande pas de préparation sur les
échantillons. Ces deux avantages la distinguent d'autres méthodes de
caractérisation
structurale
plus
coûteuses,
telles
que
la
microscopie
électronique à transmission (TEM) par exemple, et permettent des analyses
systématiques sur un grand nombre d'échantillons.
Les propriétés structurales typiquement mesurées pour des films d’YBCO
de même épaisseur et déposés dans les mêmes conditions sont données en
Fig. III-6 (diagramme de diffraction X en θ − 2 θ ) et Fig.III-7 ( ω -scan autour
de la raie (005) de l’YBCO).
Selon les différentes configurations du système d’analyse de diffraction
de rayons X, différentes caractéristiques sont réalisées.
4. 2. 1. Analyse de texture: spectre θ-2θ
Les spectres θ-2θ
permettent de déterminer la texture d'une couche
mince. En respectant la configuration représentée en figure figure III-6, les
- 58 -
familles de plans, cristallins orientés parallèlement à la surface du substrat sont
successivement amenées en position de Bragg.
Les pics de diffraction sont enregistrés en fonction des différents angles 2θ et
renseignent sur:
9 la structure cristalline, par identification de la position des pics avec les
valeurs publiées dans les fiches ASTM du matériau étudié.
9 les phases présentes dans le matériau, en recherchant les fiches ASTM des
matériaux qui correspondent le mieux aux pics observés.
9 les paramètres de maille, puisque la condition de diffraction de Bragg
impose :
2 d hkl × sin(θ ) = n λ
où dhkl est la distance entre les plans réticulaires (hkl), θ est l'angle d'incidence
du faisceau représenté en figure.III.6 , n est l'ordre de la réflexion, et , λ est la
longueur d'onde des rayons X.
Figure.III.6 : Schéma de principe et photographie de diffractomètre qui permet la
mesure de spectre
θ − 2 θ par diffraction de rayons X
4. 2. 2. Analyse de la mosaïcité: spectres ω-scan ou rocking curves.
- 59 -
Une fois que la texture d'une couche a été établie, on peut chercher à
mieux la qualifier. La configuration de mesure est toujours celle décrite en figure
III.6, mais cette fois, la
source de rayons X et le détecteur sont fixes. Seul
l'échantillon est légèrement basculé autour de la position θ. Les cristallites
faiblement désorientées par rapport à la réflexion choisie sont amenées en
position de diffraction. La largeur à mi-hauteur (FWHM = Full Width at Half
Maximum) des pics ainsi obtenus donnent la désorientation moyenne des
cristallites autour de la direction de texture. La qualité de texture est
inversement proportionnelle à la largeur à mi-hauteur des rocking curves.
4. 2. 3. Analyse des relations épitaxiales dans le plan : φ-scans.
Les spectres φ-scans permettent de déterminer l'orientation épitaxiale
dans le plan d'une couche texturée. Ils renseignent également sur les relations
existant entre les axes cristallins de deux matériaux déposés l'un sur l'autre. La
configuration de mesure est représentée sur la figure III.7. La méthode consiste
à sélectionner une raie de diffraction de la couche et à faire tourner l'échantillon
de 360° autour de l'axe Φ. Le nombre et la position des pics du spectre, appelé
φ-scans, traduisent la symétrie de l'échantillon. Dans un cristal cubique, la
présence de quatre pics séparés de 90° indique l'existence d'une seule
orientation dans le plan.
Figure.III.7 : Configuration de mesure de spectre ϕ -scan.
- 60 -
Un exemple de diagramme de diffraction de rayons X en configuration
θ − 2 θ est donné en Fig. III-8. Il permet de s’assurer de la croissance de
type « axe c » du film. La valeur de la largeur à mi-hauteur (FWHM) du pic
(005) d’YBCO du diffractogramme en configuration ω -scan est égale 0,3°
(voir Figure III-9).
Figure.III.8: Diagramme de diffraction de rayons X en configuration
d’YBCO
θ − 2 θ typique
Figure.III.9 : Diagramme de diffraction de rayons X en configuration ω -scan d’YBCO
( FWHM : Full Width at Half Maximum)
L'axe c du monocristal d’YBa2Cu3O7- δ est perpendiculaire à la surface
du film mince. L'épaisseur du film est de 400 nm. Pour diminuer le courant
nécessaire à la transition, un étranglement d'une largeur de 7,53 µ m a été
- 61 -
réalisé sur l'échantillon (figure.III.10). La distance entre les électrodes de
mesure de la tension est de 135 µ m. Les électrodes de mesures sont en or
et sont déposées sur la surface de l'échantillon par évaporation. Les fils de
mesures sont soudés par micro-onde.
Figure.III.10 :
Représentation
schématique
de
l'échantillon
avec
les
contacts
électriques de mesure de transport d = 135 µ m ; h = 400nm ;
w = 7,53 µ m.
Toutes les expériences présentées dans ce travail ont été réalisées par
la
technique
habituelle
de
mesure
à
quatre
points
ou
encore
en
« 4 fils »: un courant traverse l’échantillon entre ses extrémités et la tension
en deux autres points est ainsi relevée. Ces expériences ont été faites dans la
configuration où la direction du courant électrique est perpendiculaire au
champ magnétique appliqué. La résistivité de l’échantillon à la température
ambiante est de l’ordre de 200 µΩ .cm.
- 62 -
Références
[1] A. Tirbiyine, Thèse Nationale, Université Ibn Zohr, Agadir, (2002).
[2] A. Taoufik, Thèse d’Etat, Université Ibn Zohr, Agadir, (1995).
[3]
A.Labrag, Thèse Nationale, université Ibn Zohr, Agadir, (2007).
[4]
L.Méchin, Thèse d’habilitation, université de Caen, France (2005)
- 63 -
Chapitre IV
Densité de courant et
ancrage des vortex
Image magneto optique d’un cristal de NbSe2 [1]
- 64 -
1. Introduction.
L’objectif de ce chapitre est d'étudier d’une part la densité de courant
de transition de la phase supraconductrice vers la phase normale notée J*, et
de déterminer la puissance dissipée au cours de cette transition ; et d’autre
part d’analyser les mécanismes d’ancrage des vortex par l’étude de la densité
volumique de force d’ancrage et de sa variation en fonction de la température
et du champ magnétique appliqué.
Cette force d’ancrage est déduite de la densité de courant critique, Jc,
dans des échantillons de matériaux supraconducteurs à haute température
critique (YBaCuO), déterminée à partir des mesures de transport
et des
caractéristiques E(J)
Nous allons décrire et analyser les variations de J* en fonction de la
température et en fonction du champ magnétique appliqué H. Nous verrons
ensuite comment trouver un ajustement de J*(H).
Enfin, nous analysons la dépendance de la densité volumique de force
d’ancrage Fpmax en fonction du champ magnétique et nous ferons quelques
remarques sur cette dépendance.
2. Densité de courant
La densité de courant critique, Jc, est par définition la densité de
courant pour la quelle on commence à voir expérimentalement une
dissipation d’énergie.
Elle correspond expérimentalement à la densité pour laquelle un champ
électrique seuil, arbitraire, est mesurable aux bords de l’échantillon.
Ce seuil est, bien sur, le plus petit champ E que la résolution permet de
détecter. Jc n’est pas, par conséquent, la densité de courant qui détruit la
supraconductivité, mais celle qui commence à générer une dissipation
mesurable, en maintenant l’échantillon dans l’état mixte.
Dans les supraconducteurs de type II, lorsqu’on augmente le courant
électrique au dessus de Jc, différents types de mouvement des vortex sont
détectées, toujours à l’intérieur de l’état mixte. Le type du mouvement de
- 65 -
vortex le plus élémentaire est, le flux flow
[2],
dans lequel leur vitesse v est
proportionnelle au courant appliqué J, et donc aussi au champ électrique,
E = v.B ,
mesuré lorsque un champ magnétique B est appliqué. E a une valeur nulle
jusqu’à Jc et devient linéaire pour des valeurs supérieures à Jc.
[3]
L’allure des caractéristiques E(J) peut être plus compliquée. Ceci est dû
à différents mécanismes. Par exemple, dans les supraconducteurs à haute
température critique, cela peut être dû aux effets thermiques qui entraînent
l’apparition de la dissipation même avant que les forces de Lorentz fassent
déplacer tous les vortex de leurs centres d’ancrage. L’énergie thermique
créant des fluctuations locales qui font déplacer un ou plusieurs vortex de
leur position, dépendamment des interactions entre les vortex, donnent
naissance à divers types de signaux
[4].
C’est ce qui se passe par exemple
dans le deuxième type de mouvement de vortex à savoir flux creep, où la
variation de E avec J n’est plus linéaire. Mais dans l’un ou l’autre de ces
mécanismes l’échantillon toujours reste dans l’état mixte.
2. 1. Détermination de la densité de courant de transition J*
Dans les supraconducteurs de type II, si on continue à augmenter la
densité du courant appliqué beaucoup plus grande que Jc on va observer
expérimentalement une brusque rupture de l’état mixte.
Si la densité du courant J dépasse un certain seuil J*, il apparaît une
brusque transition de l’échantillon dans un état de haute dissipation, qui
s’identifie avec l’état normal.
Le saut correspondant dans la résistivité apparente ρ=E/J s’observe
dans tous les supraconducteurs de type II, tant pour les hautes que pour les
basses Tc
[5,6].
Les études autour de J* sont très intéressantes au point de vue
application : dispositifs basés sur la transition supraconductrice comme les
limiteurs
de
courant,
détecteurs
bolométriques
ou
commutateurs
ultrarapides.
Durant les dernières années plusieurs laboratoires ont étudié la
transition
en
J*
dans
les
SHTC
[7-9].
- 66 -
Mais
malgré
ces
efforts,
le
comportement et l’origine de J*(T, H) dans les SHTC
ne sont pas encore
totalement éclaircis. Comme continuité à ces travaux, les motivations
principales de la première partie de ce présent chapitre sont :
i)
approfondir l’étude sur les causes du saut dans la variation de E au
voisinage de J*.
ii)
tenter de mieux connaître le comportement des vortex au voisinage
de J*.
La figure (IV.1) montre une courbe E(J) obtenue par notre méthode sur
un film mince d’YBaCuO.(Ch.III.4) pour un champ magnétique µ 0 H =10T et à
une température T=44K. Elle montre également comment déterminer la
densité de courant de transition J* à partir de cette caractéristique.
µ0H = 10 T
-3
8,0x10
T=44K
-3
E(V/cm)
6,0x10
-3
4,0x10
J*
-3
2,0x10
0,0
0
6
1x10
6
2x10
3x10
6
4x10
6
2
J(A/cm )
Figure.IV.1: Représente la caractéristique E(J), pour un film mince d’YBaCuO
dans un champ magnétique µ 0 H =10T et pour une température
T=44K, et la densité de courant de transition J* extrapolée à partir
de la partie linéaire de la caractéristique.
2. 2. Variation de J* en fonction du champ magnétique appliqué.
La figure (IV.2) montre les variations des caractéristiques E(J) en
fonction de la densité de courant pour quatre valeurs du champ magnétique
- 67 -
parallèlement au plan (ab) 0,6T ; 1,2T ; 2,4T
et 10T et pour une
température T= 71K.
-2
4,0x10
T=71K H//ab
-1
E(V.cm )
3,0x10
1,2T
2,4T
10T
-2
-2
2,0x10
0,6T
-2
1,0x10
0,0
0
6
6
1x10
6
2x10
3x10
6
4x10
-
-2
J(A.cm )
Figure.IV.2 : Caractéristiques E(J) à différentes valeurs du champ magnétique
appliqué parallèlement au plan (ab) µ 0 H =(0,6T ; 1,2T ; 2,4 ;10T)
pour une température T= 71K. Les densités de courant de transition
J* sont déterminées en extrapolant les tangentes au niveau des
parties linéaires.
On observe qu’au fur et à mesure que le champ magnétique augmente
l’intersection J*, de l’extrapolation de la tangente à la partie linéaire des
caractéristiques E(J), diminue et l’intervalle, de densités de courant, de la
transition devient de plus en plus étroit.
Les valeurs de J* obtenues pour T=71K et pour les valeurs du champ
magnétique indiquées précédemment sont rassemblées dans le tableau
suivant:
µ0 H(T)
J*(105 A.cm-2)
0,6
1,2
2,4
10
23,231
14,852
10,271
1,667
- 68 -
La figure (IV-3) montre la représentation graphique des variations de la
densité de courant de transition J* en fonction du champ magnétique
appliqué H parallèlement aux plans ab pour la température T = 71K.
6
2,5x10
T=71K
6
2,0x10
*
-2
J (A.cm )
6
1,5x10
6
1,0x10
5
5,0x10
0,0
0
2
4
6
8
10
µ0H(T)
Figure.IV.3 : Les variations de la densité de courant de transition J* en fonction
du champ magnétique appliqué parallèlement aux plans ab pour la
température T=71K.
On constate qu’en augmentant le champ magnétique appliqué la densité
de courant de transition J* devient de plus en plus faible. Ceci signifie que la
transition vers le régime flux flow est d’autant plus facile que le champ
magnétique appliqué est plus important ce qui est en accord avec le fait que
la force de Lorentz est proportionnelle au champ magnétique appliqué.
Les variations de J* en fonction du champ magnétique appliqué H pour
cette température peut être ajuster par une loi d'échelle du type :
J*(T,H)= J (T)[1−ln(H H (T))] .
0
0
La figure (IV-4) montre cet ajustement, en échelle linéaire, pour la
température T=71K.
- 69 -
Points experimentaux
6
2,5x10
L'ajustement avec:
J*(H,T)=J0(T)[1-ln(H(T)/H0(T))]
6
2,0x10
5
µ0H0 = 4T
6
1,5x10
*
-2
J (A.cm )
-2
J0 = 7,37.10 A.cm
6
1,0x10
5
5,0x10
0,0
0
2
4
6
8
10
µ0H(T)
Figure.IV.4 : La densité de courant de transition J* en fonction du champ
magnétique
appliqué
parallèlement
aux
plans
ab
pour
la
température T=71K en échelle linéaire. Les points représentent les
données expérimentales la courbe représente l’ajustement par:
H
J * (T, H) = J (T)[1 − ln(
)] .
0
H (T)
0
Le fit donne les valeurs suivantes:
µ 0 H 0 = 4,2T et J0 (71K)= 7,37.105 A.cm-2
La dépendance logarithmique de J* en fonction du champ est similaire à
la dépendance de toutes les grandeurs thermodynamiques découlant de
l’énergie libre associée à l’état mixte d’un supraconducteur de type II (pour
Hc1 < H < Hc2). Il est aussi à noter que l’interaction électromagnétique entre
vortex est décrite par une loi logarithmique en fonction de la distance inter
vortex
[10]
2. 3. Variation de J* en fonction de la température.
Les variations de la densité de courant de transition J* en fonction de la
température et pour un champ magnétique parallèle aux plan ab µ 0 H = 7,5 T
sont représentées dans La figure (IV.5).
- 70 -
1000000
*
-2
J (A.cm )
100000
10000
T0=80,4K
68
70
72
74
76
78
80
82
84
86
T(K)
Figure.IV.5 les variations de J* en fonction de la température pour un champ
magnétique µ 0 H = 7,5 T. Deux régimes d’évolution apparaissent.
Pour T<80,4K, J* est faiblement décroissante en fonction de T. Pour
T>80,4K la décroissance de J* est beaucoup plus accentuée lorsque
la température augmente.
On constate que la courbe est composée de deux parties :
9 une première partie dite à température faible ( T ≤ T0 ( H ) ) où J*
varie lentement lorsque la température augmente
9 une partie dite à température forte ( T ≥ T0 ( H ) ) pour la quelle J*
diminue rapidement pour un accroissement de la température. La valeur de
T0 ( H ) est celle où les courbes J*(T) changent complètement de pente de
décroissance.
Dans ce cas, µ 0 H = 7,5T, la température T0 = 80,4 K
Dans la figure (IV-6) on représente les variations de la densité de
courant de transition J* en fonction de la température pour trois valeurs du
champ magnétique appliqué, 0,6 T, 1,2 T et 7.5 T parallèlement aux plans
(ab).
On constate que la densité de courant de transition J* diminue au fur et
à mesure que le champ magnétique appliqué augmente. Les variations de J*
- 71 -
en fonction de la température présentent un comportement similaire à celui
déjà vu pour les variations de J* en fonction du champ magnétique appliqué
H.
0,6T
1,2T
7,5T
J*(A/cm^2)
1000000
100000
10000
64
66
68
70
72
74
76
78
80
82
84
86
88
T(K)
Figure.IV.6: Variations de J* en fonction de la température pour trois valeurs du
champ magnétique appliqué µ 0 H =(0,6T; 1,2T et 7,5T) parallèlement
aux plans (ab). Les valeurs de J* sont plus faibles dans le cas des
champs magnétiques appliqués plus intenses.
2. 4. Discussion.
Les causes de cette transition brusque de J* peuvent être très diverses,
et même varier d’une mesure à une autre et d’un type de matériau à un
autre. Durant les vingts cinq dernières années plusieurs modèles ont été
considérés pour expliquer ce saut à l’état normal. En général ils sont répartis
en deux groupes. Les différents modèles, à l’intérieur de l’un ou de l’autre
groupe, décrivent divers mécanismes possibles pour expliquer comment et
quelle est la cause de la transition.
En ce qui concerne le modèle le plus utilisé du premier groupe, la cause
de la transition pour J = J* se trouve aussi dans le mouvement des vortex.
Par analogie avec Jc où le mouvement subit un changement de régime
(passage du repos au mouvement, ou production d’un mouvement global
- 72 -
plus intense que les antérieurs.), en J* il se produit un changement de
comportement des vortex en mouvement.
Lorsqu’on augmente le champ magnétique appliqué H ou la température
T, le nombre de vortex libérés devient de plus en plus grand. Un mouvement
d’ensemble est induit, c’est le mécanisme de désancrage :
Le champ magnétique qui pénètre dans l’échantillon sous forme de
lignes de flux peut être créé par une source extérieure ou par le courant de
transport qui le traverse. Ce courant de transport exerce sur les vortex une
force de Lorentz
par unité de volume dont l’expression est donnée par
l’équation.4.1.
G
G
G
FL = J ∧ µ0H
(4.1)
G
Lorsque les lignes de flux se déplacent avec une vitesse v , il y a création
G
d’un champ électrique E , donné par l’équation 4.2, aux bornes de
l’échantillon supraconducteur qui devient résistif : C’est le mécanisme de
dissipation.
G
G G
E = µ0H ∧ v
(4.2)
Dans l’autre grand groupe de modèles il y’a ceux qui expliquent la
transition exclusivement par la dissipation thermique. Ils se basent sur le fait
que lorsque la température de l’échantillon augmente au dessus de Tc la
supraconductivité se détruit progressivement pour transiter complètement à
l’état normal pour J=J*.
Dans le cas des supraconducteurs anisotropes, le mécanisme d’ancrage
est plus compliqué. En fait il faut tenir compte de leur structure feuilletée
constituée d’un empilement de plans faiblement couplés. Ainsi la ligne de flux
peut être remplacée par un empilement de disques bougeant presque
indépendamment les uns des autres. Comme chaque disque est piégé
individuellement, le supraconducteur aura une faible densité de courant de
transition J*.
- 73 -
2. 5. La puissance dissipée avant la transition
Lorsque l’échantillon, parcouru par un courant de densité volumique J,
commence à se situer dans l’état dissipatif sous l’effet du champ électrique E,
la puissance dissipée par unité de volume sous forme de chaleur, est donnée
par la relation (eq 4.3):
W = E.J
(4.3)
Juste avant le saut correspondant à la transition supraconducteurconducteur normal, cette puissance est donnée par l’équation (4.4) :
W* = E*J*
(4.4)
La figures IV-7 représente les variations de cette puissance volumique
dissipée en fonction de la température à champ magnétique appliqué
parallèlement aux plans ab, µ 0 H = 1,2T
(W*=f(T) pour µ0H=1,2T)
4
-3
W*(W.cm )
10
3
10
2
10
65
70
75
80
85
T(K)
Figure.IV.7 : Variation de la puissance volumique dissipée W* en fonction de la
température pour un champ magnétique µ 0 H = 1,2T.
- 74 -
On observe que la puissance volumique dissipée au cours de la
transition supraconducteur - conducteur normal diminue lorsqu’on augmente
la température.
Ceci permet de dire que lorsqu’on augmente la température on fait
approcher d’avantage l’échantillon de la température de transition Ce qui
entraîne une diminution de la puissance nécessaire à cette transition
Dans la figure IV.8 on montre les variations de la puissance w* en
fonction du champ magnétique appliqué H parallèle aux plans ab, pour une
température T=71K
T=71K
-3
w (watt.cm )
10000
*
1000
100
1,0
1,5
2,0
2,5
3,0
µ0Η(Τ)
Figure.IV.8 : Variations de la puissance volumique dissipée W* en fonction du champ
magnétique pour la température T=71K
La tendance de la puissance volumique W* à diminuer avec le champ
magnétique s’explique par le fait que lorsqu’on augmente H, la température
de transition diminue, donc la puissance nécessaire pour induire cette
transition devient plus faible, ainsi une augmentation du champ magnétique
H fait approcher d’avantage l’échantillon de la transition de manière identique
que si on augmente directement la température.
- 75 -
3. Densité volumique de force d’ancrage.
3. 1. Introduction.
En raison du problème d’identification et du dénombrement des défauts
dans les supraconducteurs HTC, la corrélation existante entre la densité de
courant de transition et le piégeage des vortex en volume n’est pas
totalement
maîtrisée.
Cependant,
de
nombreuses
études
aussi
bien
théoriques qu’expérimentales ont été élaborées dans le but de mieux
comprendre la problématique de la dissipation due aux vortex dans les
supraconducteurs de type II :
Lorsqu’un courant est appliqué à un échantillon supraconducteur, les
lignes de flux, sont mises en mouvement alors qu’il existe un seuil de courant
critique en deçà duquel ces lignes de flux restent piégées.
Ce phénomène est attribué à la compétition entre le nombre de vortex
et les centres de piégeages dont l’action détermine la densité de courant
critique ainsi que d’autres propriétés supraconductrices du réseau de vortex.
Ces centres de piégeages sont d’autant plus efficace que la nature des
défauts reste limitée à la présence des défauts très particuliers (structure
intrinsèque, plans de macles,…).
La
structure
cristallographique
est
aussi
une
source
importante
d’ancrage comme le piégeage intrinsèque des vortex. Il existe par exemple
un maximum
de courant critique lorsque le
G
perpendiculaire à l’axe c de l’échantillon.
champ
magnétique
est
Par ailleurs, dans les couches minces d’YBaCuO, les principales sources
de piégeages actives sont les imperfections dues au mode de croissance des
couches minces telles que les dislocations, et les phases parasites (joints de
grain, impuretés…). Ces centres de piégeages sont souvent associés aux
zones de défauts en volume, mais de nombreux travaux expérimentaux et
théoriques ont étudiés les effets de surfaces
[11-12]
sur les densités de
courant critique en suggérant qu’elles sont d’autant plus importantes que les
surfaces sont grandes, du fait de leur géométrie ou de leur rugosité.
Les travaux de B. Placais et al.
[13]
ont vérifié que le piégeage des
vortex peut être totalement attribué à un piégeage de surface. Alors que
- 76 -
Hocquet et al. ont démontré expérimentalement qu’une partie de la
dissipation proportionnelle au courant critique était localisée à la surface
D’autres
observations
expérimentales
[15-16]
semblent
[14].
également
confirmer la prédominance des effets de la surface sur le volume pour
l’ancrage des vortex dans les supraconducteurs de type II.
Il est à noter qu’il est possible de créer artificiellement des défauts en
bombardant le supraconducteur avec des ions lourds. Cela permet de bien
contrôler la densité des centres de piégeage et d’essayer de trouver des
moyens pour accroître la densité de courant Jc
3. 2. Détermination de la densité de courant critique Jc.
En principe Jc peut être définie comme la densité de courant maximale
qu’un supraconducteur peut supporter sans dissipation (avec une résistance
quasi nulle), à une température et sous un champ magnétique donnés.
Cependant, cette définition n’est pas pratique au point de vue mesure, car
elle exige qu’on soit capable de détecter une tension électrique infiniment
petite.
En pratique Jc est définie comme étant la densité de courant traversant
l’échantillon pour laquelle le champ électrique E est égal à une valeur critique
appelée Ec ou la résistivité ρ est égale à une valeur critique ρ c au-delà
desquelles l’échantillon est jugé dans l’état mixte.
Ekin
[17]
a introduit un autre critère qui fait correspondre la densité de
courant critique à l’abscisse de l’intersection entre la tangente à la courbe
E(J) en Ec et la droite E=0.
La figure (IV.9) illustre schématiquement ces différentes définitions.
Dans notre cas, nous avons adopté un critère du champ de Ec =10-6V/cm.
- 77 -
Figure.IV.9: Différents critères sur la définition de la densité de courant critique à partir
d’une caractéristique E(J).
9 Jcr est déduite de E(J) par le critère de la résistivité ; elle correspond à
la densité de courant lorsque la résistivité mesurée est égale à la
valeur choisie ρ c . La droite de l’équation E = J ρ c coupe la courbe E(J)
au point (J=Jcr, E= ρ c Jcr).
9 Jce déduite de E(J) par le critère du champ électrique est égale à la
densité de courant lorsque le champ électrique est égale à Ec.
9 Jci est déduite de E(J) en extrapolant au champ nul la tangente en Ec à
E(J).
La figure (IV.10) montre les variations de la caractéristique E en fonction
de la densité de courant J pour trois valeurs du champ magnétique 0 T, 0.6 T
et 7.5 T parallèlement aux plans ab et à une température T=78K.
Les densités de courant critique Jc sont déterminées en adoptant un
critère correspondant à un champ électrique de 1 µV/cm,
- 78 -
E(V/cm)
-5
3,0x10
-5
2,0x10
-5
1,0x10
-5
H // ab
T = 78 K
0T
4,0x10
0.6 T
-5
7.5 T
5,0x10
0,0
0,0
2,0x10
5
4,0x10
5
6,0x10
5
2
J(A/cm )
Figure.IV.10 : Caractéristiques E(J) à différentes valeurs du champ magnétique appliqué
parallèlement aux plans (ab) 0T, 0,6T et 7,5T pour une température de
78K.
La figure (IV.11) représente les variations de Jc en fonction de la
température pour trois valeurs du champ magnétique appliqué parallèlement
10
7
10
5
10
3
10
1
0.6 T
0T
7.5T
2
JC(A/cm )
aux plans (ab) : 0 T, 0.6 T et 7.5 T.
10
H // ab
-1
T (K)
10
-3
65
70
75
80
85
90
Figure.IV.11 : Variations de Jc en fonction de la température pour trois valeurs du
champ magnétique appliqué parallèlement aux plans (ab) 0T, 0,6T et 7,5T.
- 79 -
On constate que chaque courbe se compose de deux branches: une
première correspondante à une variation lente de Jc lorsque la température
augmente et une deuxième où cette variation est plus rapide. Ce changement
d’allure a lieu pour une température T0 qui diminue lorsque le champ
magnétique appliqué augmente. Le tableau suivant montre les valeurs de T0
pour les trois valeurs du champ magnétique appliqué.
µ 0 H (T)
0
0,6
7,5
T0 (K)
85
82,2
78,7
La figure (IV.12) représente les variations de Jc en fonction du champ
10
7
10
6
10
5
10
4
10
3
10
2
10
1
10
0
2
Jc(A/cm )
magnétique appliqué H pour différentes valeurs de température.
10
-1
10
-2
10
-3
0,1
60K
H//C
70K
77K
1
10
µ0H(T)
Figure.IV.12 : Variations de Jc en fonction du champ magnétique pour trois valeurs
de température T=60k, T=70K, T=77K.
On constate que la densité de courant critique Jc est trop faible dans le
domaine des champs magnétiques intenses correspondants au régime flux
flow dans lequel Jc décroît rapidement. Cependant cette décroissance est plus
lente pour les champs magnétiques plus faibles.
- 80 -
3. 3. Détermination de la densité volumique de force d’ancrage.
Jc est aussi définie comme étant la densité de courant pour la quelle la
densité volumique de force de Lorentz est égale à la moyenne de la densité
volumique
de
force
de
piégeage
Fp.
Cette
dernière
est
déterminée
expérimentalement par l’équation (4.5) :
Fp = µ0H.Jc
(4.5)
En utilisant les mesures faites sur Jc(H), on peut déduire les variations
de la densité volumique de la force de piégeage Fp en fonction du champ
magnétique appliqué H
[18].
La figure (IV.13) représente les variations de Fp(H) dans le cas où le
champ appliqué H est parallèle à l’axe cristallographique c et la température
T=77K
5
2,5x10
T=77K
5
-3
Fp(Ncm )
2,0x10
5
1,5x10
5
1,0x10
4
5,0x10
0
5
10
15
µ0H(T)
Figure.IV.13 : Variations de la densité volumique de force de piégeage en fonction du
champ magnétique appliqué H//c pour une température T=77K
On remarque que la densité volumique de force d’ancrage Fp a deux
comportements :
9 Dans le premier, elle croit avec le champ magnétique H pour atteindre
un maximum, Fpmax = 2,35.105N.cm-3 correspondant à un champ
- 81 -
magnétique 1,71T, ce comportement est prévu par le modèle de Kramer
[19-20]
9 Dans le deuxième, Fp diminue pour tendre vers zéro pour les hauts
champs magnétiques prévu par le modèle de flux creep introduit dans le
chapitre II.
L’ancrage des lignes de flux dans un supraconducteur de type II
provient de l’interaction des vortex avec les défauts du matériau. La force
d’ancrage par unité de volume Fp, définie par la force qui égalise la force de
Lorentz par unité de volume lorsque la densité de courant critique Jc est
atteinte, Fp est donnée par l’expression (4.5).
Dans le cas des supraconducteurs HTC, pour les quelles existe une
ligne d’irréversibilité au dessous de Hc2 où Jc est nulle, le piégeage des lignes
de champ magnétique est habituellement réalisé pour H=Hc2 ou bien pour le
champ où on obtient le maximum de la force d’ancrage Hmax
[21]
ou bien pour
une autre valeur du champ magnétique H* caractéristique de la courbe Fp(H)
qui peut être reliée, par exemple, avec la ligne d’irréversibilité, de telle sorte
que H* soit défini par Fp(H*) = 0
[22].
Cette force peut être déterminée à partir des mesures des densités de
courants critiques; elle suit une loi d’échelle de type :
Fp = f(T) g(h)
(4.6)
Avec f(T) une fonction qui ne dépend que de la température T et g(h)
une fonction qui dépend uniquement de la valeur réduite h=H / H* du champ
magnétique appliqué. Cette fonction g(h) est strictement nulle pour h=0 et
h=1, et passe par un maximum pour une valeur intermédiaire h = hp et sa
forme est très sensible à la microstructure du matériau.[23].
Un exemple d’ajustement de nos résultats des variations de la force
d’ancrage volumique Fp en fonction du champ magnétique réduit h=H/H* est
montré sur La figure IV.14. Cet ajustement a été réalisé dans le cas où H est
parallèle à l’axe cristallographique c pour une température de 77K en
adoptant les deux modèles précédents: Les carrés représentent les données
expérimentales, les pointillés représentent le fit avec le modèle de Kramer
- 82 -
pour le domaine des champs faibles. Le trait plein représente le fit avec le
modèle flux creep pour le domaine des champs forts.
5
2,5x10
points expérimentaux
5
2,0x10
5
-3
Fp (N.cm )
1,5x10
5
1,0x10
4
5,0x10
0,0
0,0
0,2
0,4
0,6
0,8
1,0
champ magnétique réduit h
Figure.IV.14 : La densité volumique de force de piégeage Fp en fonction du
champ magnétique réduit h=H/H*, pour une température de 77K,
et les deux ajustements obtenus avec les deux modèles :
•
Les carrés: les données expérimentales.
•
Les pointillés: le fit avec le modèle de Kramer.
•
Le trait plein: le fit avec le modèle flux creep
Comme on peut le voir dans la figure IV.14, Fp suit deux types de loi
d’échelle selon le domaine du champ magnétique appliqué :
9 Dans le domaine des champs magnétiques faibles (h<0,2) Fp
peut être ajustée avec le modèle de Kramer donné par la loi d’échelle du
type (4.7):
Fp = K.hm.(1 − h)q
(4.7)
L’ajustement donne K=1,05.106(N.cm-3), m=0,47±0,1 et q=3,28±1,02.
9 Dans le domaine des champs magnétiques plus forts (h>0,2) la
densité volumique de force d’ancrage peut être décrite par la loi déduite du
modèle du mouvement de flux par activation thermique
[20]
: C’est le flux
creep. Dans ce cas on considère que la dissipation se produit par le
mouvement des paquets de vortex de volume V qui peuvent surmonter la
barrière de potentiel U par activation thermique, et produisent, en présence
- 83 -
d’un courant de transport J, un champ électrique E donné par la relation
(2.15) :
 2a BΩ UJ 
 U 
E =  0 0  exp  −

 kB T 
 J0kB T 
La densité du courant dans les conditions de flux creep est donnée par
l’équation (2.18) :
J=
En substituant U par
 U 
J0kB TE
exp 

2a0BΩ0U
 kB T 
U0 (T)
U0
et
par H0 la densité de courant critique
H
kB T
dans ces conditions a pour expression (4.8) :
Jc =
 H0 
J0Ec
exp
 
2a0µ0 Ω0H0
H
(4.8)
La force volumique d’ancrage étant définie par l’équation Fp = µ 0JC H .
Son expression devient alors (4.9):
FP = FP0
où FP0 =
 H0 1 
H*
h
exp
 *. 
H0
H h
(4.9)
J0Ec
.est un cœfficient pré facteur et h=H/H* le champ magnétique
2a0Ω0
réduit
Donc Fp s’écrit:
Fp = p1.h. exp(
p2
)
h
Avec p1 et p2 deux constantes. Le trait continu de la figure IV.14
correspond à un ajustement de nos données avec l’équation (4.9) on trouve
p1 = 290,37 (N.cm-3) et p2 = 1,58±0,09.
Le bon accord entre les données expérimentales et l’ajustement avec le
modèle de flux creep dans la figure IV.14, fournit une confirmation sur le fait
que
l’ancrage
de
flux
magnétique
a
un
rôle
prédominant
dans
détermination du courant critique en présence d’un champ magnétique.
- 84 -
la
La figure IV.15 représente les variations de la force de piégeage Fp, en
fonction du champ magnétique appliqué H pour trois températures 60 K, 70K
4,0x10
6
2,0x10
6
T=60K
T=70K
T=77K
-3
Fp(N.cm )
et 77K.
0,0
0
3
6
9
12
15
µ0H(T)
Figure.IV.15 : la densité de force de piégeage en fonction du champ magnétique
appliqué H pour trois températures 60K, 70K et 77K.
On observe que la force d’ancrage Fp passe par un maximum pour
toutes les températures explorées. Il est aussi à noter que le champ
magnétique Hmax où a lieu ce maximum se déplace vers les hauts champs
quand on diminue la température.
En utilisant la figure IV.15, on a tracé en fonction de la température,
sur la figure IV.16 en échelle semi logarithmique, les variations du champ
magnétique Hmax pour lequel la densité volumique de force d’ancrage est
maximale.
- 85 -
10
9
8
7
points expérimentaux
ajustement avec log(µ0Hmax)=aT+b
6
a = -0,025 et b = 2,21
5
log(µ0Hmax)
4
3
2
1
58
60
62
64
66
68
70
72
74
76
78
T(K)
Figure.IV.16 : Variations du champ magnétique Hmax pour lequel la densité
volumique de force d’ancrage est maximale en fonction de la
température :
•
les carrés représentent les résultats expérimentaux
•
la
droite
représente
(
l’ajustement
Hmax(T)
par
la
loi
)
d’échelle: log µ Hmax = aT + b
0
Sur la figure précédente, les carrés représentent les résultats déduits
des valeurs expérimentales et la droite représente l’ajustement Hmax(T) par la
loi d’échelle suivante:
(
)
log µ Hmax = aT + b
0
Avec a= -0,025 et b = 2,21
(
Il peut être observé qu’en échelle semi logarithmique log µ0Hmax
)
décroît linéairement en fonction de la température
Et en échelle linéaire µ0Hmax = 162.10( −0.025T)
Dans la figure IV.17 on montre les variations, en échelle logarithmique,
du maximum de la densité volumique de la force d’ancrage Fpmax en fonction
du champ magnétique Hmax .
- 86 -
-3
Fpmax(N.cm )
6
10
Points experimentaux
l'ajustement avec log(Fpmax)=a.log(µ0Hmax)+b
a= 1,89 et b = 5,28
5
10
0
1
10
10
µ0Hmax(T)
Figure.IV.17 : Variations de Fpmax en fonction du champ magnétique Hmax.
•
les carrés représentent les résultats expérimentaux
•
la droite représente l’ajustement avec log (Fmax) par la loi
(
)
d’échelle : log Fpmax = a.log (µ0.Hmax ) + b
L’ajustement de nos données par l’expression: log (Fpmax ) = a.log (µ0.Hmax ) + b
permet de déterminer les cœfficients a et b. On trouve a= 1,89 et b = 5,28;
On en déduit que
Fpmax = 105,28 (µ 0 .H max )1,89 .
Ce qui permet donc d’écrire que Fpmax est proportionnelle à ( µ 0 .H max)1,89.
La théorie de piégeage élastique qui a été développée par plusieurs
auteurs pour expliquer les faits observés sur les variations de Fp dans les
supraconducteurs à haute température critique, prévoit que le maximum de
Fp se produit lorsque l’ancrage par le réseau des lignes de flux (FLL) domine.
Ce modèle prédit que pour les valeurs faibles du champ magnétique, la
densité volumique de force d’ancrage et la force de Lorentz FL sont dominées
par la force exercée par les défauts.
Lorsque H augmente FL augmente aussi. Pour les grandes valeurs de H
le cisaillement du réseau des vortex est très important autour des centres
d’ancrage. Ce processus de cisaillement dans le domaine des hauts champs
domine la densité de force d’ancrage. La concurrence entre ces deux
processus produit un maximum de Fp pour un champ magnétique où les deux
effets sont approximativement égaux en force
- 87 -
[24]
4. Etude de la fraction de vortex piégés.
4. 1. Généralités.
Le phénomène du mouvement des lignes de flux et de la résistivité du
flux flow est la cause de dissipation dans les supraconducteurs.
L’interaction du courant de transport avec les quanta de flux φ0 fait
apparaître une force appelée force de Lorentz qui s’exerce sur les vortex et
qui a pour expression :
fL = J.Φ0
(4.10)
Avec fL la force par unité de longueur de la ligne de flux, et J la densité
volumique de courant. Le mouvement des lignes de flux induit un champ
électrique E donné par la relation
(
)
[25]:
(
)
E=vLB 1-p =vLn Φ0 1-p
(4.11)
Où:
VL représente la vitesse des lignes de flux,
n est le nombre de lignes de flux par unité de surface et B = n.Φ 0
p la fraction de vortex ancrés.
Lorsque la force de piégeage est plus petite que la force de Lorentz, le
mouvement des lignes de flux s’accélère avec le temps et induit un champ
électrique E
Kim a proposé l’expression de la force qui permet de compenser la
force de Lorentz sous la forme
[26]
:
ηvL = fL = J.Φ0
(4.12)
η étant la constate de viscosité.
En combinant les équations (4.11) et (4.12) et en utilisant la relation
ρf = E / J
on obtient :
- 88 -
(1 - p )
ρf = B Φ0
(4.13)
η
L’état critique correspond au cas où la force de Lorentz égalise la force
d’ancrage. La densité de courant critique Jc vérifie donc l’équation:
Jc.Φ0 = fp
(4.14)
Le champ électrique E induit a pour expression :
E = BΦ 0
(1 − p ) J
(4.15)
η
Kim, Hempstead et Stronard, ont montré à partir des résultats
expérimentaux obtenus pour ρ f que ce mécanisme de dissipation dû au
mouvement des vortex est une fonction de la température. Ils ont aussi
abouti à l’expression
ρf = ρn.
[26] :
H
Hc2
(4.16)
reliant la résistivité flux flow ρ f et résistivité du matériau à l’état normal ρn .
Le rapport H/Hc2 représente la fraction normale de la surface du cœur du
vortex.
Ce mécanisme de dissipation déjà explicité par l’équation (4.15) s’écrit
alors sous la forme :

H 
E = ρf .J =  ρn .
J 1−p
 Hc 
2 

(
)
(4.17)
4. 2. Détermination de la fraction de vortex piégés p.
La fraction de vortex piégés p est déterminée à partir des données
expérimentales obtenues des caractéristiques E(J) et en utilisant l’expression
(4.17) où on prend d’après F. Irie, and K. Yamafuji [27]:
ρn = 3 µΩ.cm et µ 0Hc2 = Φ 0 / 2πξ2 = 147T
- 89 -
La figure.IV.18 représente les variations de la résistivité ρ et de la
fraction de vortex piégés p en fonction de la densité de courant de transport J
que nous avons obtenu pour un champ magnétique 0,6T à une température
de 78K.
5,00E-010
1,005
4,00E-010
0,995
3,00E-010
0,990
p = f(J)
0,985
ρ=f(J)
2,00E-010
0,980
0,975
résistivité ρ
fraction en vortex piégés p
1,000
1,00E-010
0,970
0,965
0,00E+000
0,960
0
5
1x10
5
2x10
5
3x10
5
4x10
5
5x10
5
6x10
5
7x10
5
8x10
J(A/cm^2)
Figure.IV.18 : Les variations de la résistivité
ρ et de la fraction de vortex piégés p
en fonction de la densité de courant de transport J pour µ0H = 1,2T et
pour T= 78K
La courbe donnant la variation de la résistivité ρ (J) fait apparaître deux
régimes
[28]:
9
Régime du flux creep pour les faibles densités de courant
électrique. J
9
Régime du flux flow pour les hautes densités de courant où les
variations de ρ (J) sont pratiquement linéaire.
Ces deux régimes apparaissent également dans les variations de la
fraction de vortex piégés p(J). Pour les faibles densités de courant les vortex
sont pratiquement ancrés par les défauts de l’échantillon donnant une valeur
à la fraction de vortex piégés très voisine de 1. Pour les grandes valeurs de J,
le système entre dans le régime du flux flow et la fraction de vortex ancrés
diminue.
- 90 -
4. 3. Variation de p en fonction de la température et du champ
magnétique.
4. 3. 1. Influence de la température.
La figure (IV.19) représente les variations de la fraction de vortex
piégés en fonction de J pour trois valeurs de la température 85,2K, 85,8K et
86,4 dans un champ magnétique de 0,6 T parallèle aux plans ab.
T=85,2K
T=85,8K
T=86,4K
µ0Hab=0,6T
p(fraction de vortex piégés)
1,0
0,8
0,6
0,4
0,2
0,0
0,0
4
2,0x10
4
4,0x10
4
6,0x10
4
8,0x10
5
1,0x10
5
1,2x10
1,4x10
5
-2
J(A.cm )
Figure.IV.19 : variation de la fraction de vortex piégés en fonction de J pour trois
valeurs de la température 85,2K, 85,8K et 86,4 dans un champ
magnétique de 0,6 T parallèle aux plans ab.
Cette figure montre que la fraction de vortex piégés diminue lorsque la
température augmente pour un champ magnétique fixe. Ceci justifie le fait
que l’activation thermique désancre les vortex de leurs centres de piégeage.
L’étude réalisée par Moser et al.[29], utilisant un microscope à force
magnétique
(MFM)
fonctionnant
à
basse
température,
illustre
ce
comportement (figure IV.20) Leur microscope mesure la force d’attraction ou
de répulsion magnétique qui s’exerce sur la pointe du MFM en fonction de sa
position au dessus de l’échantillon étudié. Par cette méthode d’imagerie, la
position d’un certain nombre de vortex a pu être observée pour différentes
- 91 -
températures. Leur nombre diminue lorsque la température passe de 81K à
87K. Pour T=89K l’image ne comporte plus de vortex. A cette température
l’énergie de piégeage n’est plus suffisante pour maintenir les vortex, qui se
sont déplacés.
Figure.IV.20 : Imagerie de vortex (taches rouges) réalisée avec un microscope à force
magnétique à cinq températures: une augmentation de température
entraîne une augmentation de la longueur de pénétration
λ
et diminue
ainsi le contraste puisqu’il y a augmentation de la taille des vortex et de
la surface où passe leur quantum de flux.
4. 3. 2. Influence du champ magnétique.
La figure (IV.21) représente les variations de la fraction de vortex
piégés en fonction de J pour trois valeurs du champ magnétique 0,6T, 1,2T et
7,5T parallèle aux plans ab et à une température de 78K
- 92 -
1,00
fraction piégée
0,99
0,98
µ0H=0,6T
µ0H=1,2T
0,97
µ0H=7,5T
0,96
0,95
T = 78K
0,0
5
2,0x10
5
4,0x10
6,0x10
5
5
6
8,0x10
1,0x10
-2
J(A.cm )
Figure.IV.21 : Variation de la fraction de vortex piégés pour trois valeurs du champ
magnétique 0,6T, 1,2T et 7,5T à la température de 78K
Lorsque
le
champ
magnétique
appliqué
augmente,
pour
une
température fixée, la fraction de vortex piégés décroît. Les vortex peuvent
donc passer en fonction du champ magnétique de l’état complètement piégé
à l’état où ils sont complètement libres de se déplacer.
4. 4. Anisotropie de la fraction de vortex piégés.
4. 4. 1. Introduction.
Dans les supraconducteurs à haute température critique, en plus des
défauts, les plans CuO2 peuvent agir comme des forts centres d'ancrage pour
les vortex. Dans les oxydes sous forme de couches comme YBa2Cu3O7 et
Bi2Sr2CaCu2O8, les couches de CuO2 et leur voisinage sont fortement
supraconducteurs
et
les
espaces
entre
ces
couches
sont
de
faible
supraconductivité. En conséquence, les monocristaux sont construits d'une
alternance successive de couches de faible et de forte supraconductivité.
La longueur de cohérence le long de l'axe c est plus petite que la
distance entre les couches
[30].
Ainsi, les lignes de flux sont plus stables
quand elles sont placées dans les couches de faible supraconductivité et
parallèles aux plans CuO2 car leur énergie d'inclusion dans le supraconducteur
est minimum.
- 93 -
Les couches de faible supraconductivité agissent comme sites naturels
d'ancrage des vortex. La force d'ancrage est plus grande dans ces plans que
dans les défauts. On s'attend donc à ce que la densité de courant critique soit
plus grande dans le cas où le champ est parallèle à ces couches que dans le
cas où il leurs est perpendiculaire.
4. 4. 2. L'anisotropie des caractéristiques E(J).
L’orientation du champ magnétique appliqué, donnée par θ l’angle que
fait le champ avec l’axe cristallographique c de l’échantillon, a un grand effet
sur les caractéristiques E(J).
La figure (IV.22) montre deux caractéristiques E(J) à T= 81K dans un
champ magnétique de 7.5T perpendiculaire et parallèle à l'axe c du
monocristal.
H=7,5T T=81K
H//ab θ=90°
H//c θ =0°
0,050
0,045
0,040
0,035
E(V/cm)
0,030
0,025
0,020
0,015
0,010
0,005
0,000
-0,005
-1x10
5
0
5
1x10
5
2x10
5
3x10
5
4x10
5x10
5
5
6x10
7x10
5
5
8x10
J(A/cm^2)
Figure.IV.22 : Les caractéristiques E(J) à 81K dans un champ de 7,5T
pour deux orientations du champ magnétique appliqué
par rapport à l’axe cristallographique c de 0° et 90°
On constate que pour un champ électrique arbitraire E, la densité de
courant J est plus grande dans le cas où le champ magnétique est parallèle
aux plans CuO2 que dans le cas où il est parallèle à l'axe c cristallographique
du monocristal (J(0°) < J(90°)). Comportement déjà observé par plusieurs
auteurs dans d’autres conditions expérimentales.[31-33]
- 94 -
4.4.3 Anisotropie de l’ancrage.
En utilisant la même démarche qu’au paragraphe 3.2 pour la
détermination de la fraction de vortex piégés p, on calcule cette fraction p
pour deux orientations θ =0° et θ = 90°
Les variations des fraction de vortex piégés que nous avons calculées
par cette méthode, en fonction de la densité de courant, sont montrées sur la
figure IV.23 pour deux orientations θ =0° et θ = 90° pour un champ
magnétique de 7.5T, et à une température de 81K
[34].
fraction de vortex piégés p
1,0
0,8
0,6
µ0H=7,5T//ab
µ0H=7,5T//c
0,4
T=81K
0,2
0,0
0
5
1x10
5
5
2x10
3x10
5
4x10
5
5x10
-2
J (A.cm )
Figure.IV.23 : Variation de la fraction de vortex piégés p en fonction de J pour un
champ magnétique de 7.5T orienté dans deux directions différentes
H//ab et H//c et pour une température de 81K.
Cette figure montre que la fraction de vortex piégés est plus importante
dans le cas où le champ magnétique est orienté parallèlement aux plans ab
En effet pour les oxydes de type YBa2Cu3O7-δ et Bi2Sr2CaCu2O8, les
couches CuO2 et leur voisinage sont fortement supraconductrices, et les
espaces entre ces couches sont au contraire de faible supraconductivité. Ces
couches agissent ainsi comme des sites naturels d’ancrage des vortex.
L’énergie
de
piégeage
est
plus
importante
lorsque
le
champ
magnétique appliqué est parallèle aux plans ab que dans le cas où il leur est
perpendiculaire
[35,36]
- 95 -
Les lignes de flux sont donc plus stables quand elles sont placées dans
les couches de faible supraconductivité et parallèles aux plans CuO2, leur
énergie d’inclusion dans le supraconducteur est minimum.
Quand les vortex sont de plus en plus localisés entre les plans ab, la
force de piégeage par ces plans, exerce des actions de plus en plus sur la
totalité de la longueur de ces vortex et leur mouvement devient donc moins
libre (Figure IV.24.a). Dans le cas contraire, les vortex sont libres à se
déplacer (figure IV.24.b). L’ancrage dans le plan ab est donc plus efficace que
celui créés par les lacunes ou les défauts.
Figure.IV.24 : Le piégeage maximal est donné si les lignes de flux sont
exactement alignées de la même façon au plan du film (a), ainsi
les interactions réciproques avec les couches de supraconductivité
faible entraîne un piégeage total selon leur longueur, dans le cas
contraire les vortex sont libres à se déplacer (b).
- 96 -
Conclusion :
Dans ce chapitre nous avons étudié la densité de courant de transition
de la phase supraconductrice vers la phase normale notée J*, et déterminé
la puissance dissipée au cours de cette transition dont Les causes peuvent
être très diverses, et même varier d’une mesure à une autre et d’un type de
matériau à un autre.
En ce qui concerne le modèle le plus utilisé, la cause de la transition
pour J = J* se trouve dans le mouvement des vortex. Par analogie avec Jc où
le mouvement subit un changement de régime (passage du repos au
mouvement, ou production d’un mouvement global plus intense que les
antérieurs), en J* il se produit un changement de comportement des vortex
en mouvement.
Lorsqu’on augmente le champ magnétique appliqué ou la température,
le nombre de vortex libérés devient de plus en plus grand. Un mouvement
d’ensemble est induit, c’est le mécanisme de désancrage.
Lorsque les lignes de flux se déplacent, il y a création d’un champ
électrique,
donné
par
l’équation
4.2,
aux
bornes
de
l’échantillon
supraconducteur qui devient résistif : C’est le mécanisme de dissipation.
La
puissance
volumique
dissipée
au
cours
de
la
transition
supraconducteur - conducteur normal sous forme de chaleur, donnée par la
relation
(4.4), diminue lorsqu’on augmente la température ou le champ
magnétique appliqué.
Nous avons aussi analysé les mécanismes d’ancrage des vortex par
l’étude de la densité volumique de force d’ancrage Fp et de sa variation en
fonction de la température et du champ magnétique appliqué.
Cette force est déduite de la densité de courant critique, Jc, dans des
échantillons de matériaux supraconducteurs à haute température critique
(YBaCuO),
déterminée
à
partir
des
mesures
de
transport
et
des
caractéristiques E(J). On remarque que Fp a deux comportements :
9 Dans le premier, elle croit avec le champ magnétique pour atteindre
un maximum, Fpmax correspondant à un champ magnétique Hmax, ce
comportement est prévu par le modèle de Kramer
- 97 -
[19-20].
9 Dans le deuxième, elle diminue pour tendre vers zéro pour les hauts
champs magnétiques prévu par le modèle de flux creep introduit dans le
chapitre II.
Enfin, on s’est intéressé à la détermination de la fraction de vortex
piégés et à l’étude de ses variations en fonction de la température, du champ
magnétique
appliqué
et
de
son
orientation
par
rapport
à
l’axe
cristallographique de l’échantillon.
Nos résultats montrent que :
9 Cette fraction diminue lorsque la température augmente pour un
champ magnétique fixé. Ceci justifie le fait que l’activation thermique
désancre les vortex de leurs centres de piégeage.
9 Lorsque
le
champ
magnétique
appliqué
augmente,
pour
une
température fixée, la fraction de vortex piégés décroît. Les vortex
peuvent donc passer en fonction du champ magnétique de l’état
complètement piégé à l’état où ils sont complètement libres de se
déplacer.
9 Cette fraction est plus importante dans le cas où le champ magnétique
est orienté parallèlement aux plans ab. En effet quand les vortex sont
de plus en plus localisés entre les plans ab, la force de piégeage par
ces plans, exerce des actions de plus en plus sur la totalité de la
longueur de ces vortex et leur mouvement devient donc moins libre.
- 98 -
Références
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- 100 -
Chapitre V
Bruit des vortex dans
les supraconducteurs HTC.
- 101 -
1. Généralités sur l’étude du bruit.
1. 1. Introduction.
Le mot "bruit" possède de multiples significations suivant le milieu dans
lequel il est utilisé.
Dans sa signification la plus courante, il fait référence à "ce qui est
perçu par l'ouïe" et qui "n'est pas senti comme son musical". La notion de
bruit, dans le domaine musical, est, bien sûr, éminemment subjective. Ce qui
est perçu comme étant un bruit par certains pourra être considéré, par
d'autres, comme étant musical. Une définition plus "rigoureuse" pourrait
être : "tout phénomène acoustique qui est dû à la superposition de vibrations
non harmoniques".
Dans la communauté scientifique, le mot bruit possède aussi deux sens
différents suivant le point de vue envisagé.
Dans la plupart des cas, il est utilisé pour désigner les manifestations
aléatoires
qui
perturbent
le
signal
utile.
Dans
le
domaine
des
télécommunications, par exemple, le bruit est synonyme de parasite, il
dégrade la transmission de l'information, on cherche alors à augmenter le
rapport signal sur bruit.
Néanmoins, il arrive que le bruit soit considéré comme le signal utile.
En effet, dans certains cas, le signal "bruit" est le signal qui porte
l'information.
On parle alors de bruit pour désigner toutes les fluctuations aléatoires
d'un paramètre autour de sa valeur moyenne. Dans notre cas, le mot "bruit"
fait référence à la fluctuation de tension électrique enregistrée aux bornes
d'un échantillon autour de sa valeur moyenne en fonction du temps.
1. 2. Les outils mathématiques pour l’étude des phénomènes
aléatoires.
La connaissance des valeurs instantanées d'un signal aléatoire n'est
pas
adaptée
pour
le
caractériser
de
manière
quantitative.
L'étude
mathématique des fonctions aléatoires est l'objet de ce qui est appelé le
traitement statistique des données, le traitement du signal (cas des signaux
physiques) ou encore l'analyse spectrale. Nous allons dans cette partie,
- 102 -
brièvement, présenter les principaux outils et concepts nécessaires à la
description du bruit.
Un signal aléatoire x(t) est dit stationnaire si ses propriétés statistiques
(moyenne et variance) restent invariantes dans tout changement d'origine du
temps. Il est ergodique si, pour une propriété quelconque du signal, les
moyennes d'ensemble et temporelle sont identiques. La probabilité, P(x,dx),
que la valeur du signal aléatoire x(t) soit comprise entre x et x+dx est égale
à p(x)dx; ou p(x) est la densité de probabilité. On parlera de bruit gaussien
pour désigner un bruit dont la densité de probabilité p(x) s'écrit eq (5.1) :
p(x) =
 −(x − m)2 
exp 

2
2


2
σ
2πσ

1
(5.1)
2
où m est la valeur moyenne et σ la variance.
Une des principales propriétés des processus gaussiens est qu'ils sont
entièrement définis à partir de leurs caractéristiques du premier et du second
2
ordre, c'est-à-dire leur moyenne m et variance σ . Le théorème central limite
montre que si l'on ajoute plusieurs processus aléatoires quelconques, le
résultat tend rapidement vers un processus gaussien lorsque le nombre de
processus augmente.
La description des signaux aléatoires nécessite la connaissance de la
fonction d'auto corrélation du signal x(t) définie par l’équation (5.2):
Cxx (t1 − t2 ) = lim
T →∞
1
T
T
∫ x(t + t ).x(t + t )dt
1
2
(5.2)
0
Pour t1-t2=0 la fonction d'auto corrélation est maximale, on a alors :eq (5.3)
T
1 2
x (t)dt
Cxx (0) =
T0
∫
(5.3)
qui est la variance ou la puissance moyenne de x(t). Pour un signal aléatoire,
la fonction d'auto corrélation tend vers zéro quand t1-t2 tend vers l'infini, on
- 103 -
parle alors de perte de corrélation ou encore de perte de "mémoire" pour
signifier que la valeur x(t1) est indépendante de la valeur x(t2).
Dans l’espace fréquentiel, un signal aléatoire est décrit par sa densité
spectrale de puissance Sxx(f) où f est la fréquence du signal. Wiener a montré
que la fonction d'auto corrélation et la densité spectrale de puissance sont
transformées de Fourier l'une de l'autre eq (5.4) :
TF(Cxx (τ)) = Sxx (f) et TF −1(Sxx (f)) = Cxx (τ)
(5.4)
La densité spectrale de puissance s’écrit donc eq (5.5):
Sxx (f) =
∫ exp(i2πfτ) x(0).x(τ) dτ
(5.5)
L'équivalence des puissances moyennes calculées dans l'espace temporel et
l'espace fréquentiel donne eq (5.6):
T
∫
2
Cxx (0) = lim x (t)dt =
T →∞
0
+∞
∫S
xx (f)df
(5.6)
−∞
La densité spectrale de puissance exprime la répartition de la puissance
du signal entre les différentes fréquences. L'intégrale de cette densité sur
l'étendue des fréquences est égale à la variance du signal. Dans le cas d'un
signal stationnaire, ergodique, gaussien, la densité spectrale de puissance et
la valeur moyenne caractérisent donc entièrement le signal.
La densité spectrale n'est pas accessible directement par la mesure; ce
que l'on mesure c'est la puissance moyenne du signal dans une bande de
fréquence ∆ f. La densité spectrale sera d'autant plus précise que ∆ f sera
petite (i.e. que le temps de mesure sera long).
On parlera de bruit blanc pour désigner un signal dont la densité
spectrale de puissance est constante sur toute l'étendue des fréquences. La
fonction d'auto corrélation d'un tel bruit est une impulsion de Dirac à τ =0. Le
terme de bruit blanc a été choisi par analogie avec la lumière blanche qui
contient toutes les fréquences du spectre visible.
- 104 -
L'unité de mesure de la densité spectrale de puissance dans le cas des
fluctuations électriques est le V2/Hz pour une fluctuation de tension V(t) ou
A2/Hz pour une fluctuation de courant I(t).
1. 3. Les différents types de bruits électroniques.
Historiquement, c'est dans le monde microscopique que l'on s'aperçut
pour la première fois du "caractère fluctuant de la nature". Le botaniste
Robert Brown donna le nom de "mouvement brownien" pour caractériser le
mouvement aléatoire de petits corpuscules en suspension dans un liquide.
Einstein puis Smoluchowski en donnèrent l'explication théorique en 1905
[1].
Quelque temps plus tard, il fut admis qu'il existe des limites infranchissables
à la précision des mesures. Dans le domaine des mesures électriques, il fut
identifié trois sources fondamentales de bruit que sont le bruit thermique, le
bruit de grenaille et le bruit en 1/f.
Le premier, qui fut prédit à partir des observations du mouvement
brownien, est aussi appelé bruit Johnson – Nyquist. Il provient du
mouvement aléatoire des porteurs de charges sous l'effet de la température.
Sa puissance spectrale, SV, est donnée par le théorème de fluctuation
dissipation dans le cas d'une résistance R à l'équilibre thermodynamique et
dans la limite des basses fréquences eq (5.7):
S v = 4 k B TR
(5.7)
Où kB = 1,38.10-23 J.K-1 est la constante de Boltzmann.
Le bruit thermique, ici exprimé en tension, est indépendant de la
tension moyenne, proportionnel à la température et à la résistance. Il est
présent dans tous les systèmes électriques résistifs. Ce bruit constitue donc
la limite de détection minimale d'un signal.
Le bruit de grenaille ("shot noise"), théoriquement décrit par Schottky
en 1918, est, quant à lui, associé au passage d'un courant dans un
conducteur. Il est une manifestation du caractère discret des charges
électriques (par exemple, le nombre de porteur arrivant à une électrode
fluctue dans le temps, statistique de Poisson). Sa densité spectrale, exprimée
en courant et dans la limite des basses fréquences, est proportionnelle au
courant moyen eq (5.8):
- 105 -
Sl = 2 qI
(5.8)
C'est un bruit blanc, hors équilibre et qui s'annule à courant nul. Une de ses
principales caractéristiques est d'être sensible aux corrélations entre porteurs
de charge ce qui en fait un outil particulièrement intéressant pour l'étude des
propriétés électroniques des systèmes mésoscopiques. Le bruit de grenaille
tend vers zéro lorsque la taille du conducteur dépasse la longueur
d'interaction électron phonon.
Il existe d'autres sources de bruits électriques fréquemment rencontrés
dans les semiconducteurs. Le plus connu est le bruit de génération recombinaison d'une paire électron-trou.
Ce bruit, qui est un bruit de résistance, est provoqué par la fluctuation du
nombre de porteurs de charge dans la bande de conduction. La densité
spectrale d'un tel bruit dépend de la fréquence, c'est une lorentzienne
eq(5.9) :
SR
(∆N)2
4τ
=
2
2
R
N 1 + ω2 τ 2
(5.9)
Où τ est le temps de relaxation caractéristique des pièges et f =
ω
.
2π
Il existe un autre bruit qui possède le même type de densité spectrale
que le bruit de génération – recombinaison. Ce bruit est appelé bruit de
télégraphe ou encore bruit pop-corn pour décrire son tracé dans l'espace
temporel qui est constitué de variation très rapide entre deux (ou plusieurs)
valeurs discrètes. Ce bruit est présent dans les jonctions p-n, les dispositifs
électroniques tels que les transistors, les jonctions tunnels ou encore dans les
échantillons métalliques de petite taille. Il est associé à des micro-claquages
dans des régions soumises à des champs électriques intenses. Ce type de
claquage a été observé dans des matériaux désordonnés lorsque l'on se
rapproche du seuil de percolation
[2].
L'étude du bruit électrique connaît actuellement un essor très important
dans le domaine scientifique. Certains auteurs parlent même de révolution
pour
décrire
l'augmentation
significative
du
scientifiques concernant des mesures de bruit
- 106 -
nombre
[3].
de
publications
Cette augmentation a
abouti récemment à la création d'un journal spécifique
mesures
de
fluctuation
dans
les
domaines
aussi
[4]
traitant des
divers
que
les
nanotechnologies, la biologie, la physique des matériaux ou encore la
géophysique.
Dans le domaine des nanotechnologies, le bruit devient un enjeu
économique important. Il s'impose comme étant la limite ultime à la
miniaturisation des dispositifs électroniques. Le bruit thermique est pressenti
comme étant la limite fondamentale qui, dans les années à venir, mettra un
terme à la loi de Moore qui décrit l'évolution de la miniaturisation des
transistors
[5].
Figure.V.1 : Présentation schématique de la densité spectrale des trois types de
bruits (bruit blanc, bruit télégraphique et bruit en 1/f ; dans l’espace
fréquentiel avec la forme correspondant dans l’espace temporel.
En même temps, le bruit reste un outil formidable pour l'étude des
propriétés
de
conduction.
La
diminution
de
la
taille
des
dispositifs
électroniques pose le problème de la très forte augmentation des densités de
courant donc de l'importance toujours plus grande des défauts et des
problèmes de fiabilité qu'ils entraînent. La mesure des fluctuations étant une
technique
non
destructive,
elle
s'impose
comme
étant
un
outil
particulièrement intéressant pour l'étude des défauts et des phénomènes de
- 107 -
dégradation dans ces dispositifs. Aujourd'hui, les mesures de bruit sont
utilisées couramment aussi bien dans l'industrie pour la caractérisation des
dispositifs que dans les laboratoires de recherche pour l'étude des propriétés
de conduction dans les matériaux désordonnés, les semi-conducteurs, ou
encore dans le domaine de la physique des supraconducteurs. Deux articles
de revue traitent ces sujets
[6,7].
2. Le bruit de flux magnétique dans les films minces et les
monocristaux.
Le
bruit
du
flux
magnétique
dans
les
supraconducteurs
à
haute
température critique a été mesuré à basses températures avec le magnétomètre
SQUID [8]. Les premières mesures du bruit de flux [9] faites sur un film mince
d’YBa2Cu3O7- δ recuit ex-situ montrent un comportement en 1/f de la densité
spectrale de puissance de bruit. Ces mesures montrent en plus une forte
décroissance de l’amplitude de bruit dans les films de haute qualité.
Les mesures faites sur les films minces d’YBa2Cu3O7- δ élaborés et recuits
in-situ [8,10] montrent que l’amplitude de bruit en 1/f peut être réduite de plus
de deux ordres de grandeurs par rapport aux meilleurs films recuits ex-situ.
Les mesures de bruit au voisinage de Tc dans les films minces
d’YBa2Cu3O7- δ élaborés in-situ et dans les monocristaux BSCCO-2212 [8,11]
montrent que le bruit croît rapidement quand on s’approche de Tc à partir des
basses températures, présente un pic à la température où l’écran diamagnétique
disparaît et tend vers zéro quand la température croît au dessus de la
température de la transition supraconductrice. En outre, dans un intervalle étroit
de température au dessous de Tc, le bruit est dominé par un seul processus dans
lequel les vortex se déplacent de façon aléatoire entre les sites d’ancrage. Ce
processus est clairement visible dans l‘espace temporel et produit un spectre de
puissance Lorentzien.
A partir de la dépendance en température de la durée de vie dans chacun
des puits de potentiel, il a été conclu que les processus de saut sont
thermiquement activés. La dominance du signal télégraphique aléatoire dans
l’intervalle étroit de température a été expliqué par les distances de saut des
lignes de flux qui, dans le cas du signal télégraphique, sont trouvées
- 108 -
considérablement plus grandes (typiquement 1 à 10 µm) que celles contribuant
au bruit en 1/f.
Le bruit de flux ne peut pas être produit pour un courant de transport I
inférieur au courant critique de découplage Icd. Pour I > Icd, le bruit croît jusqu’à
atteindre un maximum, et décroît après, rapidement jusqu’à des faibles valeurs.
Dans la région de dépiégeage par activation thermique, définie comme étant
l’intervalle où le bruit croît avec le courant de transport, la densité spectrale de
puissance de bruit montre un comportement de type 1/f.
3. Le bruit de conduction dans un champ magnétique.
Dans un champ magnétique, le bruit de conduction montre différents
comportements. Il présente des pics qui sont similaires à ceux qu’on rencontre
dans le bruit de résistance lorsque la température varie [12]. Ces pics sont
sensibles à l’intensité du champ magnétique. Nous considérons ici deux études
où des interprétations quantitatives ont été proposées pour expliquer les
données expérimentales.
3. 1. Bruit de tension à faible champ magnétique.
Les résultats de mesures de bruit effectuées sur des grains et des films
minces d’YBa2Cu3O7- δ et BSCCO-2212 sous des champs magnétiques faibles
[13-20]
permettent de conclure que le bruit de tension est dû aux fluctuations de
tension qui accompagnent le phénomène de percolation. La génération de ce
genre de bruit nécessite la présence simultanée dans l’échantillon, des petits
volumes élémentaires normaux et d’autres supraconducteurs. Les études ont été
réalisées soit à des températures T << Tc en utilisant des courants électriques
intenses [13,19] ou à des températures proches de Tc utilisant des faibles
intensités du courant électrique [14,20], et dans les gammes de fréquence (1 Hz1MHz).
3. 2. Bruit de tension à fort champ magnétique.
Les
travaux
de
Wöltgens
et
al,
[21,22]
ont
permis
d’expliquer
quantitativement la dépendance en température du bruit de conduction dans un
champ magnétique allant jusqu’à 5 T (fort champ magnétique). Leur modèle est
- 109 -
valable au voisinage de la température de transition de verre de vortex Tg
(Vortex-glass).
Le courant directe de mesure induit un mouvement des lignes de flux dû à
la force de Lorentz, qui conduit à une tension. Les sites d’ancrage étant répartis
aléatoirement dans l’échantillon, les rassemblements des vortex sont donc aussi
distribués de façon aléatoire en formant une phases appelée phase de verre de
vortex suffisamment près de Tg. Ces regroupements ne peuvent pas se déplacer,
par conséquent ils ne donnent pas lieu au bruit de tension.
Comme Les regroupements apparaissent et disparaissent avec le temps,
alors un bruit de tension est généré, car les lignes de flux appartenant au
rassemblement qui disparaissent deviennent libres et se déplacent.
4. Le bruit
en 1/f dans les supraconducteurs à haute
température critique.
C'est en 1925 que J. B. Johnson mesura pour la première fois un bruit
en 1/f. En étudiant les fluctuations de courant dans les tubes thermoïoniques,
il observa, en plus du bruit de grenaille, une fluctuation dont la densité
spectrale augmentait parallèlement avec la diminution de la fréquence. Il
proposa alors le nom de "flicker noise" (bruit de scintillation) pour décrire ce
bruit qui, plus tard, fut enregistré dans de nombreux autres systèmes.
Une des caractéristiques les plus surprenantes du bruit en 1/f est son
universalité. On le rencontre dans des domaines aussi divers que l'économie,
la musique, l'astronomie, la biologie, la chimie et, bien sûr, dans une
multitude de phénomènes physiques. Les courants dans les fibres nerveuses,
les battements cardiaques, le bruit sismique, les oscillations de l'axe
terrestre, l'intensité du trafic sur l'Internet ou du trafic routier, l'écoulement
du sable dans un sablier sont autant de phénomènes qui présentent des
fluctuations en 1/f. Il n'existe pas, actuellement, de théorie universelle
permettant d'expliquer cet étonnant phénomène. De nombreux modèles ont
été mis en place pour décrire l'origine de ces fluctuations mais ils sont
toujours
très
spécialisés
et
spécifiques
aux
systèmes
auxquels
ils
s'appliquent.
Dans le domaine des fluctuations électriques, le bruit en 1/f est
particulièrement fréquent, on le retrouve dans les composants électriques tels
- 110 -
que les diodes, les transistors, mais aussi dans les matériaux désordonnés,
les supraconducteurs, les semi-conducteurs
[6,7,11].
Dans les SHTC, le bruit en 1/f peut s’expliquer par trois origines
possibles:
(a) le bruit δI 0 du courant critique I0 du système,
(b) le bruit δ R de jonction des résistances R en série, et
(c) le bruit de flux magnétique
[23-26].
Kawasaki et al, [23] et Olsson et al, [24] ont montré que le bruit de flux
magnétique a uniquement son rôle près de Tc. Hammond et al,
[25]
montrent
que le mouvement des lignes de flux peut être considéré comme l’origine
possible de δI 0 . Il apparaît donc que δI 0 et δ R peuvent uniquement être
produits par le désordre de fluctuation tel la diffusion du bruit en 1/f [27], ou
l’ancrage dans la surface de jonction
[28].
A faibles températures, les effets (a) et (b) sont dominants. Dans ce
cas, et selon Micklich et al,
[26],
le spectre de bruit de tension Sv (f) peut être
écrit sous la forme :
2
 ∂U 
2
Sv = SI0 
 + SR I
 ∂I0  I
(5.10)
où I est le courant circulant dans la jonction (I > I0). Pour les valeurs élevées
de I, le bruit de résistance est plus dominant et Sv est proportionnelle à I2,
tandis qu’à faible courant (I tendant vers I0), la dérivée
∂U
croît fortement
∂I0
et le bruit de courant critique domine, par conséquent Sv a un minimum à un
courant I optimal, où les deux sources de bruit ont la même contribution à Sv.
Finalement concernant le bruit en 1/f, on mentionne deux autres
causes importantes :
9 les fluctuations de conductance due au mouvement des vortex, qui
induisent un second bruit de flux
[29],
9 l’écoulement de flux « Flux Flow »
[30].
5. Résultats et discussion.
- 111 -
Nous avons étudié le bruit caractéristique de la région de la transition
conducteur normal-supraconducteur dans les films minces d’ YBa2Cu3O7- δ .
Les mesures ont été effectuées en fonction de la température dans une large
gamme de fréquences, du champ magnétique et de l’intensité de courant de
transport.
5. 1. Mesure de bruit en fonction de la température.
Au cours des expériences permettant de réaliser ces mesures, le champ
magnétique appliqué, l’angle qu’il forme avec l’axe c et l’intensité du courant
électrique sont fixées. La température de l’échantillon, préalablement réglée
à une valeur inférieure et proche de la région de l’apparition du bruit, est
modifiée avec un pas de 0,2K. Pour chaque valeur de T, l’amplitude crête à
crête du signal bruit, visualisé à l’oscilloscope est mesurée et son spectre est
enregistré par ordinateur.
La figure V.2 montre un exemple du comportement de ce signal bruit
pour trois valeurs de température T=80K, T=85,8K puis T=86K et dans un
champ magnétique appliqué de 5 Tesla parallèle aux plans ab du film. La
valeur du courant traversant l’échantillon est de 3 nA. Les spectres
correspondant aux deux oscillogrammes dans le domaine fréquentiel sont
reportés sur la figure V.3.
On
constate
que
l’amplitude
du
bruit
croît
en
fonction
de
la
température, elle est minimale pour T = 80 K et plus importante au voisinage
de la température de la transition qui est égale à 85,8 K dans le cas de 5
Tesla parallèle aux plans ab. Pour des températures supérieures à 85,8 K,
l’amplitude du bruit décroît pour reprendre pratiquement sa forme initiale.
Notons aussi que l’aspect du spectre, obtenu par la transformée de
Fourier du signal bruit détecté, change complètement quand la température
augmente. Pour la température égale à 85.8 K, les amplitudes des différents
harmoniques contenus dans le signal bruyant sont maximales et diminuent
de part et d’autre de
cette température pour arriver pratiquement à des
valeurs plus faibles pour T=80 K et T= 86K.(figure V.3)
- 112 -
Vbruit(mV)
8,0x10
-4
6,0x10
-4
4,0x10
-4
2,0x10
-4
T=80 K B=5T // ab I = 3nA
0,0
-2,0x10
-4
-4,0x10
-4
-6,0x10
-4
-8,0x10
-4
0
100
200
300
400
Vbruit(mV)
t(ms)
8 ,0 x 1 0
-4
6 ,0 x 1 0
-4
4 ,0 x 1 0
-4
2 ,0 x 1 0
-4
T = 8 5 .8 K B = 5 T //a b I= 3 n A
0 ,0
-2 ,0 x 1 0
-4
-4 ,0 x 1 0
-4
-6 ,0 x 1 0
-4
-8 ,0 x 1 0
-4
0
100
200
300
400
t(m s )
0,0008
T=86 K B=5T // ab I=3nA
0,0006
0,0004
Vbruit(mV)
0,0002
0,0000
-0,0002
-0,0004
-0,0006
-0,0008
-50
0
50
100
150
200
250
300
350
t(m s)
Figure.V.2 Exemple d’oscillogramme du bruit pour trois valeurs de température et dans
un champ magnétique appliqué de 5 Tesla parallèle aux plans ab du film.
- 113 -
-5
8,0x10
-5
Amplitude
6,0x10
T=80 K B=5T // ab I = 3nA
-5
4,0x10
-5
2,0x10
0,0
0,0
0,2
0,4
0,6
0,8
1,0
1,2
1,0
1,2
-2
10 f (Hz)
-5
8,0x10
T=85.8 K B=5T//ab I=3nA
-5
Amplitude
6,0x10
-5
4,0x10
-5
2,0x10
0,0
0,0
0,2
0,4
0,6
0,8
-2
10 f (Hz)
-5
8,0x10
T=86K B=5T // ab I=3nA
-5
Amplitude
6,0x10
-5
4,0x10
-5
2,0x10
0,0
0,0
0,2
0,4
0,6
0,8
1,0
1,2
-2
10 f (Hz)
Figure.V.3 : Les spectres correspondant aux trois oscillogrammes dans le domaine fréquentiel. Les
amplitudes des différents harmoniques constituant le signal bruyant sont faibles pour
les températures inférieures à 85,8K, deviennent maximales pour cette température,
pour diminuer pour les températures supérieures à 85,8K.
- 114 -
La figure V.4 montre l’évolution du carré de l’amplitude crête à crête du
bruit détecté aux bornes de l’échantillon en fonction de la température avec
un champ magnétique appliqué de 5T et un courant électrique d’intensité
1nA.
-3
1,0x10
I=1nA & µ0Η=5Τ//c
-4
8,0x10
Température de dépiégeage
3
2
10 V (mV)
2
-4
6,0x10
-4
4,0x10
-4
2,0x10
0,0
81
82
83
84
85
86
87
88
Température (K)
Figure.V.4 : Effets de la température sur le carré de l’amplitude crête à crête du bruit
détecté aux bornes de l’échantillon lorsqu’il est soumis à un champ
magnétique de 5T // à l’axe c et parcouru par un courant d’intensité I=1nA.
Pour les températures inférieures à 83K V2bruit est pratiquement nul.
Cela s’explique par le fait que les vortex qui sont responsables de ce bruit
sont ancrés et immobilisés par les sites d’ancrage présents dans le matériau.
A partir de la température Td =83,6K appelée température de dépiégeage, les
vortex commencent à se désancrer de leur sites et se mettent en
mouvement. Le bruit s’intensifie pour arriver à son apogée pour T=85,8K. Au
delà de cette température le matériau transite à l’état normal.
5. 2. Influence du courant électrique sur le spectre du bruit.
Nous avons mesuré le bruit des vortex caractéristique de la région de
transition conducteur normal-supraconducteur pour une fréquence donnée et
pour deux champs magnétiques
14 T parallèle à ab et
fonction de la température.
- 115 -
5T parallèle à c en
2
-3
5,0x10
-3
4,0x10
-3
3,0x10
-3
2,0x10
-3
1,0x10
-3
3
2
10 V (mV)
6,0x10
3 nA
1 nA
µ0H = 14 T // ab
0,0
78
80
82
84
86
88
90
Température (K)
I=1nA
I= 0,5nA
-3
1,0x10
µ0Η=5Τ//c
-4
8,0x10
3
2
10 V (mV)
2
-4
6,0x10
-4
4,0x10
-4
2,0x10
0,0
82
84
86
88
90
Température (K)
Figure .V.5 Effets du courant électrique sur l’amplitude du spectre de bruit de la
région de transition. Comme on peut le voir sur la figure, le courant qui traverse
2
l’échantillon amplifie considérablement l’amplitude de bruitVbruit . La figure montre
aussi que l’amplitude de bruit des vortex est maximum au voisinage de la température
de transition conducteur normal-supraconducteur, qui est égale à 83.8K dans le cas d’un
champ extérieur appliqué de 14 T parallèle à ab pour un courant électrique d’intensité
I=1nA et égale à 85,8 K dans le cas d’un champ extérieur appliqué de 5 T parallèle à c
pour un courant électrique I= 1nA.
Comme on peut le voir sur la figure V.5, le courant qui traverse l’échantillon
amplifie considérablement l’amplitude de bruit V2bruit. La figure montre aussi que
- 116 -
l’amplitude de bruit des vortex est maximum au voisinage de la température de
transition conducteur normal-supraconducteur, qui est égale à 83.8K dans le cas
d’un champ extérieur appliqué de 14 T parallèle à ab pour un courant électrique
d’intensité I=1nA et égale à 85,8 K dans le cas d’un champ extérieur appliqué de
5 T parallèle à c pour un courant électrique I= 1nA.
Notons bien que le courant électrique a pour effets d’augmenter
l’amplitude du bruit observé au bord de l’échantillon quelle que soit la gamme de
fréquence étudiée [31].
Le même effet que celui de la température est obtenu en augmentant le
courant traversant l’échantillon. Le courant amplifie l’amplitude du phénomène
[32].
La dépendance en température et du courant du bruit peut être expliquée
en terme de la force motrice effective agissante sur les vortex:
(J − Jc ).φ0 .
J est la densité de courant, Jc est la densité de courant critique pour le
mouvement des lignes de flux, φ0 est le quantum de flux.
Cette force motrice permet aux vortex de surmonter les barrières
d’ancrage et se déplacent ainsi le long du supraconducteur, le mouvement des
lignes de flux provoque un champ électrique et par conséquent une dissipation
qui est proportionnelle au bruit mesuré. Comme Jc décroît avec la température,
une augmentation de la température et du courant produit des grandes valeurs
de la force motrice et par conséquence des faibles fractions des vortex ancrés,
par suite un important bruit est généré .
5. 3. Densité spectrale du bruit des vortex.
Dans l’état mixte des supraconducteurs de type II, le déplacement des
vortex est à l’origine d’un bruit associé aux fluctuations de la tension ou du
champ
magnétique
à
l’intérieur
d’un
échantillon.
Ces
fluctuations
disparaissent en même temps que les vortex, au-dessous de Hc1 (Etat
Meissner) et lorsque l’échantillon transite vers l’état normal (Τ > Τc).
Les premières mesures de bruit se sont initiées par Van Ooijen et Van
Gurp
[33]
dans le but d’étudier le mouvement de vortex. Ils ont utilisé un
modèle issu des semi-conducteurs, le « shot noise » pour expliquer leurs
résultats expérimentaux sur les supraconducteurs poly-cristallins à basse
- 117 -
température critique. Dans ce modèle, il y a deux paramètres essentiels : la
taille des entités du flux individuelles (soit un paquet de vortex ou un vortex
séparément quantifié) et le temps de transit de ces paquets de vortex dans
l’échantillon. Ces quantités pourraient être déterminées à partir de la densité
spectrale de bruit qui dépend de la polarisation de l’échantillon : la
température, le champ magnétique appliqué, le courant de transport, la
géométrie de l’échantillon apparaissent implicitement dans la tension V
eq (5.11):
2
V  Sin(πf τ) 
SV (f) = 2φ 

c  πf τ 
où τ =
(5.11)
W
représente le temps de transit d’un vortex dans l’échantillon
< vL >
avec W est la largeur de l’échantillon, vL est la vitesse des vortex, et
n=
S (0)
φ
.c représente la densité de vortex qui définit la taille d’un
= V
2Vφ0
φ0
paquet de vortex (bundle).
Pour estimer quantitativement le bruit de tension, plusieurs études ont
été réalisées pour mieux comprendre l’origine du modèle « shot noise » en
introduisant: la forme des spectres, les effets de transit dû au piégeage de
vortex, et introduire la propagation des vitesses de vortex
[8].
Suite à l’apparition d’une ddp aux bornes de l’échantillon un champ
électrique E est créé. Pour tenir compte du fait que seuls les vortex en
mouvement contribuent à l’apparition de cette ddp, on introduit le paramètre
p appelé fraction de vortex piégés.
G
G G
Ainsi la formule E = µ0H ∧ v sera modifiée et devient : eq (5.12):
G
G G
E = µ0H ∧ v (1 − p)
(5.12)
Et la différence de potentiel s’écrit : eq (5.13) :
V=
l.ω.µ0 H(1 − p)
τ
(5.13)
- 118 -
Si les spectres expérimentaux sont en accord avec la théorie, La valeur
de φ peut être déterminé à partir de la valeur de S(0), et la d.d p V en
utilisant l’expression Sv(0) =
2.φ.V
. La deuxième quantité qui peut être
c
déduite à partir des spectres expérimentaux est le temps de transit τ , ce qui
permet de déterminer la valeur de la fraction de vortex piégés p[34].
5. 4. Détermination de la fraction de vortex piégés p.
La figure V.6 représente les variations de la densité spectrale Sv du
signal bruyant pour une température T=86K, un champ magnétique appliqué
de 5T et un courant électrique d’intensité I=3nA.
-6
1,6x10
-6
1,4x10
2
Densité spectrale S(V /Hz)
T=86K B=5T I=3nA
-6
1,2x10
-6
1,0x10
-7
8,0x10
-7
6,0x10
-7
4,0x10
-7
2,0x10
0,0
0
5
10
15
20
fréquence(Hz)
Figure.V.6. L’ajustement de la densité spectrale de bruit de tension SV par la fonction
y= a[
sin(b(x − x )) 2
0
(trait
b(x − x )
0
]
plein) permet de déterminer les paramètres a,b et x0 .
L’ajustement de la densité spectrale du bruit de tension Sv par la
fonction
sin(b(x- x0 )) 2
] permet
y= a[
b(x- x0 )
de
déterminer
les
valeurs
des
paramètres a, b et x0 qui nous ont permis de calculer les valeurs de la
fraction de vortex piégés p.
Le tableau suivant donne les valeurs de p obtenues par la méthode
d’ajustement précédente. Cette détermination de p a été faite pour un champ
- 119 -
magnétique appliqué de 5T, un courant de transport de 3nA et pour
différentes températures.
T(K)
p
81
81,4
82,2
82,6
83
83,2
83,4
84,8
85
0,938
0,937
0,936
0,934
0,931
0,929
0,920
0,830
0,739
La figure V.7 montre l’évolution de p en fonction de la température
pour un champ magnétique appliqué de 5T et un courant électrique
traversant l’échantillon de 3nA.
1,0
(B=5T I=3nA)
fraction de vortex piégés p
0,8
0,6
0,4
0,2
0,0
80
82
84
86
Température (K)
Figure.V.7 : Evolution de la fraction piégée en vortex en fonction de la température pour
un champ magnétique appliqué 5T et un courant électrique d’intensité
I=3nA. Pour les faibles températures p est pratiquement constante. A partir
de la température Td~83K
les vortex se mettent en mouvement et la
fraction p diminue.
On observe deux comportements de la variation de p en fonction de la
température. Pour T<Td le pourcentage des vortex piégés est pratiquement
constant et égal à 95%. Pour T>Td p décroît rapidement lorsque la
température augmente. Les vortex sont thermiquement activés et se mettent
en mouvement.
- 120 -
5. 5. Influence du champ magnétique et du courant électrique
sur la fraction de vortex piégés p
La figure (V.8) représente les variations de la fraction de vortex piégés p
en fonction de la température pour deux champs magnétiques 5T et 14T, et pour
un courant électrique d’intensité fixée à I = 3 nA .
(B=5T I=3nA)
(B=14T I=3nA)
1,0
fraction de vortex piégés p
0,8
0,6
0,4
0,2
0,0
78
80
82
84
86
Température (K)
Figure.V.8 : Représentation de la fraction de vortex piégés p en fonction de T pour
I=3nA et pour deux champs magnétiques [14T et 5T], Le piégeage des
vortex est plus important dans le cas des faibles champs magnétiques. De
même la température de début de depiégeage décroît lorsque le champ
magnétique augmente.
Le piégeage des vortex est plus important dans le cas des faibles champs
magnétiques, ce qui montre le rôle de la force de Lorentz dans le désancrage des
vortex. De même la température de début de depiégeage décroît lorsque le
champ magnétique augmente.
La figure (V.9) représente les variations de la fraction de vortex piégés en
fonction de la température pour deux intensités du courant électrique
et I= 1nA et pour un champ magnétique fixé à 14T.
- 121 -
I = 3 nA
(µ0H=14T I=1nA)
(µ0H=14T I=3nA)
1,0
fraction de vortex piégés p
0,9
0,8
0,7
0,6
0,5
0,4
0,3
0,2
0,1
0,0
78
80
82
84
86
Température(K)
Figure.V.9 : Variation de la fraction de vortex piégés p en fonction de T pour un champ
magnétique de 14 T et pour deux intensités de courant électrique de
transport 1nA et 3nA.
Le piégeage des vortex est plus important dans le cas des faibles
intensités de courant électrique, ce qui renforce le rôle déterminant de la
force de Lorentz dans le désancrage des vortex. De même la température de
début de depiégeage décroît lorsque l’intensité de courant traversant
l’échantillon augmente.
Par ailleurs la fraction de vortex piégés commence à diminuer au
voisinage de la température critique, qui est égale à 83.8K dans le cas d’un
champ extérieur appliqué de 14 T et égale à 85 K dans le cas d’un champ
extérieur appliqué de 5 T.
5. 6. Mesures du bruit des vortex en 1/f dans les films minces
d’YBa2Cu3O7-δ.
5. 6. 1. Propriétés du bruit en 1/f.
Malgré les nombreux mystères et paradoxes qui entourent toujours
l'origine et l'existence du bruit en 1/f, la communauté scientifique semble
- 122 -
s'accorder sur certaines de ses propriétés. Nous allons, dans cette partie,
décrire les principales propriétés qui caractérisent le bruit en 1/f dans les
systèmes électriques.
La principale caractéristique du bruit en 1/f est que sa densité spectrale
Sv(f) augmente lorsque la fréquence diminue. On parle de bruit rose pour
décrire le bruit en 1/f (si on mélange plusieurs fréquences du spectre visible
avec une distribution en 1/f, on obtient une lumière rose) mais aussi de bruit
basse fréquence dans un cas plus général. En effet, les densités spectrales de
ce que l'on appelle fluctuations basses fréquences sont relativement
variables : Elles sont de la forme 1/f α avec α paramètre. On devrait donc
réserver le terme de bruit en 1/f pour décrire les fluctuations dont la densité
spectrale est de la forme 1/f α avec α égal à 1.
Nous avons vu, dans la partie (méthodes mathématiques) que
l'intégrale de la densité spectrale, calculée sur l'étendue des fréquences, était
égale à la variance du signal. Dans le cas du bruit en 1/f cette intégrale
diverge, la puissance totale apparaît donc comme étant infinie. Cette
divergence (qui peut être considérée comme le principal paradoxe du bruit en
1/f) n'est bien évidemment jamais observée dans la mesure où l'ensemble
des signaux enregistrés possède une bande passante limitée. L'intégrale se
calcule donc entre les fréquences, minimum f1 et maximum f2, du signal (eq
5.14)
f2
f2
df = ln 2
∫ Sx (f)df ∝ ∫
f1
f1
f1 f
f
(5.14)
Les mesures de bruit donnent couramment des densités spectrales du
type
1/f
qui
s'étendent
sur
plusieurs
décades
de
fréquence.
Aucun
"aplatissement" de cette densité n'a été observé vers les très basses
fréquences. Des mesures ont été effectuées
[35]
jusqu'à 10-6,3 Hz ce qui
correspond à des temps de mesure de plusieurs mois. Il n'y a pas, non plus,
de limite clairement déterminée de la densité spectrale du côté des hautes
fréquences. La fréquence maximum d'observation du bruit en 1/f correspond
(expérimentalement) à la fréquence pour laquelle le bruit thermique devient
plus important que le bruit en 1/f.
- 123 -
Dans la plupart des cas, le bruit en 1/f est considéré comme étant
stationnaire avec une densité de probabilité gaussienne
[36].
Certaines
répartitions non gaussiennes ont été enregistrées mais il s'agit à chaque fois
de bruit dont le tracé temporel montre de fortes variations très rapides entre
plusieurs valeurs discrètes (bruit pop-corn). Le bruit en 1/f est donc,
généralement, totalement décrit lorsque l'on connaît sa valeur moyenne et
sa densité spectrale.
La dépendance de la densité spectrale avec la tension (ou le courant
appliqué) est un paramètre particulièrement important pour les mesures de
bruit en 1/f dans les matériaux conducteurs. Dans un matériau homogène
ayant une résistance qui suit la loi d’Ohm, si le bruit provient des fluctuations
de la résistance, on s'attend à ce que la densité spectrale de bruit SV(f) (ou
SI(f)) soit proportionnelle au carré de la tension (ou courant) appliquée. On a
eq(5.15):
δV(t) = I.δR(t) et donc
Sv
V
2
=
SI
2
I
=
SR
R
(5.15)
2
Dans ce cas, le courant (ou la tension) que l'on applique à l'échantillon
ne sert qu'à "révéler" les fluctuations de la résistance (de la même manière
que le courant "révèle" la résistance dans la loi d'Ohm). Le courant agit alors
comme une sonde et il n'est pas à l'origine des fluctuations.
Cette propriété du bruit en 1/f a été testée par Voss
[37].
L'idée est la
suivante : si les fluctuations enregistrées aux bornes d'un échantillon
proviennent des fluctuations de sa résistance δ R(t), le bruit thermique de
densité spectrale Sth = 4kBTR doit lui aussi fluctuer. On peut donc, sans faire
passer de courant dans l'échantillon, mesurer les fluctuations de la résistance
à travers les fluctuations du bruit thermique. On mesure le bruit du bruit
thermique. Cette expérience a permis de montrer que le bruit en 1/f provient
des fluctuations de la résistance et qu'il n'était pas le résultat d'instabilités
provoquées par le passage du courant dans l'échantillon.
Dans les matériaux fortement désordonnés, les choses ne sont
malheureusement pas toujours aussi simples. Un comportement ohmique de
la résistance ne signifie pas forcément que la densité spectrale augmente
- 124 -
avec le carré de la tension. En effet, on sait que dans ces matériaux, les
densités de courant et les champs électriques associés sont fortement
inhomogènes. La mesure des fluctuations étant beaucoup plus sensible aux
inhomogénéités que la mesure des valeurs moyennes, un comportement
ohmique de la résistance n'entraîne donc pas toujours un comportement
quadratique de la densité spectrale avec la tension Bruschi
[38]
trouve pour
des matériaux conducteurs organiques une dépendance de la densité
spectrale du type SV ∝ V β avec β =1,38 alors que la résistance présente un
comportement ohmique. Plus récemment, Chiteme et al.
[39]
mesurent sur
des systèmes composites une dépendance avec la tension qui est fonction de
la proximité au seuil de percolation : loin du seuil la densité spectrale évolue
avec le carré de la tension, proche du seuil la densité évolue linéairement
avec la tension.
Cette "exception" des matériaux désordonnés ne remet pas en cause
une des plus importante propriété du bruit en 1/f : le bruit en 1/f est un bruit
de résistance. Cette propriété est peut être la seule qui fasse l'unanimité dans
la communauté scientifique. Elle permet ainsi de donner un cinquième nom
au bruit en 1/f en plus de bruit de scintillement, bruit rose, bruit basse
fréquence (de la forme 1/f α ), on parlera aussi de bruit de résistance.
Les mesures de bruit de comportement en 1/f représentent une des
plus puissantes méthodes pour étudier la dynamique des lignes de flux
magnétique dans l’état mixte des supraconducteurs à haute température
critique.
Nous avons mesuré la densité spectrale de puissance de bruit de
tension dans un film mince d’YBa2Cu3O7-δ sous l’effet d’un champ magnétique
de 5T parallèlement au plan ab pour différentes valeurs de température et
dans une large gamme de fréquence de 1 à 1000 Hz.
La figure V.10 représente les variations de l’amplitude de la densité
spectrale de bruit en fonction de la fréquence, pour T=84K et I=1nA.
- 125 -
T=84 K µ0H = 5T // ab I=1nA
-1
Densité spectrale S (V .Hz )
1E-5
v
2
1E-7
1E-9
1E-11
1E-13
1E-15
1
10
100
1000
Fréquence f (Hz)
Figue.V.10 : Variation de l’amplitude de la densité spectrale de bruit en fonction de la
fréquence pour T=84K et I=1nA.
Sur cette figure on observe l’existence de deux bandes de fréquences
pour les quelles la variation de l’amplitude de la densité spectrale de bruit
prend des allures différentes: l’une de faibles fréquences de 1 à 10 Hz et
l’autre de fortes fréquences de 10 à 1000 Hz reflète une grande non linéarité
de l’amplitude de la densité spectrale de puissance de bruit avec un
comportement en 1/f.
5. 6. 2. Effet de la température.
Ferrari et al.[40], en observant une couche d’YBCO à l’aide d’un SQUID,
ont constaté une augmentation du bruit avec la température. Cette
augmentation est lente entre 4,2K et 87K puis présente un pic à la
température critique Tc.
La figure V.11 représente la densité spectrale de bruit observé au bord
de l’échantillon d’YBa2Cu3O7-δ pour les températures, 79K et 87K et un champ
magnétique appliqué de 5 T // (ab). Ce bruit augmente avec la température.
Cette augmentation significative du bruit en 1/f , serait attribué
diffusion de vortex qu’au processus de sauts.
- 126 -
[41]
à la
0,01
2
Densité spectrale S(V /Hz)
1E-4
1E-6
1E-8
1E-10
T=87K
T=79K
1E-12
1E-14
1
10
100
1000
Fréquence f (Hz)
Figure.V.11 : Densités spectrales de bruit observées au bord de l’échantillon
d’YBa2Cu3O7-δ pour les températures T=79K , T= 87K ; un champ
magnétique appliqué de 5 T // (ab) et un courant de transport de 1nA.
Nous avons reporté sur la figure V.12 les variations de la densité
spectrale pour différentes valeurs de température. Comme on peut le voir sur
cette même figure, pour une valeur de fréquence de 48.85 Hz, la densité
spectrale croît avec la température jusqu’à atteindre un maximum à 79.4 K,
et décroît après ce maximum. Ce bruit peut être dû au mouvement des
vortex activés thermiquement
[42-43].
Ce résultat peut être expliqué en
terme de dépiégeage par activation thermique. Etant donné que le réseau
peut être en forme de bandes de vortex de dimensions de plus en plus
grandes. Ces vortex sont soit ancrés ou en mouvement selon la compatibilité
de la taille de ces bandes de vortex et la taille de distribution des centres
d’ancrages. Le maximum de la densité spectrale du bruit détecté a lieu
lorsque la plus grande bande vient juste d’être dépiégée. Les pics observés
dans la densité spectrale pour f = 48.85 Hz correspondant à la décomposition
des bandes de vortex en petites unités, ce qu’on appelle la transition de
libération des vortex.
- 127 -
79.4 K
79 K
78 K
-4
2,5x10
6
1,5x10
-4
2
S(V .Hz ).10
-1
-4
2,0x10
-4
1,0x10
-5
5,0x10
44
46
48
50
52
54
fréquence(Hz)
Figure.V.12 : Densité spectrale du bruit de tension pour trois valeurs de température
78K, 79K et 79,4 pour un champ magnétique de 14 Tesla parallèlement
aux plans ab. Pour une valeur de fréquence de 48.85 Hz, la densité
spectrale croît avec la température jusqu’à atteindre un maximum à 79.4
K, et décroît après ce maximum.
5. 6. 3. Exposant α.
Pour mieux approcher le comportement 1 f α
de la dépendance en
fréquence de la densité spectrale de bruit, nous avons déterminé l’exposant
cinétique des lois de puissances à basses fréquences approximativement de 1
à 10Hz. Le tableau suivant donne les valeurs de cet exposant pour différentes
températures et pour un champ magnétique de 14 T parallèle aux plans ab.
T (K)
Exposant α
78
79
83
87
1.53
2.12
2.73
2.34
La figure V.13 montre les variations de l’exposant α en fonction de la
température T pour un champ magnétique de 14 T parallèlement aux plans
ab et un courant de transport d’intensité 3nA.
- 128 -
3,0
Exposant cinétique α
2,5
2,0
I=3nA µ0H=14 T // ab
1,5
1,0
78
80
82
84
86
88
Température T(K)
Figure.V.13 : Variation de l’exposant α en fonction de la température pour un
champ magnétique de 14T et un courant de transport d’intensité
3nA.
Dans la région à basses fréquences situé approximativement dans
l’intervalle [1Hz-10Hz], la densité spectrale SV(f) présente un comportement
en
1 fα
avec
1,5 ≤ α ≤ 2,75 .
Cet
exposant
cinétique
croit
avec
la
température pour passer par un maximum au voisinage de 83K et diminuer
au delà de cette température.
Le tableau suivant donne les valeurs de cet exposant α
pour une
température 82K et pour différents champs magnétiques parallèle aux plans
ab et avec un courant de transport d’intensité 3nA.
Champ magnétique µ0H (T)
Exposant α
2.4
5
14
1.08
1.85
2.75
La figure V.14 montre les variations, en échelle semi logarithmique, de
l’exposant
α
en fonction du champ magnétique appliqué, pour une
température de 82K et un courant de transport d’intensité 3nA.
- 129 -
3,0
2,5
2,0
ajustement avec l'équation: y = A + B*x
1,5
α
A
B
0.94763
0.13257
±0.3109
±0.03576
1,0
0,5
0,0
2
4
6
8
10
12
14 16 18 20
log(µ0H)
Figure.V.14 : Variation de l’exposant α en fonction du champ magnétique pour
une température de 82K et un courant de transport d’intensité
3nA.
Les carrés représentent les points expérimentaux et le trait plein
représente l’ajustement des valeurs trouvées avec la loi α = a.log(µ0H) + b .
Nos résultats donnent a=0,133 et b=0,948. L’exposant cinétique α varie
donc en fonction du champ magnétique appliqué selon la relation
α = (1,33.log(µ0H) + 9, 48).10−1
- 130 -
Conclusion :
Dans ce chapitre, nous avons étudié le bruit caractéristique de la région
de la transition conducteur normal-supraconducteur dans les films minces d’
YBa2Cu3O7- δ . Nous nous sommes intéressé à l’étude de l’influence de la
température, de la fréquence, du champ magnétique et de l’intensité de
courant de transport sur ce bruit et surtout dans le domaine fréquentiel.
Le carré de l’amplitude du bruit est pratiquement nul pour les faibles
températures (T<83K). Une explication à ce comportement est due au fait
que les vortex qui sont responsables de ce bruit sont ancrés et immobilisés
par les sites d’ancrage présents dans le matériau. Lorsque la température
augmente (T>Td =83,6K avec Td appelée température de dépiégeage), les
vortex commencent à se désancrer de leur sites et se mettent en
mouvement. L’amplitude du bruit croit pour arriver à son maximum pour
T=85,8K. Au delà de cette température le matériau transite à l’état normal.
D’autre
part
le
courant
qui
traverse
l’échantillon
augmente
considérablement l’amplitude de bruit qui passe par un maximum au voisinage
de la température de transition conducteur normal-supraconducteur. Cette
température est égale à 83.8K dans le cas d’un champ extérieur appliqué de 14 T
parallèle à ab pour un courant électrique d’intensité I=1nA et égale à 85,8 K
dans le cas d’un champ extérieur appliqué de 5 T parallèle à c pour un courant
électrique I= 1nA.
Nous nous sommes aussi intéressé à la détermination de la fraction de
vortex piégés p, par l’étude de la densité spectrale de bruit de vortex, et à
l’analyse de ses variations en fonction de la température, du champ
magnétique appliqué et de l’intensité de courant de transport.
Nous avons observé deux comportements de la variation de p en
fonction de la température.
9 Pour T<Td le pourcentage des vortex piégés est pratiquement constant
et égal à 95%.
9 Pour T>Td p décroît rapidement lorsque la température augmente. Les
vortex sont thermiquement activés et se mettent en mouvement.
Le piégeage des vortex est plus important dans le cas des faibles
champs magnétiques et des faibles intensités de courant électrique ce qui
- 131 -
montre le rôle Important de la force de Lorentz dans le désancrage de ces
vortex. De même la température de début de depiégeage décroît lorsque le
champ magnétique augmente.
Enfin, nous avons étudié la densité spectrale de puissance de bruit de
tension SV (f) afin de mettre en évidence le comportement en 1 f α de bruit.
Pour se faire nous avons introduit la distribution en fréquence de la densité
spectrale de bruit. Dans la région des basses fréquences, la densité spectrale
SV (f) présente un comportement en 1 f α . Nos résultats montrent que
l’exposant cinétique α passe par un maximum pour la température T~ 82K et
suit une loi logarithmique en fonction du champ magnétique. Dans le cas des
fortes fréquences, on constate une grande non-linéarité de l’amplitude de la
densité spectrale de puissance de bruit.
- 132 -
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- 134 -
Conclusion générale :
Au cours de ce travail, nous avons étudié l’ancrage et la dynamique du
réseau de vortex dans les supraconducteurs à haute température critique.
L’échantillon utilisé est YBa2Cu3O7-δ sous forme de film mince.
La première partie de ce mémoire est axée sur l’étude de la densité de
courant de transition de la phase supraconductrice vers la phase normale notée
J* déduite de l’extrapolation à l’ordonnée nulle de la partie flux flow. La cause
de cette transition se trouve dans les mouvements des vortex. Nos mesures ont
montré que J* diminue lorsqu’on augmente le champ magnétique appliqué ou la
température de l’échantillon. Dans le cas d’un film mince YBa2Cu3O7-δ
d’épaisseur 400 nm, les ordres de grandeurs obtenus sont suivants:
•
à la température 78 K et un champ magnétique de 0.6 T:
J* ≈ 4,28 105 A/cm2
•
à la température 78 K et un champ magnétique de 7.5 T:
J* ≈ 6,86 104 A.cm2
Les mêmes variations ont été observées pour la puissance volumique dissipée
au cours de la transition.
La deuxième partie se concentre sur l’analyse du mécanisme d’ancrage
des vortex par l’étude de la densité volumique de force d’ancrage des vortex.
Cette densité de force est déduite de la densité de courant critique Jc déterminée
à partir des mesures de transport et des caractéristiques E(J) en adoptant un
critère correspondant à une valeur arbitraire du champ électrique 1 µV.cm-1.
Pour les faibles champs magnétiques H, Fp croit lorsque H augmente, pour
atteindre un maximum pour H=Hmax. Ce comportement est prévu par le modèle
de Kramer. Le deuxième comportement prévu par le modèle de flux creep est
constaté pour les hauts champs magnétiques. Fp diminue pour tendre vers zéro
lorsque H augmente.
Notre intérêt a été aussi porté sur la détermination de la fraction des
vortex piégés et sur l’étude de ses variations en fonction de la température, du
champ
magnétique
cristallographique
appliqué
de
et
de
l’échantillon.
son
Nos
orientation
résultats
par
rapport
montrent
qu’à
à
l’axe
champ
magnétique fixé, cette fraction diminue lorsque la température augmente et que
pour une température fixée, elle décroît lorsque le champ magnétique augmente
- 135 -
et elle est plus importante dans le cas où ce champ est orienté parallèlement aux
plans ab.
L’autre volet de ce travail, porte sur l’étude du bruit des vortex dans la
région de transition conducteur normal-supraconducteur. Nous nous sommes
intéressé à la détermination de la fraction des vortex piégés, par l’étude de la
densité spectrale du bruit des vortex et à l’analyse de ses variations en fonction
de la température, du champ magnétique appliqué et de l’intensité de courant de
transport. Le piégeage des vortex est plus important dans le cas des faibles
champs magnétiques et de faibles intensités de courant électrique, ce qui montre
le rôle déterminant de la force de Lorentz dans le désancrage des vortex. En fin
nous avons mis en évidence le comportement en 1sur fα du bruit des vortex en
introduisant la distribution en fréquence de la densité spectrale de ce bruit.
- 136 -
Liste des publications et des communications
Publications
1.
Determination of the fraction pinned of vortex in type-II superconductors
A. Bouaaddi, A. Taoufik, A. Labrag, M. Bghour, A. Abaragh, A. Ramzi and S. Senoussi
phys. stat. sol. (c) 3 (2006) 3093–3095
2.
Flux flow noise in high Tc superconductors thin films
A. Bouaaddi, A. Taoufik, A. Labrag, M. Bghour, A. Abaragh, A. Ramzi, A. Tirbiyine and S.
Senoussi
M.J.CONDENSED.MATER VOLUME 11, Number 2 July 2009
3.
Critical current density and volume pinning force density in YBa2Cu3O7–δ thin films
A. Bouaaddi, A. Taoufik, A. Labrag, M. Bghour, A. Abaragh, A. Ramzi, A. Tirbiyine and S.
Senoussi
TELECOM 2009 et 6ème journées Franco Maghrébines des Microondes et leurs applications
Univérsité Ibn Zohr
4.
E.S.T AGADIR 11, 12 et 13 Mars 2009 (accépté)
Analysis of the noise voltage in the high-Tc superconducting thin films
A. Labrag, M. Bghour, A. Abaragh, A. Bouaaddi, A. Ramzi, A. Taoufik and S. Senoussi
phys. stat. sol. (c) 3 (2006) 3090–3092
5.
Measurements and analysis of the noise spectral density in YBa2Cu3O7-δ films
A. Taoufik, M. Bghour, A. Labrag, A. Bouaaddi, A. Abaragh, A. Ramzi, S. Senoussi and A.
Tirbiyine
phys. stat. sol. (a) 203 (2006) 2944–2949
6.
The critical current density and the vortex pinning in high quality YBa2Cu3O7-δ thin films.
A. Ramzi, A. Taoufik, A. Tirbiyine, A. Labrag, A. Abaragh, S. Senoussi, L Bougarfa,
F. Chibane,M. Boujida, A. Bouaaddi and M. Bghour
M.J.CONDENSED.MATER VOLUME 11, Number 2 July 2009
7.
The vortex motion and the magnetization study in YBa2Cu3O7-δ single crystal.
A. Ramzi, A. Taoufik, A. Tirbiyine, A. Abaragh, S. Senoussi, L. Bougarfa, F.Chibane, M.
Boujida, A. Labrag, A. Bouaaddi and M. Bghour
M.J.CONDENSED.MATER VOLUME 11, Number 2 July 2009
8.
Dynamic of vortices in YBa2Cu3O7-δ single crystal near Tg the temperature of the vortex glass
transition by the use of the voltage noise measurements
M. Bghour, A. Labrag, A. Bouaaddi, A. Abaragh, A. Ramzi ,A. Taoufik and S. Senoussi
phys. stat. sol. (c) 3 (2006) 3057–3060
- 137 -
9.
Formation of the magnetization loops of high-Tc superconductors
A. Abaragh, A. Taoufik, A. Ramzi, S. Senoussi, A. Labrag, M. Bghour, A. Bouaaddi and A.
Tirbiyine
phys. stat. sol. (c) 3 (2006) 3052–3056
Communications orales
1.
Comparaison des courant critique déterminés par les mesures magnétiques et les mesures de
transport dans les supraconducteurs à haute Tc (conférence)
A. Taoufik, A. Labrag, A. Ramzi, M. Bghour, A. Abaragh, A. Bouaaddi, S. Senoussi et A.
Tirbiyine
La Première Ecole Franco-tunisienne de Printemps de Magnétisme et de Supraconductivité
Hammamet Tunisie : 22-27 mars 2005
2.
Vortex pinning in ab plans and critical current density in highly textured YBa2Cu3O7-δ thin films
A. Labrag, A. Taoufik, M. Bghour, A. Abaragh, A. Bouaaddi, A. Ramzi and S. Senoussi
SICGM-4, Tlemcen, Algeria 02-04 Mai 2006
3.
Etude de la dynamique des vortex par les mesures des cycles d’hystérésis magnétique.
A. Abaragh, A. Taoufik, A. Ramzi, A. Labrag, A. Bouaaddi, M. Bghour and S. Senoussi
RTSMDME 2007, Kénitra- Maroc : 7-8 Juin 2007
4.
The critical current density in YBa2Cu3O7-δ thin films.
A. Taoufik, A. Ramzi, A. Tirbiyine, S. Senoussi, A. Labrag, A. Abaragh, A. Bouaaddi and M.
Bghour
Xèmes JMSM 2006, Meknès-Maroc : 24-26 Novembre 2006
Communications par affiche
1.
Effect of disorder on the magnetic properties of the organic superconductors
A. Tirbiyine, A.Taoufik, S.Bahsine, S.Senoussi, A.Labrag, A.Bouaaddi, A.Ramzi
11è Rencontre marocaine sur la chimie de l’etat solide. Université Ibn Tofail Kénitra
16-17-18 avril 2009
2.
Critical current density and volume pinning force density in YBa2Cu3O7–δ thin films
A. Bouaaddi, A. Taoufik, A. Labrag, M. Bghour, A. Abaragh, A. Ramzi, A. Tirbiyine and S.
Senoussi
TELECOM 2009 et 6ème journées Franco Maghrébines des Microondes et leurs applications
Univérsité Ibn Zohr
E.S.T AGADIR 11, 12 et 13 Mars 2009 (submitted)
- 138 -
3.
Fraction pinned of vortex lines in YBa2Cu3O7-δ
A. Bouaaddi, A. Taoufik, A. Labrag, A. Abaragh, A. Ramzi, M. Bghour and , A. Tirbiyine
IMMEA, Cady ayyad University, Marrakech, April 30 - May 2, 2007
4.
Flux flow noise in high Tc superconductors thin films
A. Bouaaddi, A. Taoufik, A. Labrag, M. Bghour, A. Abaragh, A. Ramzi, A. Tirbiyine and S.
Senoussi
MDNN1, Al Akhawayn University, Ifrane, Morocco: 8-10 April 2007
5.
The transport of magnetic flux in type-II superconductors
A. Bouaaddi , A. Labrag, M. Bghour, A. Abaragh, A. Ramzi, A.Taoufik and S. Senoussi
MSM’05, Agadir Maroc : 5-8 September 2005
6.
Evolution des cycles d’hysteresis et de la densité de courant critique d’un monocristal
d'YBa2Cu3O7-δ en fonction de la température
A. Abaragh, A. Taoufik, A. Ramzi, A. Labrag, A. Bouaaddi, M. Bghour and S. Senoussi
IMMEA, Cady ayyad University, Marrakech, April 30 – May 2, 2007
7.
The temperature dependence of the noise spectral density in YBa2Cu3O7-δ thin films
A. Labrag, A. Taoufik, M. Bghour, A. Bouaaddi, A. Abaragh, A. Tirbiyine, A. Ramzi and S.
Senoussi
MDNN1, Al Akhawayn University, Ifrane, Morocco: 8-10 April 2007
8.
The flux-flow noise voltage in YBa2Cu3O7-δ thin films
A. Labrag, A. Taoufik, M. Bghour, A. Bouaaddi, A. Abaragh, A. Tirbiyine, A. Ramzi and S.
Senoussi
IMMEA, Cady ayyad University, Marrakech, April 30 - May 2, 2007
9.
Granular-percolative superconductivity in organic materials, comparison with HTSC ceramics
A. Ramzi, A. Taoufik, S. Senoussi, F. Pesty, A. Labrag, A. Tirbiyine, A. Abragh, A.Bouaaddi
and M. Bghour
MDNN1, Al Akhawayn University, Ifrane, Morocco: 8-10 April 2007
10.
The vortex motion and J-E characteristics in high quality YBa2Cu3O7-δ thin films
A. Taoufik, A. Ramzi, A. Tirbiyine, S. Senoussi c, A. Labrag, A. Abaragh, A. Bouaaddi and M.
Bghour
MDNN1, Al Akhawayn University, Ifrane, Morocco: 8-10 April 2007
11.
Second peak in Magnetization hysteresis cycles in single crystals.
A. Ramzi, A. Taoufik, A. Abaragh, A. Labrag, A. Tirbiyine, S. Senoussi, A. Bouaaddi and M.
Bghour
Xèmes JMSM 2006, Meknès-Maroc : 24-26 Novembre 2006
12.
Analysis of the noise voltage in the high-tc superconducting thin films of YBACUO
A. Labrag, A. Taoufik, M. Bghour, A. Abaragh, A. Bouaaddi, and S. Senoussi
JMSM 2006, Meknès, 24–26 November 2006
- 139 -
13.
Measurements of the noise spectral density variations of YBa2Cu3O7-δ films
A. Labrag, A. Taoufik, M. Bghour, A. Abaragh, A. Bouaaddi, A. Tirbiyine, and S. Senoussi
BDNT’06, El Jadida, Maroc: 1-3 November 2006.
14.
Measurements and analysis of the noise voltage in the high-Tc superconducting thin films
A. Labrag, A. Taoufik, S. Senoussi, A. Ramzi, M. Bghour, A. Abaragh, A. Bouaaddi
M²S- HTSC VIII Conference, July 09–14, 2006 in Dresden, Germany.
15.
Dynamic of vortices in YBa2Cu3O7-δ single crystal near Tg the temperature of vortex-glass
transition
M. Bghour , A. Taoufik, A. Labrag , A. Bouaaddi , A. Abaragh, A. Ramzi and S. Senoussi
MSM’05, Agadir Maroc : 5-8 September 2005.
16.
The analysis of the irreversible magnetic field in the magnetization hysteresis cycles at high-Tc
superconductor YBa2Cu3O7-δ single crystals
A. Abaragh , A. Taoufik, A. Bouaaddi, M. Bghour, A. Labrag A. Ramzi and S. Senoussi
MSM’05, Agadir Maroc : 5-8 September 2005.
17.
The magnetic field effect on the noise power spectral density in thin epitaxial YBa2Cu3O7-δ films
A. Labrag, A. Taoufik, M. Bghour, A. Abaragh, A. Bouaaddi , A. Ramzi and S. Senoussi
MSM’05, Agadir Maroc : 5-8 September 2005.
- 140 -
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