Juillet 2008
Vol 17, no 3
Infection invasive à streptocoque du groupe A
Collaboration entre le médecin traitant et la DSPE lors de l’enquête
Les MADO déclarées à la Direction de santé publique et d’évaluation requièrent souvent une collaboration entre le
médecin traitant et la DSPE pour la validation du cas et pour initier le plus rapidement possible la prescription de la
chimioprophylaxie des contacts de la maisonnée si la situation s’y prête bien. Nous traiterons ici de cette collaboration
lors de déclarations d’infections invasives à streptocoque du groupe A (SGA).
SGA invasif est une maladie à déclaration obligatoire (MADO)
Le streptocoque est un agent pathogène qui peut donner des infections invasives ou non. On parle d’infection invasive
lorsqu’on isole la bactérie d’un site normalement stérile (ex. : sang, liquide céphalorachidien, liquide articulaire). Les
manifestations cliniques devant être déclarées comme MADO et qui nécessitent une intervention de santé publique sont :
choc toxique streptococcique, bactériémie, méningite, nécrose des tissus mous (fasciite nécrosante, myosite,
gangrène), pneumonie et décès.
Pourquoi une intervention rapide de santé publique ?
Considérant les évidences scientifiques suivantes :
L’entourage d’un cas compte une plus grande proportion de porteurs de la bactérie. Weiss et autres (1999) ont
montré que 27 % des contacts domiciliaires qui ont passé 24 heures et plus avec un cas index atteint d’une
infection invasive dans la semaine qui précédait l’apparition des symptômes, étaient colonisés par le même
sérotype de SGA que celui du cas index;
La morbidité d’une infection invasive grave se traduit par ses manifestations cliniques :
¾ l’infection post-partum peut progresser rapidement vers une péritonite pelvienne et une bactériémie,
¾ la nécrose des tissus mous dont la fasciite, la myosite nécrosante et la gangrène qui peut conduire à
l’amputation,
¾ le syndrome du choc toxique et ses conséquences possibles dont le syndrome de détresse
respiratoire aigu (60 %) et l’insuffisance rénale (80 %),
¾ la létalité suite à un choc toxique dû à SGA qui varie de 30 à 70 % selon les études,
¾ la méningite dont la létalité s’élève jusqu’à 27 % et dont 43 % des survivants ont eu des séquelles
neurologiques,
¾ la pneumonie pouvant conduire au décès dans 38 % des cas,
¾ les risques d’infection invasive subséquente en période néonatale.
Une létalité importante pour les infections graves est démontrée (une donnée ontarienne fait état d’une létalité
globale de 15 % (1992-1993)).
Une intervention du réseau de santé publique est requise pour tous les cas d’infections invasives graves.
Pourquoi le streptocoque devient-il parfois invasif ?
Différents facteurs joueraient un rôle dans le développement d’une maladie grave, dont :
des facteurs liés à l’hôte : âgé 65 ans et plus, maladie cardiaque, diabète, cancer, infection par le VIH, stéroïdes à
hautes doses, varicelle, utilisation de drogues injectables, MPOC, ROH et lésions cutanées ;
des facteurs liés à l’environnement : être un contact étroit d’une personne ayant une infection invasive, conditions
de vie comportant un grand nombre de personnes en proximité, particulièrement en milieu fermé, les difficultés à
appliquer les mesures préventives requises en établissement de soins;
des facteurs liés à la bactérie elle-même : certains mécanismes seraient en cause pour expliquer la plus grande
virulence de certaines souches (ex. : la protéine M).
Période d’incubation :
La période d’incubation de la plupart des infections streptococciques est très courte, habituellement de 1 à 3 jours.
Période de contagiosité :
Elle varie de 10 à 21 jours chez les cas non compliqués et non traités, elle est maximale durant la phase aiguë de la
maladie. Pour des plaies infectées non traitées, elle peut atteindre des semaines ou des mois. Avec un traitement
antibiotique adéquat, la transmissibilité est interrompue 24 heures après le début du traitement.
Mode de transmission :
Le SGA peut se transmettre par contact direct avec les gouttelettes respiratoires ou les sécrétions d’une plaie (ex : lors
de certains baisers, morsure, réanimation bouche à bouche) ou indirect (ex. : objets contaminés). Certaines personnes
peuvent être porteurs asymptomatiques de la bactérie et, dans certaines circonstances, être associées à la perpétuation
d’éclosions dans la communauté ou en milieu de soins. C’est pourquoi la recherche et le traitement des contacts étroits
d’un cas d’infection invasive est importante.
Quelles sont les infections invasives à SGA à déclarer ?
Cas confirmé :
Isolement du streptocoque B-hémolytique du groupe A (Streptococcus pyogenes) d’un site normalement stérile.
Cas probable :
Présence des trois conditions suivantes :
1. au moins une des manifestations cliniques suivantes : choc toxique, nécrose des tissus mous (fasciite ou
myosite nécrosantes, ou gangrène), pneumonie ou méningite; et
2. isolement S. pyogenes (streptocoque B-hémolytique du groupe A) d’un site non stérile, et
3. aucune autre cause apparente.
Qu’est-ce qu’un contact étroit d’une infection invasive à SGA ?
Personne ayant été exposée au cas pendant sa période de contagiosité, soit au cours des 7 jours précédant l’apparition
des premiers symptômes jusqu’à 24 heures après le début de son traitement antibiotique approprié ET correspondre à
l’une des caractéristiques énumérées ci-dessous :
les personnes vivant sous le même toit que le cas (et celles fréquentant ce milieu) et ayant eu un contact
régulier et prolongé (les données ontariennes font état d’au moins 4 heures par jour ou 20 heures ou plus
au cours des 7 jours précédant l’apparition des premiers symptômes jusqu’à 24 heures après le début du
traitement antibiotique),
les personnes qui ont partagé le même lit ou ont eu des relations sexuelles avec le cas,
les personnes ayant eu un contact direct d’une muqueuse avec les sécrétions orales ou nasales du cas,
les personnes ayant eu un contact direct, non protégé, avec l’écoulement d’une plaie ou d’une lésion
cutanée infectée du cas,
les utilisateurs de drogues injectables qui ont partagé des aiguilles avec le cas.
Quel antibiotique prescrit-on pour la chimioprophylaxie et quel délai avons-nous pour le faire ? (Voir tableaux 1 e 2)
La prophylaxie antibiotique des contacts étroits devrait être administrée le plus rapidement possible et préférablement
dans les 24 heures suivant l’identification du cas, mais elle est toujours recommandée jusqu’à 7 jours après le dernier
contact infectieux avec le cas. Il faut traiter simultanément les personnes d’un même groupe pour maximiser l’impact
de l’intervention. On doit aussi informer les patients de consulter rapidement un médecin s’ils développent dans les 30
jours suivant leur contact avec le cas index des symptômes d’infection au streptocoque.
Collaboration entre le médecin traitant et le médecin de santé publique :
Voici donc les rôles attendus de chaque professionnel face à une infection invasive du SGA :
Médecin traitant :
Déclarer le cas à la DSPE;
Prescrire, lorsque possible, la chimioprophylaxie antibiotique à la famille immédiate vivant sous le même
toit que la personne malade (car ces personnes se trouvent souvent au chevet du patient hospitalisé).
Médecin de santé publique :
Réaliser l’enquête épidémiologique ;
Identifier les contacts étroits visés selon les recommandations du guide provincial d’intervention (ex. :
milieu de soins aigus, CHSLD, milieu de garde familial, centre de la petite enfance, etc.) et s’assurer qu’ils
reçoivent une prophylaxie ;
Informer les contacts étroits de consulter immédiatement un médecin s’ils présentent de la fièvre ou un
autre symptôme d’infection à streptocoque de groupe A, même s’ils ont reçu une prophylaxie antibiotique;
Collaborer avec le médecin traitant, au besoin, pour la prescription de chimioprophylaxie à la famille
immédiate.
Tableau 1 : Prophylaxie antibiotique recommandée pour les contacts étroits
Antibiotique Posologie Commentaires
Première intention
Céphalosporines de
première génération
(Céphalexine et
Céfadroxil)
Céphalexine (ex. : Apo-Cephalex)
Enfants : 25 à 50 mg/kg/jour, divisés en 2
doses pour 10 jours
(Ne pas excéder la dose adulte)
Adultes : 500 mg bid pour 10 jours
Céfadroxil (ex. : Duricef)
Enfants : 30 mg/kg/jour, divisés en 1 ou 2
doses pour 10 jours
(Ne pas excéder la dose adulte)
Non disponible en suspension
Adultes : 1 g die OU 500 mg bid pour 10 jours
Recommandée pour la femme enceinte ou qui allaite.
Utiliser avec précaution chez les patients allergiques à la
pénicilline. Ne pas utiliser chez ceux ayant une allergie de
type immédiat à la pénicilline.
Utiliser avec précaution chez les patients ayant une
insuffisance rénale.
Céphalosporines de
deuxième génération
(Cefprozil et Céfuroxime
axétil)
Cefprozil (ex. : Cefzil)
Enfants : 15-30 mg/kg/jour, divisés en 2 doses
pour 10 jours
(Ne pas excéder la dose adulte)
Adultes : 500 mg die pour 10 jours
Céfuroxime axétil (ex. : Ceftin)
Enfants : 30-40 mg/kg/jour, divisés en 2 doses
pour 10 jours
(Ne pas excéder la dose adulte)
Adultes : 250 mg bid pour 10 jours
Options pour les personnes présentant une intolérance
digestive aux céphalosporines de première génération
Recommandée pour la femme enceinte ou qui allaite.
Utiliser avec précaution chez les patients allergiques à la
pénicilline. Ne pas utiliser chez ceux ayant une allergie de type
immédiat à la pénicilline.
Céfuroxime axétil : non recommandé avant l’âge de 3 mois.
Utiliser avec précaution chez les patients ayant une
insuffisance rénale.
Tableau 2 : Prophylaxie antibiotique recommandée pour les contacts étroits (suite)
Antibiotique Posologie Commentaires1
Deuxième intention : Option pour les personnes ayant une allergie de type immédiat
ou une intolérance aux β-lactamines (pénicilline, céphalosporines)
Note : En l’absence d’un antibiogramme de la souche du cas index, la clindamycine
pourrait être débutée jusqu’à l’obtention de l’antibiogramme. Dans ce cas, une évaluation clinique est recommandée.
Clindamycine
(ex. : Dalacin) Enfants : 8 à 16 mg/kg/jour, divisés en 3 ou 4
doses pour 10 jours
(Ne pas excéder la dose adulte)
Adultes : 150 mg qid pour 10 jours
Peut être administré chez la femme enceinte ou qui allaite.
Un antibiogramme de la souche du cas index est recommandé
pour établir le meilleur choix pour la prophylaxie.
Érythromycine
Enfants : 20 à 30 mg/kg/jour, divisés en 2
doses (base) pour 10 jours
(Ne pas excéder la dose adulte)
Adultes : 500 mg bid (base) pour 10 jours
Contrairement au stéarate et à l’éthylsuccinate d’érythromycine,
l’estolate d’érythromycine peut être donné avec la nourriture, ce
qui diminue les effets secondaires digestifs.
L’estolate d’érythromycine est contre-indiqué chez les personnes
ayant une maladie ou une dysfonction hépatique ou durant la
grossesse mais peut être administré durant l’allaitement.
Un antibiogramme de la souche du cas index est recommandé
pour établir le meilleur choix pour la prophylaxie.
Clarithromycine
(ex. : Biaxin)
Enfants : 15 mg/kg/jour, divisés en 2 doses
pour 10 jours
(Ne pas excéder la dose adulte)
Adultes : 250 mg bid pour 10 jours
On ne dispose pas d’information sur le risque durant la
grossesse. Peut être administré durant l’allaitement.
Un antibiogramme de la souche du cas index est recommandé
pour établir le meilleur choix pour la prophylaxie.
1 Tout antibiotique peut modifier l’action de la warfarine (Coumadin). Cet effet est plus important pour les antibiotiques à large spectre et chez
les patients malnutris ou ayant des pathologies hépatiques ou rénales graves. Chez ces malades, il faudrait suivre l’INR et ajuster la dose de
warfarine au besoin.
Source : Tableau adapté de ASPC (2006).
Publication : Direction de santé publique et d’évaluation
Agence de la santé et des services sociaux de Lanaudière
Responsable de la publication : Joane Désilets, M.D, adjointe médicale en maladies infectieuses
En collaboration avec :
Dominique Bernard, M.D. : médecin conseil, équipe des maladies infectieuses
Mise en pages : Nancy Perrreault
Dépôt légal : 2e trimestre 2008
ISSN : 1718-9497
Bibliothèque nationale du Canada
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
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