Résumé
Tout a été dit ou presque sur les femmes, les maris, les enfants, la vie
parisienne et les pastilles Solutricine.
Mais lorsque Sandrine Sarroche nous raconte son parcours de jeune
provinciale débarquant à Paris soudain tout prend une autre dimension.
Elle incarne et égratigne toute une collection de personnages
contemporains, fêlés mais authentiques et livre sa conception de La Loi
Du Talon, la revanche du plaisir sur la douleur.
C’est drôle, c’est puissant, saignant mais toujours tendre.
« Catherine Deneuve n’a jamais
voulu faire de one woman show.
Moi, Sandrine Sarroche, je n’ai
pas eu le choix. »
Mot des metteurs en scène
C’est un soir de décembre 2015, à 22h30 précisément que nous avons
découvert pour la première fois Sandrine Sarroche sur scène. Elle jouait
alors son spectacle Il En Faut Peu Pour Être Heureux au Petit Casino dans
le quartier du Marais à Paris. Sandrine nous a aussitôt séduits sur scène
et hors scène. Elle savait jouer, chanter, danser, conquérir le public et
pendant qu’elle se produisait, nous passions en revue déjà, dans nos
têtes, toutes les possibilités de jeu, toutes les palettes de son talent. Car
une chose est sûre, c’est qu’elle a du talent.
Après l’écriture du spectacle, nous sommes passés au plateau. Et de
figures en visages et de fond en forme, Sandrine s’est révélée. Ou plutôt,
ce que Marguerite Duras appelle « la masse du vécu » a fait le travail au
cœur même de l’artiste.
La Loi Du Talon n’est pas un spectacle comme tant d’autres, ce n’est
pas un one woman show de plus. Pour nous, c’est avant tout une
« Sarrochade ». C’est à dire, une brèche ouverte comme s’il fallait
absolument qu’un nouveau souffle d’humour nous parvienne et nous
emporte.
Cyrille Thouvenin & Stéphane Guérin
Décembre 2016.
De quoi parle ton nouveau spectacle ?
Ce spectacle parle d’abord de mon parcours de provinciale
devenue parisienne, d’artiste devenue juriste par nécessité,
de femme devenue mère et à travers mon parcours, il parle
des femmes en général, des hommes en particulier, de leur
quête de plaisir, de bonheur, de liberté et aussi de leurs
corollaires inévitables : la douleur, les contrariétés, la solitude.
La Loi Du Talon, c’est encore et toujours une histoire de
revanche. Mais c’est la revanche du plaisir sur la douleur.
Le talon permet de prendre de la hauteur, d’avoir du pouvoir,
d’être attrayante mais aussi de souffrir. Le talon pour moi
c’est aussi le symbole de la parisienne, qui court sur les
pavés, qui a la même journée qu’un homme mais perchée.
Le talon c’est comme Paris finalement... c’est beau mais ça
a un prix.
Car en filigrane, ce spectacle parle aussi d’intégration,
d’adaptation. On parle aujourd’hui beaucoup de l’intégration
des étrangers en France mais plus rarement des provinciaux
à Paris ou l’inverse.
Pourtant, arriver dans une autre ville, grande de surcroît, dans
un milieu qui n’est pas forcément le sien sans en connaître
les codes n’est pas toujours chose facile, ce qui a été mon
cas. Lorsque je suis arrivée à Paris pour terminer mes études
de droit, je ne connaissais qu’une seule personne.
L’intégration est un thème qui m’est familier. Mes grands-
mères sont issues de l’immigration italienne et espagnole.
Dans ma famille, chaque génération a dû s’adapter, ne
compter que sur son travail et faire preuve d’autodérision
pour ne pas sombrer. Ce qui nous donne une certaine force
de caractère, une liberté de ton que n’ont pas forcément mes
amies plus formatées par des conventions ou des carcans
bourgeois.
Je crois que c’est cette liberté de ton qui fait de ce spectacle
féminin un spectacle qui plaît aussi beaucoup aux hommes.
Tu as travaillé avec deux auteurs, Cyrille Thouvenin et
Stéphane Guérin alors que tu travaillais seule auparavant.
Pourquoi ?
Après avoir joué mon précédent spectacle Il En Faut Peu
Pour Être Heureux, j’ai eu la sensation qu’il me manquait
quelque chose, une unité, un regard extérieur, un ping-pong,
une confrontation. J’avais moins besoin d’être aidée qu’être
accompagnée.
Il y avait une base de spectacle qui a servi de matériau
premier. Cyrille et Stéphane mes co-auteurs (qui sont aussi
mes co-metteurs en scène) viennent tous deux du théâtre
et ont apporté la précision, le sens de la dramaturgie, la
théâtralité qui manquaient à mes textes.
Désormais, nous sommes une vraie équipe : à nous trois
s’ajoutent un directeur artistique - Jérôme Réveillère, un
compositeur de renom - François Bernheim, qui a créé
spécialement de magnifiques musiques originales et une
chorégraphe formidable - Sophie Tellier, qui a réglé les
chorégraphies du spectacle et qui est aussi intervenue sur
les positions du corps à l’intérieur des sketches. Si avec ça
on ne joue pas un jour à Broadway !
Dans ce nouveau spectacle, il y a des chansons originales.
Quelle place occupe la chanson française dans ta vie ?
Essentielle. Dès mon plus jeune âge, je m’exprimais en
chantant ; la chanson m’a nourrie, m’a construite, J’ai une
formation de chant lyrique et de piano. Je me suis très vite
rendue compte que lorsque je chantais il se passait quelque
chose de plus. Si je suis honnête, mon rêve d’enfant c’est
davantage d’être chanteuse que d’être comédienne. J’aimais
aussi beaucoup faire rire. Avec ce spectacle, je peux enfin
réunir mes deux inclinaisons.
Ton spectacle s’articule autour de figures féminines très
fortes, est-ce autobiographique ?
La majorité des figures féminines évoquées dans le spectacle
sont des personnages que j’ai vraiment rencontrés. Il y
a évidemment une part de fiction. C’est un puzzle, un
patchwork, un agglomérat de figures dévoratrices. On peut
dire que certains de ces personnages sont parfois terrifiants,
à la limite du monstrueux. Parce qu’ils sont vrais. On ne
s’est pas interdit grand-chose à part la méchanceté gratuite
et certains propos suscitent parfois quelques réactions de
surprise dans le public. Ce n’est pas moi qui suis choquante,
c’est la vie, la société. C’est la différence entre la cruauté et
la méchanceté. Je pars toujours du réel, du vécu pour écrire
mes sketches. Et j’essaye de faire rire avec, pas contre.
Quels sont tes modèles ?
Sylvie Joly et Albert Dupontel. Ils ont une certaine proximité.
L’une a fait des études de droit, l’autre des études de
médecine mais ils se rejoignent dans la même folie. Et
surtout, leur humour n’est pas gratuit.
Propos recueillis le 15 octobre 2016
Entretien
SANDRINE
SARROCHE
La loi dutal o n