RÉPONSE A NOS LECTEURS Ann. Kinésithér., 1989, t. 16, n° 7-8, pp. 361-364 © Masson, Paris, 1989 Question : Que peut-on attendre de la stimulation vibratoire transcutanée en rééducation ? Réponse rédigée par: M. ROMAIN (1), P.A. DURAND (1), C. KIZLIK (1), (1) Service Réadaptation Le Grau du Roi. La Stimulation Vibratoire Transcutanée (S.V.T.) est une technique thérapeutique récente donc encore peu répandue. Son principe d'action est purement mécanique. Les vibrations sont transmises par application cutanée, en regard de la zone à traiter, d'un transducteur actionné par un générateur de fréquence. L'intérêt de la méthode se manifeste essentiellement dans trois domaines: - la rééducation de la sensibilité, - l'algologie, - la rééd~çation proprioceptive. Rééducation de la sensibilité Pendant longtemps le bilan de la sensibilité était noyé au sein d'un examen neurologique global et la rééducation sensitive totalement ignorée. Il faudra attendre E. Moberg en 1958 (6) pour avoir une approche fonctionnelle du bilan de la main avec son « picking-uptest ». Il' ALLIEU (2) Fonctionnelle B - C.M c., F 30240 Le Grau du Roi. (2) Service Chirurgie Orthopédique de la Main - C.M c., La stimulation vibratoire transcutanée (8. V.T.) est une technique encore récente dont l'intérêt se manifeste en rééducation de la sensibilité, en algologie et en rééducation proprioceptive. Les auteurs font part de leur expérience en insistant sur l'efficacité de la méthode dans les douleurs tendineuses et ligamentaires ainsi que dans les algies neurologiques périphériques. Tirés à part: y. M. ROMAIN, à l'adresse ci-dessus. tly_ Dellon (1) en 1972 souligne l'intérêt des vibrations pour évaluer la récupération sensitive après réparation des nerfs périphériques. Ces informations vibratoires sont véhiculées par les fibres myélinisées à adaptation rapide à partir de mécano-récepteurs cutanés. Ces mécanorécepteurs sont les corpuscules de Meisner superficiels et ceux de Paccini situés en profondeur dans le derme. Les premiers seraient d'après les travaux du physiologiste Mountcasde (7) plus spécialement adaptés aux vibrations de l'ordre de 30 cycles/seconde et régénèreraient précocément, les seconds plus sensibles" aux fréquences d'environ 250 cycles/seconde auraient une récupération tardive. Dellon utilise deux diapasons, l'un de 30 hertz, l'autre de 256 hertz. En France, Mansat et Delprat (4, 5) ont été les premiers à souligner l'avantage du vibromètre sur le diapason grâce à sa maniabilité et à la possibilité de réglage de la fréquence et de la puissance du signal. Nous avons suivi cette voie. Cependant, nous n'avons pas noté ces deux étapes successives de récupération d'abord le 30 Hz puis le 256 Hz. Notre expérience est plutôt en faveur d'une récupération très précoce de l'information vibratoire aux alentours de 70 Hz, puis d'un élargissement progressif de la plage de part et d'autre de cette fréquence au fur et à mesure de la récupération. En pratique, la fonction de test des S.V.T. est indissociable de celle de rééducation. L'appareil que nous utilisons (Vibralgic) possède une plage de réglage en fréquence de 30 à 1 000 Hz et en amplitude de 0 à 5 volts (fig. 1). 362 Ann. Kin ésith ér., 1989, t. 16, n° 7-8 élargi ces indications aux douleurs aiguës ou chroniques d'origine articulaire ou musculotendineuse dont le siège est suffisamment superficiel pour être accessible à la transmission mécanique des vibrations. Si le conflit est situé en profondeur, les vibrations seront trop amorties par l'épaisseur des tissus à traverser pour être efficaces. DOULEURS TENDINEUSES ET LIGAMENT AIRES FIG. 1. - Application sur une épicondylite. En mode d'utilisation test, l'appareil est calé arbitrairement sur un volt et nous faisons varier la fréquence entre 30 et 150 Hz sans que le patient ne puisse voir les indications des cadrans. Dès que le sujet ressent une information, on note sa fréquence qui est en général assez proche du 70 Hz. .Au cours des bilans suivants, la même technique est employée en définissant à chaque examen l'étendue de la plage de perception par son seuil le plus bas et le plus haut. La rééducation est entreprise dès que l'information vibratoire est perçue. La sonde vibrante est appliquée sans pression par balayage de la zone à traiter en faisant varier' les deux paramètres : fréquence et amplitude. Après un bref apprentissage, c'est le patient lui-même qui réalise son traitement. Cette auto rééducation est particulièrement motivante grâce à la visualisation quantitative de ses propres progrès qui s'inscrivent sur les afficheurs digitaux. Rôle antalgique C'est en utilisant la S.V.T. comme moyen de rééducation de la sensibilité que nous avons eu l'occasion d'observer son action antalgique. A la même époque une équipe suédoise faisait les mêmes constatations (2, 3). Au début de notre. expérience nous ne retenions comme indication que les douleurs des nerfs périphériques. Depuis trois ans, nous avons Dans les maladies des insertions, qu'elles soient tendineuses (épicondylite, pubalgie, tendinite de la patte d'oie) ou ligamentaires (ligament interépineux, ligaments latéraux du genou ou de la tibio-tarsienne) l'effet de la S.V.T. est particulièrement spectaculaire car l'action mécanique des vibrations est amplifiée par le plancher osseux sous-jacent. Cependant les autres tendinites comme celle du long biceps ou du tendon d'Achille sont également d'excellentes indications et le résultat est d'autant plus rapide qu'elles sont d'apparition récente. Sur 59 tendinites traitées en monothérapie la S.V.T. nous a apporté 88 % de bons et exc~llents résultats (13). Cette technique trouve ainsi une place particulièrement privilégiée en médecine du sport. L'examen clinique précis est essentiel afin de déterminer le point le plus douloureux qui sera repéré au marqueur. La sonde y est appliquée par une légère pression sans être déplacée pendant une à trois minutes, à une fréquence de 200 Hz et à l'amplitude infra-douloureuse la plus élevée possible. LES DOULEURS NEUROLOGIQUES PÉRIPHÉRIQUES Nos premières observations relèvent de la pathologie traumatique-des nerfs : névromes· d'amputation, cicatrices névromateuses, dysesthésies après sutures nerveuses (9). L'arsenal thérapeutique dans ce domaine est très réduit et souvent décevant. La S.V.T. a ici une place de choix avec dans notre expérience 80 % de bons et excellents résultats (11, 12). Là encore la zone à traiter doit être minutieusement recherchée. La sonde'Y est déplacée par. Ann. Kinésith ér., 1989, t. 16, n° 7-8 effleurement pendant environ dix minutes. Les paramètres antalgiques optimum sont ici de 120 Hz et de 4 volts. Cependant, il est rare que le patient puisse d'emblée supporter ces valeurs. Les premières séances seront donc pratiquées à une fréquence plus élevée (250 Hz) et à une amplitude infra-douloureuse, donc assez basse. Les paramètres optimum seront atteints progressivement en fonction des progrès. Le même protocole est appliqué aux névralgies dont le conflit est superficiel telles que les névralgies d'Arnold, les névralgies cervicobrachiales, les méralgies paresthésiques avec une qualité de résultat comparable à celle obtenue sur les douleurs névromateuses. LES DOULEURS D'ORIGINE DÉGÉNÉRATIVE La S.V.T. peut avoir une action intéressante sur les douleurs arthrosiques mais qui ne semble pas aussi régulière que sur les tendinites ou les douleurs neurologiques périphériques. Nos meilleurs résultats ont été obtenus dans les cervicarthroses, les rhizarthroses ou dans les conflits vertébraux articulaires postérieurs du sujet maigre. Donc là aussi, la situation superficielle du problème semble essentielle. Le protocole utilisé est sensiblement identique à celui des tendinites : application ponctuelle de la sonde avec une légère pression sur la. ou les zones les plus douloureuses à 200 Hz environ pendant deux à trois minutes à l'amplitude infradouloureuse la plus haute. Rééducation proprioceptive L'extrême sensibilité aux vibrations des terminaisons primaires des fuseaux neuromusculaires et à un moindre. degré des organes tendineux de Golgi a été étudiée par plusieurs auteurs, en particulier par Roll (10). La vibration tendineuse entre 70 et 100 Hertz engendre, sans le contrôle de la vue, une illusion d'allongement du muscle, donc une sensation de mouvement. La vibration tendineuse provoque une altération du sens de position spaciale sans déplacement véritable, dont'la direction est opposée à l'action 363 du tendon vibré. Ainsi la vibration du tendon rotulien induit l'illusion de flexion du genou. Cette véritable neurostimulation proprioceptive trouve un champ d'application intéressant en rééducation pour conserver ou recréer une image motrice menacée d'altération ou déjà perturbée. L'indication la plus habituelle concerne les troubles liés à une immobilisation articulaire. Le fait de vibrer alternativement le tendon agonis te et antagoniste au travers d'une fenêtre réalisée dans le plâtre, permettra au patient de retrouver plus rapidement sa mobilité articulaire après l'immobilisation. L'image motrice aura été entretenue, les muscles ne présenteront pas cette habituelle sidération d'immobilisation et le patient aura beaucoup moins d'appréhension à réaliser le mouvement actif souhaité. En outre, mais cela reste à préciser, l'action mécanique des vibrations péri-articulaires pourrait limiter les adhérences tissulaires. Après l'immobilisation, les vibrations tendineuses associées à la mobilisation passive concourent à une récupération plus rapide de l'amplitude articulaire qu'avec les techniques de f rééducation classiques. Cette méthode de rééducation motrice par assistance proprioceptive vibratoire a été bien étudiée par Neiger (8) sur deux groupes de patients, l'un ayant bénéficié de vibrations tendineuses, l'autre non, après immobilisation du genou. En rééducation fonctionnelle, la Stimulation Vibratoire Transcutanée a un large champ d'application dont nous n'avons très certainement pas encore cerné les limites. Cette technique est originale à plusieurs titres : son efficacité remarquable dans certaines algies où l'arsenal thérapeutique est pauvre, son intérêt irremplaçable en rééducation de la sensibilité, son rôle de neurostimulation proprioceptive. Enfin, et ce n'est pas son moindre atout, il faut souligner sa totale innocuité. Références 1. DELLON A.L., CURTIS R.M., EDGERTON M.T. - Evaluating recovery of sensation in the hand following nerve injury. Johns Hopkins Med. J., 1972, 130, 235-243. 364 Ann. Kinésith ér., 1989, t. 16, n° 7-8 2. LUNDEBERG T. - Long term results ofvibratory stimulation as a pain relieving measure for chronic pain. Pain, 1984, 20, 12-23. 3. LUNDEBERG T., NORDEMAR R., OTTOSON D. - Pain alleviation by vibratory stimulation. Pain, 1984, 20, 25-44. 4. MANSAT M., DELPRAT J. - Rééducation de la sensibilité de la main. Ann. Med. Phys., -1975, 18, 527-538. 5. MANSAT M., DELPRAT J., DELPRAT J.M. - Le Vibromètre: un générateur de vibrations pour le bilan quantitatif et la rééducation de la sensibilité. Rev. Réadapt. Fonct. Prof Soc., 1980, 6, 20-23. 6. MOBERG E. - Objective methods of determining functional value of sensibility in the hand. 1. Bone Joint Surg. (Br), 1958, 40, 454. 7. MOUNTCASTLE V.B. - (Ed.) Medical Physiology. Ed. 12, Saint Louis: C.V. Mosby, 1968. 8. NIEGER H., GILHODES J.C., ROLL J.P. - Méthode de rééducation motrice par assistance proprioceptive vibratoire (Partie II). Ann. Kinésither., 1983, JO, 11-19. 9. RIERA G. - Intérêt des stimulations vibratoires dans la pathologie traumatique des nerfs périphériques. Thèse Médecine. Montpellier, 1986. 10. ROLL J.P., GILHODES J.c. - Méthode de rééducation motrice par assistance proprioceptive vibratoire (Partie 1). Ann. Kin ésithér., 1983, 10, 1-10. 11. ROMAIN M., GINOUVES P., DURAND P.A., ALLIEU Y. - Traitement des névromes par stimulations vibratoires. A propos de 72 cas. Communication au G.E.M., Congrès d'automne, Paris, 1987. 12. ROMAIN M., GINOUVES P., RIERA G., DURAND P.A., ALLIEU Y. - Effet antalgique des stimulations vibratoires. Étude à propos de 250 dossiers. Act. en Reed. Fonet. et Read. 13e série. Masson 1988, 178-183. 13. ROMAIN M., GINOUVES P., DURAND P.A., RIERA G., ALLI EU Y. - La stimulation vibratoire transcutanée en algologie. Ann. Réadapt. Med. Phys., 1989, 32, 62-69.