Les intentions de mise en scène
« Ce que tu as appris, personne ne peut te le prendre. Au contraire, ça te mûrit. »
R. W. Fassbinder
L’auteur évite le piège d’un schématisme didactique, écartant d’emblée toute tentation de
manichéisme. Les possibilités que recèle chaque situation sont décrites sans illusion et sans
concession.
Les comportements sont ici montrés dans leurs complexités – pas d’idéalisation des
victimes. De ce fait, Fassbinder suit une trajectoire qui échappe habilement à une dialectique
austère d’une part et à un excès sentimental voire mélodramatique d’autre part. L’émotion
naît des tentatives honnêtes mais confuses des personnages pour se construire une morale
d’existence, comprendre leurs angoisses, leurs désirs et le sens à donner à leur vie.
L’émotion grandit lorsqu’elle atteint un point critique qui déstabilise les corps. Belle et
organique elle surgit du fond de l’être, de sa survie.
« Dans la vie de chaque être, il y a ce moment terrible et merveilleux, qui
pénètre comme un éclair dans la conscience de certains et comme une
sacro-sainte souffrance dans le subconscient du plus grand nombre, le
moment où l’on reconnaît la finitude de sa propre existence. »
R. W. Fassbinder, 1er Mars 1978.
« Marlène ouvre les rideaux. Bruyamment. C’est ainsi que le théâtre commence.
Marlène est la secrétaire, la servante discrète, soumise. Marlène est le regard constant porté
sur la maîtresse.
Elle sait tout, voit tout, jamais ne commente.
Neutralité d’un côté et figure permanente de l’oppression d’un autre côté. Sa présence
muette accentue une théâtralité à la forme triangulaire, un autre point de vue associé au
regard public et au jeu des protagonistes.
Les rideaux s’ouvrent sur la maîtresse, Petra endormie. « Marlène un peu de tact, je te
prie… ».
C’est l’appartement chic d’une bourgeoise cultivée.
Une plate-forme, légèrement surélevée et en perspective accentuée vers le lointain, occupe
le centre de l’espace. Surface laquée noire. Quelque chose de japonisant, pareil à une très
grande table basse pour s’asseoir et prendre le thé, avec quelques coussins pour s’allonger.
Un parquet où s’enivrer et danser. Aussi un espace rituel où s’affronter. Cela ressemble
encore à un proscenium pour défilé de mode.