Victor Hugo, parcours d`un écrivain

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Planche présentée à la loge Travail et Tolérance de Mantes la Jolie
Victor Hugo
Parcours d'un écrivain-poète engagé
Quelle idée saugrenue et compliquée d’avoir proposé ces minutes d’actualité en
cette période où celle-ci est des plus fournies. Autant parfois nous rencontrons
quelques difficultés à trouver un thème d’actualité, vous m’accorderez que cette fois,
je n’ai que l’embarras du choix. Le choix paraît évident, mais il me met dans
l’embarras. Va-t-elle nous parler de « politique » ? Vous me savez concernée par
elle mais dans son sens noble : celui de la gestion de la cité et non la partisane, du
moins j’essaie.
Depuis quelques temps, chacun de nous ressent cette ambiance tendue, ce climat
de nervosité et de morosité palpable. De par mes engagements associatifs au sein
de la cité, j’ai moi-même pu le constater. Je rencontre beaucoup de personnes en
difficultés, voire grande détresse. Ils supportent de plus en plus mal leur condition,
ne sachant plus vers qui se tourner pour tenter d’améliorer leur vie ou obtenir des
réponses à leurs inquiétudes. Les interlocuteurs institutionnels eux sont découragés
devant la situation faute de moyens. Et tous essaient de continuer à se lever au
matin d’une nouvelle journée qui ressemblera tant à la veille. Cette morosité
ambiante s’impose et s’insinue révélant notre impuissance devant ce que l’on nous
présente comme l’évident « sacrifice » à fournir en cette période de crise. Petit à
petit notre société a de moins en moins d’espoir dans l’avenir. Il faut se réfugier dans
la résignation, faire le gros dos et attendre les jours meilleurs. Jusqu’où cette partie
de la société va-t-elle pouvoir tenir ? Que choisir : Résignation ? Indignation ?
Rébellion ? Révolution ?
Et si je vous proposais plutôt quelques minutes de poésie dans ce monde de bruts ?
Comment les relier à l’actualité alors ?
Le lien se fera par le poète dont je vais vous parler, je vous laisse deviner !
Qui a le mieux écrit sur la misère ? sur ces « petits gens » ? qui a le mieux su
observer la société qui évoluait, se révolter, s’exiler, s’engager, être respecté, admiré
et surtout nous faire rêver par ses écrits qu’ils soient de prose ou de poésie.
Allez, je vous aide, un bel aïeul à la barbe fleurie. Vous avez deviné ? bien sûr il
s’agit de Victor Hugo.
Qui était Victor Hugo ? Poète, romancier, dramaturge, journaliste, homme politique,
intellectuel engagé dans plusieurs combats, il est considéré comme l’un des plus
grands écrivains de la langue française.
Dans une première partie je vous parlerais du Victor Hugo écrivain, sa vie, son
oeuvre puis en seconde partie de l’homme politique engagé, les combats de sa vie.
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1) Victor Hugo écrivain poète
Victor Hugo naît le 26 Février 1802 à Besançon. Son père, Léopold Hugo, général
d’empire enrôlé très jeune suivit Bonaparte, ce qui lui procura une ascension rapide
dans la hiérarchie militaire, il devint même comte. Sa mère Sophie Trébuchet est née
dans la bonne bourgeoisie nantaise, deux milieux différents. De cette union naquirent
trois enfants : Abel (1798) Eugène (1800) et Victor en 1802. Victor Hugo suivit son
père en différentes garnisons. Son enfance fut quelque peu mouvementée, partagée
entre Paris et les lieux de mutation de son père, entre l’amant de sa mère (le général
Victor Lahorie) et les maîtresses de son père.
Dès son plus jeune âge sa mère l’élève avec ses 2 frères dans la haine de
l’Empereur alors que son père est l’un de ses généraux. Très tôt il manifeste une
passion pour l’écriture, en particulier la poésie et le théâtre. Plus tard, en 1812, ses
parents se séparent et sa mère retourne vivre dans le quartier du Val de Grâce à
Paris. De retour à Paris, Victor Hugo s’essaie à la littérature et écrit dans un de ses
cahiers en 1816 à seulement 14 ans « je veux être Chateaubriand ou rien ! ». De
1817 à 1820, ses poèmes remportent plusieurs concours, dont une mention de
l’Académie Française. Il s’oriente alors vers une carrière littéraire et abandonne ses
études de mathématiques.
Il crée en 1919, à 17 ans, avec ses deux frères la revue « le conservateur littéraire »,
dont il écrit à lui tout seul les textes qui déjà attirent l’attention. Son premier recueil de
poèmes Odes paraît en 1821 : il a alors 19 ans et étudie au lycée Louis-Le-Grand.
Les ventes sont un succès. Le roi Louis XVIII qui en possède un exemplaire lui
octroie une pension annuelle de 1000 francs. En 1821, sa mère meurt.
En 1822, Victor Hugo épouse une amie d’enfance, Adèle Foucher avec qui il aura 5
enfants : Léopold, Léopoldine, Charles, François-Victor et Adèle.
En 1830 il devint plus célèbre encore grâce au succès de Hernani, une pièce qui
donna lieu à des controverses sérieuses, car elle symbolisait la lutte entre les
nouvelles idées et les partisans du théâtre classique. C’est cette représentation
théâtrale mouvementé restée dans l’histoire littéraire sous le nom de « bataille
d’Hernani », qu’il gagne avec Gérard de Nerval et Théophile Gauthier et qui fait
officiellement de Hugo le chef de file du romantisme français. Il s’illustre encore au
théâtre avec des drames passionnés comme Le roi s’amuse (1832) interdit par la
censure, Lucrèce Borgia (1833) ou Ruy Blas (1838).
Sa renommée de poète lyrique se confirme par la publication de divers recueils de
vers.
La révélation de Hugo comme poète romantique date en effet de 1829 avec le
recueil Les Orientales, Les Feuilles d’Automne (1831) Les Rayons et les Ombres
(1840). Toutes ces œuvres affirment les thèmes majeurs de sa poésie : la nature,
l’amour, le droit du rêve.
Au fil du temps, le succès public ne se dément pas. Ecrivain de génie, il voit sa
notoriété se transformer rapidement en célébrité.
En 1833, la mésentente conjugale avec sa femme Adèle le pousse à entamer une
liaison avec Juliette Drouet, une actrice interprète de l’une de ses pièces. Cette
relation allait durer plus de 50 ans et en maîtresse dévouée, elle le suivit en exil.
Mais elle ne fut pas sa seule maîtresse, il était un grand séducteur dont on ne peut
dénombrer les conquêtes.
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Victor Hugo est élu à l’Académie Française en 1841 et Pair de France en 1845.
En 1843 sa vie personnelle est bouleversée par une tragédie lorsque en Septembre
sa fille Léopoldine et son mari se noient dans la Seine, en Normandie, à Villequier.
Après ce drame, Victor Hugo semble alors chercher dans l’engagement politique un
apaisement à sa douleur.
Né de parents athées, Victor Hugo se rapproche du catholicisme après son mariage.
Il est profondément croyant, parfois même mystique.
Sensible aux mystères du monde, Victor Hugo, comme Voltaire est plutôt déiste, il
essaye d’accorder sa vision spirituelle de l’univers à une conception rationaliste et
optimiste de l’histoire de l’humanité. Après les évènements de 1848, devant
l’indifférence des catholiques face à la misère des ouvriers, il n’accorde plus de crédit
aux religions. Au fil des ans, il devient foncièrement anticlérical et dénonce avec
force l’obscurantisme. Il est également un défenseur de la libre pensée dont il est
l’un des premiers à utiliser l’expression.
2) Victor Hugo, homme politique engagé
Pendant sa jeunesse, Victor Hugo avait été monarchiste. En 1848 il est député du
parti de l’Ordre. Le journal qu’il avait fondé à cette époque « l’Evènement » salua
d’abord avec enthousiasme l’avènement de Louis-Bonaparte. Après la dissolution de
l’assemblée nationale, il est élu en 1849 à l’Assemblée législative et prononce
son discours sur la misère. Mais le coup d’état du 2 Décembre 1851 auquel il essaye
en vain de s’opposer lui fait brusquement prendre conscience que ses alliés en
politique ne partagent pas ses ambitions morales et politiques. Emu par les
souffrances du peuple, il est alors républicain, libéral et progressiste ce qui le
précipita sur les routes de l’exil « Je resterai proscrit, voulant rester debout » déclaret-il. Son opposition à Napoléon III se durcit s’exprime dans un pamphlet « parce nous
avons eu Napoléon-le-Grand, il faut que nous ayons Napoléon-le-Petit ». Il quitte
précipitamment le pays pour ne pas être arrêté et se rend à Bruxelles « quand la
liberté rentrera, je rentrerai » dit-il alors. La Belgique craint que ses relations avec la
France deviennent tendues au travers de ses discours politiques, Victor Hugo doit
partir et en 1852, s’installe à Jersey. Le souvenir douloureux de sa fille, ainsi que sa
curiosité le poussent à tenter des expériences de spiritisme consignées dans Les
tables tournantes de Jersey.
En 1865, à l’occasion de la visite de la reine Victoria à Paris, un article très satirique
est publié par des français en exil dans un journal londonien. Trois d’entre eux sont
expulsés ainsi que Hugo, solidaire, qui arrive à Guernesey. Il achète sa maison de
Hauteville et là il continue pendant ses années d’exil de vilipender Napoléon III tout
en se consacrant à la littérature. Pendant ce séjour, il écrit, achève, publie un grand
nombre de ses œuvres dont Les Contemplations (1856 autour de la mort de sa
fille), La légende des siècles (1859), Les Chansons des rues et des bois (1865), Les
Travailleurs de la mer (1866) en hommage au peuple de Guernesey, L’Homme qui rit
(1869), Quatre-Vingt-Treize (1874). Mais surtout Les Misérables (1862) qui demeure
aujourd’hui 150 ans après, une œuvre littéraire très populaire.
Bien qu’officiellement autorisé à rentrer en France en 1859. Hugo choisit, par
provocation, de demeurer dans l’île. Il retourne en France en Septembre 1870 après
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la défaite de l’armée française à Sedan. Son retour est triomphal, il devient le
symbole de la résistance au second empire. En Février il est élu député de Paris,
puis sénateur. Il a alors de vastes projets politiques : abolition de la peine de mort,
réforme de la magistrature, défense des droits de la femme, instruction obligatoire et
gratuite, créations des Etats-Unis d’Europe. Mais, très vite désillusionné il
démissionne.
Il retourne à la littérature, publie des œuvres commencées pendant son exil La Pitié
suprême (1879), L’Ane, Les Quatre Vents de l’Esprit (1881) et la dernière série de La
légende des siècles (1883) qui synthétise l’histoire du monde en une grande
épopée qu’il résume ainsi : « L’homme montant des ténèbres à l’Idéal, c’est-à-dire la
lente et douloureuse ascension de l’humanité vers le progrès et la Lumière ».
Victor Hugo est également un bon père de famille et un grand-père attentif. Tout le
monde se rappelle de la photo de ce beau grand-père à la barbe blanche tenant sur
ses genoux deux de ses petits-enfants. Il publie L’art d’être grand-père en 1877. Il a
laissé des dessins, des lavis, des encres que je vous invite à découvrir, notamment à
la Bibliothèque Nationale et qui sont pour l’époque d’une grand modernité. Il s’essaie
également à la photographie. Il pose définitivement la plume en 1883, à la mort de sa
maîtresse de toujours.
Jusqu’à sa mort il reste une des figures tutélaires de la république retrouvée en
même temps qu’une référence littéraire incontestée. Il décède le 22 Mai 1885 dans
son hôtel particulier « La Princesse de Lusignan » situé à la place de l’actuel 124,
avenue Victor Hugo.
Selon la légende, ses derniers mots sont « Ceci est le combat du jour et de la nuit…
Je vois de la lumière noire ». Conformément à ses dernières volontés, c’est dans le
« corbillard des pauvres » qu’a lieu la cérémonie. Son testament lapidaire se lit
comme une profession de foi :
« Je donne cinquante mille francs aux pauvres
Je désire être porté au cimetière dans leur corbillard
Je refuse l’oraison de toutes les églises ; je demande une prière à toutes les âmes.
Je crois en Dieu ».
Des funérailles nationales furent votées, son cercueil exposé sous l’Arc de Triomphe.
Le 1er Juin 1885 il fut enterré au Panthéon comme un héros. Plus d’un million de
personnes et 2000 délégations se déplacèrent pour lui rendre hommage et suivre le
cortège funèbre.
3 ) Les combats de sa vie
Victor Hugo a été un homme de combats sans retenue et nous allons en évoquer les
plus forts.
Contre la misère
L’humanisme tient une place importante dans la vie de Victor Hugo. Son siècle est
marqué par le paupérisme qui fait recourir à la main-d’œuvre féminine et enfantine. Il
souhaite dégager des idées d’égalité et de fraternité et luttera activement tout au
long de sa vie contre la misère.
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Victor Hugo souhaite changer la société, sa sensibilité à la misère populaire est
ancienne et profonde. Accompagné de médecins et de quelques autres autorités, il
se rend en Février 1851 à Lille afin de constater de lui-même les conditions de
logement des ouvriers de l’industrie textile. Il est horrifié par ce qu’il découvre et en
gardera un souvenir atroce. Il prit des positions sociales très tranchées et très en
avance sur son époque.
Victor Hugo commence la rédaction des Misérables en 1845. Le titre de l’œuvre
devait être « Jean Tréjean », puis « Les Misères », mais la version définitive sera
achevée 17 ans plus tard en exil et sera publié en 1862. C’est un roman réaliste,
épique, un hymne à l’amour, à la misère, aux plus démunis et un grand roman social.
Il met en scène l’histoire et le progrès du peuple en marche. Cependant, sa
motivation principale reste le plaidoyer social.
S’il justifie l’enrichissement, il dénonce violemment le système d’inégalité sociale. Il
est contre les riches capitalisant leurs gains sans les réinjecter dans la production.
Dénonçant jusqu’à la fin la ségrégation sociale, il déclare lors de la dernière réunion
publique qu’il préside ; « La question sociale reste. Elle est terrible, mais elle est
simple, c’est la question de ceux qui ont et de ceux qui n’ont pas ».
Le 9 Juillet 1849, il lit son discours intitulé « Détruire la misère » à l’Assemblée. Voici
un extrait de sa conclusion : « Vous n’avez rien fait tant que le peuple souffre ! Vous
n’avez rien fait tant qu’il y a dessous de vous une partie du peuple qui désespère !
Vous n’avez rien fait tant que ceux qui sont dans la force de l’âge et qui travaillent
sont sans pain ! Tant que ceux qui sont vieux et ont travaillé peuvent être sans
asile »
Contre la peine de mort
Le plus grand des combats de Victor Hugo, le plus long, le plus constant, le plus
fervent est sans doute celui qu’il a mené contre la peine de mort. Toute sa vie il se
fera défenseur de la vie humaine à travers ses écrits et ses combats politiques. Dès
son enfance il est très impressionné par la vision d’un condamné conduit à
l’échafaud. Plus tard, à l’adolescence il sera choqué par les préparatifs du bourreau
dressant la guillotine. Hanté par ce « meurtre judiciaire », il tente toute sa vie de faire
plier l’opinion en décrivant l’horreur des exécutions, sa barbarie et sa cruauté en
démontrant l’injustice et l’inefficacité du châtiment. Selon lui, les vrais coupables sont
la misère et l’ignorance. Il s’indigne que la société se permette de faire de sang-froid
ce qu’elle reproche à l’accusé d’avoir fait, comme l’illustre cette phrase qu’il
prononcera pendant un de ses nombreux plaidoyers contre la peine de mort : « Que
dit la loi ? Tu ne tueras point. Comment le dit-elle ? En tuant ! »
En 1829, à 27 ans, Victor Hugo publie « Le dernier jour d’un condamné ». Ecrit
comme un journal à la première personne, il interpelle le lecteur en exposant les
sentiments d’un homme qui se livre à un monologue intérieur. Victor Hugo y montre
que la peine de mort est une abomination pour tous les condamnés et renforce le
côté réquisitoire contre la peine de mort. Il s’est toujours présenté comme un
abolitionniste. Pour lui tout est bon pour lutter contre la peine de mort : lettres,
articles, romans, discours, préfaces, interventions publiques. La peine de mort
équivaut à un meurtre selon lui. Il saisira toutes les tribunes pour défendre l’abolition
comme dans son discours du 15 Septembre 1848 devant l’Assemblée Nationale
constituante : « La peine de mort est le signe spécial et éternel de la barbarie ».
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Pour la liberté
Victor Hugo garde de son éducation un sens profond de la liberté. C’est pour lui une
valeur essentielle de la vie pour laquelle il combattra. Il ne supporte aucune censure,
aucune répression. Lorsque sa pièce Marion Delorme est censurée en 1829, il refuse
l’augmentation de pension, qu’on lui propose en dédommagement. Trois ans plus
tard, après l’interdiction de la pièce Le Roi s’amuse, il s’élève vigoureusement contre
les abus de la censure devant le tribunal de commerce et refuse de toucher sa
pension. Il va se servir des institutions en place ou en créer afin de protéger les
auteurs. Il est élu à la commission de la Société des auteurs dramatiques en 1831.
En 1838 il fait partie des écrivains créant la Société des gens de lettres. Il veut
défendre la liberté dans l’art et la création. Il se bat contre la censure qu’exerce le
pouvoir et qui est oppression. Il œuvre jusqu’à la fin de ses jours pour la
reconnaissance de la propriété littéraire et la liberté d’expression complète, y compris
dans la presse. L’idée qu’il se fait de l’œuvre littéraire, celle pour laquelle il se bat
pendant 50 ans est originale : l’œuvre appartient à l’auteur aussi longtemps qu’il vit.
Aussitôt après sa mort, elle appartient à la société, elle tombe dans le domaine
public, les héritiers n’ont pas de droit sur elle. C’est la raison pour laquelle il laisse en
1881 à la Bibliothèque Nationale tout ce qui sera trouvé écrit ou dessiné par lui. De la
liberté, il dit : « La servitude, c’est l’âme aveuglée. Qui n’est pas libre n’est pas
homme. La liberté est une prunelle. »
Je vais évoquer un autre thème lui-aussi d’actualité que Victor Hugo a fréquemment
défendu : l’idée de la création des Etats-Unis d’Europe. Dès 1849, au Congrès de la
Paix, il déclare : « Un jour viendra où vous France, vous Russie, vous Italie, vous
Angleterre, vous Allemagne, vous toutes nations du continent, sans perdre vos
qualités distinctes et votre glorieuse individualité, vous vous fondrez étroitement dans
une unité supérieure et vous constituerez la fraternité européenne…. Un jour viendra
où les boulets et les bombes seront remplacés par les votes, par le suffrage universel
des peuples, par le vénérable arbitrage d’un grand sénat souverain qui sera à
l’Europe ce que le parlement est à l’Angleterre, ce que la diète est à l’Allemagne, ce
que l’Assemblée législative est à la France.
Il présente une Europe des peuples par opposition à l’Europe des rois, sous forme
d’une confédération d’Etats avec des peuples unis par le suffrage universel. Victor
Hugo reconnaît les obstacles qui entravent cette grande idée et précise même qu’il
faudra peut-être une guerre ou une révolution pour y accéder. Il croit fermement à
une union européenne. Pour illustrer cette idée, le 14 Juillet 1870, il plante un chêne,
que l’on peut voir encore dans son jardin de Hauteville, en prédisant que lorsque
l’arbre serait parvenu à maturité, les Etats-Unis d’Europe, réunissant toutes les
nations européennes, seraient devenus une réalité.
En 1887 dans « Choses vues », il écrit : « Ne soyons plus anglais, ni français, ni
allemands. Soyons européens. Ne soyons plus européens, soyons hommes –
soyons l’humanité. Il nous reste à abdiquer un dernier égoïsme : la patrie. ».
Alors, dans ces conditions et après tous ces écrits emprunts d’humanisme, de liberté,
de fraternité comment ne pas se poser la question de l’appartenance ou non à la
Franc-Maçonnerie de Victor Hugo. Certains historiens prétendent que son père en
était un. A 65 ans, Victor Hugo reçoit dans son exil de Bruxelles une lettre du Frère
Chassagnac, grand commandeur de Louisiane. On en ignore le contenu exact, mais
la vigoureuse réponse du poète le 16 Août 1867 permet de le deviner.
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Encore vibrant de la victoire sur les esclavagistes, le frère américain annonce la
présence nouvelle de noirs dans les temples de son Etat. Il en profite probablement
pour faire des avances maçonniques à Victor Hugo. Voici sa réponse : « Vous avez
raison, Monsieur : sans appartenir de nom à la maçonnerie, je suis avec elle de
cœur. Ma franc-maçonnerie est plus haute encore que la vôtre, c’est l’humanité.
Vous voulez, noble esprit, noble cœur, admettre les Noirs et vous avez raison ; moi
je veux la transformation pacifique du prince en homme, et du roi en citoyen. Il
faudrait du temps. Soit ; Dieu en a. D’ici là, ne pouvant coudoyer les princes que
vous admettez, je n’ai pas dû entrer parmi vous. Mais j’aime votre grand but et votre
fraternité magnifique, symbole de la grande fraternité future. Je vous remercie de
m’avoir communiqué le grave et beau progrès que vous venez d’accomplir ;
l’admission des Noirs dans vos rangs commence l’égalité que l’exclusion des princes
consommera ».
Selon Jean Massin, un des biographes de Victor Hugo : « Victor Hugo ne pouvait se
sentir à l’aise dans une assemblée d’hommes, même très proches de lui, qui
pouvaient troubler son besoin de liberté. « Ma fraternité répétait-il, c’est toute
l’humanité ».
Mon immersion dans sa vie et son œuvre me laisse un goût d’inachevé tant cet
homme est à redécouvrir à chaque lecture, tant son œuvre est dense, riche et variée.
Ces dernières semaines, Victor Hugo a souvent été cité et ces citations m’ont donné
envie d’aller voir de plus près dans la vie et l’œuvre de cet auteur, je n’y ai trouvé que
de bonnes surprises ravivant des souvenirs scolaires plus ou moins lointains de
poésies que l’on devait apprendre par cœur, que l’on écrivait soigneusement sur un
cahier et que l’on devait joliment illustrer. Bien sûr j’ai lu Les Misérables, Notre-Dame
de Paris, étudié Ruy Blas, Quatre-Vingt Treize en illustration de cours d’histoire. A
l’adolescence je me sentais plus attirée par d’autres auteurs tels Sartre, Camus,
Malraux, Vian, Hemingway, bref tous ces écrivains au travers lesquels on se
construit et qui me semblaient plus modernes, plus proches de mon époque. Victor
Hugo lui m’apparaissait comme un auteur ancien, classique. Et pourtant… comme il
est encore d’actualité !
Je ne peux que vous recommander de vous y replonger. Je vous garantis de
merveilleux moments à la lecture de ses poèmes, ses discours, ses romans, ses
nouvelles. Mes SS et mes FF, vous aussi Victor Hugo vous étonnera, vous séduira
de ses poèmes, vous transportera dans un autre temps, vous fera voyager, vous
redécouvrirez le bonheur et la force des mots, des idées, des convictions et
l’apaisement à la lecture de ses poèmes.
Un personnage à la vie si remplie, avec ses défauts aussi, mais un homme qui a su
rester debout, défendre jusqu’à sa mort ses idéaux, et capable de si belles poésies
ne peut que nous émouvoir.
Pour terminer, je vais vous lire un poème que j’aime, qui me touche. Il n’est pas le
plus long, le plus gai, mais beau dans sa simplicité, sa douceur, rempli de l’amour et
de la tendresse qu’il éprouvait pour sa fille, je suis sûre que certains d’entre vous
l’ont appris ou lu :
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Demain, dès l’aube
Demain, dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne,
Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m’attends.
J’irai par la forêt, j’irai par la montagne.
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.
Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,
Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,
Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,
Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.
Je ne regarderai ni l’or du soir qui tombe,
Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,
Et quand j’arriverai, je mettrai sur ta tombe
Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.
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