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ÉLÉMENTS DE RÉFLEXION SUR LA NÉCESSITÉ D'UNE APPROCHE
ÉCOLOGIQUE DE LA VIE INDIVIDUELLE ET SOCIALE
RENÉ BARBIER (CIRPP)
La Terre nous est prêtée par nos enfants
( Sagesse amérindienne)1
Introduction
Pourquoi organiser une séance de notre chercheur collectif sur le thème de l'écologie ?
Simplement parce qu'il s'agit d'une question de survie de l'humanité.
Commençons par un fait divers. Aujourd’hui 22 septembre 2015, la firme Wolkswagen
accuse le coup. Elle avait placé un logiciel espion pour frauder et truquer les données au
moment des contrôles d’antipollution sur ses moteurs diesel. Elle voulait gagner encore plus,
toujours plus d’argent pour ses actionnaires. L’Amérique a débusqué sa fraude. La firme
délinquante va devoir payer très cher sa faute (c’est-à-dire en termes économique libérale
avoir été pris la main dans le sac). Elle approvisionne 10 milliards d’euros pour payer
l’amende record. Elle rapatrie des milliers d’automobiles. 11 millions de véhicules sont
concernés à travers le monde. Les actions de la firme chutent de près de 36 % à la bourse de
Francfort en deux jours.
Une fois de plus le désir de posséder s’exprime chez les puissants au mépris de la dégradation
de l’environnement. Le PDG fait la grimace sur les photos. Mais qu’est-ce qu’il risque ? une
mise à la retraite d’office avec un bon parapluie.... Et tout recommencera comme avant.
Comme Jean-Pierre Dupuy, je pense que la question écologique en ce premier quart du XXIe
siècle est aussi grave que l’avènement de l’utilisation au XXe siècle de la bombe atomique sur
Hiroshima et Nagasaki. Elle est le fait des hommes comme humanité « anthropocène » et
semble inéluctable. Elle conduit , dans l’espoir d’une lucidité tragique, à ce qu’il nomme un
catastrophisme éclairé.
Réfléchissons simplement à un état de fait : la destruction systématique des espèces vivantes,
de la biodiversité et la pollution généralisée de l’environnement, la dégradation du climat,
1 Jean-Pierre Dupuy, Petite métaphysique des tsunamis, Seuil, points-essais, 2005, 113 pages, p.16 ; Pour un
catastrophisme éclairé. Quand l'impossible est certain, Seuil, Points-assais,2004, 224 p.
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l’épuisement des ressources fossiles, les risques liés aux technologies modernes, les inégalités
croissantes, la tiers-mondialisation de la planète, le terrorisme, la guerre thermonucléaire ou
bactériologique toujours à deux pas, par la méconnaissance encore largement entretenue , de
ce que j’ai nommé une « culture à haut risque »2. D’où vient ce fait universel si ce n'est de la
cupidité, des instances économiques de la planète qui a engendré un système techno-
économico et politico-social qui envahit toutes les sphères de la société mondiale. Nous
sommes pris comme éléments, des pions, de ce système qui devient, en reprenant la pensée
d’Epictète, ce sur quoi nous ne pouvons pas agir.
Mais, toutefois, nous pouvons agir sur nos actions et nos attitudes personnelles et
quotidiennes. C’est la « stratégie du colibri » dont parle Pierre Rabhi : à chacun sa goutte
d’eau pour réduire l’incendie, même s’il est probable qu’elle n’arrêtera pas la catastrophe
annoncée.
1. Regard sur le système néolibéral
On peut dire qu'actuellement nous sommes dans un régime économique mondialisé que
j'appelle le « capitalisme de catastrophe ». C'est un système d'échanges économiques avant
tout mais également politique, culturel, spirituel, et artistique qui est sous la domination
quasiment absolue de la loi du marché soumis d’une façon drastique au règne de l'argent, des
exigences des flux monétaires et des profits qui en résultent aujourd'hui de manière
ultrarapide par le biais des technologies informatiques.
De nombreux intellectuels de disciplines diverses ou simplement d'humanistes, s'interrogent
lucidement sur les tenants et les aboutissants de cette réalité économique et politique.
Ils savent qu’un équilibre dynamique et réaliste doit être trouvé entre plusieurs facteurs clés
de l’ économie comme l’indique le schéma suivant (schéma 1).
Un équilibre entre les dimensions du capital, du travail et de la consommation prélevant sa
quote-part sur les ressources naturelles non renouvelables et limitées sur notre terre.
2 René Barbier, L’aventure éducative au XXIe siècle (l’altruisme, l’écologie, le nouveau management et
l’ouverture formative), CIRPP, 2015, 178 pages 21/29, en ligne [http://cirpp.fr/publications]
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Schéma 1
Pourtant nous assistons de plus en plus et de mieux en mieux à l’accaparement d’une part
léonine du gâteau de la production économique et sociale par le capital financier au détriment
des trois autres pôles de développement durable.
Malgré cette lucidité collective la pesanteur sociologique et institutionnelle d'un tel système
économique semble raboter voir annihiler toute tentative de la mettre en question.
L’avènement d’un chef de l’Église lucide et inspiré de François d’Assise ouvre les portes vers
une remise en cause fondamentale des inégalités socio-économiques de notre temps.
Dernièrement à Davos, le Pape François a adressé un message inédit aux participants au
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Forum économique mondial.
Face au creusement des inégalités, il en appelle à la responsabilité des dirigeants mondiaux
pour assurer à l’avenir un meilleur partage des richesses.
C’est un message inhabituel qui a accueilli les premiers arrivants au Forum économique
mondial de Davos. Alors que plusieurs rapports ont souligné le creusement des inégalités de
richesse dans le monde, notamment Oxfam avec son chiffre choc (85 personnes détiennent
autant que les 3,5 milliards les plus pauvres), le Pape François, qui s’est défini lui-même
comme un pape des pauvres, a adressé à la demande du Professeur Klaus Schwab, fondateur
du WEF, un texte aux « davosiens » lu par le cardinal ghanéen Peter Turkson, président
du conseil pontifical « justice et paix ».
« Il est intolérable que des milliers de personnes meurent de faim chaque jour alors que des
quantités importantes de nourriture sont disponibles et simplement gaspillées », a déclaré le
souverain pontife à l’ouverture de la 44ème session du World Economic Forum, soulignant
que ses propres mots sont « forts, même dramatiques ». « De même, a ajouté le pape, nous ne
pouvons qu’être émus par tant de réfugiés qui cherchent des conditions de vie minimales et
qui non seulement ne trouvent pas l’hospitalité mais souvent périssent tragiquement en se
déplaçant d’un lieu à un autre ».
Les deux sujets ont fait partie des temps forts du Forum de Davos qui consacrera plusieurs
conférences aux problèmes posés par l’explosion démographique mondiale et au changement
climatique. Ressources en eau, alimentation, risques de déplacement de population et de
guerres…
Alors que la question sociale a dominé cette 44ème édition du Forum économique mondial,
le Pape François a aussi adressé un message politique et moral très ferme aux dirigeants
politiques et économiques réunis pour cette manifestation centrée autour de l’idée de refaire le
monde : « Je vous demande de faire en sorte que l’Humanité soit servie par la richesse et non
pas gouvernée par elle ». Le Pape en a bien vu les ramifications sous-jacentes avec la ruine
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écologique et, tout dernièrement, il a produit, au grand dam de certains3, une encyclique ( la
première du genre pour la papauté ) sur l’urgence d’une changement de cap de l’économie
en liaison avec la crise écologique (Encyclique Laudato si’ ou « Dieu soit loué ! »)4
C’est surtout la première encyclique exclusivement consacrée par un pape à la crise
écologique et à la préservation de l’environnement et de la biodiversité. « Elle s’ajoute au
magistère », c’est-à-dire à l’enseignement de l’Eglise, précise François. Long de 191 pages,
composé de six chapitres, l’avant-projet tire son titre du Cantique des créatures, rédigé au
début du XIIIe siècle dans un dialecte italien par Saint-François d’Assise. Dans ce cantique, le
saint rend grâce pour « toutes les créatures ».
Laudato si dresse un bilan scientifiquement détailde la situation écologique actuelle, de la
pollution atmosphérique à la santé des océans ou des forêts tropicales en passant par la
biodiversité. « Le climat est un bien commun », y affirme le pape, et celui-ci est en train de
changer : « Il existe un consensus scientifique très substantiel qui indique que nous sommes
en présence d’un réchauffement préoccupant du système climatique. »
« La majeure partie de ce réchauffement global des dernières décennies, ajoute-t-il, est due à
la grande concentration de gaz à effet de serre émis surtout à cause de l’activité humaine. »
Cette affirmation heurtera ceux qui, notamment aux États-Unis , contestent que le changement
climatique ait d’abord une origine anthropique.
L’encyclique met l’accent sur le fait que les atteintes à l’environnement portent préjudice
d’abord aux plus pauvres, pays comme individus. Aussi développe-t-il l’idée qu’« une vraie
approche écologique devient toujours une approche sociale », qui prend en compte « les
droits fondamentaux des plus désavantagés ».
Il a des paroles sévères sur « la consommation compulsive » des pays riches, leur « culture du
déchet » et leur propension à ne pas voir les conséquences environnementales de leurs choix.
« Le chauffement causé par l’énorme consommation de quelques pays riches a des
répercussions sur les endroits les plus pauvres de la Terre, spécialement en Afrique », écrit-il.
3 Ainsi Marc Guyot et Radu Vranceanu s’en prennent au Pape François quils considèrent comme un nul en
économie pour avoir osé affirmer que l’économie libérale ne profitait pas aux plus pauvres. Pour ces
«spécialistes« de léconomie de marché tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Ces deux
enseignants d’économie, dans une importante publication « La Tribune.fr » du 02-04-2014, ont fait partre
un article de glorification du libéralisme le plus absolu, celui qui proclamait, il y
a trois siècles Bernard de Mandeville et sa « fable des abeilles » (La fable des abeilles
http://fr.wikipedia.org/wiki/La_Fable_des_abeilles).
4 Voir l’article https://fr.wikipedia.org/wiki/Laudato_si
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