Brésil : quelle résistance dans un contexte de “sudden stop” et de large dépréciation du change ? Valérie Perracino es progrès accomplis au cours des dernières années sur le front de la stabilité macroéconomique avaient laissé espérer que le Brésil soit enfin engagé sur un sentier de croissance soutenable, voire, peut être, soutenue. En raison de la diversification géographique de son commerce extérieur, de sa forte dotation en matières premières et de la relative solidité de ses fondamentaux, la principale économie d’Amérique latine avait même pu apparaître un temps comme une candidate idéale au “découplage,” ou tout au moins à un découplage “partiel”. La croissance semblait certes devoir ralentir sous l’effet de la modération de la demande mondiale et, surtout, de facteurs endogènes (contraintes croissantes sur les capacités de production, accélération de l’inflation et appréciation de la monnaie qui pesait sur la compétitivité des exportations), mais l’atterrissage semblait encore, à la fin du mois de juillet, pouvoir être relativement doux(1). L’intensification de la crise financière, la généralisation des pressions récessives nées aux EtatsUnis et la forte correction baissière observée sur les marchés de matières premières ont modifié la donne, générant des ondes de choc qui se sont transmises avec une rare violence au Brésil via le canal financier (cf. graphiques page 26). Le marché boursier (Bovespa) a été le premier affecté, en raison notamment du poids dans sa capitalisation de grandes compagnies dont les profits sont très dépendants de l’évolution des cours mondiaux des matières premières(2). Entre la fin mai et la mi-septembre, l’indice de référence (Ibovespa) avait perdu près de 30% de sa valeur. La correction baissière s’est intensifiée après que le dépôt de bilan de Lehman Brothers a poussé la crise financière à un paroxysme, L Janvier 2009 entraînant une remontée généralisée de l’aversion au risque et contraignant certains acteurs à solder sans discrimination celles de leurs positions qui étaient encore liquides. En l’espace d’un mois et demi, entre la miseptembre et la fin octobre, l’Ibovespa a perdu encore 44% de sa valeur. Surtout, les pressions baissières se sont étendues au marché des changes, dans un contexte où les flux de capitaux étrangers qui avaient irrigué l’économie au cours des deux dernières années se sont inversés et où certains acteurs domestiques se sont trouvés contraints de clore très rapidement les positions courtes en devises qu’ils avaient accumulées à la faveur de quatre années d’appréciation continue du real. La violence du choc laisse même penser que le Brésil est confronté à ce que la théorie économique appelle un “sudden stop”(3), c’està-dire une inversion violente et inattendue des flux de capitaux, doublée d’une “large dépréciation du change”(4) : les entrées nettes de capitaux étrangers, qui s’étaient accrues au cours des dernières années jusqu’à représenter 8,5% du PIB en 2007, ont fait place à des sorties nettes en octobre-novembre et, entre la fin août et la mi-décembre, le real s’est déprécié de près de 50% face au dollar. Faut-il dès lors réviser à la baisse les perspectives de croissance de la principale économie du cône sud, à court comme à moyen terme ou même envisager une résurgence de l’instabilité macroéconomique ? Et si oui, jusqu’à quel point ? Au-delà des incertitudes qui affectent tout exercice de prévision dans le contexte actuel, la réponse est moins évidente qu’il pourrait sembler au premier abord. L’expérience passée Conjoncture 25 Une correction boursière marquée... ...et une correction majeure du change Ibovespa (base 100 au 20.05.2008) 110 Vale Rio Doce (prix à la clôture) Petrobras (prix à la clôture) Indice Ibovespa 90 1994=100 180 70 160 3.5 140 3.0 120 2.5 100 50 80 30 2006 Graphique 1 2007 2008 Sources : Ecowin, BNP Paribas Un "sudden stop" sensible sur le marché des changes... 10000 5000 0 -5000 -10000 Graphique 3 Total Flux liés à des opérations commerciales Flux liés à des opérations financières 2006 2007 2008 Sources : BCB, BNP Paribas Le solde du compte financier est devenu négatif (2) 10 Compte courant Compte financier 5 0 00 01 02 03 04 05 06 Graphique 2 1.5 07 1.0 08 Source : Ecowin 12 10 8 6 4 2 0 -2 -4 -6 -8 Flux de capitaux étrangers entrant au Brésil Total Flux de court terme* IDE *flux d'invest. de portefeuille+autres investissements de court terme+dépôts des non résidents dans le système bancaire 1996 1998 Graphique 4 2000 2002 2004 2006 2008 Sources : BCB, BNP Paribas glissement annuel %, volume, production industrielle 60 50 40 30 20 10 0 -10 -20 Production automobile (Anfavea) -30 Production industrielle -40 01 02 03 04 05 06 07 08 -5 -10 J FMAM J J A SOND J FMAM J J A SOND 2007 2008 Graphique 5 99 Des premiers signes de freinage de l'activité mds USD, balance des paiements, flux mensuels 20 15 60 Taux de change effectif réel (TCER) TCER moyen (1994-2008) USD/BRL en % du PIB sur 12 mois glissants 15000 -20000 2.0 ...et dans les données de balance des paiements (1) mns USD, flux nets sur le marché spot 20000 -15000 spot 4.0 Sources : BCB, BNP Paribas Janvier 2009 Graphique 6 Conjoncture 26 15 10 5 0 -5 -10 Sources : Anfavea, IBGE, BNP Paribas suggère, en effet, que si les “sudden stop” entraînant une “large dépréciation” du change peuvent affecter des économies très différenciées quant à la qualité de leurs politiques économiques ou à leur insertion dans la globalisation, leurs conséquences varient, en revanche, très fortement d’une économie à l’autre(5). Certains “sudden stop” couplés à de “larges dépréciations du change” sont passés quasiment inaperçus, ou ont eu même un impact expansif. D’autres n’ont entraîné qu’une inflexion modérée de la croissance pendant quelques trimestres et une accélération aussi modeste qu’éphémère de l’inflation. Quelques-uns, enfin, se sont soldés par des récessions très profondes et durables. Pour tenter de mieux cerner l’impact possible du “sudden stop” et du choc de change en cours sur l’économie brésilienne, nous nous attachons, dans un premier temps, à identifier les points de pressions et les canaux par lesquels ces chocs se propagent ou peuvent se propager à l’économie réelle (I) avant d’identifier les facteurs susceptibles d’atténuer leur impact (II). Un freinage brutal de la croissance apparaît difficilement évitable Compte tenu tout à la fois de la violence des chocs cumulés sur la balance des paiements et sur le change, des pressions récessives émanant de l’environnement mondial et des déséquilibres ou des fragilités que présentait l’économie brésilienne au début du mois de septembre, un freinage de la croissance paraît difficilement évitable. Des premiers signes de décélération (brutale) de l’activité Les indicateurs disponibles pour le quatrième trimestre font du reste état d’une décélération marquée de l’activité, suggérant que le PIB, dont la croissance était restée plus que soutenue au troisième trimestre (+7,4% au taux annuel par rapport au trimestre précédent), pourrait se contracter au quatrième Encadré 1 Rappel sommaire des principaux mécanismes d’ajustement dans un contexte de “sudden stop” Par définition et de manière comptable, on a l’égalité suivante : EC = DBC + ∆R Où EC désigne les entrées nettes de capitaux étrangers (le solde du compte financier et du compte de capital de la balance des paiements) DBC désigne le déficit de la balance courante (signe - si excédent) ∆R est la variation des réserves de changes Quand la valeur de EC chute brutalement, voire devient négative (“sudden stop”), la somme du solde de la balance courante et de la variation des réserves de changes doit nécessairement s’ajuster. L’ajustement peut se faire soit par une baisse des réserves de changes (mais celle-ci est souvent insuffisante sur la durée), soit par une amélioration du compte courant (hausse de l’excédent ou réduction du déficit). Un redressement du compte courant passe généralement en pratique par une amélioration de la balance commerciale de biens et services (les transferts nets unilatéraux et les revenus d’investissements ne suffisant pas à absorber le choc). Celle-ci peut se faire via une expansion des exportations ou une contraction des importations. Cette dernière ne présentera un caractère récessif que dans le cas où elle résulterait d’un recul de la demande intérieure et non pas d’une substitution accrue de la production domestique aux importations. Janvier 2009 Conjoncture 27 trimestre. L’effondrement de la production de véhicules automobiles, dont font état les données publiées par l’Anfavea (-33,6% en glissement annuel au mois de novembre, un plus bas historique), suggère, en effet, des pressions récessives marquées dans l’industrie, où l’activité semblait déjà avoir nettement ralenti à partir du mois d’août (cf. graphique 6). La détérioration des perspectives dans l’industrie est au demeurant confirmée par les données d’enquête. L’indicateur mesurant la confiance des chefs d’entreprise du secteur publié par la Fondation Getulio Vargas (FGV), dont les évolutions ont anticipé celles de la production industrielle de manière satisfaisante dans le passé, a notamment enregistré une dégradation particulièrement brutale en novembre, retrouvant des plus bas qu’il n’avait pas atteints depuis juillet 2003. Du côté de la demande, les indicateurs ne sont guère plus encourageants. Les ventes au détail se sont inscrites en repli en octobre (-0,3% par rapport au mois précédent), et la confiance des consommateurs s’est également nettement dégradée. Le canal du crédit : un durcissement des contraintes de financement dont l’impact ne doit pas être sous-estimé Le “sudden stop” auquel est confronté le Brésil se traduit, en effet, par un durcissement des contraintes de financement dont l’impact ne doit pas être sous-estimé. Les entrées nettes de capitaux étrangers, dont le montant dépassait les 10 points de PIB sur 12 mois glissants à la mi-2007, avaient joué un rôle important dans le cycle de croissance soutenu qu’à connu l’économie brésilienne au cours des dernières années, favorisant le développement des marchés de capitaux locaux, accroissant les ressources à disposition du secteur bancaire pour financer l’expansion du crédit au secteur privé et participant notablement au renforcement des capacités de production dans certains secteurs (secteurs très liés aux matières premières notamment). Plus récemment, l’afflux de capitaux étrangers avait permis au taux d’investissement de dépasser le taux d’épargne, faisant même plus que financer le déficit courant qui était apparu à la fin de 2007 et ressortait à 1,4 point de PIB sur 12 mois glissants en août 2008. Janvier 2009 Des tensions sur la liquidité en dollar Spread Cupom Cambial / Libor, points de base 800 600 1 mois 6 mois 400 200 0 -200 -400 M A 2008 Graphique 7 M J J A S O N D Sources : Bloomberg, BNP Paribas L’impact du changement de dynamique du compte financier a du reste entraîné des tensions sur la plupart des compartiments de liquidités au cours des derniers mois. En ligne avec les évolutions observées au même moment dans la plupart des pays, la liquidité locale en dollar (marché “on shore”) s’est asséchée à la mi-septembre : les spreads entre les taux du dollar local (Cupom Cambial(6)) et le Libor se sont écartés jusqu’à frôler les 800 points de base sur les échéances courtes le 19 septembre (cf. graphique). Des tensions sont également apparues sur la liquidité en BRL, les petites banques ne disposant pas d’une large base de dépôts ayant, semble-t-il, rencontré davantage de difficultés pour se refinancer, alors que les grandes banques manifestaient une préférence accrue pour la liquidité dans un environnement devenu plus incertain. Toujours est-il que la progression du crédit au secteur privé, qui avait contribué de manière décisive à la vive expansion de la demande intérieure au cours des dernières années, semble avoir marqué le pas en octobre. Selon les données publiées par la BCB, la croissance des nouveaux crédits concédés au secteur privé serait passée de 27,3% en glissement annuel au mois de septembre à moins de 7% en octobre, ce qui suggère une contraction au mois le mois. Le canal du change : les effets récessifs devraient l’emporter à court terme Les banques pourraient s’avérer d’autant plus réticentes à accroître leur offre de prêt en direction des entreprises du secteur privé non financier ou même sur Conjoncture 28 le marché interbancaire que la forte dépréciation du real a accru les incertitudes quant à la solidité du bilan de certaines contreparties. Dette externe privée mds USD 120 Moyen long terme Court terme 100 Un effet négatif sur les bilans 80 Les pertes dont ont fait état dès le mois d’octobre certaines grandes entreprises cotées sur le Bovespa (Sadia, Aracruz, Votorantim(7)) ont, en effet, laissé craindre que certaines compagnies domestiques aient pu prendre des positions spéculatives relativement lourdes sur les dérivés de change, ou, plus simplement, négliger de se couvrir contre le risque de change du fait du faux sentiment de sécurité créé par quatre années d’appréciation quasi continue du real face au dollar. La vive croissance de la dette externe privée (cf. graphique 8) au cours des dernières années et, surtout, l’absence de données fiables sur la taille et la nature des positions prises par les différents acteurs sur le marché des dérivés de change ont contribué à nourrir un climat de défiance(8), avec des effets dommageables à la fois sur la dynamique du crédit, sur la liquidité du marché interbancaire et sur les valorisations boursières. Les valeurs bancaires cotées sur le Bovespa ont été notamment lourdement pénalisées, les opérateurs craignant que les principales banques ne soient exposées sur les dérivées de change à la fois directement (du fait des positions prises pour compte propre ou comme contrepartie de clients) et indirectement (via la détérioration de la qualité de leurs actifs qui pourrait résulter de la dégradation de la solvabilité de certains de leurs clients ayant parié sur une poursuite de l’appréciation du real). Les autorités de régulation ont pris rapidement des mesures pour éviter des réactions de panique, ordonnant en particulier aux entreprises cotées de faire connaître rapidement leurs expositions au risque de change sur le marché dérivé, et les première données communiquées en liaison avec la publication des comptes du troisième trimestre ont amené à penser que la taille des expositions était moins importante qu’on pouvait le craindre. Toutefois, un desserrement des conditions de crédit semble peu probable tant que les incertitudes ne seront pas totalement dissipées et, au niveau microéconomique en tout cas, certaines contreparties pourraient être contraintes à des ajustements plus ou moins douloureux dans les mois à venir. Janvier 2009 60 40 20 0 01 02 Graphique 8 03 04 05 06 07 08 Sources : BCB, BNP Paribas Un effet expansif sur les volumes d’exportation limité... D’une manière générale, il semble peu probable que la dépréciation du BRL puisse avoir un impact expansif suffisant pour permettre que l’ajustement au changement de dynamique du compte financier se fasse via une augmentation de la production et des exportations et non pas par une contraction de la demande intérieure. Certes, le choc de change intervenu à partir du mois de septembre a probablement permis de corriger une situation antérieure de déséquilibre. Bien que le niveau “normal” du taux de change soit difficile à évaluer avec précision dans des pays qui, comme le Brésil, ont vu leur productivité, leur degré d’ouverture au commerce international, leurs termes de l’échange et leur régime monétaire affectés par d’amples variations au cours des deux dernières décennies(9), plusieurs éléments indiquaient une surévaluation du real à l’été 2008. D’une part, le taux de change effectif réel se situait à un niveau supérieur de près de 20% à sa moyenne de long terme, un écart que même l’amélioration des termes de l’échange, le redressement de la productivité et les progrès en matière de stabilité des prix observés au cours des dernières années ne suffisaient pas à expliquer. D’autre part et surtout, l’évolution des comptes externes suggérait une détérioration de la compétitivité : non seulement le solde du compte courant était devenu déficitaire dans un contexte où les importations enregistraient des taux de croissance à deux chiffres, mais le Brésil semblait perdre des parts de marché à l’exportation (cf. graphique 9). Conjoncture 29 Des contraintes d'offre qui devraient limiter les effets expansifs de la dépréciation du change Une surévaluation probable du change à l'été 2008 % 25 20 Demande mondiale adressée au Brésil, crois. Exportations de biens et services, crois. Taux de change effectif réel Moy.taux de change effectif réel 1991-2008 200 % (3 mm) 85 % 14 180 84 13 160 15 140 12 82 11 81 10 120 5 100 0 -5 83 Une croissance des exports inférieure à celle de la demande mondiale adressée au pays indique une perte de part de marché 02 Graphique 9 03 04 05 06 07 08 79 80 78 60 77 Sources : BCB, Coe-Rexecode, BNP Paribas Toutefois, à court terme, l’impact favorable de la vive dépréciation du real intervenue depuis la fin août sur la dynamique des comptes externes ne doit pas être exagéré. Dans un contexte où l’on s’attend à un fort ralentissement de la demande mondiale, les possibilités d’expansion du volume des exportations brésiliennes apparaissent en effet limitées, quels que soient les gains de compétitivité qui pourraient résulter de la forte dépréciation du taux de change. Par ailleurs, l’économie brésilienne était dans une situation de surchauffe (voir annexe) au moment où elle a commencé à ressentir les effets de la crise financière internationale. Le niveau record du taux d’utilisation des capacités de production (84,6 % en octobre selon l’enquête menée par la Confédération nationale de l’Industrie, un plus haut depuis 1991) faisait notamment état de contraintes d’offre grandissantes dans l’industrie manufacturière, certains secteurs semblant même peiner à satisfaire la demande. Le marché du travail paraissait également relativement tendu au regard des standards passés : à 7,5 % au mois d’octobre, le taux de chômage dans les six plus importantes métropoles brésiliennes se situait à un niveau correspondant aux estimations les plus optimistes que la BCB faisait du NAIRU(10). Il y a, dès lors, des raisons de penser que l’expansion du volume des exportations et la substitution de la production domestique aux importations devraient buter à court terme sur une contrainte d’offre, quels que soient les gains de compétitivité susceptibles de résulter de la dépréciation du real. Janvier 2009 10 80 9 8 Taux d'utilisation des capacités-Industrie Taux de chômage 02 03 Graphique 10 04 05 06 07 08 7 Sources : BCB, IBGE, BNP Paribas ... et masqué par des effets prix défavorables Les effets prix ne devraient pas non plus permettre de lisser l’ajustement des volumes à court terme. Certes, les études statistiques suggèrent que l’impact négatif à court terme de la dépréciation du change sur la valeur des exportations et des importations (la première partie de la fameuse “courbe en J”) est moins prononcé au Brésil que dans d’autres pays(11). Toutefois, une amélioration des termes de l’échange, qui pourrait permettre de restaurer l’équilibre des comptes externes sans qu’un ajustement des volumes soit nécessaire, apparaît improbable à court terme, compte tenu notamment des évolutions attendues des prix des matières premières. La balance commerciale du Brésil est, certes, moins vulnérable aux fluctuations du cours des produits de base que celle de la plupart des autres pays du cône sud, la structure des exportations brésiliennes étant relativement diversifiée. Toutefois, les matières premières ont un poids plus important dans les exportations que dans les importations du pays, de sorte qu’une hausse (baisse) de leur cours améliore (détériore) les termes de l’échange du pays, toutes choses égales par ailleurs. Or, dans l’immédiat, les perspectives d’un rebond marqué du cours des produits de base semblent très limitées, les incertitudes sur la croissance mondiale l’emportant largement sur les perspectives de rendement à moyen terme. Les termes de l’échange devraient donc être plus défavorables, en moyenne, en 2009 qu’en 2008, pesant sur le revenu national. Dans ce contexte, et même si la dépréciation du Conjoncture 30 change devrait avoir un effet positif sur la compétitivité de l’économie, une contraction du volume des importations (et donc de la demande intérieure) reste le vecteur le plus évident d’ajustement du compte courant à la nouvelle dynamique du compte financier. Les possibilités de politiques véritablement contracycliques sont limitées à court terme Une contraction de la demande intérieure apparaît du reste d’autant plus inévitable que la dépréciation du change et la situation de surchauffe dans laquelle se trouvait l’économie brésilienne en septembre (cf. annexe, pages 45 et 46) réduisent les marges de manœuvre pour mener des politiques contracycliques à très court terme. ... du côté de la politique monétaire Certes, en marquant une “pause” dans le cycle de hausse des taux d’intérêt amorcé en avril, la BCB a montré qu’elle s’efforcerait d’anticiper l’impact de l’inversion des flux de capitaux sur le crédit, la demande intérieure et, in fine, sur la dynamique des prix, privilégiant une approche dite “forward looking” du ciblage d’inflation. Toutefois, et même si les membres du Comité de Politique monétaire (COPOM) ont discuté cette possibilité lors de la réunion du 18 décembre, les marges de manœuvre pour abaisser substantiellement le taux directeur (SELIC) apparaissent réduites à court terme. Certes, la baisse des prix des matières premières agricoles a eu un impact favorable sur la dynamique des prix alimentaires, qui avaient contribué à l’accélération de l’inflation à partir du début de 2007. Toutefois, cette évolution positive n’a eu qu’un effet limité sur la progression de l’indice de référence (IPCA) : à 6,4% en glissement annuel en novembre, celui-ci demeurait à un niveau nettement supérieur au point central de l’intervalle cible (+4,5% avec un intervalle de tolérance de +/-2%) que vise la banque centrale. L’inflation sous-jacente (hors alimentation et prix administrés) ne donnait, en effet, guère de signes de ralentissement, suggérant que les pressions liées à la demande restaient substantielles en dépit de l’inflexion signalée par les indicateurs de conjoncture. Janvier 2009 Les signes de décélération de l'inflation restent ténus Inflation (IPCA), %, glissement annuel 16 Alimentation 14 12 Total Inflation sous-jacente 9 8 7 10 6 8 5 6 4 4 3 2 2 0 1 -2 04 Graphique 11 05 06 07 08 0 Sources : BCB, IBGE, BNP Paribas Surtout, les projections effectuées par la banque centrale à l’occasion de la publication de son dernier Rapport d’Inflation indiquaient que, au taux de change observé à la mi-décembre (USD/BRL = 2,40), le niveau actuel SELIC (13,75%) était à peine suffisant pour permettre un retour de l’inflation à un niveau plus en ligne avec le point central de l’intervalle cible d’ici à la fin de 2009. Encore les autorités monétaires reconnaissaientelles que les incertitudes susceptibles d’affecter la trajectoire de l’inflation s’étaient renforcées au cours des derniers mois. De fait, l’évolution du real à court terme et, surtout, la transmission possible du choc de change intervenu au cours des derniers mois aux prix à la consommation (passthrough) demeurent des facteurs de risques importants(12). Certes, les effets de la dépréciation du real sur l’inflation ont été plutôt modérés au cours des deux derniers mois. La crédibilité renforcée dont jouissent les autorités monétaires constitue vraisemblablement aussi un facteur susceptible de limiter la transmission du choc de change aux prix à la consommation. De fait, la forte dépréciation du real depuis fin septembre n’a pas altéré significativement les anticipations d’inflation pour la fin de 2009, qui s’établissent toujours aux alentours de 5%, et les anticipations d’inflation pour 2010 sont demeurées bien ancrées au niveau de la cible(13). Toutefois, tant que la demande intérieure ne se sera pas suffisamment infléchie pour résorber le substantiel écart de production (output gap) positif (cf. annexe) observé à la fin du troisième trimestre, un accroissement Conjoncture 31 Des résultats budgétaires vulnérables à une inflexion de la croissance Des comptes publics toujours en déficit... Cumul sur 12 mois, en % du PIB %, Gouvernement central, cumul sur 12 mois glissants, glis. annuel 21 20 Recettes (nettes des transferts intergouvernementaux) 19 18 17 16 14 13 12 11 Dépenses primaires 10 9 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 Graphique 12 Sources : BCB, IBGE, BNP Paribas du passthrough qui pousserait l’inflation au-delà de la borne supérieure de l’intervalle cible ne pourra être écarté. Les marges de manœuvre pour assouplir la politique monétaire à court terme apparaissent donc réduites : une baisse des taux d’intérêt de 25 points de base à la prochaine réunion du Comité de Politique monétaire est peut être envisageable, mais la BCB attendra probablement que la croissance ait suffisamment ralenti avant d’aller plus loin et de mettre en œuvre une politique expansive. ... et surtout du côté de la politique budgétaire -1 10 -2 9 -3 8 -4 7 -5 6 5 99 00 Janvier 2009 01 Graphique 13 02 03 04 05 06 -7 07 08 -8 Sources : BCB, IBGE, BNP Paribas ...et une dette publique dont la maturité reste courte % de la dette publique interne à amortir sous 12 mois 55 50 45 40 35 30 25 20 00 01 Graphique 14 Sur le front budgétaire, les marges de manœuvre pour mettre en place une politique contracyclique sont sans doute encore plus limitées. Outre qu’une telle politique aurait des effets indésirables tant que l’output gap positif n’est pas résorbé, sa mise en œuvre apparaît difficile eu égard aux fragilités persistantes des finances publiques. Certes, à 4,5% du PIB sur un an glissant en octobre, l’excédent primaire du secteur public consolidé se situait encore à un niveau nettement supérieur à celui qui est requis pour stabiliser, ceteris paribus, le ratio dette nette du secteur public consolidé sur PIB, qui est l’indicateur de référence pour analyser l’évolution des finances publiques au Brésil(14). Le gouvernement a du reste d’ores et déjà annoncé que la cible d’excédent primaire pour 2009 serait ramenée au niveau qui prévalait jusqu’à la mi-2008 (3,8% du PIB contre 4,3%). -6 Charge d'intérêt Solde budgétaire total 02 03 04 05 06 07 08 Sources : BCB, IBGE, BNP Paribas Il est cependant loin d’être sûr que cette révision à la baisse des objectifs budgétaire permette un accroissement des dépenses publiques ou une réduction des taux de prélèvement obligatoire qui pourraient soutenir l’activité. Tout au plus semble-t-elle suffisante pour permettre d’accommoder le ralentissement de l’activité sans couper trop significativement dans les dépenses d’investissement. Les solides excédents primaires affichés par le secteur public consolidé au cours des deux dernières années ont, en effet, été principalement le résultat d’une augmentation des recettes dans un contexte où la croissance était très largement supérieure au potentiel et non pas d’une baisse des dépenses. Dès lors, le ralentissement attendu de l’activité devrait entraîner une diminution mécanique de l’excédent primaire, réduisant les possibilités d’accroître les dépenses sans “manquer” la cible budgétaire. Conjoncture 32 Certes, à 3,8% du PIB, l’excédent primaire dépasserait encore sans doute le niveau requis pour éviter les “effets boule de neige” sur la dette publique, à supposer tout au moins que les taux d’intérêt se maintiennent à leur niveau actuel. Toutefois, la réaction des investisseurs à une réduction plus marquée de l’excédent primaire est incertaine, et les finances publiques brésiliennes sont très vulnérables à un changement de sentiment des marchés : il n’est, en effet, pas inutile de rappeler que les comptes du secteur public brésilien sont toujours en déficit en dépit d’excédents primaires records du fait du niveau élevé des taux d’intérêt réels. Par ailleurs, la maturité de la dette publique reste relativement courte, ce qui accroît la sensibilité aux changements des conditions de financement sur le marché obligataire. En octobre 2008, la maturité moyenne des titres de la dette fédérale interne mobilière détenue par le public (DPMFI), qui représente désormais l’essentiel de la dette publique, était à peine de 3,4 années et près d’un quart des titres venaient à échéance dans les douze prochains mois. forte correction baissière du real fait également peser des risques à la hausse sur l’inflation. Elle contribue donc à réduire les possibilités d’une reprise du cycle de baisse des taux d’intérêt qui pourrait permettre de limiter l’inflexion de la croissance, restaurant l’attractivité des actifs brésiliens. Indépendamment du “sudden stop” et de la large dépréciation du change intervenus à la fin septembre, un ralentissement de l’activité paraissait du reste inévitable compte tenu des déséquilibres accumulés (écart de production positif et surévaluation du taux de change effectif réel). Au final, sur la base des données disponibles à la mi–décembre, nous retenons une projection de croissance encore proche de 5,8% pour 2008 mais qui ne dépasserait pas 2% en 2009. L’ampleur du ralentissement inscrit dans ces projections est, certes, en partie masquée par les effets d’acquis mais ne doit cependant pas être sous-estimée : dans un tel scénario, l’économie brésilienne serait en récession avec une croissance qui, en rythme trimestriel, serait négative au premier trimestre 2009 comme au quatrième trimestre 2008. Des forces de rappel limitant les risques d’une récession profonde et durable Au total, un ralentissement de la croissance semble difficilement pouvoir être évité compte tenu du choc subi par l’économie brésilienne mais aussi des déséquilibres accumulés au cours de la période précédente. Le ralentissement devrait même être assez brutal, tant il est vrai que tous les facteurs qui avaient soutenu la vive expansion de la demande au cours des années précédentes se sont évanouis. Les risques de voir se développer un cercle vicieux aux antipodes de la spirale vertueuse observée au cours des dernières années (appréciation du change - baisse de l’inflation, assouplissement de la politique monétaire - amélioration de la situation des finances publiques – forte accélération de la croissance - vive expansion du crédit au secteur privé et afflux de capitaux étrangers) ne sont pas absents : la dépréciation du change réduit en effet l’attractivité des placements en real, poussant les investisseurs étrangers à retirer leurs capitaux, avec un effet qui pourrait rapidement devenir autoentretenu. La Janvier 2009 Toutefois, et bien que le ralentissement de la croissance semble inéluctable et menace même d’être assez brutal, plusieurs facteurs devraient limiter tout à la fois son ampleur et sa durée, évitant à l’économie brésilienne de connaître une récession aussi profonde que celles qui avaient été observées au début des années 1980 dans la plupart des pays latino-américains, en lien avec ce qu’on a appelé la crise de la dette, ou qu’avaient connues le Mexique en 1994 et le Chili suite à la crise asiatique. Confrontés à des phénomènes de “sudden stop”, ces deux pays avaient vu leur PIB se contracter respectivement de -6,2% et -0,8%, en moyenne annuelle, dans l’année qui avait suivi. Un déficit courant limité L’importance de l’ajustement de la demande intérieure requis pour faire face au récent changement de dynamique du compte financier ne doit pas être Conjoncture 33 exagérée. S’il est vrai que les comptes externes du Brésil s’étaient assez nettement dégradés depuis la fin 2006 dans un contexte d’appréciation du taux de change réel effectif et de vive croissance de la demande intérieure, la taille du déficit courant était encore relativement limitée au moment où l’incidence des turbulences financières globales s’est intensifiée : le déficit d’épargne de l’économie brésilienne ne dépassait pas 1,4 point de PIB sur 12 mois glissants à la fin août 2008. De ce point de vue, le Brésil est dans une situation nettement plus favorable que le Mexique en 1994 ou le Chili en 1997 qui ont dû affronter une situation de “sudden stop” à un moment où leurs déficits courants dépassaient respectivement les 6 et 4 points de PIB. Des facteurs de résistance au niveau du compte financier Un déficit courant encore limité En % du PIB, cumul sur 12 mois glissants 3 2 1 0 -1 -2 -3 -4 -5 -6 96 97 98 99 00 01 02 03 04 05 06 07 08 Graphique 15 Sources : BCB, BNP Paribas Un potentiel de sortie de capitaux déjà nettement réduit mds USD, valeur du portefeuille d'investissements étrangers sur les marchés action / obligation 250 200 Par ailleurs, même si l’évolution de l’environnement mondial reste une source d’incertitudes majeures, plusieurs facteurs semblent de nature à limiter l’ampleur et la durée de la contraction du compte financier et, par conséquent, l’ampleur et la durée de l’ajustement du compte courant requis pour assurer l’équilibre des comptes externes. Certes, les entrées nettes d’investissements étrangers au titre des opérations de portefeuille(15), qui sont même brutalement devenues négatives depuis septembre (-13,6 milliards de dollars en cumul sur trois mois, un plus bas depuis 1996), devraient rester orientées à la baisse tant que les problèmes de liquidité observés dans les pays industrialisés contraindront certains acteurs à rapatrier massivement leurs capitaux, que la baisse du prix des matières premières réduira les perspectives de profit de certaines des principales compagnies cotées sur le Bovespa et que les pressions sur le change limiteront l’attractivité des actifs brésiliens. Le potentiel de contraction des investissements étrangers de portefeuille n’est pas illimité Toutefois, le potentiel de contraction de ces flux n’est pas illimité, le stock d’investissements de Janvier 2009 150 Obligations Actions 100 50 0 96 Graphique 16 98 00 02 04 06 08 e Sources : CVM, BCB, BNP Paribas portefeuille détenu par les non-résidents au Brésil s’étant d’ores et déjà fortement réduit au cours des derniers mois du fait de l’érosion des valorisations et des sorties de capitaux. La valeur du portefeuille d’investissements étrangers en actions, qui avait atteint les 200 milliards de dollars en mai, représentait moins de 80 milliards de dollars à la fin octobre et, selon les estimations qui peuvent être effectuées sur la base des évolutions de prix et des flux observés sur le marché des changes, sans doute environ 60 milliards au début décembre. Quant au stock d’actifs obligataires détenus par les non-résidents, qui avait frôlé les 70 milliards de dollars à la fin août, sa valeur était retombée en deçà de 45 milliards de dollars à la fin octobre et ne dépassait sans doute pas les 30 milliards de dollars au début décembre. Conjoncture 34 Les valorisations des actifs brésiliens sont devenues plutôt “attractives”, tout au moins si l’on considère les PER moyens sur le Bovespa ou le niveau historiquement faible du real. II y a tout lieu de penser que les facteurs cycliques ou structurels, qui ont fait l’attractivité des marchés brésiliens au cours des dernières années (taux d’intérêt réels très élevés alors même que les fondamentaux de l’économie - notamment, la situation des finances publiques - apparaissaient plutôt solides qui ont nourri les stratégies de carry trade – hausse du prix des matières premières qui a favorisé l’appréciation du real, dopant les profits de change des investisseurs étrangers et les revenus de certaines des grandes compagnies cotées au Bovespa), devraient à nouveau jouer favorablement une fois les tensions sur la liquidité mondiale dissipées et le pire de la récession passé dans les pays industrialisés. Il est du reste intéressant de noter que, si les sorties de capitaux de portefeuille détenus par les non-résidents ont atteint un niveau record en septembre-octobre, les entrées sont néanmoins restées soutenues (+14 milliards de dollars en octobre, un niveau encore supérieur à celui observé en moyenne en 20062007). Si la solidité de ses fondamentaux, la qualité des politiques économiques et des avantages compétitifs marqués dans certains secteurs ne constituent pas des facteurs suffisants pour mettre une économie à l’abri des ondes de choc d’une crise de liquidité mondiale, ils lui permettent, en revanche, généralement de retrouver un accès plus rapide aux financements externes une fois la crise dissipée. Les sorties de capitaux des résidents sont restées limitées En attendant, les progrès accomplis sur le front de la stabilité macroéconomique et des perspectives de croissance à moyen terme nettement meilleures qu’il y a quelques années permettent, à tout le moins, de limiter les sorties de capitaux des résidents. Celles-ci n’ont pas dépassé les 10 milliards de dollars sur les trois derniers mois connus et semblent avoir été guidées, si l’on considère leur structure, davantage par la nécéssité de pallier les difficultés de financement les plus pressantes de filiales à l’étranger que par des craintes relatives à la trajectoire de l’économie brésilienne(16). Janvier 2009 Des flux d'IDE encore soutenus % 3.5 en % du PIB sur 12 mois glissants mds USD (données mensuelles) 3.0 2.5 12 10 8 2.0 6 1.5 4 1.0 2 0.5 0.0 2005 2006 Graphique 17 2007 2008 0 Sources : BCB, BNP Paribas …notamment dans le secteur bancaire et dans les secteurs liés aux matières premières Structure des IDE, octobre 2008 43.1 Secteurs directement liés aux matières premières 26.6 Services autres Industries autres 9.0 Secteur bancaire Graphique 18 21.2 Sources : BCB, BNP Paribas Des flux d’investissements directs étrangers encore soutenus Surtout, la solidité des fondamentaux et des avantages compétitifs marqués dans certains secteurs permettent à l’économie brésilienne de garder accès à des flux d’investissements régis par des logiques de plus long terme. Attirés sans doute par les progrès réalisés au cours des dernières années sur le front de la stabilité macroéconomique mais aussi, si l’on considère leur structure sectorielle (cf. graphiques 17 et 18 ), par les richesses en matières premières du pays et les perspectives de développement du secteur bancaire, les investissements directs étrangers (IDE) sont restés soutenus. Même au plus fort de la tourmente financière, entre septembre et novembre, ils ont dépassé les Conjoncture 35 12 milliards de dollars, un montant équivalant à environ 3 points de PIB et plus de deux fois supérieur à celui du déficit courant enregistré sur la période. Certes, ces flux de long terme n’ont pas été suffisants (et ne le seront sans doute pas dans les prochains mois) pour empêcher que le compte financier n’affiche un solde négatif. Mais ils assouplissent significativement la contrainte de financement que doit affronter l’économie en ces temps de turbulences financières. Une stratégie prudente qui permet de disposer de munitions considérables La BCB disposait et dispose encore de moyens considérables pour intervenir mds USD, réserves internationales 215 210 205 200 195 190 185 180 y compris repos et autres prêts en devises 175 hors repos et autres prêts en devises 170 165 J F M A M J J A S O N D 2008 Graphique 19 Sources : BCB, BNP Paribas Par ailleurs, si les possibilités d’abaisser le niveau des taux d’intérêt sont limitées à court terme, la banque centrale dispose néanmoins de munitions considérables pour lisser l’ajustement du compte courant (et in fine de la demande intérieure) et atténuer les tensions sur les différents compartiments de liquidité. Non seulement les réserves de changes dépassaient les 200 milliards de dollars au moment où les flux de capitaux se sont inversés (début septembre), mais elles ont à peine diminué depuis. Il faudrait du reste ajouter à ces munitions les 30 milliards de dollars correspondant à la ligne de swap que la FED a récemment ouverte à la BCB et les facilités dont le pays peut disposer auprès du FMI, qui sont autant de reconnaissance des politiques crédibles et prudentes menées au cours des dernières années et peuvent jouer un rôle important pour stabiliser les anticipations. Contrairement aux banques centrales de Russie, du Mexique ou d’Argentine qui sont intervenues très rapidement sur le marché spot pour stabiliser le change, la BCB s’est en effet dans un premier temps contentée de prêter des dollars aux institutions financières via des opérations de “repo” et d’accroître les instruments de couverture à disposition du secteur privé (via des swaps de devises sur le marché dérivé voir encadré pour plus de précision) pour permettre une clôture ordonnée des positions courtes en dollar(17). Ces mesures ont contribué à atténuer les tensions sur les taux du dollar local (au moins sur les échéances courtes) et évité un effondrement des crédits export. En revanche, la BCB a laissé le real se déprécier de près de 45% avant de mobiliser ses réserves de changes pour intervenir sur le marché spot. Les interventions via des ventes de dollars spot sont du reste demeurées très modestes jusqu’au début décembre (moins de 7 milliards de dollars) et ne se sont intensifiées que très récemment. Cette stratégie prudente devrait permettre de restreindre l’ajustement de la demande interne qui sera nécessaire pour assurer le bouclage des comptes externes, à court terme tout au moins. En effet, en laissant la monnaie, qui semblait surévaluée au moment où les flux de capitaux se sont retournés, se déprécier massivement, la BCB a sans doute permis de limiter l’ajustement des importations qui sera nécessaire pour compenser le déficit du compte financier. S’il est assez peu probable, comme on l’a vu, que la dépréciation de la monnaie soit suffisante pour permettre une vive accélération de la croissance des exportations et de la production nationale, qui se substituerait aux importations, elle devrait cependant atténuer leur contraction. Par ailleurs, en évitant de puiser dans ses réserves au moment où la valeur des actifs libellés en real était au plus haut, la BCB s’est ménagée des possibilités d’interventions pour assurer un bouclage ordonné de la balance des paiements en 2009, ce qui devrait être un atout de taille si les financements internationaux restent aussi rares qu’on peut le craindre. D’une part, la BCB s’est donné les moyens de limiter la surréaction du taux de change plus efficacement que si elle était intervenue dès le début du mois de septembre pour stabiliser le BRL : à présent que les valorisations sur les marchés action et obligataire locaux se sont dégonflées, que des Janvier 2009 Conjoncture 36 sorties de capitaux significatives se sont produites, et que le BRL s’est déprécié, les réserves de changes couvrent plus de 100% du stock de “hot money” (investissements de portefeuille des non-résidents + dépôts des non-résidents dans le système bancaire). Ce n’était pas le cas en septembre et il est probable que si la BCB était intervenue tout de suite en vendant des dollars sur le marché spot, elle aurait dépensé inutilement ses munitions. D’autre part, les réserves de changes, n’ayant que peu diminué, couvrent plus de deux fois et demie le stock de dette à court terme et le service (intérêt et amortissement) de la dette externe à moyen long terme d’ici à fin 2009. La BCB a d’ailleurs récemment fait savoir qu’elle mettrait à disposition du secteur privé les devises nécessaires pour assurer le service de la dette externe d’ici à fin 2009 (cf. encadré) sous forme de prêt. Il y a là un élément important de résistance dans un contexte difficile. Parallèlement, les autorités monétaires ont pu atténuer les tensions créées par le choc externe sur la liquidité domestique et éviter un credit crunch en réduisant les coefficients de réserves obligatoires des banques, qui étaient parmi les plus élevés au monde, en élargissant la gamme des collatéraux acceptés dans Encadré 2 Mesures mises en oeuvre pour atténuer les tensions sur la liquidité A partir du 19 septembre, les autorités brésiliennes sont intervenues massivement pour atténuer les tensions sur la liquidité en monnaie domestique comme en dollar et permettre aux compagnies domestiques dont les bilans étaient très exposés à une dépréciation du real de clore leurs positions de manière ordonnée. Interventions destinées à atténuer les pressions sur la liquidité en dollar : ces interventions ont été conduites à travers trois types d’instruments : des “repos”, des swaps de devises et des ventes de dollars spot. Chronologiquement, la BCB a d’abord privilégié les “repo”, vendant des devises et s’engageant à les racheter plus tard à un taux prédéfini afin d’atténuer les tensions sur le taux du dollar local (Cupom Cambial). Entre le 19 septembre et le 19 novembre, elle a ainsi fourni 6,9 milliards de dollars aux institutions financières opérant sur le marché interbancaire à travers ce type d’accords, avec des maturités qui ont été graduellement allongées de 30 à 182 jours. Ces accords de “repo” ont été étendus à partir du 6 octobre à l’ensemble des institutions brésiliennes ou étrangères autorisées à opérer sur le marché des changes et la gamme des collatéraux acceptés a été progressivement élargie, la BCB acceptant finalement de prendre en pension des portefeuilles de crédits exports. Les liquidités en dollars obtenues par ce biais doivent cependant être consacrées prioritairement à du financement export, et la BCB a fait savoir qu’elle veillerait à ce que cette condition soit respectée. A partir du 29 septembre, les autorités monétaires sont parallèlement intervenues sur le marché dérivé via des “swaps de devises” (ou un roll over partiel du stock de reverse swap arrivant à maturité) pour fournir des instruments de couverture aux acteurs désireux de réduire leur exposition aux variations du change. Ces interventions sur les marchés dérivés ont atteint 34 milliards de dollars au cours des deux derniers mois et pourraient encore être accrues de 33,6 milliards de dollars en cas de besoin en vertu du programme de 50 milliards de dollars annoncé le 23 octobre. Les interventions directes sur le marché spot destinées à limiter la dépréciation du real en utilisant les réserves de changes ont été plus tardives et pour l’heure relativement limitées, même si elles se sont intensifiées dans les dernières semaines : le real s’était déjà déprécié de 45% quand la BCB a commencé à vendre des dollars sur le marché des changes, le 8 octobre. Si l’on considère l’évolution des réserves de changes, ce dernier type d’intervention aurait atteint depuis environ 10 milliards de dollars. Plus récemment, le gouverneur de la BCB , Henrique Meirelles, a annoncé que les réserves internationales seraient utilisées pour faciliter le roll over de la dette en devise du secteur privé arrivant à maturité d’ici à fin 2009 et compenser ainsi l’assèchement des lignes de financement externes. Ce type d’intervention, dont le montant maximal a été fixé à 125% de la dette arrivant à maturité d’ici à fin 2009, prendra la forme de prêt à court terme et, sauf à supposer une défaillance des contreparties, ne devrait donc pas affecter à terme le montant des réserves de changes. Interventions destinées à atténuer les pressions sur la liquidité en monnaie domestique : ces interventions ont essentiellement consisté en une réduction des coefficients de réserve obligatoire des banques, avec un impact sur la liquidité domestique estimé à 100 milliards de BRL pour l’heure (environ 3,5% du PIB) mais qui pourrait atteindre 166 milliards de BRL in fine. Une attention particulière a été apportée aux difficultés de financement rencontrées par les petites et moyennes institutions financières ne pouvant s’appuyer sur une large base de dépôt : les grandes banques de dépôt ont été autorisées à déduire les montants utilisés pour acquérir les actifs des petites et moyennes institutions (jusqu’à 7 milliards de reals de fonds propres) des réserves qu’elles doivent constituer sur les dépôts à terme et la gamme de collatéraux acceptés par la BCB dans ses opérations de “repo” a été étendue aux portefeuilles de crédit des banques et aux débentures émises sur le marché domestique. Les principales banques publiques (BNDES, Banco do Brasil et Caixa Econômica Federal) dont les actifs représentent environ un tiers de ceux de l’ensemble du système bancaire ont également été sollicitées pour atténuer les tensions sur la liquidité domestique et éviter un credit crunch : Caixa Econômica Federal et Banco do Brasil ont été autorisées à acquérir des parts dans les institutions financières privées ou publiques basées au Brésil, et une nouvelle structure Caixa Banco de Investimentos SA a été créée pour étendre ces interventions à d’autres secteurs. Un prêt de 1 milliard de dollars a également été accordé par la Banque Interaméricaine de Développement (BIAD) à la BNDES pour fournir des prêts à long terme aux micro entreprises1. (1) Selon le communiqué de presse publié le 10 octobre par la BIAD, près de 30 000 entreprises pourraient bénéficier de cette mesure à travers un programme impliquant plus de 80 banques brésiliennes. Janvier 2009 Conjoncture 37 leurs opérations de “repo” et en autorisant les principales banques publiques a prendre des participations dans des institutions qui pourraient être en difficulté. Elles disposent encore de marges de manœuvre pour poursuivre ces interventions, les coefficients de réserves obligatoires restant élevés. Par ailleurs, même si les possibilités d’ assouplissement de la politique monétaire sont limitées pour l’heure, le niveau élevé des taux d’intérêt réels confère néanmoins à la BCB des possibilités d’action au-delà du court terme ou en cas d’évolution plus défavorable qu’anticipé de la croissance. Un endettement externe limité En % du PIB 45 40 8 35 30 6 25 20 15 10 Si la BCB a pu ainsi différer ses interventions pour stabiliser le change et laisser le BRL se déprécier fortement pour accroître ses marges de manœuvres prudentielles, c’est parce que les bilans des différents agents économiques apparaissaient finalement assez peu dollarisés. S’il est vrai que les expositions courtes en dollars de certaines contreparties privées pourraient conduire à des ajustements douloureux et entretenir pendant encore quelque temps une forte volatilité sur les marchés (cf. partie I), il faut cependant rappeler que la dette externe totale représentait moins de 14% du PIB en octobre 2008 et celle du secteur privé moins de 8,5% du PIB. Les difficultés de règlement sur le marché organisé des dérivés (BMF), où le montant des garanties déposées par les contreparties à la chambre de compensation a été augmenté par mesure de précaution, sont par ailleurs restées limitées. Sauf à imaginer que la taille du marché de gré à gré sur les dérivés de change ait été beaucoup plus importante que ce que laissent deviner les comptes publiés par les entreprises cotées pour le troisième trimestre, les risques systémiques liés à la dollarisation des bilans du secteur privé apparaissent donc modérés. Surtout, la vulnérabilité des finances publiques à la dépréciation du change, qui s’était révélée si dommageable lorsque le Brésil avait dû faire face à des sorties massives de capitaux en 2002-2003, était très réduite fin août 2008. La dette externe brute du secteur public consolidé représentait moins de 6% du PIB et le Janvier 2009 4 Dette externe brute Service de la dette 02 03 04 05 01 Graphique 20 La vulnérabilité des finances publiques est nettement plus faible que par le passé 10 06 07 08 2 Sources : BCB, BNP Paribas Une réduction de la vulnérabilité au risque de change en % du PIB 20 en % de la dette publique interne 0.35 0.30 15 0.25 10 0.20 5 0.15 0 -5 -10 0.10 -15 0.05 Dette publique extérieure nette Titres indexés sur le change 02 03 04 05 06 07 Graphique 21 -0.00 08 -0.05 Sources : BCB, Minist.da Fazenda, BNP Paribas stock de dette libellée en devise était encore plus faible, le gouvernement brésilien ayant pu émettre en real sur les marchés financiers internationaux à partir de 2005. Quant aux titres indexés sur le change émis sur le marché domestique, qui formaient près de 30% de la dette fédérale mobilière interne (DPMFI) en janvier 2002, ils représentaient à peine 9,7 milliards de BRL en août 2008, soit moins de 1% de l’ensemble des titres de la dette fédérale interne en circulation. A cette date, le secteur public consolidé était même créditeur net en devise à hauteur de 173 milliards de dollars, de sorte que la dépréciation du real a entraîné un recul marqué de la dette nette du secteur public consolidé (2,7 points de pourcentage de PIB entre fin août et fin octobre), qui est l’un des indicateurs les plus étroitement surveillés par les analystes de marché. Conjoncture 38 Certes, cette position longue en dollar pourrait se réduire significativement, voire disparaître, si la crise financière internationale obligeait les autorités monétaires à poursuivre leurs interventions sur le marché des changes ou même sur le marché dérivé pour une période de temps prolongée. En effet, le secteur public consolidé inclut, au Brésil, non seulement le gouvernement central, les gouvernements fédérés, les collectivités locales et les entreprises publiques, mais aussi la banque centrale : la dette nette du secteur public consolidé comprend donc, au passif, la base monétaire et à l’actif les réserves de changes de la banque centrale et peut être affectée à la hausse par les éventuelles pertes quasi fiscales enregistrées sur les swaps ou reverse swap de devises émis par les autorités monétaires. Toutefois, dans l’immédiat, la situation de créditeur net en devise du secteur public a permis d’éviter que les sorties de capitaux et la dépréciation du change n’induisent un cercle vicieux du type de celui qui avait été observé en 2002-2003 : vive hausse de la dette nette du secteur public consolidé ravivant les craintes relatives à la solvabilité du gouvernement, avec un impact négatif à la fois sur les conditions de financement de l’Etat (hausse des primes de risques sur les titres de la dette publique) et sur le change (sortie de capitaux), conduisant in fine à une détérioration encore plus marquée de la situation des finances publiques. D’une manière générale, les efforts accomplis depuis 1999 pour assainir les finances publiques via un renforcement des institutions budgétaires, un relatif maintien de la discipline budgétaire et une politique active de gestion de la dette ont fortement réduit les risques de voir le choc actuel mettre en péril la solvabilité du secteur public. L’amélioration de la structure de la dette publique est allée bien au-delà d’une réduction de sa sensibilité à un choc négatif de change : la part des titres indexés sur le SELIC dans la dette publique interne a également été fortement amoindrie, limitant les risques d’interaction défavorable avec la politique monétaire dans l’hypothèse où une transmission du choc de change aux prix plus forte que celle que nous anticipons contraindrait la BCB à relever son taux directeur. Janvier 2009 Structure de la dette publique interne par type d'instruments % de la dette publique interne totale 70 Indexé sur le Selic 60 50 Indexé sur le taux de change 40 30 Taux fixe 20 Indexé sur le taux d'inflation 10 0 00 01 Graphique 22 02 03 04 05 06 07 08 Sources : BCB, Minist.da Fazenda, BNP Paribas Un endettement public nettement plus réduit % du PIB 60 % du PIB 75 55 70 50 65 45 60 40 35 Dette nette du secteur public consolidé Dette brute du gouvernement général 00 01 Graphique 23 02 03 04 05 06 07 08 55 50 Sources : BCB, Minist.da Fazenda, BNP Paribas Surtout, les ratios de dette du secteur public par rapport au PIB ont été fortement réduits, que l’on se réfère à la dette nette du secteur public consolidé ou à la dette brute du gouvernement général, qui est l’indicateur alternatif utilisé pour éviter de prendre en compte la BCB et les entreprises publiques. Par ailleurs, des progrès significatifs ont été accomplis sur le front de la transparence : dans le cadre législatif formalisé par la Loi de Responsabilité Fiscale (2000), des cibles pluriannuelles de surplus primaire et d’endettement ont été établies à tous les niveaux de l’administration, le refinancement des Etats fédérés et des municipalités par le gouvernement fédéral a été interdit et les “dettes cachées” (“skeleton”) progressivement reconnues. Ces améliorations ont du reste eu un effet positif sur la confiance des investisseurs, Conjoncture 39 permettant une nette réduction des coûts de financement de l’Etat sur le marché obligataire depuis 2003. Saluées par une série d’upgrade des agences de notation qui ont ouvert le marché brésilien à une catégorie plus large d’investisseurs et dont on sait qu’elles ont un impact fort sur les comportements des opérateurs de marché(18), elles contribuent sans doute à expliquer que la hausse des primes de risque sur la dette souveraine brésilienne ait été plutôt moins marquée qu’ailleurs. Certes, cette dynamique favorable des finances publiques n’est pas figée dans le marbre. Elle pourrait notamment, comme on l’a vu, être remise en cause par une forte érosion du surplus primaire dans un contexte de décélération de la croissance plus marquée que celle que nous attendons ou/et de relâchement de la discipline budgétaire. Dans ce dernier cas en particulier, et notamment si la campagne pour les élections présidentielles de 2010 faisait apparaître une remise en cause de l’orthodoxie budgétaire, une remontée de l’aversion au risque souverain brésilien des investisseurs n’est pas à exclure, en dépit du nouveau statut du Brésil sur la scène internationale. Ceci dit, si les marges de manœuvre pour mettre en place une politique budgétaire contra cyclique sont très limitées, la vulnérabilité des finances publiques est incontestablement plus faible qu’elle ne l’était en 1998 ou en 2002-2003 et limite les risques systémiques dans le contexte actuel. Détérioration des primes de risque plutôt limitée Spread (EMBI +) bp 900 800 Brésil Pays émergents 700 600 500 400 300 200 100 M A Graphique 24 La solidité du système bancaire, qui avait déjà contribué à atténuer les effets de la crise de change de 1999 sur l’économie réelle, constitue également un important facteur de résistance de l’économie brésilienne face aux turbulences actuelles. Les études empiriques suggèrent en effet que les “sudden stop” et les crises de change dont l’impact récessif est le plus prononcé et le plus durable sont ceux qui s’accompagnent d’une “crise bancaire”(19), un scénario dont la matérialisation apparaît assez peu probable au Brésil. Certes, la qualité des actifs des banques, qui était restée très satisfaisante tout au long du cycle d’expansion du crédit enregistré depuis 2003, devrait se détériorer. Le poids des mauvaises créances (non Janvier 2009 J J A S O N D 2008 Sources : JP Morgan, BNP Paribas Coût de financement des banques en monnaie locale Spread par rapport au CDI-% du CDI 115 Début du cycle de durcissement de la politique monétaire 110 105 100 95 90 2005 Graphique 25 Des risques limités de crise systémique bancaire M 2006 2007 2008 Sources : BCB, Minist.da Fazenda, BNP Paribas performing loans(20)) dans les encours de crédit qui figurent à l’actif des banques, qui avait continué à décroître en septembre et s’était stabilisé à un niveau relativement faible (2,9 % des crédits totaux) en octobre semble notamment appelé à s’accroître selon un “effet de ciseau” extrêmement classique dans les phases de correction baissière du cycle : augmentation de la valeur des créances douteuses au numérateur et ralentissement de la croissance des encours de crédit au dénominateur. La détérioration devrait être particulièrement sensible sur le segment des crédits à la consommation, où le taux de défaut dépassait déjà les 7% fin août 2008 et où il est à craindre que la vive croissance du crédit observée au cours des dernières années n’ait conduit les banques à cibler des contreparties moins solvables. Elle devrait également Conjoncture 40 être assez marquée sur le segment des prêts aux entreprises où les taux de défaut étaient encore très modérés fin octobre (1,7 % des encours de crédit totaux) mais où certaines contreparties pourraient voir leur capacité de remboursement altérée à la fois par des pertes de change significatives, par le ralentissement de la croissance domestique et, pour celles d’entre elles qui opèrent sur les marchés mondiaux de matières premières, par une forte baisse de leurs prix à l’exportation et un net freinage de progression en volume de la demande mondiale. Cette détérioration de la qualité des actifs devrait obliger les banques à accroître leurs provisions, avec un impact dommageable sur leur profitabilité. Toutefois, les risques de détérioration de la qualité des actifs ne doivent pas être exagérés et les bilans des banques brésiliennes apparaissent relativement solides. En effet, au vu des premières données disponibles, l’exposition directe des banques brésiliennes aux variations du change semble relativement modérée. La BCB encadre strictement les positions ouvertes en devises que les banques peuvent prendre, et celles qui ont publié leurs comptes pour le troisième trimestre ont fait état d’une exposition directe beaucoup plus limitée que les marchés boursiers ne l’avaient craint aux dérivées de change. Par ailleurs, les banques brésiliennes ont privilégié au cours des dernières années une stratégie de développement axée sur le marché domestique et n’ont fait état d’aucune exposition aux actifs qui sont au cœur de la crise des subprime. A l’exception d’Unibanco, qui avait un partenariat avec AIG sur le segment de l’assurance, elles n’avaient pas non plus d’exposition significative à Lehman ou AIG. La détérioration de la qualité des actifs des banques brésiliennes devrait donc rester somme toute modérée, au regard notamment de celle enregistrée par les principales banques des pays industrialisés depuis la mi-2007. Les contraintes de liquidité devraient également rester modérées, le financement des banques brésiliennes étant à plus de 90% d’origine locale. Le durcissement de la politique monétaire de la BCB avait au demeurant préparé les banques brésiliennes à une hausse de leur coût de financement, un facteur dont la littérature suggère qu’il joue un rôle non négligeable dans la prévention des crises bancaires : le spread Janvier 2009 entre le taux servi par les banques sur leurs dépôts et leurs coûts moyens de financement sur le marché interbancaire tels que mesurés par le CDI (average one day interbank deposit rate) avait commencé à se tendre bien avant que les effets de la crise financière et du retournement du cycle de croissance mondiale ne commencent à se faire sentir au Brésil (cf. graphique) : ils se situaient même fin octobre à un niveau inférieur à celui qui était le leur fin août. Certes, certaines petites/moyennes banques dont le financement était particulièrement dépendant du marché semblent dans une situation plus difficile, même si les mesures prises par la BCB devraient contribuer à atténuer leurs difficultés de financement à court terme, et une poursuite du mouvement de consolidation du secteur bancaire semble probable. Toutefois, dans l’ensemble, les banques brésiliennes étaient assez peu “leveragées” au moment où la crise financière mondiale a rattrapé l’économie brésilienne : leurs portefeuilles de crédit représentaient environ 125% de leurs dépôts, un ratio certes supérieur à la moyenne régionale mais nettement inférieur à celui observé dans les pays industrialisés ou dans les pays émergents d’Europe de l’Est. La liquidité des banques brésiliennes apparaît du reste encore nettement meilleure si l’on prend en compte la totalité de leurs actifs. Ceux-ci sont en effet constitués pour un tiers environ de titres souverains dont la liquidité est élevée. Par ailleurs, les banques brésiliennes sont bien supervisées et ont abordé la crise avec des niveaux de capitalisation qui devraient leur permettre d’absorber le choc en cours sans problèmes de solvabilité majeurs. A 18,8% fin 2007, elles affichaient en effet un ratio de capitalisation moyen nettement supérieur aux normes de Bale II et même aux standards encore plus restrictifs imposés par la Banque centrale du Brésil (11%). Les stress tests réalisés par cette dernière sur la base des données disponibles en mai dernier suggéraient qu’aucune banque ne se trouverait en situation d’insolvabilité technique même dans l’hypothèse d’un choc simultané sur le taux de change, les taux d’intérêt et les taux de défaut des contreparties privées ; un tiers d’entre elles se trouveraient contraintes de lever du capital pour satisfaire aux normes minimales de capitalisation imposées par la banque centrale mais leurs besoins de capital resteraient modérés. Conjoncture 41 Conclusion Comme la crise mexicaine ou la crise asiatique, la crise financière actuelle s’est diffusée bien au-delà des économies qui l’avaient vu naître, modifiant en profondeur la dynamique des flux de capitaux dans de nombreux pays émergents. Des “fondamentaux” qui pouvaient apparaître relativement solides avant le début de la crise n’ont pas suffi à protéger le Brésil de l’onde de choc : la contagion financière a même été particulièrement virulente, entraînant une inversion du solde de la balance financière, un phénomène connu sous le nom de “sudden stop”, et une large dépréciation du change. Les conséquences sur l’économie réelle s’en font déjà ressentir et la principale économie du cône sud semble difficilement pouvoir éviter un ralentissement marqué de sa croissance. Les moteurs qui avaient soutenu le dynamisme de la demande intérieure (vive progression du crédit et développement des marchés de capitaux dans un contexte de desserrement de la politique monétaire, d’appréciation de la monnaie et de consolidation des finances publiques - amélioration des termes de l’échange dans un contexte de forte hausse du cours des matières premières qui avait permis un accroissement du revenu de la nation) apparaissent en effet grippés, et il y a peu de raisons de penser que la dépréciation du change puisse avoir un impact expansif sur la production et les exportations, permettant un ajustement “par le haut” au changement de dynamique des flux de capitaux. Toutefois, si la demande intérieure semble devoir ralentir fortement, il paraît peu probable que l’économie brésilienne doive faire face à une récession profonde et durable du type de celles qu’avaient connues les principales économies de la zone suite à la “crise de la dette” ou le Mexique en 1994. Selon nos projections, la croissance serait encore proche de 2% en moyenne annuelle en 2009 au Brésil, une performance qui implique bien sûr un brutal freinage par rapport aux rythmes d’expansion de l’activité observés jusqu’au troisième trimestre 2008 (et même une contraction du PIB fin 2008-début 2009) mais qui peut apparaître remarquable compte tenu des hypothèses relatives à l’environnement mondial retenues dans notre scénario central. Janvier 2009 Le déficit d’épargne de l’économie brésilienne était en effet limité au moment où les effets de la crise financière internationale ont commencé à se diffuser et plusieurs éléments contribuent à réduire le potentiel de contraction du solde financier. Outre que la valeur du stock d’investissements étrangers à court terme s’est déjà fortement réduite, le Brésil a conservé accès, du fait de la solidité de ses “fondamentaux”, à des flux de capitaux à plus long terme. Cette même solidité des fondamentaux devrait, par ailleurs, lui permettre de bénéficier d’une reprise rapide des entrées de capitaux au moment où la situation se normalisera sur les marchés financiers internationaux et où les investisseurs recommenceront à discriminer le risque. De plus, et même si les expositions de certains agents sur les dérivés de change sont un facteur d’incertitude, la taille du marché de gré à gré étant notamment difficile à évaluer avec précision, les bilans des différents acteurs apparaissaient finalement assez peu dollarisés au moment où les effets de la crise financière internationale se sont fait sentir. En particulier, le secteur public consolidé avait une exposition longue en dollar, de sorte que la dépréciation du real non seulement n’a pas compromis la stabilité des finances publiques mais a même permis une poursuite du recul de la dette nette du secteur public consolidé par rapport au PIB, contribuant sans doute à limiter la remontée de l’aversion des investisseurs au risque souverain brésilien. Enfin, si les marges de manœuvre des autorités pour soutenir la croissance via des politiques expansionnistes apparaissent limitées, ne serait-ce que parce que l’économie brésilienne était dans une situation de surchauffe au moment où les effets de la crise financière internationale l’ont rattrapée, elles disposent en revanche de nombreux outils pour lisser l’ajustement de la demande intérieure. Les réserves de la banque centrale sont notamment suffisantes pour limiter les risques de surréaction du change dans les mois à venir et pour faciliter le bouclage de la balance des paiements à court terme, d’autant que la banque centrale a évité de les dépenser dans la phase initiale de la crise, utilisant des repos en dollar et des swaps de devises pour atténuer les tensions sur la liquidité en dollar au lieu d’intervenir sur le marché spot. Conjoncture 42 Bien sûr, ces marges de manoeuvre ne sont pas inépuisables, et une aggravation ou/et un prolongement de la crise conduiraient inévitablement à revoir à la baisse les scénarios de croissance de l’économie brésilienne à court terme, finissant même peut-être par remettre en cause les progrès accomplis sur le front de la stabilité macroéconomique. Toutefois, et même si les incertitudes relatives à l’évolution de l’environnement mondial restent nombreuses, l’on peut du moins penser que, parmi les économies émergentes, le Brésil est loin d’être la plus vulnérable. Achevé de rédiger le 22 décembre 2008 [email protected] Janvier 2009 NOTES (1) Les économistes interrogés en juillet 2008 par le Consensus Forecast retenaient encore une prévision moyenne de croissance de 4% pour 2009 (contre 4,8% pour 2008). (2) Deux compagnies, Petrobras (secteur pétrolier) et CVRD (secteur minier) représentaient environ 30% de la capitalisation boursière fin mai 2008. (3) Si l’on considère la littérature existante sur le sujet, deux éléments doivent être réunis pour qu’une inflexion dans la dynamique des flux de capitaux étrangers entrant dans un pays puisse être considérée comme un “sudden stop” : la contraction des flux de capitaux doit être “large” et elle doit être “inattendue”. Les critères opérationnels retenus pour refléter ces deux caractéristiques varient en revanche selon les auteurs et la nature des données disponibles : Calvo et Reinhart (2000, 2002), par exemple, utilisent une approche qualitative, sur jugement d’experts. Calvo, Izquierdo, Meija (2003), qui travaillent sur des données mensuelles, privilégient en revanche une approche quantitative : un épisode de “sudden stop” doit contenir au moins une observation où la contraction annuelle des flux de capitaux étrangers entrants est supérieure à deux fois l’écart type observé sur la période immédiatement antérieure (caractère inattendu). Ils font également l’hypothèse que l’inflexion du compte financier de la balance des paiements doit être accompagnée d’une contraction significative du PIB. Guidotti, Sturzenneger, Villar (2004) ne retiennent pas ce dernier critère, dans la mesure où ils s’intéressent aux facteurs susceptibles d’expliquer le coût plus ou moins élevé en termes de croissance des “sudden stop” : travaillant sur une base de données annuelles, ils considèrent comme un “sudden stop” une contraction des flux de capitaux supérieure à une fois l’écart type observé sur la période précédente (caractère inattendu) et à 5 points de pourcentage du PIB (caractère large). Sur cette base (et même du reste si l’on retient le seuil plus restrictif d’une variation supérieure à deux fois l’écart type), l’inversion des flux de capitaux étrangers récemment observée au Brésil peut être rangée sans difficulté dans la catégorie des “sudden stop”. (4) Le terme de “crise de change” est souvent utilisé dans la littérature en référence à des régimes de change fixe ou semi fixe dont un choc et une série de déséquilibres préexistants entrainent l’abandon. Aussi préférons-nous ici le terme de “large dépréciation”, le Brésil ayant un régime de change flottant depuis 1999. Conjoncture 43 (5) Voir notamment Guidotti, Sturzenneger, Villar (2004) à ce sujet. (6) Le Cupom Cambial pour une maturité donnée est l’écart entre le taux d’intérêt local, mesuré par le taux d’intérêt sur les dépôts interbancaires, et la variation anticipée du taux de change sur la durée du contrat. Il est donc assimilable à un taux d’intérêt “synthétique” en dollar sur le marché local. (7) Votorantim aurait dépensé 2,2 milliards de BRL pour clore ses positions sur les dérivées de change, tandis que les pertes de Sadia sont estimées à 544 millions de dollars et celles d’Aracruz à 2,13 milliards de dollars. (8) Certains médias locaux sont même allés jusqu’à employer l’expression de “subprime brésiliens”. (9) Voir notamment à ce sujet Edwards, Savastano (1999). (10) Le Nairu (Non accelerating inflation rate of unemployment) est le taux de chômage le plus faible qui puisse être enregistré dans un pays donné sans accélération de l’inflation. Selon les estimations effectuées par la Banque centrale du Brésil dans son Rapport d’Inflation de mars 2008, il serait compris au Brésil dans un intervalle de 7,5% à 8,5%. (11) Voir par exemple Moura et Da Silva (2005). (12) La BCB consacre du reste un encadré à ce problème dans son Rapport d’Inflation du quatrième trimestre 2008. (13) La BCB réalise des enquêtes quotidiennes sur les anticipations d’inflation d’un nombre représentatif d’institutions du secteur privé depuis 1999. (14) Selon nos estimations, l’excédent primaire requis pour stabiliser le ratio de dette nette du secteur public consolidé par rapport au PIB se situerait aux alentours de 2,7 points de PIB dans un scénario où la croissance réelle ralentirait à 2,5% et où l’inflation retournerait au niveau de la cible de ceteris paribus, c’est-à-dire à taux de change et à taux d’intérêt constants. (15) Les flux nets considérés ici sont définis comme la différence entre les sorties de capitaux précédemment investis par les non-résidents au Brésil et les nouveaux investissements réalisés par les non-résidents au Brésil. (16) Les investissements directs étrangers, et notamment les prêts accordés aux filiales établies à l’étranger, représentent près de la moitié des sorties de capitaux de résidents observées au cours des derniers mois. (17) Ni les swaps ni les repos n’ont d’effet immédiat sur le niveau des réserves internationales. Dans le cas des repos, la banque centrale fournit aux institutions financières des dollars avec l’engagement de les racheter dans le futur. En raison de cette clause de rachat, les dollars fournis ne sont pas déduits Janvier 2009 des réserves. Il est vrai, en revanche, qu’ils en réduisent la disponibilité immédiate pour d’autres usages. Les swaps ne sont pas délivrables et sont réglés en BRL, en fonction de la différence entre le taux de change observé au moment de l’échéance du swap et le taux de change sur la base duquel a été conclu le swap. S’il s’avère que le real s’est déprécié à l’échéance au-delà du taux de change sur la base duquel a été conclu le swap, la BCB doit payer à l’acheteur du contrat la différence multipliée par le montant du contrat, en BRL. Les swaps peuvent donc impliquer une perte quasi fiscale de la Banque centrale en cas de dépréciation forte du real, avec un impact sur la dette publique consolidée, compte tenu des particularités de la définition du secteur public consolidé au Brésil. Ils n’ont, en revanche, aucun effet sur les réserves de changes. (18) Fitch et Standards and Poors ont élevé la note sur la dette souveraine brésilienne à long terme en devise jusqu’à BBB-, qui est l’échelon inférieur de la catégorie “investment grade”, début 2008. (19) Voir notamment Calvo, Reinhart (1999). (20) Les prêts sont considérés comme “non performants” au Brésil quand les arriérés de paiements dépassent les 90 jours. Conjoncture 44 Annexe : estimations de la croissance potentielle et de l’output gap au Brésil Nous réalisons un exercice standard de décomposition de la croissance en utilisant une fonction de Cobb Douglas et les données trimestrielles disponibles à partir de 1992. Y = 1−α α AK L α est l’élasticité de la production au travail. Sa valeur est fixée à 0,5, un niveau correspondant au partage de la valeur ajoutée entre capital et travail. Y est le PIB observé en volume. K est le stock de capital physique estimé par Ronaldo de Castro Souza(1) selon la méthode de l’inventaire perpétuel. K est ajusté pour les besoins de l’estimation par le taux d’utilisation des capacités dans l’ensemble de l’économie également calculé par Ronaldo de Castro Souza(2). L est le facteur travail, ie la population employée. Elle est estimée à partir des données de l’enquête annuelle menée par l’IIBGE (PNAD) qui a l’avantage d’offrir une couverture nationale. Les données trimestrielles sont dérivées des évolutions que fait apparaître l’enquête mensuelle menée par l’IBGE dans les principales zones urbaines du pays (PME). Néanmoins, il faut signaler que cette solution n’est pas entièrement satisfaisante, l’enquête mensuelle menée par l’IBGE présentant d’importantes ruptures sur la période. A est la productivité totale des facteurs (PTF). Elle est mesurée comme un résidu, à partir des valeurs de Y, L, et K. Cet exercice standard de décomposition de la croissance permet de mesurer la contribution de chaque facteur à la croissance du PIB sur la période 1992-2008(3), soulignant les changements structurels dans le schéma de croissance. Sur la période 2003-2008, la croissance reste toujours très intensive en facteurs physiques que sont le capital et le travail. Mais la contribution à la croissance de la productivité totale de ces facteurs qui ressortait en négatif entre 1997 et 2002 est redevenue positive, soulignant les gains d’efficacité enregistrés. (1) Voir Ronaldo de Castro Souza (2005) pour plus de détails sur la méthodologie. (2) ibidem. (3) Les estimations pour 2008 sont effectuées sur la base des données disponibles jusqu’au troisième trimestre. Contribution annuelle moyenne à la croissance du PIB en point de pourcentage PIB Stock de capital Taux de chômage PTF 1992-1996 4,1 1,7 1,2 1,2 1997-2002 1,7 0,9 1,1 -0,3 2003-2008(*) 5,1 1,9 1,3 1,8 Source : BNP Paribas (*) Les estimations pour 2008 sont effectuées sur la base des données disponibles jusqu’au troisième trimestre. Janvier 2009 Conjoncture 45 Pour estimer le PIB potentiel, nous filtrons ensuite la PTF au moyen d’un filtre HP afin d’éliminer la composante cyclique de ses variations. Le niveau potentiel du stock de capital est lui déterminé en faisant l’hypothèse d’une utilisation à 100% du stock de capital total. Enfin, le stock de travail potentiel est estimé à partir des données sur la population en âge de travailler en faisant l’hypothèse d’un taux de participation de 60% et d’un taux de chômage de 7,5% (estimations de NAIRU de la BCB). Le PIB potentiel se déduit de ces variables à chaque trimestre via la fonction Cobb-Douglas présentée ci-dessus. Il faut cependant signaler que la prise en compte, dans l’estimation, de la période très particulière qu’est le début de l’année 2008 conduit sans doute à surestimer la croissance potentielle. Au cours des trois premiers trimestre 2008, le niveau record d’utilisation des facteurs de production tout comme l’accélération de l’inflation signalaient en effet que l’économie brésilienne était très clairement en surchauffe, de sorte que la trajectoire des principaux facteurs de production pouvait difficilement être extrapolée sur le long terme. La méthode que nous avons utilisée ne permet sans doute pas d’éliminer totalement la composante “cyclique” et non extrapolable de la croissance sur cette période : il y a notamment lieu de penser que l’inclusion des trois premiers trimestres de 2008 conduit à surestimer la PTF “potentielle”, compte tenu notamment des limites propres aux filtres HP (effets de bord). De fait, les estimations de la croissance potentielle brésilienne que l’on peut réaliser sur cette base apparaissent assez différentes selon que l’on inclut ou non les trois premiers trimestres de 2008. Si l’on arrête l’estimation à fin 2007, la croissance potentielle ressort à 3,8%. Si l’on inclut les trois premiers trimestres de 2008, elle s’établit aux environs de 4,5%, un chiffre qui peut apparaître élevé compte tenu des faiblesses structurelles persistantes de l’économie brésilienne. Quoiqu’il en soit, deux éléments méritent d’être soulignés. D’une part, quelle que soit la période retenue, la croissance potentielle ressort en nette accélération au cours des dernières années, reflétant à la fois un accroissement du stock de capital et de l’efficacité avec laquelle est utilisée la combinaison productive capital travail. D’autre part, quelle que soit la méthode utilisée, l’écart de production (“output gap”) apparaissait très largement positif au troisième trimestre 2008, un constat au demeurant partagé par la BCB. Un output gap largement positif % du PIB potentiel % des capacités de production totales 97 7 une valeur positive indique que le PIB se situe à un niveau supérieur à son potentiel 6 Output gap 1 96 Output gap 2 5 95 Taux d'utilisation 4 des capacités 94 ensemble 3 de l'économie 93 2 2 1 -0 -1 -2 -3 -4 une valeur négative indique que le PIB se situe à un niveau inférieur à son potentiel 92 94 96 98 Graphique 26 - Annexe Janvier 2009 00 02 04 06 08 92 91 90 89 88 87 Sources : BCB, IPEA, BNP Paribas Conjoncture 46 Bibliographie Averbug André, Giambiagi Fabio: The Brazilian crisis of 1998-1999 :origins and consequences Textos para Discussao 77, BNDES (2000) Banco Central do Brasil Relatorio de Inflation (Mars 2008) Banco Central do Brasil Relatorio de Inflation (Décembre 2008) Calvo, Guillermo, Reinhart, Carmen: When capital inflows come to a sudden stop: consequences and policy options in Peter Kenen and Alexandre Swoboda, eds. 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Conjoncture - Taux - Change assure un suivi mensuel détaillé de la conjoncture économique et des évolutions des taux d’intérêt et de change dans les grands pays de l’OCDE. EcoWeek étudie des sujets économiques spécifiques et au cœur des débats (chaque vendredi). EcoFlash est un commentaire des principaux événements économiques (publication de données, décisions de politique économique) dans les heures qui suivent leur annonce, accompagné d’une analyse approfondie. EcoTV, le rendez-vous mensuel des économistes de BNP Paribas. Chaque mois, Philippe d'Arvisenet et ses équipes décodent pour vous l'actualité économique et financière sur le plateau d'EcoTV en français et en anglais. Vous pouvez visualiser ces interviews via notre site internet. Pour recevoir directement nos publications, vous pouvez vous abonner sur notre site La revue Conjoncture reflète l’opinion des Etudes Economiques de BNP Paribas. Elle est publiée uniquement à titre informatif. 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