LE CODE CIVIL EN MARTINIQUE : DE L’INFLUENCE DU CLIMAT Gérard Gabriel MARION Professeur d’histoire du droit Faculté de droit et d’économie de Martinique Occupée depuis 1632 par la France, la Martinique est progressivement dotée d’institutions et d’un personnel qui en font, toute proportion gardée, une province de fait avant la fin du XVIIe siècle 1. Trois guerres laissent des cicatrices, dans les mémoires et dans les faits au suivant : la guerre de Succession d’Autriche (1741-1748), celle de Sept Ans (1756-1763) et enfin celle d’Indépendance américaine (1776-1783). Chacune, c’est un hasard, dure sept ans. La seconde présentera une particularité : l’île va passer aux mains de l’occupant anglais durant près de dix-huit mois. Un précédent qui connaîtra des rééditions. En novembre 1789, une assemblée générale doit rédiger les cahiers de doléances et désigner les députés martiniquais à l’Assemblée nationale 2. Elle va déborder complètement son * La source principale de cette communication est constituée du volumineux Code de la Martinique, très utile travail, d’une belle qualité rédactionnelle commencé par Durand-Molard, secrétaire principal de la préfecture de la Martinique, et continué ensuite par Aubert-Armand. Il s’agit d’une compilation chronologique des textes tant d’Ancien Régime devenus inaccessibles que du début de l’Empire, avec bien sûr ceux émanant des administrateurs anglais, selon les époques. La première mouture de ce volumineux ouvrage est publiée à Saint-Pierre en 1807. Durand-Molard a fait pour la Martinique, mutatis mutandis, ce qu’Isambert a fait pour le royaume : une compilation fonctionnelle. Il est rapidement suivi d’une nouvelle édition. Les différents volumes sont indiqués in fine ; certains numéros renvoient à l’édition originale d’autres à une réédition. Par simplification, le mode de référencement signale simplement Code de la Martinique, le tome, et le numéro de l’acte, sachant que les textes se suivent avec un numéro ordinal. La première mouture de ce volumineux et capital ouvrage est publiée à Saint-Pierre en 1807. Durand-Molard a fait pour la Martinique, mutatis mutandis, ce qu’Isambert a fait pour le royaume, une compilation fonctionnelle. Il est rapidement suivi d’une nouvelle édition1. La colonie s’est déjà dotée d’une Feuille du Commerce, ou Petites Affiches de la Martinique, qui devient en 1803 Gazette officielle, politique et commerciale de la Martinique pour les textes aux fonctionnaires, qui devront sur le champ les exécuter comme s’ils leur eussent été directement et officiellement adressés par l’autorité supérieure, aux frais du gouvernement. Quelques années de cette feuille de 4, 8 ou 12 pages ont été reliées, constituant des volumes cohérents : Code de la Martinique, n° 996, arrêté du capitaine général et préfet du 22 ventôse an XI (13 mars 1803), et Feuille du Commerce ou petites Affiches de la Martinique n° XXI, 28 ventôse an XI, 19 mars 1803 : premier numéro officiel, dont les références porteront en note seulement le titre Gazette de la Martinique, le numéro de la livraison et les dates révolutionnaire et grégorienne. En fait, pratiquement tous les textes officiels, de l’administration centrale ou du pouvoir local, paraissent dans la Gazette, et sont repris par le Code. La Gazette, encombrée de nouvelles militaires, contient des informations sur la vie quotidienne de la colonie. Toutes les dates révolutionnaires sont doublées des grégoriennes. 1 La France pratique la traite à partir de 1627 sans doute. En 1664 est créée la Compagnie des Indes occidentales. La Compagnie d’Afrique, ou du Sénégal, en reçoit le monopole de la traite en 1679, étendu en 1685 à la Compagnie de Guinée. En 1693, le ministre constate son insuffisance ; le monopole des grandes compagnies va tomber peu à peu devant les nécessités économiques. La Compagnie des Indes retrouve le sien en 1724, qui sera aboli en 1767, et de nouveau appliqué en 1777 en faveur de la Compagnie de la Guyane. En 1783, Saint-Domingue est autorisée à recourir aux nègres d’origine étrangère. Ceux qui font partie des premiers voyages s’engagent à demeurer trois ans avec eux sous leur autorité absolue : p. 65. Le transport d’engagés est imposé par Louis XIV aux capitaines dès1671, renouvelé en 1698 et 1699 1701, 1715, 1728. L’engagé reçoit 4 pots de farine de manioc pas semaine, et 5 livres de bœuf salé, vêtement et une case. Il doit être soigné. Le maître exerce son pouvoir disciplinaire : l’engagé peut recevoir 50 coups, peut lui faire infliger la fleur de lys sur la joue s’il débauche pour la troisième fois les négresses. Les engagés qui marronnent sont contraints à 6 mois de plus pour rembourser la prime de 4 écus pour leur arrestation. En 1716, un engagé marron est condamné à passer autant de mois que de semaines de marronnage. L’engagement est réduit à 18 mois par ACE du 28 février 1670. à la fin de son engagement, l’engagé reçoit une petite concession de 1000 pas sur 200. En 1728, 1 engagé pour 20 noirs. En 1774, le transport obligatoire est supprimé par arrêt du Conseil d’Etat du 10 septembre : il était tombé en désuétude. Le peuplement blanc était considéré comme suffisant, les esclaves faisant le reste Casta-Lumio (Lucien), Etude historique…, pp. 65-92. 2 Code de la Martinique, n° 767, ordonnance des gouverneur et intendant du 22 octobre 1789. Le Code civil en Martinique : de l’influence du climat 2 but, et réformer les institutions coloniales. Il est vrai qu’elle se réunit au moment même où, dans le royaume, les provinces s’effacent devant les nouveaux départements 3. Dans la foulée, elle supprime les galères : les galériens seront donc marqués sur la joue droite de la traditionnelle lettre G et remis à la municipalité de Saint-Pierre qui les fera vendre outre-mer.4. La Martinique est réoccupée par les Anglais du 22 mars 1794 au 13 septembre 1802 5. L’occupant britannique ne change rien aux institutions. Simplement, cours et tribunaux, dont les officiers de justice doivent se faire connaître aux autorités d’occupation, vont exercer leurs fonctions dans application des formes usitées dans les autres îles britanniques sujettes de S.M. comme à Sainte-Lucie 6. Avec le traité d’Amiens du 6 germinal an X, la Martinique est rendue à la France. Les Martiniquais renationalisent l’île avec des monuments marquant la reconnaissance envers le héros qui les a rendus à leur patrie. Une place à Saint-Pierre, un monument à Desclieux, un jardin botanique au Parnasse entre les deux rivières, une promenade publique… la place du Mouillage sera agrandie ; on y construira une pyramide à la gloire de Napoléon, aux frais de la colonie, de l’eau dans les rues de Fort-de-France et des fontaines publiques, et une colonne avec une plaque à la Savane 7... Sitôt le pavillon monté au moment de la restitution de l’île, le Fort-Royal redeviendra Fort-deFrance, le Fort Bourbon sera le Fort Desaix, le port de Sainte-Lucie, ex-Castries sera Le Carénage et Port-Louis à Tabago sera Scarborough 8. Le conseil de préfecture installé par le préfet colonial doit examiner les comptes des receveurs particuliers à la Martinique. Il clôturera en outre la comptabilité anglaise 9. L’état de siège est proclamé par le capitaine général Villaret-Joyeuse le 19 messidor an XI (8juillet 1803). Tous les pouvoirs publics sont concentrés dans les mains du général en chef .10. Mais Napoléon Bonaparte reprend une île en situation économique difficile ; il veut rétablir l’autorité de la métropole dans le cadre des structures sociales d’Ancien Régime jugées seules capables de relancer la production des denrées coloniales. Il envoie Richepanse en Guadeloupe, qui rétablit le préjugé de couleur 11. Les Martinique, Guadeloupe, Bourbon et Cayenne auront leur comité consultatif, qui émettra son avis sur l’assiette et la répartition de la contribution publique, 3 Cf. Marion (Gérard Gabriel), L’assemblée coloniale de la Martinique, 1787-1790. Qu’ils reviennent, ils seront considérés comme épaves et vendus : Code de la Martinique, n° 774, ordonnance des administrateurs du 19 décembre 1789. 4 Concernant la liste des administrateurs britanniques : cf. (Anonyme), Almanach de la Martinique. L’abolition du décret du 16 pluviôse an II (13 février 1794) n’y est donc pas applicable. 5 Code de la Martinique, n° 807, 30 mars 1794. Le Conseil enregistre les ordonnances de Grey et Prescott et n° 809. 6 Code de la Martinique, n° 987, arrêté du 30 pluviôse an XI (19 février 1803). Sous l’occupation suivante, le jardin des plantes n’est point public : Idem, n° 1382, 1er avril 1811, consigne de l’administrateur Brodrick. 7 Code de la Martinique, n° 861, arrêt du Conseil souverain du 3 janvier 1797 et n° 955, 1802, arrêté consulaire. Mais curieusement, en 1818, on continue de mentionner Saint-Domingue, prouvant par le fait que son indépendance n’a toujours pas été reconnue par la France et les administrateurs coloniaux qui n’en ont toujours pas fait le deuil : Idem, tome VI, n° 1960, 7 octobre 1818. Dans le courant de son histoire, SainteLucie bat sans doute un record en changeant 14 fois de nationalité. 8 Code de la Martinique, n° 1020, ordonnance du préfet colonial du 20 fructidor an XI (7 février 1803). Le préfet colonial sera repris pour plusieurs raisons : ouverture injustifiée des ports aux étrangers, ouverture d’un entrepôt sans ordre du gouvernement : passation d’un marché pour fourniture sans respecter les formes : Idem, n° 973, 8 pluviôse an XI, 28 janvier 1803, n° 974, 8 pluviôse an XI, n° 975, 8 pluviôse an XI… 9 Code de la Martinique, n° 1016, proclamation du capitaine-général Villaret du 19 messidor au XI (8 juillet 1803). Il est difficile de savoir comment se sont comportées les chambres d’agriculture, établies au moment de la fin de la guerre de Sept Ans. Elles semblent remplacées par des comités consultatifs d’agriculture et de commerce : cf. l’arrêté du gouvernement du 23 nivôse an XI (14 mars 1806), qui établit les chambres d’agricultures, dont plusieurs dans les colonies françaises. 10 11 Butel (Paul), Histoire des Antilles françaises, XVIIe-XXe siècle, p. 244 sq. Le Code civil en Martinique : de l’influence du climat 3 sur le budget des recettes et dépenses du service intérieur. Il pourra faire des observation et des mémoires 12. La Martinique va encore subir une occupation anglaise avec la capitulation signée en 1809. Elle redevient française le 7 décembre 1814, après le traité définitif de paix et d’amitié de Paris du 30 mai entre sa Majesté britannique et sa Majesté très chrétienne, promulgué à la Martinique le 4 août 1814. On revient au statu quo ante du 1er janvier 1792 13. Napoléon a quitté le pouvoir, la terminologie d’Ancien Régime est donc rétablie, signant par là la Restauration de l’Ancien Régime notamment concernant les titres et dénominations des officiers supérieurs militaires et civils de la Marine, les tribunaux, la toponymie 14. À ce moment, gouverneurs et intendant, le système bicéphale d’Ancien Régime, sont remis en place. En 1817, l’administrateur est unique, le gouverneur administrateur, à la fois civil et militaire. Les fonctions du gouverneur seront déterminées ultérieurement par les ordonnances des 9 février 1827, 31 août 1839, 22 août 1833 et le sénatus-consulte du 30 mai 1854. Après la chute de l’empereur, un opportunisme législatif, mêlant l’ancien et le neuf, continue d’être vigoureux. Ainsi, le Code civil est maintenu en vigueur et les amirautés suivent l’édit de 1681 15. Un événement tout à fait essentiel se produit en 1804 en métropole, à la fois l’aboutissement d’un rêve déjà ancien permettant enfin l’unification juridique du pays et la concrétisation d’un des acquis les plus solides de la Révolution : l’égalité. L’on en parlait depuis longtemps, car l’idée de codification est lancée en 1789, mais avérée irréalisable à ce moment : elle restait à faire. En août 1800, la commission, sous la présidence de Tronchet, est constituée avec Boulay de la Meurthe, Portalis, Bigot de Préameneu et Malleville. Avec la proclamation du Code civil, les Français sont définitivement égaux, car ils obéissent aux mêmes lois. La loi est adoptée le 30 ventôse an XII (21 mars 1804), et le Code, qui devient le Code Napoléon avec le décret du 3 septembre 1807 16. L’arrêté colonial du 27 brumaire an XIV (18 novembre 1805) rétablit le calendrier colonial dans tout l’Empire 17. L’extension du Code civil dans les îles du Vent va donc marquer au moins partiellement la volonté napoléonienne d’étendre l’autorité et le droit de la France à son outre-mer, après l’échec cuisant de l’indépendance d’Haïti 18. Cette unification du droit ne peut être comprise qu’une fois Code de la Martinique, tome VII, n° 2119, 22 novembre 1819, ordonnance du roi. L’arrêté consulaire avait ordonné l’établissement des chambres d’agriculture à Saint-Domingue (4 chambres : Le Cap, PortRépublicain, Les Cayes et une pour la partie ci-devant espagnole : Idem, n° 996, arrêté consulaire du 23 ventôse an XI (14 mars 1803). 12 Code de la Martinique, tome VI, n° 30 mai 1814. Dans le courant de son histoire, Sainte-Lucie bat sans doute un record en changeant quatorze fois de nationalité. Idem, n° 1289, 24 février 1809. Signé VillaretJoyeuse et Beckrith. 13 Plusieurs plans sont échafaudés pour récupérer Saint-Domingue. Une clause secrète au traité de 1804 : la France est autorisée à reconquérir l’ancienne partie française de Saint-Domingue. Le trafic américain augmente : les sucres sont réexportés depuis les Etats Unis. L’ordonnance de 1825 tourne définitivement la page : le gouvernement haïtien versera la somme de 150 millions de francs pour dédommager les anciens propriétaires. La France de la monarchie de Juillet reconnaît complètement Haïti en 1838. Code de la Martinique, tome VI, n° 1529, 1er juillet, ordonnance du roi, n° 1732, 24 janvier 1817 et n° 1527, 15 juillet 1814. 14 Code de la Martinique, tome VI, n° 1562, 12 décembre 1814, ordonnance du gouverneur et n° 1568, 17 décembre 1814, procès-verbal de réinstallation du Conseil souverain et des tribunaux. 15 16 Louis XVIII maintient le Code, mais supprime l’intitulé que Napoléon III rétablit avec le décret du 27 mars 1852, non aboli en 1870 : Damien (André), Le Conseil d’Etat et le Code civil, p. 48. 17 18 Code de la Martinique, n° 1141, 18 novembre 1805, arrêté colonial. Le 1er novembre 1802, Leclerc meurt. C’est le début de la fin pour les armées françaises. Son armée qui était de 34 000 hommes n’est alors que de 3 000. …il connaissait peu le cœur humain. Il ne devina point le caractère singulier des Africains… et souleva d’implacables vengeances… Comme il n’avait aucune des qualités des capitaines appelés au commandement, son oraison funèbre qui fut prononcée devant quelques soldats échappés à la contagion et au fer de l’ennemi, ne fut qu’un assemblage harmonieux de paroles oiseuses entendues aux funérailles des hommes vulgaires. Métral (Antoine), Histoire de l’expédition des Français à Saint-Domingue, p. 160. Et Pauline se console rapidement avant même son départ de SaintDomingue. Son frère clôt le panégyrique : … Tout a péri, tout périra. Fatale conquête ! Terre maudite ! Perfides colons ! un misérable esclave révolté…p. 162. Leclerc ira au Panthéon et Louverture à Joux. Le Code civil en Martinique : de l’influence du climat 4 appréhendée la multiplicité des sources du droit jusqu’à la fin du gouvernement consulaire (I). Le Code est appliqué, avec quelques nuances (II). I. L’ENCHEVETREMENT DE SYSTEMES DIFFERENTS A- Les institutions publiques 1. le gouvernement colonial 2. les autres institutions coloniales B- Des normes nouvelles, mais tardives 1. les poids et mesures 2. les monnaies II. LE CODE CIVIL : L’UNIFICATION DU DROIT DANS LES FAITS A- Coutume de Paris et droit local 1. avant la Révolution : des codes privés 2. le Code civil : la cérémonie d’intronisation B- Les colonies, un régime d’exceptions 1. des adaptation ponctuelles 2. le complexe statut des personnes non blanches CONCLUSION La majeure partie de la population, les esclaves, n’est pas concernée par le Code 19 : le principe de l’égalité heurte profondément l’ordre colonial dont il est essentiel qu’il ne soit pas bousculé, sous peine de compromettre les colonies elles-mêmes. Avec la première Constitution et la proclamation des droits de l’homme, les constituants ont voulu faire une œuvre universelle, mais les colons, ceux de Saint-Domingue en tête, ont saboté cet élan. Les Barnave, les Cocherel, les d’Elbhecq déclarent à qui veut l’entendre que le droit de la France est inapplicable aux colonies. Cocherel va jusqu’à demander à l’Assemblée nationale de déclarer très officiellement que le décret des droits de l’Homme ne peut convenir à la constitution des colonies. Les principes révolutionnaires sont donc inexportables sous les tropiques : le local des îles rend incompatibles des notions aussi disparates que le sucre et les droits de l’homme. Les principes révolutionnaires sont proprement inapplicables ici simplement parce que les colons grands blancs les ont interdits : la Révolution n’est donc plus française, mais seulement métropolitaine, qu’on se le dise. Donc les colonies françaises ne font pas partie de la France : cela va de soi, et les beaux principes, c’est clair, ne s’appliquent pas en dehors de la France comprise comme strictement métropolitaine. Et corse. Le Code civil, chef-d’œuvre de la finesse du droit français, symbole de l’apaisement après les excès révolutionnaires, ce Code qui récapitule les droits antérieurs, ce Code civil applicable à l’Empire permet l’épanouissement du beau principe de l’égalité, copieusement encadré par la liberté et la fraternité, ce Code civil ne change donc strictement rien à la condition des noirs pourtant très majoritaires 20. Ce Code civil n’est donc aux Antilles qu’une simple pièce rapportée s’appliquant à 11,17 % de la population martiniquaise : aucun des anciens principes de l’Ancien Régime n’avait crié si fort l’inégalité au sein de l’Empire. Il est inutile de rappeler que le Code de 1804 est appliqué en Martinique trois ans après la restitution de la colonie à la France avec le traité d’Amiens, et que, conformément aux lois et règlements antérieurs à 1789, traite et esclavage ont encore de belles années devant eux 21. 19 En 1790, une population serve de 83 965 esclaves et de 5 773 gens de couleur libres est opposée à 11 171 blancs : Cf. Marion, L’administration des finances...., p. 57. Une disparité irrécusable. 20 La seule chose positive est la possibilité pour eux de tester en faveur d’un blanc : cf. Rémond (Marcel), La main-d’œuvre dans les colonies françaises, p. 13. Code de la Martinique, n° 922, loi du 10 prairial an X (30 mai 1802). C’est également l’année du rétablissement du calendrier grégorien dans tout l’empire avec l’arrêté colonial du 27 brumaire an XIV (18 novembre 1805) : Idem, n° 1141, arrêté colonial. 21 Le Code civil en Martinique : de l’influence du climat 5 L’article 6 (On ne peut déroger par des conventions particulières aux lois qui intéressent l’ordre public et les bonnes mœurs) est bien violé, le 7 ne s’y applique pas (L’exercice des droits civils est indépendant de l’exercice des droits politiques, lesquels s’acquièrent et se conservent conformément aux lois constitutionnelles et électorales), le 8 est particulièrement ambigu (Tout français jouira des droits civils), le 9 montre une inadéquation avérée (Chacun a droit au respect de sa vie privée. § Les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l’intimité de la vie privée ; des mesures peuvent, s’il y a urgence, être ordonnées en référé). Les gens de couleur libres, les esclaves ne sont pas concernés par l’alinéa 1, quelles que soient ses rédactions successives : Chacun a droit au respect de la présomption d’innocence. Il ne faut pas l’oublier : le Code noir continue à s’appliquer. On rappelle par ailleurs son importance. Il ne perd tout effet qu’avec l’abolition de 1848 22. Jusqu’à cette date, le Code Napoléon, pourtant promu au rang de bloc de granit, ne sera jamais que le Code civil des citoyens… libres. SOURCES (dont Archives départementales de la Martinique) et bibliographie : 1. (Archives départementales), Gazette de la Martinique, en particulier années 1803 à 1806 2. (Anonyme), Almanach de la Martinique, Fort-Royal, 1840. 127 p. 3. Bouche (Denise), Histoire de la colonisation française, Tome II : Flux et reflux (1815-1962), Fayard. Paris, 607 p. 4. Casta-Lumio (Lucien), Etude historique sur les origines de l’immigration réglementée dans nos anciennes colonies de la Réunion, la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane. Thèse. Paris 1906. 207 p. 5. Damien (André), Le Conseil d’Etat et le Code civil, In Journées d’étude à l’occasion du bicentenaire du Code civil. Éditions du Journal officiel. Paris, 2005. tome II, pp. 25-50. 6. Dessalles (Pierre, François, Régis). Annales du Conseil souverain de la Martinique ou Tableau historique du gouvernement de cette colonie depuis son établissement jusqu'à nos jours. Auquel on a joint l'analyse raisonnée des Loix qu'y ont été publiées, avec des réflexions sur l'utilité ou l'insuffisance de chacune des ces Loix en particulier. Bergerac, Puynesge, 1786. Réédition L'Harmattan. Paris 1995. Tome 1 en 2 volumes, 553 et 441 p.. Tome 2 en 2 volumes, 421 et 319 p : introduction, sources, bibliographie, notes et index par Bernard Vonglis. 7. Dubois (Laurent), Les esclaves de la république. L’histoire oubliée de la première émancipation 17891794, p. 55-56. 8. Durand-Molard, continué par Aubert-Armand, Code de la Martinique, Imprimerie du Gouvernement, Fortde-France, édition ou réédition à Fort-de-France par l’imprimerie du gouvernement, selon les volumes : 22 À ce moment, l’abolition concerne 72 859 esclaves en Martinique. Leur nombre a décru : 78 076 en 1836, 76 117 en 1845 Il est vrai que les affranchissements se sont accélérés depuis les années 1830 : 43 742 affranchissements dans les quatre colonies entre 1830 et 1844. Statistique officielle au 31 décembre 1847. Soit un total général de 233 814, répartis ainsi : - dont 14 à 60 ans : total hommes - 34 430 - 72 859 Martinique - 22 000 femmes - 38 427 hommes - 41 915 - 87 752 Guadeloupe - 28 000 femmes - 45 837 hommes - 37 136 - 60 260 Réunion - 29 000 femmes - 23 124 hommes - 6 645 - 12 943 Guyane - 5 000 femmes - 6 298 À quoi il faut bien sûr ajouter les 10 350 esclaves du Sénégal et les noirs captifs de Mayotte et Nossibè Cf. Casta-Lumio (Lucien), Etude historique sur les origines de l’immigration réglementée dans nos anciennes colonies de la Réunion, la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane, p. 12-15. La traite est abolie définitivement aux USA en 1794, en Angleterre en 1812 et l’affranchissement en 1833, en France avec le décret du 29 mars 1815, au Brésil en 1852. Le Code civil en Martinique : de l’influence du climat 6 Tome IV, 1787 (n° 693) à An XII-1804 (n° 1087), 732 p. Tome V, 1805 (n°1134) à 1812 (n° 1509), (les 70 premières pages manquent), 828 p. Tome VI, 1814 (1510) à 1818 (n° 2010), 1865, 722 p. Tome VII, 1819 (n° 2022) à 1823 (n° 4238), 1872, 656 p. Tome VIII, 1824 (n° 4239) à 1827 (n° 4876), 1872, 622 p 9. Foyer (Jean), Conclusion, In Journées d’étude à l’occasion du bicentenaire du Code civil. Éditions du Journal officiel. Paris, 2005. tome II, pp. 243-251. 10. Imbert-Quaretta (Mireille), Code civil et outre-mer, une illustration : Mayotte. In Journées d’étude à l’occasion du bicentenaire du Code civil. Éditions du Journal officiel. Paris, 2005. tome II, pp. 191-203. 11. Marion (Gérard Gabriel), Distance et dépendance : les incohérences de la politique coloniale de l’Ancien Régime. À paraître in La représentation de l’outre-mer en métropole. CRPLC-Faculté de droit et d’économie de Martinique. 12. Marion (Gérard Gabriel), L’administration des finances en Martinique, 1679-1790, L’Harmattan, Paris. XXXIV et 764 p. 13. Marion (Gérard Gabriel), l’Assemblée coloniale de la Martinique : 1787-1790. Mémoire. Bibliothèque universitaire, Schoelcher, Martinique. 14. Marion (Gérard Gabriel), Le développement historique de l’entreprise insulaire, in L’entreprise insulaire, moyens et contraintes, Travaux du CERJDA, volume 3. L’Harmattan, 2004, pp. 19-83. 15. Moreau de Saint-Méry (Louis Médéric Elie), Voyage aux Etats-Unis de l’Amérique pendant les années de 1793 à 1798. With an Introduction and Notes by Steward L. Mims. New-Haven. Yale University Press. MCMXII. 16. Moreau de Saint-Méry (Médéric Louis Elie) Description topographique, physique, civile, politique et historique de la partie française de l’isle Saint-Domingue. 3e édition. Publication de la Société française d’histoire d’outre-mer. Paris, 2004. 17. Rémond (Marcel), La main-d’œuvre dans les colonies françaises. Thèse de droit. Librairie du Cerf. Paris, 1903, 151 p. 18. Renouard (Félix, marquis de Sainte-Croix), Statistique de la Martinique, tomes I et II. Chamont. Paris, 1822. XXX et 340 p. 19. Thibau (Jacques), Le temps de Saint-Domingue. L’esclavage et la révolution française. Lattès. Paris, 1989. 20. Vaissière (Pierre de), Saint-Domingue. La société et la vie créoles sous l’Ancien Régime, 1629-1789.