LE CODE CIVIL EN MARTINIQUE : DE L’INFLUENCE DU CLIMAT
Gérard Gabriel MARION
Professeur d’histoire du droit
Faculté de droit et d’économie de Martinique
Occupée depuis 1632 par la France, la Martinique est progressivement dotée
d’institutions et d’un personnel qui en font, toute proportion gardée, une province de fait avant la
fin du XVIIesiècle 1. Trois guerres laissent des cicatrices, dans les mémoires et dans les faits au
suivant : la guerre de Succession d’Autriche (1741-1748), celle de Sept Ans (1756-1763) et enfin
celle d’Indépendance américaine (1776-1783). Chacune, c’est un hasard, dure sept ans. La seconde
présentera une particularité : l’île va passer aux mains de l’occupant anglais durant près de dix-huit
mois. Un précédent qui connaîtra des rééditions.
En novembre 1789, une assemblée générale doit rédiger les cahiers de doléances et
désigner les députés martiniquais à l’Assemblée nationale 2. Elle va déborder complètement son
* La source principale de cette communication est constituée du volumineux Code de la Martinique,
très utile travail, d’une belle qualité rédactionnelle commencé par Durand-Molard, secrétaire principal de la
préfecture de la Martinique, et continué ensuite par Aubert-Armand. Il s’agit d’une compilation
chronologique des textes tant d’Ancien Régime devenus inaccessibles que du début de l’Empire, avec bien
sûr ceux émanant des administrateurs anglais, selon les époques. La première mouture de ce volumineux
ouvrage est publiée à Saint-Pierre en 1807. Durand-Molard a fait pour la Martinique, mutatis mutandis, ce
qu’Isambert a fait pour le royaume : une compilation fonctionnelle. Il est rapidement suivi d’une nouvelle
édition. Les différents volumes sont indiqués in fine ; certains numéros renvoient à l’édition originale d’autres
à une réédition. Par simplification, le mode de référencement signale simplement Code de la Martinique, le
tome, et le numéro de l’acte, sachant que les textes se suivent avec un numéro ordinal. La première mouture
de ce volumineux et capital ouvrage est publiée à Saint-Pierre en 1807. Durand-Molard a fait pour la
Martinique, mutatis mutandis, ce qu’Isambert a fait pour le royaume, une compilation fonctionnelle. Il est
rapidement suivi d’une nouvelle édition1.
La colonie s’est déjà dotée d’une Feuille du Commerce, ou Petites Affiches de la Martinique, qui
devient en 1803 Gazette officielle, politique et commerciale de la Martinique pour les textes aux
fonctionnaires, qui devront sur le champ les exécuter comme s’ils leur eussent été directement et
officiellement adressés par l’autorité supérieure, aux frais du gouvernement. Quelques années de cette feuille
de 4, 8 ou 12 pages ont été reliées, constituant des volumes cohérents : Code de la Martinique, n° 996, arrêté
du capitaine général et préfet du 22 ventôse an XI (13 mars 1803), et Feuille du Commerce ou petites Affiches
de la Martinique n° XXI, 28 ventôse an XI, 19 mars 1803 : premier numéro officiel, dont les références
porteront en note seulement le titre Gazette de la Martinique, le numéro de la livraison et les dates
révolutionnaire et grégorienne. En fait, pratiquement tous les textes officiels, de l’administration centrale ou
du pouvoir local, paraissent dans la Gazette, et sont repris par le Code. La Gazette, encombrée de nouvelles
militaires, contient des informations sur la vie quotidienne de la colonie. Toutes les dates révolutionnaires
sont doublées des grégoriennes.
1La France pratique la traite à partir de 1627 sans doute. En 1664 est créée la Compagnie des Indes
occidentales. La Compagnie d’Afrique, ou du Sénégal, en reçoit le monopole de la traite en 1679, étendu en
1685 à la Compagnie de Guinée. En 1693, le ministre constate son insuffisance ; le monopole des grandes
compagnies va tomber peu à peu devant les nécessités économiques. La Compagnie des Indes retrouve le sien en
1724, qui sera aboli en 1767, et de nouveau appliqué en 1777 en faveur de la Compagnie de la Guyane. En 1783,
Saint-Domingue est autorisée à recourir aux nègres d’origine étrangère.
Ceux qui font partie des premiers voyages s’engagent à demeurer trois ans avec eux sous leur
autorité absolue : p. 65. Le transport d’engagés est imposé par Louis XIV aux capitaines dès1671, renouvelé
en 1698 et 1699 1701, 1715, 1728. L’engagé reçoit 4 pots de farine de manioc pas semaine, et 5 livres de
bœuf salé, vêtement et une case. Il doit être soigné. Le maître exerce son pouvoir disciplinaire : l’engagé peut
recevoir 50 coups, peut lui faire infliger la fleur de lys sur la joue s’il débauche pour la troisième fois les
négresses. Les engagés qui marronnent sont contraints à 6 mois de plus pour rembourser la prime de 4 écus
pour leur arrestation. En 1716, un engagé marron est condamné à passer autant de mois que de semaines de
marronnage. L’engagement est réduit à 18 mois par ACE du 28 février 1670. à la fin de son engagement,
l’engagé reçoit une petite concession de 1000 pas sur 200. En 1728, 1 engagé pour 20 noirs. En 1774, le
transport obligatoire est supprimé par arrêt du Conseil d’Etat du 10 septembre : il était tombé en désuétude.
Le peuplement blanc était considéré comme suffisant, les esclaves faisant le reste Casta-Lumio (Lucien),
Etude historique…, pp. 65-92.
2Code de la Martinique, n° 767, ordonnance des gouverneur et intendant du 22 octobre 1789.