Mexique : toujours exposé, moins vulnérable

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Mexique : toujours exposé,
moins vulnérable
Sylvain Bellefontaine
’année mouvementée qui s’est achevée et celle qui
débute indiquent que la contagion aux marchés
émergents de la crise de liquidité et de confiance
internationale, née de la crise du crédit “subprime” aux EtatsUnis, demeure jusqu’ici assez mesurée. En ce début d’année
2008 où tous les analystes scrutent les signes de récession
économique aux Etats-Unis et le gouvernement mexicain a
revu à la baisse sa prévision de croissance économique de
3,7% à 2,8% cette année – tendant à converger vers notre
scénario central de +2,0% (cf. Ecoweek 07-41) – il paraît
opportun de revenir sur les liens macroéconomiques existant
entre les deux économies, notamment les sources et
mécanismes de propagation de chocs survenant aux EtatsUnis à l’économie mexicaine. Au-delà des inquiétudes à court
terme portant sur la conjoncture internationale et ses
conséquences sur l’économie mexicaine, notons que la
première année du “sexenio” du Président Felipe Calderon
semble confirmer son engagement à réformer de façon
pragmatique et progressive un pays marqué par des rigidités
et des faiblesses structurelles.
L
Croissance économique : une vigueur
toute relative
Depuis la récession de 2001-2002, l’économie
mexicaine a opéré un redressement et enregistré une
croissance du PIB réel de 3,9% l’an sur 2004-2006,
contre 2,5% sur la période 1980-2003. Les performances
du pays demeurent en grande partie déterminées par le
cycle économique des Etats-Unis. Bien qu’aucune
réforme économique majeure n’ait été mise en œuvre
par le gouvernement de Vicente Fox (2000-2006), le
redressement de l’économie mexicaine a été indéniable,
profitant d’une conjoncture internationale très porteuse
jusqu’à l’année dernière.
Mars 2008
La dynamique de croissance de l’économie mexicaine…
La demande intérieure a connu depuis quelques
années un rythme de croissance relativement soutenu, à
la faveur de fondamentaux plus solides, de l’embellie du
marché de l’emploi, d’un plus large accès au crédit et
de la vigueur des remesas, les transferts d’argent opérés
par les travailleurs émigrés (cf. encadré, page 28).
L’investissement et la consommation privée ont constitué,
au cours des années 2004-2006, deux moteurs majeurs
de la croissance, progressant respectivement de 8,5% et
5% l’an (cf. graphiques 1 et 2, page 24). Ce dynamisme
de la demande domestique s’est traduit par une hausse
importante du volume des importations, dont le rythme
de croissance s’est révélé plus rapide que celui, déjà
soutenu, des exportations. Une part substantielle des
importations demeure toutefois constituée de biens
intermédiaires et d’équipement incorporés au processus
de production de biens réexportés vers le marché
américain.
Dans un tel contexte, les indicateurs de confiance des
acteurs économiques, entreprises et des ménages, ont
suivi une tendance positive allant de pair avec une
reprise de l’investissement. Ainsi, le taux d’investissement a atteint 22,1% du PNB en 2006 et probablement
22,5% en 2007 ; pourtant, il se situe toujours en deçà du
niveau enregistré à la fin des années 1990 (au-dessus
de 24%) et reste relativement bas comparativement
aux niveaux constatés dans les pays émergents,
notamment en Asie.
… s’est essoufflée en 2007…
Malgré un léger rebond, a priori provisoire, enregistré
dans la seconde moitié de l’année, soutenu par les
Conjoncture
23
exportations dans le sillage de la bonne tenue de la
demande d’importations aux Etats-Unis, l’année 2007
s’est avérée globalement assez décevante. Le
ralentissement économique s’est accompagné, depuis la
fin de 2006, d’une certaine inflexion des indices de
confiance et des créations d’emplois(1). Autre fait notoire,
les transferts d’argent des travailleurs émigrés, qui ont
contribué à stimuler la consommation mexicaine et à
soutenir les comptes externes au cours des dernières
années, ont marqué le pas. Pour l’ensemble de l’année
2007, le volume des remesas (USD 24 milliards) n’a
progressé que de 1%, un phénomène qui s’explique
notamment par un effet de base important compte tenu
de la progression des dernières années (+23% par an en
moyenne entre 2000 et 2006), par certaines incertitudes
nées du projet de durcissement de la politique d’immigration aux Etats-Unis et du renforcement des contrôles
aux frontières, et surtout par le fait que près de 30%
des Mexicains émigrés aux Etats-Unis travaillent dans
le secteur du bâtiment, directement touché par la crise
rampante de l’immobilier depuis la mi-2006(2). (Cf.
graphique 3).
De son côté, le secteur manufacturier a accusé
des performances décevantes avec une augmentation
de la production estimée à +1,5% en 2007. Deux
secteurs emblématiques de l’économie mexicaine
illustrent ce ralentissement. Tout d’abord, la production automobile, qui compte pour un quart des
exportations du pays, n’a progressé que de 2,2% en
2007 après une année 2006 très faste (+ 23,2%),
stigmatisant le ralentissement de la demande aux
Etats-Unis, mais aussi sur le marché domestique. De
son côté, le secteur du textile continue de subir la
concurrence asiatique. La production périclite depuis
2001 et s’est rétractée de plus de 5,0% l’année
dernière. (Cf. graphique 4, page 26).
Autre symbole national fort s’il en est, la production de
pétrole brut a atteint un point haut en 2004 et décroît de
façon inexorable depuis lors, conséquence de
l’incapacité financière et technique de Pemex – la
société publique dont la position monopolistique dans
l’exploitation des réserves pétrolières du pays est inscrite
dans la constitution – à investir dans l’exploration
(notamment en eaux profondes dans le golfe du
Mexique), les capacités de production, le raffinage et le
Mars 2008
Croissance du PIB réel et composantes
de la demande
%, glissement annuel
15
PIB réel
Conso. privée
Investissement
Conso. publique
Contribution nette
du commerce extérieur
10
5
0
-5
-10
00
01
02
03
Graphique 1
04
05
06
07
Sources : Banxico, BNP Paribas
Contribution à la croissance du PIB réel
Importations
Exportations
Variations de stocks
Investissement
Consommation publique
Consommation privée
6
5
4
3
2
1
0
-1
-2
-3
-4
00
01
02
03
Graphique 2
04
05
06
07
Sources : Banxico, BNP Paribas
Origine du PIB nominal
Agriculture
5%
Mines
1%
Produits
manufacturés
18%
Construction
4%
Services
72%
Graphique 3
Conjoncture
24
Sources : INEGI, IFI, BNP Paribas
développement de produits dérivés du pétrole. Ainsi, la
production de brut a chuté de 10% en trois ans et
de 5,3% pour la seule année 2007, pour s’établir à
3,08 millions de barils par jour en moyenne sur douze
mois, dont 55% sont exportés, en quasi-totalité vers les
Etats-Unis. (Cf. graphique 5, page 26).
Dans le même temps, le secteur de la construction,
l’un des plus dynamique ces dernières années, n’a
progressé que de 2,5% en 2007 après 6,9% en 2006. En
définitive, ce sont les secteurs des transports, de
l’agriculture et des services financiers, représentant
ensemble environ un tiers du PIB nominal, qui se sont
avérés les plus dynamiques.
Dans ces conditions, la croissance du PIB réel est
attendue à 3,3% pour l’ensemble de l’année 2007, soit
légèrement au-dessous de son potentiel estimé à 3,5%
et surtout en retrait par rapport aux six principaux pays
d’Amérique latine. La croissance moyenne de la zone est
estimée à 6,2% en 2007 en excluant le Mexique et à
5,4% en l’intégrant.
ces éléments se retrouvent dans la majorité des pays
d’Amérique latine et ne constituent pas des facteurs
discriminants tangibles et pertinents.
L’explication fondamentale réside dans la
spécialisation économique du Mexique qui diffère
significativement de celle de ses voisins du sud. En effet,
l’ensemble des pays d’Amérique du Sud, dont les
matières premières représentent plus de la moitié des
exportations totales (90% dans le cas du Venezuela), ont
profité du dynamisme de la demande mondiale
d’hydrocarbures, métaux et denrées agricoles depuis
plusieurs années, tiré notamment par l’Asie émergente,
dont la contribution à la croissance mondiale dépasse les
35%. Ces pays ont donc bénéficié d’opportunités pour
initier une certaine diversification de leurs débouchés
géographiques et négocier des accords de partenariats
économiques (accords commerciaux, prises de participations dans des sociétés sud-américaines) avec la
Chine et l’Inde notamment. (Cf. tableau 1 et graphique 9,
page 26).
… et demeure inférieure à celle de l’Amérique latine et
des principaux pays émergents…
Part des matières premières dans les exportations (%)
Ainsi, malgré des performances économiques
honorables, le Mexique n’a toutefois pas rejoint le “club”
des marchés émergents en forte expansion économique.
Au-delà des interrogations relatives à la soutenabilité de
la croissance à moyen terme dans des pays comme
l’Argentine ou le Venezuela notamment, force est de
constater qu’à l’échelle régionale le Mexique se situe en
retrait, la zone dans son ensemble ayant affiché une
croissance annuelle moyenne du PIB réel de 3,6% entre
2000 et 2007 contre 2,9% pour le Mexique. (Cf.
graphiques 6 et 7, page 26).
Cette faiblesse relative de la croissance mexicaine
ne semble pas devoir être imputée à un manque
de dynamisme de l’investissement, le taux d’investissement se situant dans la moyenne régionale (cf.
graphique 8, page 26). Si la croissance potentielle du
Mexique est contrainte par la qualité médiocre du capital
humain et des infrastructures, la faible productivité, la
rigidité du marché du travail ou encore les défaillances
de l’environnement légal (corruption, évasion fiscale...),
Mars 2008
Matières
Hydro
premières
carbures
41
18
Argentine
61
17
2
42
Brésil
52
8
18
26
Amérique
latine
Métaux
Agriculture
et autres
11
12
Mexique
19
15
1
3
Chili
75
0
56
19
Colombie
57
26
16
15
Pérou
75
9
56
10
Venezuela
Tableau 1
90
87
3
0
Source : IFI
… compte tenu de la vive concurrence internationale
pour l’accès au marché américain
Bien que le Mexique ait profité du boom des prix
mondiaux des matières premières – essentiellement le
pétrole dont la part dans la valeur des exportations
totales du pays s’est accrue malgré la baisse marquée
de la production –, ses exportations demeurent
Conjoncture
25
Croissance du PIB réel
(%, moyenne annuelle 2000-2007)
Production manufacturière
%, glissement annuel
60
Production manufacturière totale
Russie
Textile
Automobile
Industrie métallurgique,
machines et équipement
40
6,9
Inde
7,2
Chine
9,9
Amérique latine
20
3,6
Vénézuela
4,6
Chili
4,4
Colombie
0
4,2
Argentine
3,4
Brésil
3,4
Mexico
-20
00
01
02
Graphique 4
03
04
05
06
07
Sources : INEGI, BNP Paribas
0
1
2
Graphique 7
3
4
5
6
7
8
9
10
Sources : FMI, Data Insight, BNP Paribas
Taux d'investissement
en Amérique latine
Production de pétrole brut
3.5
2,9
% du PNB
30
mns barils/j
mns barils/j, moy. 12 mois
2002
2004
2006
2003
2005
25
3.0
20
2.5
15
10
2.0
5
1.5
91 92 93 94 95 96 97 98 99 00 01 02 03 04 05 06 07
Graphique 5
Sources : INEGI, Pemex, BNP Paribas
Croissance économique : Amérique latine
%, croissance annuelle
Amérique latine
25
15
10
BRE
CHILI
COL
MEX
Graphique 8
PER
ARG
VEN
Sources : IFI, BNP Paribas
Part des exportations destinée
aux Etats-Unis (%)
8
Argentine
Chili
Mexique
Argentine
Vénézuela
Brésil
Colombie
20
0
Chili
16
Brésil
18
Pérou
26
Colombie
35
5
Vénézuela
0
-5
52
83
Mexique
-10
-15
46
Equateur
48
Amérique latine
00
Graphique 6
01
02
03
04
05
06
07 e
Sources : FMI, Data Insight, BNP Paribas
Mars 2008
0
Graphique 9
Conjoncture
26
20
40
60
80
100
Sources : Banxico, BNP Paribas
composées à hauteur de 80% de produits manufacturés
(biens intermédiaires et de consommation finale) (cf.
graphique 10). En conséquence, le Mexique, économie
relativement ouverte dont le poids des exportations
atteint 42% du PIB, est confronté à une concurrence
internationale intense sur des marchés où l’Asie
émergente – principalement la Chine (textile, électronique, pièces détachées automobiles), l’Inde (textile)
et la Corée du Sud (automobiles) – constitue un
compétiteur majeur pour l’accès au premier marché
mondial : les Etats-Unis.
Bien que le Mexique reste le troisième exportateur
mondial à destination des Etats-Unis, derrière le
Canada et la Chine, sa part de marché s’est réduite de
11,7% en 2001 à 11,0% en 2007, au moment où celle de
la Chine (hors réexportations via Hong Kong) est
passée de 9,6% à 17,6%(3) (cf. graphique 11). Toutefois,
après avoir baissé entre 2003 et 2005, elle a retrouvé
une pente ascendante depuis 2006, grâce aux bonnes
performances d’ensemble affichées par le secteur des
maquilas, par lesquelles transitent 45% des exportations mexicaines, confirmant la compétitivité et
l’attractivité du pays : les gains de productivité dans
l’industrie ont progressé plus rapidement que les
salaires réels alors que le taux de change effectif réel
restait relativement stable (cf. graphique 12). Après la
crise de 2001-2002, au cours de laquelle un cinquième
des 3 600 usines a été délocalisé, le secteur a opéré un
redressement. En 2006, la production totale de
marchandises assemblées a crû de 3,3% en volume et
de 12,2% en valeur, après déduction des composants
importés. Tandis que les secteurs requérant une maind’œuvre faiblement qualifiée ont souffert de la
concurrence internationale (la production de textile a
diminué de 21% en six ans), les produits à plus forte
valeur ajoutée ont bien résisté. L’industrie électronique a
ainsi créé plus de 15 000 emplois en 2006, alors que le
secteur des maquilas est demeuré globalement assez
peu créateur d’emplois. Malgré un coût du travail
sensiblement plus élevé qu’en Chine ou en Inde, et des
défaillances en termes d’infrastructures de transport
et de télécommunications, la proximité du marché
américain confère au Mexique un avantage concurrentiel décisif du fait de coûts de transport réduits (cf.
tableaux 2 et 3, page 28).
Mars 2008
Composition des exportations du Mexique,
en % des exportations totales, cumul sur 12 mois
Agriculture
100
90
80
70
60
50
40
30
20
10
0
Pétrole
Autres produits manufacturés
Produits électroniques et électriques
Machines et équipement
Automobile
94 95 96 97 98 99 00 01 02 03 04 05 06 07
Graphique 10
Sources : Banxico, BNP Paribas
Part de marché aux Etats-Unis
%
18
Mexique
Chine
16
14
12
10
8
6
4
93 94 95 96 97 98 99 00 01 02 03 04 05 06 07
Graphique 11
Sources : Banxico, US Dpt of Commerce, BNP Paribas
Indicateurs de "compétitivité coût",
indice base 100 en janvier 1993
moyenne mobile sur 12 mois
échelle inversée
40
200
Productivité
du
travail/
190
50
Salaire réel
180
(sect. manuf.)
60
170
160
70
150
80
140
130
90
de
120
K Amélioration
la compétitivité 100
Taux de change
110
effectif réel
100
110
95 96 97 98 99 00 01 02 03 04 05 06 07
Graphique 12
Conjoncture
27
Sources : Banxico, BNP Paribas
Indicateurs de compétitivité
Corruption (classement sur 179 pays)
Education (classement sur 57 pays)
Liberté d'entreprendre (classement sur 179 pays)
Nombre de jours pour débuter une activité
Application des contrats :
Nombre de procédures
Nombre de jours
Restrictions à l'embauche
Facilités de licenciement
Impôt sur les profits (%)
Taux d'imposition total (% profit)
Coût d'exportation (USD par conteneur)
Coût d'importation (USD par conteneur)
Indice de protection des investisseurs
Tableau 2
Mexique
72
46
44
27
Chili
72
42
33
27
Chine
22
83
35
Corée du Sud
43
4
30
17
38
36
35
35
415
480
406
230
33
33
11
11
70
20
40
40
22,4
18,3
19,9
18,3
51,2
25,9
73,9
34,9
1302
645
390
745
2411
685
430
745
6
6
5
5
Sources : Banxico, Banque mondiale, Transparency International, OCDE, Fitch, BNPP
Au final, le potentiel de croissance du Mexique
demeure modeste. Comme la majorité des pays
d’Amérique latine, le Mexique affiche un taux d’investissement insuffisant pour assurer un taux de croissance
supérieur à 3,5-4,0% en longue période. De plus, la
spécialisation manufacturière du secteur exportateur
mexicain – potentiellement plus porteuse en termes de
développement et de stabilité économique à moyen long
terme que celle des autres pays de la région plus vulnérables aux chocs externes sur les matières premières –
s’avère en définitive peu favorable étant donné la forte
concurrence internationale sur des marchés où le Mexique
ne se positionne pas comme un leader.
Avantages compétitifs relatifs Mexique/Chine
Mexique
Salaire horaire dans l’industrie (USD)
2,13
Coût de l’électricité (USD cent/kWh)
Coût des communications de téléphonie
mobile (USD pour 3 minutes)
Coûts pour affréter un conteneur aux
Etats-Unis (USD)
Nombre moyen de jours de transport
maritime vers les Etats-Unis
Productivité dans l’industrie (classement)
Chine
0,66
17,14
5,07
0,83
0,22
1750
4300
2
12-18
49
55
0,5
2,0
Dépenses en R&D (% du PIB)
% de la population avec un niveau
24,6
16,8
scolaire secondaire
Tableau 3
Sources : OCDE Rapport pays 2005, BNPP
Encadré : Les remesas : un bien pour un mal
Les transferts d’argent de la diaspora mexicaine, principalement installée aux Etats-Unis où plus de 10 millions de mexicains
d’origine résident, sont devenus au cours des dix dernières années un facteur essentiel de stabilité macroéconomique, mais
leur rôle va au-delà d’un simple soutien apporté à la consolidation des comptes externes et au dynamisme de la consommation
domestique. Une part non négligeable de cette population émigrée appartient à la classe moyenne et bénéficie d’un niveau
d’éducation satisfaisant, lui permettant de quitter le Mexique pour bénéficier de conditions salariales bien plus favorables aux
Etats-Unis. Toutefois, l’importance des remesas stigmatise une émigration massive – à l’origine de tensions diplomatiques entre
les deux pays compte tenu de l’importance de l’émigration clandestine – considérée comme une “soupape de sécurité” apaisant
les tensions sociales dans un pays où les opportunités d’emploi offertes à une grande frange de la population faiblement
éduquée et pauvre restent limitées et contraintes par un droit du travail considéré par l’OCDE comme l’un des plus rigides et
restrictifs, limitant la mobilité professionnelle. Exclus de fait d’un marché du travail sclérosé, de nombreux travailleurs se
réfugient dans l’économie informelle, dont l’activité génère environ 40% des emplois et représente près de 35% du PNB. Alors
que le taux de chômage officiel est de 3,4%, les niveaux de sous-emploi et de travail à temps partiel demeurent élevés, et
seulement 16,5 millions de travailleurs permanents sont affiliés à la sécurité sociale, soit environ un quart de la population en
âge de travailler dans un pays de 108 millions d’habitants.
Mars 2008
Conjoncture
28
Souvent considéré comme la conséquence de l’écart important de productivité du travail entre les Etats-Unis et le
Mexique, force est de constater que le niveau de richesse par habitant au Mexique n’a pas convergé vers celui de son
voisin du nord, effet escompté de l’intégration économique. A ce titre, la levée définitive depuis le 1er janvier 2008 des
dernières barrières douanières pour certains produits agricoles encore protégés, notamment le maïs, base de fabrication
de la tortilla, suscite des inquiétudes auprès des agriculteurs mexicains, surtout dans le sud plus pauvre, le niveau des
subventions accordées aux agriculteurs américains et canadiens ainsi que le rendement par hectare étant en moyenne
trois fois inférieur au Mexique où nombre d’exploitations sont de taille modeste. Dans le secteur industriel mexicain, alors
que les gains de productivité cumulés ont atteint 70% depuis 1994, le salaire réel par ouvrier est demeuré stable. Bien
que le niveau de pauvreté se soit résorbé au cours des dix dernières années, près de 20% des foyers mexicains n’ont
toujours pas un accès satisfaisant à la nourriture, et plus de 25% ne bénéficient pas d’un accès correct aux soins et à
l’éducation. Dans le même temps, bien que moins marquées que dans les autres pays d’Amérique latine, les inégalités
en termes de revenus demeurent prégnantes et les disparités régionales au sein du pays importantes, de l’ordre de 1 à
3,5 entre la capitale et les Etats ruraux du sud, générant une mobilité géographique du sud vers le nord qui a bénéficié du
développement du secteur des maquilas, puis vers les Etats-Unis. Cette inégalité spatiale dans la répartition des revenus
s’est reflétée dans la forte polarisation des résultats des dernières élections générales de juin 2006.
Pour des raisons historiques liées à la construction de la principale ligne de chemin fer entre le Mexique et les EtatsUnis au 19e siècle, les principaux flux d’émigration proviennent toujours des régions du centre et de l’ouest du pays. Ces
Etats bénéficient donc plus des remesas, celles-ci ne se révélant a priori pas vecteur de réduction des inégalités
régionales. Toutefois, selon le FMI (country report 06/351, 10/2006), alors que seulement 3% des foyers urbains reçoivent
des remesas, les foyers ruraux généralement plus pauvres sont 10% à en bénéficier. Sans ce soutien financier, 45% des
foyers recevant ces remesas seraient dans le dernier décile de la distribution des revenus, mais ils ne sont plus que 10%
en intégrant ces transferts d’argent. De plus, selon certaines études, les remesas sont généralement associées à de
meilleurs indicateurs en termes de scolarisation des enfants et de santé. Dans le même temps, le chef de famille a aussi
une probabilité plus importante d’être sans emploi lorsqu’il reçoit un soutien financier.
Finalement, avec un PIB nominal de USD 900 milliards, le Mexique se situe au 13e rang mondial, et au 52e rang
mondial sur 177 pays en termes d’indicateurs de développement humain selon le classement 2007-2008 établi par les
Nations unies (PNUD). La transition démographique (le taux de fécondité est désormais de 2,1 enfants par femme contre
plus de 7 dans les années 1970), le développement du crédit à la consommation, une tendance à l’élévation du niveau de
vie moyen et la stabilité macroéconomique du pays ont permis un accès plus large aux biens de consommation, et à
l’éducation, sur laquelle les parents investissent de plus en plus. Selon certaines études d’opinion, environ les trois quarts
des ménages mexicains estiment appartenir à la classe moyenne, dénotant un sentiment de confiance et un optimiste pour
l’avenir.
Transferts des travailleurs émigrés
montants transférés, mds USD
30
Base trimestrielle
Cumul sur 12 M
25
Taux de croissance
PIB/habitant en parité de pouvoir d'achat
%, glissement annuel
50
40
20
30
15
20
10
10
5
0
0
-10
93 94 95 96 97 98 99 00 01 02 03 04 05 06 07
Graphique 13
Sources : Banxico, BNP Paribas
Mars 2008
USD
45000
40000
35000
1980
2000
30000
1995
2006
25000
20000
15000
10000
5000
0
ARG
Graphique 14
Conjoncture
29
BRE CHILI CHINE COL
IND
MEX
USA
Sources : IMF-WEO
Mexique – Etats-Unis : un logique
“couplage” du cycle économique
L’intégration économique entre les deux rives du Rio
Grande...
Pays latino-américain, le Mexique n’en demeure pas
moins un pays d’Amérique du Nord au regard de
l’orientation de ses échanges commerciaux et des
relations économiques étroites nouées avec son voisin
du Nord. Au cours des vingt dernières années, le
Mexique a engagé un processus de libéralisation
économique et financière avec, comme point d’orgue,
l’entrée dans l’ALENA en 1994(4).
Ses changements structurels rapides et le vent
d’optimisme sur les perspectives de croissance du Mexique
ont été des vecteurs de la crise économique et financière de
1994-95. Les sorties massives de capitaux qui avaient
afflué dans le pays depuis la fin des années 1980, ainsi que
le “credit crunch”, marquant un coup d’arrêt à plusieurs
années d’expansion non contrôlée du crédit alloué par un
secteur bancaire fragile, ont amplifié la crise de la balance
des paiements courants(5). Toutefois, l’existence de
l’ALENA fut aussi l’une des principales explications de la
rapide reprise de l’économie mexicaine, notamment grâce
à l’intervention des Etats-Unis(6).
Depuis 1994, les liens commerciaux entre le Mexique
et les Etats-Unis se sont considérablement renforcés.
Les Etats-Unis constituent le partenaire commercial
quasi exclusif du Mexique puisqu’ils absorbent 83% des
exportations mexicaines, les échanges (importations
plus exportations) entre les deux pays passant de USD
90 milliards en 1993 à USD 350 milliards en 2006.
Economie relativement fermée au début des années
1990, le Mexique affiche désormais un taux d’ouverture
commerciale de 44%, le rendant a priori plus sensible à
un choc externe. (Cf. graphiques 15 et 16).
… explique la synchronisation des deux économies
L’analyse comparée des cycles économiques du
Mexique et des Etats-Unis sur les vingt dernières
années, à partir de la tendance de croissance calculée
Mars 2008
en moyenne mobile sur cinq ans, fait ressortir une
désynchronisation marquée jusqu’à la crise mexicaine
de 1994-95. A contrario, la période post-ALENA a
coïncidé avec une synchronisation progressive des
performances économiques des deux pays, même si le
cycle mexicain est demeuré plus heurté et volatil que
celui des Etats-Unis. (Cf. graphique 17).
Ce “couplage” économique découle logiquement de
l’importance des échanges commerciaux entre les deux
pays et de l’étroite corrélation(7) entre l’évolution des
exportations mexicaines et la demande d’importations
américaine observée depuis 1998. Ainsi, si jusqu’en
1993 les évolutions de ces deux variables étaient
totalement déconnectées, la corrélation est ensuite
devenue fortement négative jusqu’en 1998, sous l’effet
d’un ralentissement des importations des Etats-Unis au
moment où l’ALENA et la faiblesse du peso ont “boosté”
les exportations mexicaines, dont la part de marché aux
Etats-Unis est passée de 7,0% en 1993 à 10,8% en
1999. Depuis la fin des années 1990, l’évolution des
exportations mexicaines et des importations américaines
ont affiché une symétrie assez frappante, s’agissant
notamment des points d’inflexion.
A l’exception des épisodes de crise économique
(1994-95 et 2001-02), l’élasticité(8) de la variation du PIB
mexicain à la variation du PIB américain, d’une part, et
l’élasticité de la variation des exportations mexicaines à
la variation des importations américaines, d’autre part,
ont oscillé autour de 1. Cette analyse est en ligne avec
les conclusions de la Banque des Règlements
Internationaux qui estime, dans son rapport annuel 20062007, qu’une baisse de 10% des importations
américaines se traduirait par une réduction de l’ordre de
9% des exportations totales mexicaines (contre
seulement 3,5% en moyenne pour les principaux pays
d’Amérique du Sud). (Cf. graphiques 18, 19 et 20).
Une décomposition plus fine des liens économiques
réels existant entre les deux pays indique que
l’évolution de la production industrielle aux Etats-Unis
est un facteur explicatif beaucoup plus significatif que
la demande domestique exprimée par la consommation des ménages pour comprendre et estimer les
variations du PIB mexicain. Selon le FMI (country
report 07/378), sur la période post-ALENA, les chocs
sur la production industrielle américaine expliquent
Conjoncture
30
Destination des exportations mexicaines,
en valeur, sur 12 mois glissants
Exportations mexicaines et
importations américaines
%
100
90
80
70
60
50
40
30
20
10
0
Autres pays
Asie
Europe
Amérique latine
Etats-Unis
94 95 96 97 98 99 00 01 02 03 04 05 06 07
Graphique 15
Sources : Banxico, BNP Paribas
Taux d'ouverture commerciale* (% du PIB réel)
40
20
10
93 94 95 96 97 98 99 00 01 02 03 04 05 06 07
Graphique 16
Sources : Banxico, BNP Paribas
5
0
-5
-15
Mexique
Etats-Unis
Mexique : "trend" (moy.mob. sur 5 ans)
Etats-Unis : "trend" (moy.mob. sur 5 ans)
87 89 91 93 95 97 99 01 03 05
Graphique 17
PIB Mexique/PIB Etats-Unis
Exports Mexique/Imports Etats-Unis
Prod.Industrielle Mexique/PI Etats-Unis
Prod.Industrielle Mexique/Conso Etats-Unis
87
89
91
93
95
97
99
01
03
05
07
Graphique 19 Sources : Banxico, US Dept of Comm. BNP Paribas
Synchronisation
10 cycle des affaires, croissance (%, g.a.)
-10
0.8
0.6
0.4
0.2
-0.0
-0.2
-0.4
-0.6
-0.8
-1.0
-1.2
Elasticité
Synchronisation de la croissance économique
Désynchronisation
07
Sources : Banxico, US Dept of Com., BNP Paribas
sur la base des variations en termes réels en glissement sur 5 ans
1.0 retardé d'un trimestre pour le PIB du Mexique
Exportations
Importations
Taux d'ouverture commerciale
30
0
Graphique 18
Coefficients de corrélation
*calculé selon la formule (exports + imports)/(2 x le PIB)
50
%, glissement annuel, termes réels
36
32
28
24
20
16
12
8
4
0
-4
-8
Mexique : croissance des exportations totales
-12
Etats-Unis : croissance des importations totales
-16
87 89 91 93 95 97 99 01 03 05
07
Sources : INEGI, Data Insight, BNP Paribas
Mars 2008
6
5
4
3
2
1
0
-1
-2
-3
-4
-5
-6
PIB Mexique/PIB Etats-Unis
Exports Mexique/Imports Etats-Unis
92 93 94 95 96 97 98 99 00 01 02 03 04 05 06 07
Graphique 20
Conjoncture
31
Sources : Banxico, US Dept of Com., BNP Paribas
environ 40% des fluctuations du PIB mexicain avec une
répercussion quasi immédiate, concentrée sur le
trimestre suivant.
Ce constat corrobore l’idée d’une forte intégration des
processus de production américain et mexicain, organisé
autour d’une “division du travail” basée, notamment,
sur la sous-traitance d’une partie de la production
américaine par les maquilas mexicaines ; d’où l’importance des échanges intra-industrie et des biens
intermédiaires et d’équipement dans les exportations
mexicaines (cf. graphique 21). De façon plus surprenante, cette conclusion s’applique aussi au secteur des
services, les “non-tradables”, intuitivement considérés
comme faiblement exposés à un choc d’offre ou de
demande aux Etats-Unis. Ces résultats suggèrent donc
l’existence d’importants effets de transmission des
exportations sur le reste de l’économie mexicaine.
L’importance des “facteurs américains” dans
l’explication des fluctuations économiques au Mexique
est donc cohérente avec le renforcement de la
synchronisation entre les deux économies depuis la mise
en place de l’ALENA. Mais les liens entre les deux
économies vont au-delà de la simple intégration
commerciale, et quatre autres canaux potentiels de
transmission de l’économie américaine vers l’économie
mexicaine méritent d’être évoqués et discutés plus loin :
les remesas, les investissements directs étrangers, le
taux de change ainsi que les taux d’intérêt.
Ralentissement économique aux EtatsUnis : une vulnérabilité plus modérée
qu’en 2001
L’analyse qui précède donne un éclairage sur le
ralentissement économique de 2001-2002, plus marqué
au Mexique qu’aux Etats-Unis compte tenu de sa nature
et de son origine : il s’agissait initialement d’un choc
d’offre aux Etats-Unis consécutif à l’accumulation de
surcapacités de production dans un contexte d’euphorie
lié à la “bulle des NTIC”.
Finalement, après une année 2000 exceptionnellement dynamique, le volume des exportations
mexicaines a chuté de -3,5% en 2001, le volume
des importations aux Etats-Unis se rétractant de -2,7%.
Mars 2008
Exportations mexicaines par produits
mds USD, sur 12 mois glissants
300
250
200
Agriculture
Pétrole
Autres produits manufacturés
Produits électroniques et électriques
Equipement et machines
Automobile
150
100
50
0
94 95 96 97 98 99 00 01 02 03 04 05 06 07
Graphique 21
Sources : Banxico, BNP Paribas
PIB réel du Mexique et des Etats-Unis,
2000-2002
%, croissance annuelle
25
Consommation privée
Consommation publique
FBCF
Exportations
Importations
PIB
20
15
10
5
0
-5
Etats-Unis
-10
2000
Graphique 22
2001
2002
Mexique
2000
2001
2002
Sources : Banxico, Data Insight, BNP Paribas
Cette même année, la production industrielle et
l’investissement ont reculé respectivement de -5,9% et
-5,6% en termes réels au Mexique, contre -6,0% et
-1,8% aux Etats-Unis. Finalement, l’économie mexicaine
a été plus touchée et a mis plus de temps à se redresser
que l’économie américaine, son PIB réel se contractant
de -0,2% en 2001 avec trois trimestres successifs de
repli, ne reprenant que +0,8% en 2002, alors que les
Etats-Unis ne sont pas entrés en récession et ont affiché
une croissance de +0,8% en 2001 et de +1,6% en 2002.
Cet écart en termes de profondeur et de durée de la
crise entre les deux pays stigmatise, notamment,
l’incapacité du gouvernement mexicain de l’époque à
mener une politique budgétaire contracyclique de
soutien de la croissance, au contraire des Etats-Unis.
(Cf. graphique 22).
Conjoncture
32
La consommation fait figure de courroie de
transmission essentielle du ralentissement économique
actuel aux Etats-Unis, de l’immobilier résidentiel au reste
de l’économie, les ménages étant directement affectés par
l’ensemble des évolutions négatives (immobilier, emploi,
actions, crédits). La baisse de 125 points de base de
l’objectif des Fed funds et le plan de relance budgétaire de
USD 152 milliards décidés en l’espace de huit jours
en janvier dernier soulignent combien les autorités
américaines sont préoccupées par les risques à la baisse
pesant sur l’activité. Par conséquent, les implications pour
l’économie mexicaine devraient être non négligeables.
Toutefois, certains facteurs inhérents à la situation même
du Mexique, principalement l’amélioration significative des
fondamentaux macroéconomiques, sous-tendent l’idée
d’une moindre vulnérabilité, notamment financière, du
pays expliquant pourquoi le Mexique, à l’image de la
majorité des pays émergents, a, jusqu’à présent, été
relativement préservé de la crise financière internationale.
Soldes courants régionaux
% du PIB
20
10
0
Amérique latine
Chili
Mexique
Colombie
-10
-20
Argentine
Vénézuela
Brésil
81 83 85 87 89 91 93 95 97 99 01 03 05 07
Graphique 23
Sources : FMI, IFI, BNP Paribas
Termes de l'échange
Base 1980 = 100
250
Argentine
Vénézuela
Brésil
200
Chili
Mexique
Colombie
150
100
Des comptes externes plus solides
Les comptes externes du Mexique se sont
graduellement améliorés depuis une dizaine d’années.
Au début des années 1990, la forte expansion économique du pays s’était accompagnée d’un creusement
des déficits commerciaux et surtout courants devenus
insoutenables (respectivement -4,4% et -7,0% du PIB en
1994), débouchant sur une crise de balance des
paiements.
Situation nouvelle pour les pays d’Amérique latine,
malgré la vigueur de la demande d’importations au cours
des dernières années, les comptes externes sont
demeurés solides. Ainsi, les excédents commerciaux et
courants se sont consolidés, le solde du compte courant
régional affichant un excédent depuis 2003 (+1,9% du
PIB en 2006 et environ +0,6% du PIB en 2007), soutenu
notamment par une amélioration significative des termes
de l’échange (+23% sur quatre ans) et l’afflux massif de
remesas (cf. graphiques 23 et 24). Dans le même temps,
l’amélioration du climat des affaires et les perspectives
de développement dans la zone ont favorisé les
investissements directs étrangers dans la majorité des
pays (excepté Venezuela, Argentine, Bolivie, Equateur).
Mars 2008
50
0
81 83 85 87 89 91 93 95 97 99 01 03 05 07
Graphique 24
Sources : IFI, BNP Paribas
Compte tenu de sa spécialisation économique, le
Mexique n’a, toutefois, pas bénéficié de la même
amélioration des termes de l’échange que le reste de la
zone (tout de même +15% sur quatre ans). Malgré la
prégnance des échanges commerciaux avec les EtatsUnis, le Mexique a tout de même opéré une légère
diversification de ses débouchés depuis 2003,
notamment en direction de l’Amérique du Sud(9) et de
l’Europe, se reflétant dans la moindre corrélation et
l’augmentation de l’élasticité entre l’évolution des
exportations mexicaines et des importations américaines
observées récemment. En attendant, le compte courant
du Mexique demeure structurellement déficitaire,
notamment du fait d’un déficit commercial persistant. En
2007, ce dernier s’est creusé de USD 5,0 milliards à USD
11,2 milliards, un niveau jamais atteint depuis 1994.
Rapporté au PIB, le déficit commercial s’établit à -1,2%
en 2007, et -6,0% en excluant la composante pétrolière.
Conjoncture
33
Dans le même temps, le déficit du compte courant
s’est accru de USD 6,5 milliards pour atteindre
USD 8,5 milliards, soit -0,9% du PIB à la fin de 2007, la
dégradation de la balance commerciale étant accompagnée par un léger tassement de l’excédent de la balance
des invisibles, le creusement du déficit des services
n’ayant pas été compensé par une hausse des transferts
courants nets(10). (Cf. graphique 25).
Deux évolutions notables dans la structure de la
balance des paiements mexicaine sont à l’origine de la
plus grande stabilité macroéconomique du pays. Tout
d’abord, les remesas sont devenues une source de
devises primordiale au soutien du compte courant
(deuxième source de devises du pays derrière le
pétrole), rôle qu’elles n’avaient pas joué dans les années
précédant la crise de 1994-95. Ensuite, le déficit courant
n’est plus générateur de dette extérieure comme dans le
passé(11), puisqu’il est entièrement couvert par les
entrées nettes d’investissements étrangers, sous forme
d’IDE ou d’investissements de portefeuille(12). Compte
tenu de ces évolutions, la position de liquidité
internationale du Mexique s’est nettement améliorée ces
dernières années, le montant des réserves en devises
ayant été multiplié par 2,5 entre 2000 et 2007 (+14%
pour la seule année 2007). Moins significative que dans
la majorité des pays émergents, cette accumulation de
réserves en devises(13) constitue tout de même une
protection solide pour faire face aux chocs via le canal
de transmission que constitue le taux de change, aidée
en cela par des politiques monétaire et de change
désormais considérées comme crédibles. (Cf.
graphiques 26, 27 et 28).
Une politique monétaire et un régime de change
crédibles
Suite à la crise de change de décembre 1994, le
Mexique a dû abandonner un régime de change
prédéterminé (un crawling peg du peso vis-à-vis du dollar)
pour un régime de change flottant, la banque centrale se
retirant graduellement du marché des changes dans les
années post-crise. La dépréciation tendancielle du peso
mexicain (MXN) et des autres devises régionales vis-à-vis
du dollar s’est infléchie depuis 2005, dans un contexte de
Mars 2008
forte dégradation du déficit courant des Etats-Unis,
d’accumulation massive de réserves de changes en USD
par les pays émergents notamment en Asie, et
d’amélioration significative des comptes externes à
l’échelle régionale. Le MXN n’a, toutefois, pas suivi la
tendance à l’appréciation nominale des autres monnaies
latino-américaines flottantes (real brésilien, pesos chilien
et colombien ou sol péruvien) encore notoire en 2007, et
a affiché une relative stabilité, témoignant à nouveau de
l’étroite intégration économique entre le Mexique et les
Etats-Unis. En 2007, le MXN a fluctué dans une
fourchette de +/-2% autour de 11,0 MXN pour 1 USD. Au
cœur des turbulences financières internationales de l’été,
il a abandonné 4,1%, avant de se redresser pour s’établir
désormais autour de 10,75 (cf. graphique 29).
L’augmentation de l’écart entre les taux d’intérêt
de la politique monétaire des Etats-Unis et des pays
d’Amérique latine est un nouveau facteur d’appréciation
des monnaies latino-américaines. Désormais focalisées
sur le soutien à l’activité économique plutôt que sur la
maîtrise de l’inflation, les autorités monétaires américaines sont entrées dans un cycle d’assouplissement
monétaire depuis août 2007. Dans le même temps, la
résurgence de pressions inflationnistes observée à
l’échelle mondiale depuis six mois, après plusieurs
années de désinflation, a conduit les banques centrales
latino-américaines à durcir leur politique monétaire.
Au Mexique, le niveau et la volatilité de l’inflation se
sont graduellement réduits depuis que la politique
monétaire a convergé vers un régime de ciblage d’inflation
à la fin de années 1990, soutenue par une discipline
budgétaire faisant jusqu’alors défaut. En octobre dernier, la
banque centrale a étendu à huit trimestres l’horizon
servant de base à l’orientation de la politique monétaire
dans un objectif de renforcement de l’ancrage des
anticipations d’inflation. En attendant, en 2007, la banque
centrale a dû pratiquer deux augmentations de 25 pb
chacune de son taux d’intérêt cible fixé à 7,50% depuis
octobre dernier (cf. graphique 30). Dans le même temps, le
gouvernement est intervenu auprès des enseignes de la
grande distribution et des producteurs de maïs et de
tortillas pour négocier une limitation de la hausse des prix
alimentaires. En 2007, le taux d’inflation s’est établi à
3,76% en 2007, au-dessus du point central de la bande
cible de 2-4%, mais à un niveau inférieur à la moyenne
Conjoncture
34
Comptes externes du Mexique
% du PIB
15
Balance courante
10
Balance des invisibles
Transferts privés (remesas)
Réserves de change
Balance commerciale
Bal. com., pétrole exclu
IDE nets
mds USD
100
mois d'importations de B&S
5
80
4
5
60
3
0
40
2
-5
20
-10
Sources : Banxico, IFI, BNP Paribas
IDE bruts
25
1
81 83 85 87 89 91 93 95 97 99 01 03 05 07
Graphique 28
Sources : FMI, IFI
60
Transferts stés-mères*
Réinvestissement*
Nouveaux IDE*
IDE totaux (base trim.)
12
50
40
20
(glissement annuel, %)
20
93 94 95 96 97 98 99 00 01 02 03 04 05 06 07
Graphique 26
Sources : Banxico, FMI, BNP Paribas
Dette externe brute
120
100
Cible d'inflation
10
0
8
4
94 95 96 97 98 99 00 01 02 03 04 05 06 07 08
Graphique 29
10
6
10
5
Taux de change nominal MXN/USD
Prix à la consommation
30
15
0
0
Taux de change et inflation
mds USD (*cumul sur 12 mois)
35
30
0
81 83 85 87 89 91 93 95 97 99 01 03 05 07
Graphique 25
2
Sources : Banxico, Data Insight
Politique monétaire au Mexique et aux Etats-Unis
Dette externe totale (% du PIB)
Dette externe à court terme (% de la dette totale)
Service de la dette externe (% des export. B&S)
Dette externe publique (% de la dette totale)
%
100
Mexique : taux interbancaire
Etats-Unis : objectif des Fed funds
80
80
60
60
40
40
20
20
0
83 85 87 89 91 93 95 97 99 01 03 05 07e
Graphique 27
Sources : Banxico, IFI, BNP Paribas
Mars 2008
0
90
92
Graphique 30
Conjoncture
35
94
96
98
00
02
04
06
08
Sources : Banxico, Data Insight
régionale estimée à 5,6%. Les pressions inflationnistes
devraient se maintenir en 2008, notamment suite à la
réforme de l’impôt sur les sociétés et l’augmentation
progressive des prix administrés des carburants adoptées
par le Congrès en septembre dernier. La banque centrale
a, en effet, évalué l’impact potentiel de la répercussion sur
les prix à la consommation de la hausse de la fiscalité sur
les sociétés à environ 50 pb en 2008. Jusqu’à présent, à
l’exception du secteur public, les négociations salariales ne
semblent pas avoir été affectées par les anticipations
d’inflation, éloignant le risque d’un effet de second tour
avec une boucle prix-salaires.
Finalement, la crédibilité acquise ces dernières
années par la politique monétaire et le régime de change
ont significativement réduit les risques d’ajustement
macroéconomique par le biais d’une hausse sévère des
taux d’intérêt et un décrochage du MXN.
Un système financier restructuré et renforcé depuis la
crise de 1994-95
La crise de 1994-95 a été à l’origine d’un processus
de forte désintermédiation financière. La stabilité du
cadre macroéconomique des dernières années est allée
de pair avec un approfondissement de l’intermédiation
financière et une accélération du crédit au secteur privé
(+30% de l’encours par an en moyenne sur les quatre
dernières années, dont 2007 malgré la hausse des taux
d’intérêt et les incertitudes liées à la conjoncture
internationale), dans un contexte de forte concurrence
entre les banques commerciales (cf. graphique 31).
Dans le même temps, les dépôts bancaires à vue et à
terme ont progressé de 16% en 2007.
Le secteur bancaire mexicain est aujourd’hui
considéré comme relativement solide, la stabilité et la
liquidité étant assurées par une forte participation de
grandes banques étrangères dans le capital des
principales institutions financières mexicaines. Les
performances et la supervision du système financier se
sont sensiblement améliorées, et les politiques de
gestion des risques sont satisfaisantes(14). Finalement, la
croissance rapide du crédit ne constitue pas pour le
moment une source d’inquiétude majeure puisque le
taux de pénétration bancaire demeure très faible, le ratio
Mars 2008
Crédit des banques commerciales
au secteur privé
mds MXN, encours
taux de croissance annuelle, %
100
1500
80
1200
60
900
40
600
20
300
0
0
-20
-300
-40
-600
autres crédits
crédit immobilier
-60
-900
à la conso
aux entreprises
crédit conso
crédit immobilier
-80
-1200
crédit entreprises
-100
-1500
94 95 96 97 98 99 00 01 02 03 04 05 06 07
Graphique 31
Sources : Banxico, BNP Paribas
crédit sur PIB n’atteignant pas les 20%. Toutefois, les
prêts non performants ont légèrement augmenté ces
deux dernières années(15). Le large accès au crédit à la
consommation, notamment via le développement rapide
des cartes de crédit (+34% en 2007), pose tout de même
un problème potentiel d’effet d’apprentissage pour des
personnes parfois peu solvables et non bancarisées(16).
Bien que seulement 6% des acquisitions immobilières
soient financées par emprunt, la baisse des taux d’intérêt
en 2005-2006 et l’émergence d’une classe moyenne ont
permis une progression rapide du marché des prêts
immobiliers, les banques n’hésitant plus à proposer des
prêts sur vingt-cinq ans libellés en pesos mais assortis
de taux d’intérêt souvent supérieurs à 15%.
L’intégration progressive du Mexique dans la sphère
financière internationale et l’appétit des investisseurs
internationaux pour les marchés émergents ont conduit à
une augmentation importante des investissements de
portefeuille(17) et donc à une vulnérabilité accrue de
l’économie aux sentiments de marchés. Alors que la
volatilité des marchés financiers internationaux s’est
accentuée considérablement depuis six mois, la Bourse
mexicaine comme les autres places régionales n’y ont
pas fait exception (cf. graphique 32). L’indice IPC de la
bolsa mexicaine a cédé 14% entre la mi-juillet et la miaoût 2007 pour finir l’année sur un gain de 12%. La
nouvelle chute des marchés internationaux à la mijanvier 2008 s’est soldée par un recul de -11,5% de l’IPC
en cinq jours, qui a gagné tout de même +2% depuis le
début de l’année.
Conjoncture
36
Les spreads de taux sur la dette des principaux
corporates mexicains (i.e. Pemex et les blue ships de la
bolsa) se sont légèrement écartés depuis la fin de
l’année 2007, mais les marchés demeurent relativement
liquides pour les principales valeurs de la place.
Cependant, malgré le redressement du taux d’épargne
nationale de 18% à 21% en cinq ans et le doublement
des actifs gérés par les fonds de pension (équivalant à
14% du PNB), l’attractivité des titres de la dette
souveraine opère un effet d’éviction significatif sur les
marchés actions et de la dette des entreprises. Les
marchés sont réellement liquides pour une dizaine de
grandes entreprises sur les 153 valeurs mexicaines
cotées, et les introductions en Bourse (IPO) sont peu
dynamiques. Même si certaines sociétés commencent à
émettre du commercial paper à 3-5 ans, elles sont
généralement contraintes par un risque de crédit et de
liquidité, et se financent surtout à court terme via le crédit
fournisseur et l’affacturage.
Jusqu’à présent, seul le marché de la titrisation de
créances, encore relativement peu développé(18),
semble véritablement affecté par un assèchement de la
liquidité, et le système financier mexicain apparaît
désormais beaucoup plus stable et solide. Dans un
contexte international moins favorable, le rythme de
croissance du crédit bancaire devrait ralentir mais
continuer de soutenir la demande interne, ce qui n’avait
pas été le cas en 1995 et 2001, le système financier
devrait désormais opérer comme un amortisseur de la
crise, contrairement à 1995 où sa fragilité avait joué un
rôle d’amplificateur de la crise.
Une gestion saine des finances publiques, mais des
risques à moyen terme
La consolidation des finances publiques observée
ces dernières années s’est matérialisée en 2006 par
le premier surplus budgétaire du “gouvernement
général”(19) (gouvernement fédéral et entreprises
publiques) à 0,2% du PIB, le gouvernement fédéral
affichant seul un déficit de 2,0% du PIB (cf. graphique
33). Après cinq années de contrôle drastique des
dépenses publiques, la politique budgétaire s’est révélée
plus expansionniste en 2006, année marquée par les
Mars 2008
Indices boursiers régionaux
Indice 1/1/2006 =100
200
Argentine
Brésil
Chili
Mexique
Colombie
180
160
140
120
100
80
60
2006
2007
Graphique 32
2008
Sources : Data Insight, BNP Paribas
Solde budgétaire et dette publique
% du PIB
50
45
40
35
30
25
20
15
10
5
0
91
Graphique 33
Dette externe
Dette domestique
Solde public
Solde public primaire
93
95
97
99
01
03
% du PIB
10
9
7
6
4
3
2
0
-1
-3
-4
05
07
Sources : ministère des Finances, IFI, BNP Paribas
élections générales(20). Ainsi, à la faveur d’une plus
grande latitude budgétaire résultant de la manne
pétrolière et du dynamisme de l’économie, les dépenses
publiques, conduites par les dépenses sociales et en
capital, ont pu augmenter sensiblement sans mettre en
péril l’équilibre budgétaire, jouant un rôle procyclique
dans une conjoncture déjà favorable.
Pour sa première année en fonction, l’administration
Calderon a présenté des comptes publics équilibrés en
2007 et un excédent primaire estimé à +2,5% du PIB.
Compte tenu du délai nécessaire pour établir et activer les
orientations de la politique budgétaire, les dépenses
publiques n’ont progressé que de 6% en termes réels.
Dans le même temps, les ressources fiscales hors pétrole
ont augmenté de 8,1%, alors que les revenus issus du
pétrole ont chuté de 1,7% par rapport à 2006, tout en
Conjoncture
37
dépassant le budget initial basé sur une estimation
conservatrice du prix du baril (USD 42,5 alors que le prix
moyen du brut mexicain s’est négocié à USD 57 en 2007).
Cette baisse des recettes pétrolières est bien entendu
liée aux problèmes de production et à la baisse
subséquente du volume exporté, posant invariablement la
question de la soutenabilité des finances publiques à
moyen et long terme, sachant que les réserves
pétrolières sont inférieures à neuf années de production.
Bien que le poids des revenus pétroliers se soit
légèrement rétracté en 2007, il a sensiblement progressé
ces dernières années, passant de 30% à plus de 35% des
ressources budgétaires en six ans. Cette évolution rend
donc primordiale une réforme d’envergure permettant de
réduire la lourde charge fiscale pesant sur la “vache à lait”
Pemex pour soutenir l’effort nécessaire d’investissement
dans la production-exploration, et de substituer progressivement les ressources fiscales aux ressources
pétrolières. Conséquence d’un code fiscal pléthorique,
complexe, inefficace et inéquitable (nombreux régimes
préférentiels et exemptions fiscales, inefficacité administrative dans la collecte, évasion fiscale massive et
forte dualité de l’économie), la base fiscale dépasse
aujourd’hui péniblement 10% du PIB.
A travers le Plan de développement 2012 présenté en
juin 2007, le gouvernement a décidé d’axer son action en
faveur de la réforme des finances publiques sur quatre
piliers : l’amélioration de l’efficacité de l’administration
fiscale, le renforcement du cadre institutionnel des
finances publiques, la révision du fédéralisme budgétaire
et l’engagement d’une réforme fiscale fondamentale
permettant la stabilisation des recettes budgétaires hors
pétrole, afin de dégager des marges de manœuvre pour
mener une politique budgétaire orientée vers de grands
projets d’infrastructure(21), l’éducation et la santé.
L’objectif du gouvernement d’élever le potentiel de
croissance économique de 3,5% à 5,0% d’ici à 2012 est
ambitieux, d’autant plus que le contexte économique
international est dégradé.
Tablant, au moment du vote du budget 2008, sur une
croissance économique de +3,7% en 2008, grâce
notamment aux ressources dégagées par la réforme
fiscale (cf. infra) permettant des dépenses en
infrastructures tout en maintenant le budget équilibré(22),
le gouvernement a, depuis quelques semaines, revu ses
Mars 2008
Recettes supplémentaires attendues en 2008
En points
Milliards
de USD
de PIB
Total
14,1
1,3
2,4
0,2
Revenus pétroliers
1,6
0,1
Hausse des prix du pétrole
Augmentation des prix des carburants
0,8
0,1
11,7
1,1
Net hors pétrole
14,0
1,3
I/ Revenus supplémentaires
6,5
0,6
1. IETU
1,1
0,1
2. TVA
6,0
0,5
3. Impôt sur le revenu
0,3
0,02
4. Taxe sur les dépôts
0,1
0,01
5. Autres
II/ Réduction de revenus
2,3
0,2
Tableau 4
Sources : Banamex, BNP Paribas
perspectives de croissance à la baisse et escompte
désormais +2,8%. Dans ces conditions, les ressources
fiscales supplémentaires attendues de la réforme
pourraient être moindres que le 1,1% du PIB (USD 11,7
milliards) initialement envisagé pour 2008 suivi de
2% d’ici à 2012, le ralentissement économique pouvant
amputer les ressources fiscales de l’ordre de
USD 1 milliard en 2008. Au prix d’un déficit budgétaire
estimé à -0,5% du PIB sur l’exercice en cours, l’impulsion
du gouvernement pourrait avoir une effet contracyclique
de soutien à la croissance économique et permettre de
générer des emplois, notamment dans le secteur de la
construction attendu comme un moteur essentiel de la
croissance. (Cf. tableau 4).
En attendant, l’amélioration des finances publiques
est allée de pair avec un “reprofilage” de la dette
publique. L’encours de la dette publique totale a, certes,
progressé de 10% en termes nominaux en 2007 pour
s’établir à 24% du PIB, mais le fait le plus notable reste
la substitution rapide de la dette interne à la dette externe
par émission de titres sur le marché domestique,
réduisant sensiblement l’exposition des finances
publiques à un choc externe. La dette publique
domestique représente désormais 80% de la dette
publique totale, la moitié est constituée de bons à taux
fixe, et la maturité moyenne s’est sensiblement allongée
de moins de 2 ans en 2000 à plus de 6 ans en 2007(23).
En octobre 2006, le gouvernement mexicain a émis pour
la première fois une obligation à 30 ans libellée en pesos,
soulignant l’appétit du marché local, notamment les
fonds de pension, pour les titres publics.
Conjoncture
38
Parallèlement, les spreads de taux sur les obligations
d’Etat mexicaines se sont progressivement resserrés ces
dernières années pour tomber à un plus bas historique
de 71 pb au début de juin 2007. Suite aux turbulences
financières internationales du mois d’août, ils se sont
écartés de nouveau (180 pb aujourd’hui), mouvement
cohérent avec le repricing du risque sur les marchés
émergents opérés par les investisseurs internationaux.
Dans un contexte de redressement des taux obligataires
à 10 ans aux Etats-Unis, la prime de risque demeure
raisonnable et inférieure à celle appliquée aux autres
dettes obligataires souveraines régionales, à l’exception
du Chili (cf. graphique 34).
Alors que lors des deux épisodes majeurs de crise
subis par le Mexique au cours des vingt-cinq dernières
années (crise de solvabilité du début des années 1980 et
crise de liquidité de 1994-95), l’Etat avait joué un rôle
catalyseur central, la situation des finances publiques
s’est profondément améliorée au cours des dernières
années. Bien que celles-ci souffrent toujours de fragilités
structurelles du fait de leur forte dépendance aux
revenus volatils issus du pétrole, la politique budgétaire
restrictive appliquée depuis la fin des années 1990 a
permis de soutenir la confiance des investisseurs
internationaux et la stabilité macroéconomique du pays,
éloignant significativement les risques d’une nouvelle
crise provoquée ou amplifiée par le secteur public.
Réformes structurelles : rompre avec
une décennie d’inertie
A la tête de l’exécutif mexicain depuis le 1er décembre
2006, le président Felipe Calderon a, jusqu’à présent, su
manœuvrer intelligemment, alors que son parti de centre
droit, le PAN, ne bénéficie pas de la majorité des sièges
au Congrès et que le mandat que lui ont conféré les
urnes apparaissait initialement très faible(24). Les
premières mesures prises par son gouvernement,
réduction des salaires des principaux membres du
cabinet dont lui-même et déploiement de troupes pour
lutter contre les cartels de la drogue, lui ont permis
d’asseoir sa crédibilité, sa légitimité et son autorité, grâce
à une communication politique et un style sobres et
pragmatiques basés sur le dialogue et la recherche du
Mars 2008
Spreads de taux sur les
obligations souveraines (points de base)
*les spreads argentins ne sont représentés qu'à compter de juillet 2005
suite à la restructuration de la dette publique externe
1400
1200
Argentine*
Brésil
Colombie
Mexique
1000
800
600
400
200
0
2003
Graphique 34
2004
2005
2006
2007
2008
Sources : EMBI+JP Morgan, BNP Paribas
compromis avec les partis d’opposition. De plus, Felipe
Calderon a pu profiter d’une situation économique
sensiblement meilleure que lors de l’intronisation de
ses deux prédécesseurs à la tête du pays en 1994-95
et 2000-01(25).
Conscient de l’importance des réformes structurelles
à mener dans un pays emprunt d’un certain conservatisme hérité de sept décennies de domination sans
partage du pouvoir du PRI, Felipe Calderon a opté pour
une stratégie de réformes graduelles et de négociations
en plusieurs étapes avec les partis d’opposition, les
partenaires sociaux (patronat et syndicats) et les
influents groupes d’intérêt et lobbies. La première
année de son sexenio s’est soldée par des réformes
considérées comme mesurées, mais marquant une
profonde rupture en initiant une dynamique devant
déboucher cette année sur des réformes essentielles
au renforcement des finances publiques et à la
pérennisation de la stabilité macroéconomique du
pays.
Réformes adoptées en 2007…
Dès mars 2007, le Congrès a adopté une réforme du
système des retraites des fonctionnaires du
gouvernement fédéral. Alors que le gouvernement
devait, jusqu’à présent, absorber le déficit de ce régime
de retraite, dit ISSSTE, qui a plus que triplé entre 2000
et 2006, le basculement progressif d’un régime de
pension par répartition à un système individualisé de
Conjoncture
39
capitalisation (permettant la portabilité dans l’hypothèse
d’une mobilité vers le secteur privé) devrait faire baisser
la valeur actuelle nette de la charge portée par le
gouvernement de 57% à 35% du PIB(26). Négocié
âprement au cours de l’été dernier, un paquet fiscal(27) a
été intégré au budget 2008 et entériné par le Congrès minovembre, grâce à l’appui du PRI qui se positionne
clairement comme un arbitre du jeu politique et négocie
son soutien aux initiatives gouvernementales dans une
alliance PAN-PRI à géométrie variable. Cette réforme
repose sur l’engagement d’augmenter l’efficacité de la
collecte et de l’utilisation de l’impôt et sur les quatre
points suivants :
1. L’introduction d’une taxe unique sur le résultat
opérationnel de toutes les entreprises (IETU), sujette à une
opposition forte des milieux d’affaires, et dont le taux fixé à
16,5% pour 2008 augmentera graduellement d’un demipoint par an jusqu’à 17,5% en 2010. Les sociétés devront
s’acquitter de la contribution la plus élevée de l’ancienne
ou de celle découlant du nouveau régime fiscal.
Jusqu’alors, le taux de référence de l’impôt sur les sociétés
était fixé à 28% mais n’excédait pas 15% en moyenne
dans les faits, compte tenu des nombreuses exemptions et
lacunes de l’administration fiscale. Au-delà de simplifier et
rendre le code fiscal plus équitable, cette réforme est
destinée aussi à élargir la base fiscale en incitant le secteur
informel à rejoindre l’économie formelle.
2. L’augmentation progressive de 5,5% sur dix-huit
mois des prix administrés des carburants, dont les
recettes seront allouées directement aux Etats fédérés
pour financer des projets d’infrastructures.
3. Une nouvelle taxe de 2% sur les dépôts en
liquide auprès des banques excédant 25 000 pesos
par mois et déductible du IETU. Cet impôt est aussi
destiné à capturer une partie des revenus de l’activité
informelle.
4. Après une première initiative du gouvernement Fox
en 2006 pour réduire la charge fiscale pesant sur
PEMEX, le PRI a appuyé un nouvel allègement
initialement non intégré dans le projet fiscal. Afin de
dégager USD 2,8 milliards en 2008 et USD 5 milliards
d’ici à quatre ans de capacité d’investissement pour
PEMEX, les royalties prélevées sur la production de
brut seront réduites de 79% à 74% en 2008, et
progressivement jusqu’à 71% en 2012.
Mars 2008
En définitive, cette réforme fiscale ne peut être
considérée que comme une première étape vers une
refonte plus large de la fiscalité (incluant peut-être la
TVA, sujet sensible socialement et politiquement car
affectant toutes les couches de la population) qui pourrait
être envisagée d’ici à la fin du mandat de Felipe
Calderon en 2012, si le contexte est propice.
… attendues en 2008…
L’année 2008, notamment le premier semestre,
s’annonce décisive pour l’adoption de plusieurs réformes
programmées par le gouvernement. En effet, la fenêtre
d’opportunité est restreinte puisqu’à partir de juin les
débats se focaliseront sur le vote du budget 2009 et, en
octobre, auront lieu les désignations des candidats pour
les élections législatives prévues en juillet 2009. Dans
les prochains jours, une réforme judiciaire devrait être
entérinée par le Congrès, qui prévoit d’instituer la
présomption d’innocence, le procès contradictoire, et de
donner plus de pouvoir à la police dans ses
investigations pour lutter contre la criminalité et les trafics
de drogue. Une réforme du code du travail est aussi à
l’étude ; elle est discutée actuellement entre la
commission du Congrès et les partenaires sociaux. Le
projet de flexibilisation des conditions d’embauche(28)
porterait sur la possibilité de nouer plus facilement des
contrats de travail à durée déterminée et la suppression
de l’obligation pour un salarié dépendant d’une
convention collective d’adhérer à un syndicat spécifique.
En attendant, la scène politique est de plus en plus
polarisée à mesure que les débats relatifs à la réforme
énergétique, la plus attendue et la plus fondamentale, se
précisent. Des manifestations orchestrées par les
syndicats CNTE (éducation), SME (électricité) et CNC
(agriculteurs) se sont multipliées ces dernières semaines
avec pour mot d’ordre le blocage du processus de
réforme et de libéralisation, alors que le PRD maintient
une position conservatrice ferme sur le sujet. Bien que la
proposition détaillée de réforme conjointe PAN-PRI ne
soit toujours pas clairement définie, elle devrait, selon
toute vraisemblance, inclure des initiatives permettant
des investissements privés dans des domaines “non
stratégiques” du secteur des hydrocarbures (stockage,
Conjoncture
40
transport, construction de pipelines, et peut-être
raffinage) et octroyer la possibilité à PEMEX de
s’associer avec d’autres compagnies pétrolières
publiques (Petrobras ou Statoil) pour explorer et forer en
eaux profondes, sans nécessairement remettre en cause
les principes constitutionnels(29).
Le PRI a une rôle central à jouer dans les tractations
avec les différents interlocuteurs, au premier rang
desquels les syndicats de PEMEX, très puissants et
historiquement liés au PRI. Compte tenu du déséquilibre
du régime des retraites et de l’âge moyen élevé des
salariés de PEMEX, une assurance donnée par le PRI
sur la pérennité des retraites pourrait être un point
d’entrée possible pour que les syndicats modèrent leur
opposition à la réforme énergétique. Compte tenu de la
sensibilité du PRI aux tendances de l’opinion publique, la
crainte serait qu’il adopte une position plus conservatrice
sur le projet de réforme énergétique et que la montagne
n’accouche finalement d’une souris.
… primordiales à la stabilité et au développement
économique du pays à moyen et long terme
Le gouvernement Calderon a conscience de devoir
répondre à des enjeux majeurs pour le pays, à savoir :
développer le potentiel de croissance de l’économie,
alors qu’une grande partie de la population ne profite pas
des fruits de l’expansion économique, ce qui oppose un
obstacle au développement du marché intérieur. Afin d’y
parvenir, le Mexique doit relever le niveau de vie de la
population, venir à bout des profondes inégalités de
revenus et lutter contre une économie parallèle
omniprésente. Cela nécessite une amélioration des
conditions de sécurité, une réforme du système éducatif,
du marché du travail et du régime fiscal, une optimisation
des infrastructures et des télécommunications ainsi
qu’une baisse des prix de l’énergie.
Mener à bien ces réformes requière de s’affranchir du
poids du corporatisme, de rompre avec certains
privilèges exorbitants(30) et de contourner de puissants
groupes d’intérêt (politique, syndicats, milieux d’affaires)
qui ont soutenu le système politique et les institutions du
pays pendant plus de soixante-dix ans au prix d’une
corruption importante, d’une impunité, d’un manque de
Mars 2008
transparence et d’une forte inertie dans le domaine
économique(31) malgré la libéralisation introduite par
l’ALENA. Depuis le début de la période post-PRI en
2000, rien n’a réellement été entrepris pour s’attaquer à
ce carcan conservateur, laissant le constat d’une
transition inachevée d’un système de parti unique
centralisé vers un pluralisme politique et un fédéralisme
décentralisé. La concurrence politique devient, toutefois,
de plus en plus marquée avec l’instauration d’un partage
du pouvoir entre les trois principaux partis politiques
et un plus grand équilibre entre la présidence et
le Congrès. La modernisation des institutions du pays
est donc primordiale et passe par une justice impartiale
et indépendante, une meilleure gouvernance et
“accountability” et, en définitive, un véritable Etat de droit
dans lequel la force de la loi prévaut.
Perspectives
Les liens étroits entre l’économie mexicaine et celle
de son voisin du Nord constituent un atout, tout autant
qu’une faiblesse. Alors que la proximité géographique et
l’ALENA ont fait du marché américain un “débouché
naturel” pour les produits manufacturés mexicains, cette
étroite intégration commerciale subit depuis plusieurs
années les assauts d’une concurrence asiatique,
notamment chinoise, très agressive. Compte tenu de son
ouverture commerciale, de sa dépendance vis-à-vis du
pétrole (surtout au regard des finances publiques), de la
sensibilité élevée de ses exportations à la demande
intérieure des Etats-Unis, le Mexique reste donc exposé
aux chocs extérieurs, et principalement aux fluctuations
du cycle économique des Etats-Unis.
Toutefois, la vulnérabilité du pays est désormais
moindre en ce sens que les canaux traditionnels de
transmission et d’amplification d’un choc aux Etats-Unis
vers l’économie mexicaine ont changé structurellement. Le
taux de change et les taux d’intérêt sont aujourd’hui
adossés à de meilleurs fondamentaux macroéconomiques
et devraient, logiquement, ne plus endosser le rôle de
variables d’ajustement comme dans le passé. L’effet
d’opprobre lié à la fragilité des comptes externes n’existe
plus, d’autant que les remesas et les IDE – les autres
facteurs d’intégration économique avec les Etats-Unis –
Conjoncture
41
sont plutôt stabilisants, tout comme le système financier
désormais assaini et plus solide. Bien que certaines
interrogations perdurent sur la soutenabilité des finances
publiques à moyen et long terme, le secteur public ne
devrait plus agir comme un catalyseur de risque de crise et
la sphère financière comme un amplificateur de crise.
Le Mexique est donc aujourd’hui mieux armé pour
résister à une détérioration de la conjoncture internationale, conséquence d’une plus grande stabilité
macroéconomique et financière, d’un meilleur “policy
mix”, d’une légère autonomisation du régime de
croissance économique et d’une tendance à la
diversification des débouchés commerciaux. Cependant,
l’intensification de la concurrence internationale impose
une spécialisation plus poussée de l’économie
mexicaine, orientée vers des produits à plus forte valeur
ajoutée et nécessitant une main-d’œuvre plus qualifiée
(chimie, télécommunications, aéronautique, matériel
médical), ainsi qu’une amélioration de la compétitivité et
de la productivité de son secteur exportateur afin d’ouvrir
de nouvelles perspectives de développement.
Si le tandem émigration – prix élevé du pétrole a,
jusqu’à présent, permis de repousser l’échéance des
réformes structurelles, 2008 s’annonce comme une
année décisive pour le Mexique : résister à la crise
économique aux Etats-Unis et se donner les moyens de
consolider sa stabilité macroéconomique et d’assurer le
développement à long terme du pays en concédant des
réformes fondamentales.
Achevé de rédiger le 29 février 2008
[email protected]
Mars 2008
NOTES
(1) Le nombre de travailleurs permanents affiliés à la sécurité sociale a
progressé de 3,9% en 2007 contre 5,0% l’année précédente.
(2) Certains indicateurs laissent à penser que beaucoup d’entre eux ont
réussi à se reconvertir dans d’autres secteurs d’activité, profitant
notamment de la flexibilité du marché du travail aux Etats-Unis.
(3) L’entrée de la Chine dans l’Organisation mondiale du Commerce
(OMC) en 2001, suivie en 2005 par la fin des accords multifibres qui
limitaient les exportations textiles chinoises, explique en partie
l’augmentation rapide de la part de marché de la Chine aux Etats-Unis.
(4) L’Accord de Libre Echange Nord-Américain entre les Etats-Unis, le
Mexique et le Canada est entré en vigueur le 1er janvier 1994. A ce jour,
à peine plus de 2% des exportations mexicaines prennent le chemin du
Canada.
(5) L’accumulation de déficits commerciaux rendait le régime de
change fixe d’autant moins tenable que les Etats-Unis ont initié un
durcissement de leur politque monétaire ; la fragilité du secteur
bancaire mexicain limitant la capacité des autorités du pays à leur
emboîter le pas afin de soutenir le peso. Dans ces conditions,
l’émergence de tensions socio-politiques fortes au cours de l’année
1994 (année électorale), conjuguée à l’épuisement des réserves de
changes, a débouché sur une crise de liquidité, marquée par une
baisse du PIB réel de 6,2% en 1995 et une dépréciation du peso de
50% en trois mois.
(6) Le support financier accordé alors au Mexique par les Etats-Unis,
directement ou via le FMI, est estimé à près de USD 40 milliards. Dès
1996, la croissance du PIB réel mexicain a rebondi à +5,1%.
(7) Le coefficient de corrélation (compris entre -1 et 1) mesure
l’intensité de la liaison entre deux variables. Il n’induit pas une relation
de causalité entre ces deux variables.
(8) L’élasticité est le changement proportionnel d’une variable
relativement à une autre variable.
(9) L’augmentation des exportations mexicaines de télévisions à écran
plat à destination du Brésil ou du Chili est assez significative de
l’émergence d’une demande régionale de plus en plus forte,
conséquence de l’amélioration du niveau de vie et de la constitution
progressive d’un classe moyenne.
(10) Le Mexique est le troisième pays récipiendaire de remesas au
niveau mondial, derrière la Chine et l’Inde. Le développement des
canaux formels de transfert de fonds, la baisse des coûts associés
ainsi que l’amélioration de l’outil statistique expliquent la meilleure prise
en compte des remesas dans la balance des paiements. Le Mexique
est moins vulnérable à un choc sur les remesas que les petits pays
d’Amérique centrale ou des Caraïbes pour lesquels ces transferts
représentent généralement plus de 15% du PIB nominal.
(11) Contrairement à la crise de la dette souveraine subie par le
Mexique et les pays d’Amérique latine dans les années 1980, la crise
mexicaine de 1995 ne relevait pas d’un problème de solvabilité à long
terme de l’Etat, mais d’un problème de liquidité, la faiblesse des
réserves de change ne permettant plus de servir la dette publique
externe à court terme.
(12) Les entreprises américaines sont à l’origine de 60% des IDE
effectués au Mexique depuis 1994, dont plus de 60% sont destinés au
secteur manufacturier, notamment l’industrie automobile. Les entrées
nettes d’IDE ont reculé de USD 1,2 milliard en 2007, mais les entrées
brutes ont progressé de 20% à USD 23,2 milliards, la stratégie
d’internationalisation de plusieurs grandes compagnies mexicaines,
telles que Cemex ou Telmex, ayant conduit à un nouveau record en
matière d’investissements à l’étranger (environ USD 8 milliards en
2007). Dans le même temps, les flux d’investissements de portefeuille
en actions se sont soldés par des sorties nettes pour - USD 0,4 milliard.
Conjoncture
42
(13) Afin de limiter l’accumulation de réserves de change et le coût
associé à leur stérilisation, la banque centrale applique depuis 2003 un
mécanisme strict et transparent d’adjudications systématiques d’une
partie des réserves de changes, notamment celles qu’elle gère pour le
compte de Pemex. Cette pratique permet aussi de limiter les pressions
à l’appréciation du MXN.
(14) Les indicateurs de performance se sont légèrement dégradés
depuis la fin de 2006 : le ratio de capitalisation moyen du système
bancaire était de 16% en juin 2007, la profitabilité a diminué sur le
premier semestre 2007 mais est toujours satisfaisante (ROA 2,5% et
ROE 18%), le ratio de liquidité actifs liquides/dépôts à court terme est
de 80%, et le niveau de provisionnement des prêts non performants
excède 180%.
(15) Ils s’établissent à 2,5% de l’encours total de crédit, avec des
disparités en fonction du type de débiteur : 2% pour les prêts aux
entreprises contre 6% pour les prêts à la consommation.
(16) 700 000 personnes seraient déjà surendettées à cause d’une
utilisation excessive et mal avisée de leurs cartes de crédit, certaines
en accumulant plus d’une dizaine.
(17) Le “hot money”, c’est-à-dire le stock des investissements de
portefeuille ajouté à la dette externe à court terme, représente environ
170% des réserves de changes du Mexique, le stock des
investissements de portefeuille ayant doublé depuis 2001.
(18) Le marché des produits structurés, notamment les Residential
Mortgage Backed Securities (les titres adossés à des créances
hypothécaires), s’est développé ces dernières années au Mexique. Les
émissions sur le marché ont atteint USD 6 milliards en 2006, ce qui
reste marginal comparé aux marchés matures. Il faut noter que le
marché immobilier mexicain ne comporte pas de compartiment
“subprime”.
(19)La loi de responsabilité budgétaire introduite en mars 2006 a
amélioré la transparence des comptes publics en établissant une cible
d’équilibre budgétaire, un cadre de dépenses à moyen terme, un
mécanisme transparent de fixation du prix du pétrole pour établir le
budget, ainsi qu’une gestion plus stricte du fonds de stabilisation du
pétrole. Ce dernier demeure faiblement approvisionné (USD 5
miliards), malgré la hausse des cours du prix du brut. A part le Chili et
Trinidad & Tobago, aucun pays du sous-continent ne dispose d’un
fonds de stabilisation réellement alimenté et bien géré, permettant aux
gouvernements de limiter leur vulnérabilité en cas de baisse brutale
des cours.
(20) Les élections présidentielles et législatives se sont tenues au mois
de juillet 2006, or les années électorales ou préélectorales sont
souvent caractérisées par un relachement de la bride budgétaire dans
la plupart des pays.
(21) La CFE (Commission Fédérale pour l’Electricité) a confirmé en
janvier le lancement d’un appel d’offres pour un important projet d’usine
de gaz naturel liquéfié et de pipeline estimé à USD 600 millions. Début
février, le gouvernement a annoncé la création d’un fonds national pour
les infrastructures (FNI) doté de USD 3,7 milliards affectés dans le
budget 2008 avec pour objectif de créer 100 000 emplois ; suivi mifévrier de l’annonce d’un programme de modernisation de l’industrie
pétrochimique avec la construction d’une usine d’éthylène pour un
investissement d’environ USD 1 milliard.
(22) L’un des objectifs du programme d’infrastructure étant de
permettre à moyen terme de compenser le coût à court terme de la
réforme fiscale pour les entreprises.
(23) Le poids de la dette publique externe indexée sur le USD et émise
à taux variable a été un aspect important de la crise de 1995. Le
Congrès a désormais mandat de réduire la dette publique externe de
USD 500 millions par an. A noter qu’une définition plus large de la dette
Mars 2008
publique intégrant l’ensemble des engagements de l’Etat, notamment
ceux hors-bilan relatifs au programme PIDIREGAS de financement à
long terme de projets énergétiques mis en place en 1995, fait ressortir
le ratio dette publique sur PIB à 35%. Par convention comptable, ces
engagements ne sont réintégrés dans l’encours de dette du
gouvernement fédéral que deux ans avant leur échéance.
(24) Felipe Calderon n’a en effet devancé Andres Manuel Lopez
Obrador, le candiat de la gauche radicale (PRD) que de 0,6 point en
obtenant seulement 35,9% des votes. Le PAN détient 41% des sièges
dans les deux chambres du Congrès, contre 30% pour le PRD suivi de
près par le PRI, le parti historique à la tête du pays pendant 71 ans qui
a perdu la présidence au profit du PAN en 2000. Le PRI demeure tout
de même à la tête de la majorité des Etats fédérés et est le seul parti
disposant d’une implantation régionale et locale dans l’ensemble du
pays.
(25) Les derrniers sondages effectués en janvier 2008 le créditent
toujours de plus de 65% d’opinions favorables au sein de la population
mexicaine.
(26) Les fonctionnaires potentiellement concernés par ce dispositif ont
encore quelques semaines pour décider de basculer vers ce nouveau
régime de retraite, ce qui permettra alors d’estimer le coût de transition
de la réforme.
(27) L’imbroglio qui a suivi l’élection présidentielle de juin 2006 – Lopez
Obrador désormais décrédibilisé, ne reconnaissant pas sa défaite,
arguant des fraudes – a ébranlé les institutions du pays jusqu’à ce que
la cour électorale confirme la victoire de Calderon en septembre. Sur
demande des partis d’opposition de gauche, notamment le PRD, et
comme un pré-requis à l’adoption de la réforme fiscale, une réforme du
code électoral a été adoptée. Elle prévoit que l’Institut Fédéral Electoral
(IFE), placé sous le contrôle du Congrès, aura à charge de réguler les
élections, et que les budgets des campagnes des partis seront financés
sur fonds publics, alloués sur principe de l’obtention d’un nombre
minimum de votes, ce qui dessert les petits partis et renforce le
tripartisme de la scène politique. De plus, la nouvelle loi limitera la
publicité dans les médias.
(28) Selon l’OCDE, le droit du travail au Mexique est l’un des plus
rigides parmi les pays membres, après la Turquie et le Portugal.
(29) Projet moins controversé, la refonte de la gouvernance de PEMEX
et CFE, passant par l’établissement de conseils d’administration
indépendants, ne devrait pas souffrir d’une grande opposition.
(30) Les syndicats du secteur éducatif et des grands groupes publics
comme Pemex et CFE ont toujours montré une grande loyauté envers
le PRI en échange de régimes de protection sociale et d’avantages
extrêment généreux.
(31) Coûts élevés, faible concurrence dans certains secteurs toujours
très concentrés (télécommunications, ciment, production de tortillas…)
du fait d’importantes barrières à l’entrée (réglementaires ou tarifaires
pour les pays avec qui le Mexique n’a pas d’accord commercial) pour
les nouveaux entrants potentiels.
Conjoncture
43
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