Mars 2008 Conjoncture 23
L’année mouvementée qui s’est achevée et celle qui
débute indiquent que la contagion aux marchés
émergents de la crise de liquidité et de confiance
internationale, née de la crise du crédit “subprime” aux Etats-
Unis, demeure jusqu’ici assez mesurée. En ce début d’année
2008 où tous les analystes scrutent les signes de récession
économique aux Etats-Unis et le gouvernement mexicain a
revu à la baisse sa prévision de croissance économique de
3,7% à 2,8% cette année – tendant à converger vers notre
scénario central de +2,0% (cf. Ecoweek 07-41) – il paraît
opportun de revenir sur les liens macroéconomiques existant
entre les deux économies, notamment les sources et
mécanismes de propagation de chocs survenant aux Etats-
Unis à l’économie mexicaine. Au-delà des inquiétudes à court
terme portant sur la conjoncture internationale et ses
conséquences sur l’économie mexicaine, notons que la
première année du “sexenio” du Président Felipe Calderon
semble confirmer son engagement à réformer de façon
pragmatique et progressive un pays marqué par des rigidités
et des faiblesses structurelles.
Croissance économique : une vigueur
toute relative
Depuis la récession de 2001-2002, l’économie
mexicaine a opéré un redressement et enregistré une
croissance du PIB réel de 3,9% l’an sur 2004-2006,
contre 2,5% sur la période 1980-2003. Les performances
du pays demeurent en grande partie déterminées par le
cycle économique des Etats-Unis. Bien qu’aucune
réforme économique majeure n’ait été mise en œuvre
par le gouvernement de Vicente Fox (2000-2006), le
redressement de l’économie mexicaine a été indéniable,
profitant d’une conjoncture internationale très porteuse
jusqu’à l’année dernière.
La dynamique de croissance de l’économie mexicaine…
La demande intérieure a connu depuis quelques
années un rythme de croissance relativement soutenu, à
la faveur de fondamentaux plus solides, de l’embellie du
marché de l’emploi, d’un plus large accès au crédit et
de la vigueur des remesas, les transferts d’argent opérés
par les travailleurs émigrés (cf. encadré, page 28).
L’investissement et la consommation privée ont constitué,
au cours des années 2004-2006, deux moteurs majeurs
de la croissance, progressant respectivement de 8,5% et
5% l’an (cf. graphiques 1 et 2, page 24). Ce dynamisme
de la demande domestique s’est traduit par une hausse
importante du volume des importations, dont le rythme
de croissance s’est révélé plus rapide que celui, déjà
soutenu, des exportations. Une part substantielle des
importations demeure toutefois constituée de biens
intermédiaires et d’équipement incorporés au processus
de production de biens réexportés vers le marché
américain.
Dans un tel contexte, les indicateurs de confiance des
acteurs économiques, entreprises et des ménages, ont
suivi une tendance positive allant de pair avec une
reprise de l’investissement. Ainsi, le taux d’investisse-
ment a atteint 22,1% du PNB en 2006 et probablement
22,5% en 2007 ; pourtant, il se situe toujours en deçà du
niveau enregistré à la fin des années 1990 (au-dessus
de 24%) et reste relativement bas comparativement
aux niveaux constatés dans les pays émergents,
notamment en Asie.
… s’est essoufflée en 2007…
Malgré un léger rebond, a priori provisoire, enregistré
dans la seconde moitié de l’année, soutenu par les
Mexique : toujours exposé,
moins vulnérable Sylvain Bellefontaine
qp / / g
exportations dans le sillage de la bonne tenue de la
demande d’importations aux Etats-Unis, l’année 2007
s’est avérée globalement assez décevante. Le
ralentissement économique s’est accompagné, depuis la
fin de 2006, d’une certaine inflexion des indices de
confiance et des créations d’emplois(1). Autre fait notoire,
les transferts d’argent des travailleurs émigrés, qui ont
contribué à stimuler la consommation mexicaine et à
soutenir les comptes externes au cours des dernières
années, ont marqué le pas. Pour l’ensemble de l’année
2007, le volume des remesas (USD 24 milliards) n’a
progressé que de 1%, un phénomène qui s’explique
notamment par un effet de base important compte tenu
de la progression des dernières années (+23% par an en
moyenne entre 2000 et 2006), par certaines incertitudes
nées du projet de durcissement de la politique d’immi-
gration aux Etats-Unis et du renforcement des contrôles
aux frontières, et surtout par le fait que près de 30%
des Mexicains émigrés aux Etats-Unis travaillent dans
le secteur du bâtiment, directement touché par la crise
rampante de l’immobilier depuis la mi-2006(2). (Cf.
graphique 3).
De son côté, le secteur manufacturier a accusé
des performances décevantes avec une augmentation
de la production estimée à +1,5% en 2007. Deux
secteurs emblématiques de l’économie mexicaine
illustrent ce ralentissement. Tout d’abord, la pro-
duction automobile, qui compte pour un quart des
exportations du pays, n’a progressé que de 2,2% en
2007 après une année 2006 très faste (+ 23,2%),
stigmatisant le ralentissement de la demande aux
Etats-Unis, mais aussi sur le marché domestique. De
son côté, le secteur du textile continue de subir la
concurrence asiatique. La production périclite depuis
2001 et s’est rétractée de plus de 5,0% l’année
dernière. (Cf. graphique 4, page 26).
Autre symbole national fort s’il en est, la production de
pétrole brut a atteint un point haut en 2004 et décroît de
façon inexorable depuis lors, conséquence de
l’incapacité financière et technique de Pemex – la
société publique dont la position monopolistique dans
l’exploitation des réserves pétrolières du pays est inscrite
dans la constitution – à investir dans l’exploration
(notamment en eaux profondes dans le golfe du
Mexique), les capacités de production, le raffinage et le
Mars 2008 Conjoncture 24Mars 2008 Conjoncture 24
0706050403020100
15
10
5
0
-5
-10
%, glissement annuel
Sources : Banxico, BNP Paribas Graphique 1
du commerce extérieur
Croissance du PIB réel et composantes
de la demande
PIB réel
Conso. privée
Conso. publique
Investissement
Contribution nette
C
ontribution à la croissance du PIB réel
Graphique 2 Sources : Banxico, BNP Paribas
-4
-3
-2
-1
0
1
2
3
4
5
6
Importations
Exportations
Variations de stocks
Investissement
Consommation publique
Consommation privée
00 01 02 03 04 05 06 07
O
rigine du PIB nominal
Graphique 3 Sources : INEGI, IFI, BNP Paribas
Services
72%
Construction
4%
Produits
manufacturés
18%
Mines
1%
A
griculture
5%
qp / / g
développement de produits dérivés du pétrole. Ainsi, la
production de brut a chuté de 10% en trois ans et
de 5,3% pour la seule année 2007, pour s’établir à
3,08 millions de barils par jour en moyenne sur douze
mois, dont 55% sont exportés, en quasi-totalité vers les
Etats-Unis. (Cf. graphique 5, page 26).
Dans le même temps, le secteur de la construction,
l’un des plus dynamique ces dernières années, n’a
progressé que de 2,5% en 2007 après 6,9% en 2006. En
définitive, ce sont les secteurs des transports, de
l’agriculture et des services financiers, représentant
ensemble environ un tiers du PIB nominal, qui se sont
avérés les plus dynamiques.
Dans ces conditions, la croissance du PIB réel est
attendue à 3,3% pour l’ensemble de l’année 2007, soit
légèrement au-dessous de son potentiel estimé à 3,5%
et surtout en retrait par rapport aux six principaux pays
d’Amérique latine. La croissance moyenne de la zone est
estimée à 6,2% en 2007 en excluant le Mexique et à
5,4% en l’intégrant.
… et demeure inférieure à celle de l’Amérique latine et
des principaux pays émergents…
Ainsi, malgré des performances économiques
honorables, le Mexique n’a toutefois pas rejoint le “club”
des marchés émergents en forte expansion économique.
Au-delà des interrogations relatives à la soutenabilité de
la croissance à moyen terme dans des pays comme
l’Argentine ou le Venezuela notamment, force est de
constater qu’à l’échelle régionale le Mexique se situe en
retrait, la zone dans son ensemble ayant affiché une
croissance annuelle moyenne du PIB réel de 3,6% entre
2000 et 2007 contre 2,9% pour le Mexique. (Cf.
graphiques 6 et 7, page 26).
Cette faiblesse relative de la croissance mexicaine
ne semble pas devoir être imputée à un manque
de dynamisme de l’investissement, le taux d’inves-
tissement se situant dans la moyenne régionale (cf.
graphique 8, page 26). Si la croissance potentielle du
Mexique est contrainte par la qualité médiocre du capital
humain et des infrastructures, la faible productivité, la
rigidité du marché du travail ou encore les défaillances
de l’environnement légal (corruption, évasion fiscale...),
ces éléments se retrouvent dans la majorité des pays
d’Amérique latine et ne constituent pas des facteurs
discriminants tangibles et pertinents.
L’explication fondamentale réside dans la
spécialisation économique du Mexique qui diffère
significativement de celle de ses voisins du sud. En effet,
l’ensemble des pays d’Amérique du Sud, dont les
matières premières représentent plus de la moitié des
exportations totales (90% dans le cas du Venezuela), ont
profité du dynamisme de la demande mondiale
d’hydrocarbures, métaux et denrées agricoles depuis
plusieurs années, tiré notamment par l’Asie émergente,
dont la contribution à la croissance mondiale dépasse les
35%. Ces pays ont donc bénéficié d’opportunités pour
initier une certaine diversification de leurs débouchés
géographiques et négocier des accords de partenariats
économiques (accords commerciaux, prises de parti-
cipations dans des sociétés sud-américaines) avec la
Chine et l’Inde notamment. (Cf. tableau 1 et graphique 9,
page 26).
… compte tenu de la vive concurrence internationale
pour l’accès au marché américain
Bien que le Mexique ait profité du boom des prix
mondiaux des matières premières – essentiellement le
pétrole dont la part dans la valeur des exportations
totales du pays s’est accrue malgré la baisse marquée
de la production –, ses exportations demeurent
Mars 2008 Conjoncture 25Mars 2008 Conjoncture 25Mars 2008 Conjoncture 25
Part des matières premières dans les exportations (%)
Matières
premières
Hydro
carbures
Métaux Agriculture
et autres
A
mérique
latine 41 18 11 12
A
rgentine 61 17 2 42
Brésil 52 8 18 26
Mexique 19 15 1 3
Chili 75 0 56 19
Colombie 57 26 16 15
Pérou 75 9 56 10
Venezuela 90 87 3 0
Tableau 1 Source : IFI
qp / / g
Mars 2008 Conjoncture 26
0706050403020100
60
40
20
0
-20
%, glissement annuel
Sources : INEGI, BNP Paribas Graphique 4
machines et équipement
Production manufacturière
Production manufacturière totale
Textile
Automobile
Industrie métallurgique,
Graphique 7 Sources : FMI, Data Insight, BNP Paribas
Croissance du PIB réel
(%, moyenne annuelle 2000-2007)
6,9
7,2
9,9
3,6
4,6
4,4
4,2
3,4
3,4
2,9
012345678910
Mexico
Brésil
Argentine
Colombie
Chili
Vénézuela
Amérique latine
Chine
Inde
Russie
0706050403020100999897969594939291
3.5
3.0
2.5
2.0
1.5
Sources : INEGI, Pemex, BNP Paribas Graphique 5
Production de pétrole brut
mns barils/j
mns barils/j, moy. 12 mois
VENARGPERMEXCOLCHILIBRE
30
25
20
15
10
5
0
% du PNB
Sources : IFI, BNP ParibasGraphique 8
Taux d'investissement
en Amérique latine
2002 2003
2004 2005
2006
0706050403020100
25
20
15
10
5
0
-5
-10
-15
%, croissance annuelle
Sources : FMI, Data Insight, BNP Paribas Graphique 6
e
Croissance économique : Amérique latine
Amérique latine
Chili
Mexique
Argentine
Vénézuela
Brésil
Colombie
Graphique 9 Sources : Banxico, BNP Paribas
Part des exportations destinée
aux Etats-Unis (%)
48
83
52
46
35
26
18
16
8
0 20 40 60 80 100
Amérique latine
Mexique
Equateur
Vénézuela
Colombie
Pérou
Brésil
Chili
Argentine
qp / / g
composées à hauteur de 80% de produits manufacturés
(biens intermédiaires et de consommation finale) (cf.
graphique 10). En conséquence, le Mexique, économie
relativement ouverte dont le poids des exportations
atteint 42% du PIB, est confronté à une concurrence
internationale intense sur des marchés où l’Asie
émergente – principalement la Chine (textile, élec-
tronique, pièces détachées automobiles), l’Inde (textile)
et la Corée du Sud (automobiles) – constitue un
compétiteur majeur pour l’accès au premier marché
mondial : les Etats-Unis.
Bien que le Mexique reste le troisième exportateur
mondial à destination des Etats-Unis, derrière le
Canada et la Chine, sa part de marché s’est réduite de
11,7% en 2001 à 11,0% en 2007, au moment où celle de
la Chine (hors réexportations via Hong Kong) est
passée de 9,6% à 17,6%(3) (cf. graphique 11). Toutefois,
après avoir baissé entre 2003 et 2005, elle a retrouvé
une pente ascendante depuis 2006, grâce aux bonnes
performances d’ensemble affichées par le secteur des
maquilas, par lesquelles transitent 45% des expor-
tations mexicaines, confirmant la compétitivité et
l’attractivité du pays : les gains de productivité dans
l’industrie ont progressé plus rapidement que les
salaires réels alors que le taux de change effectif réel
restait relativement stable (cf. graphique 12). Après la
crise de 2001-2002, au cours de laquelle un cinquième
des 3 600 usines a été délocalisé, le secteur a opéré un
redressement. En 2006, la production totale de
marchandises assemblées a crû de 3,3% en volume et
de 12,2% en valeur, après déduction des composants
importés. Tandis que les secteurs requérant une main-
d’œuvre faiblement qualifiée ont souffert de la
concurrence internationale (la production de textile a
diminué de 21% en six ans), les produits à plus forte
valeur ajoutée ont bien résisté. L’industrie électronique a
ainsi créé plus de 15 000 emplois en 2006, alors que le
secteur des maquilas est demeuré globalement assez
peu créateur d’emplois. Malgré un coût du travail
sensiblement plus élevé qu’en Chine ou en Inde, et des
défaillances en termes d’infrastructures de transport
et de télécommunications, la proximité du marché
américain confère au Mexique un avantage concur-
rentiel décisif du fait de coûts de transport réduits (cf.
tableaux 2 et 3, page 28).
Mars 2008 Conjoncture 27Mars 2008 Conjoncture 27Mars 2008 Conjoncture 27
0706050403020100999897969594
100
90
80
70
60
50
40
30
20
10
0
Sources : Banxico, BNP Paribas Graphique 10
Composition des exportations du Mexique,
Agriculture
Pétrole
Autres produits manufacturés
Machines et équipement
Produits électroniques et électriques
Automobile
en % des exportations totales, cumul sur 12 mois
070605040302010099989796959493
18
16
14
12
10
8
6
4
%
Sources : Banxico, US Dpt of Commerce, BNP Paribas Graphique 11
Part de marché aux Etats-Unis
Mexique
Chine
07060504030201009998979695
200
190
180
170
160
150
140
130
120
110
100 110
100
90
80
70
60
50
40
moyenne mobile sur 12 mois échelle inversée
Sources : Banxico, BNP Paribas Graphique 12
Taux de change
effectif réel
Indicateurs de "compétitivité coût",
Productivité du travail/
Salaire réel
(sect. manuf.)
Amélioration de
la compétitivité
indice base 100 en janvier 1993
K
qp / / g
1 / 23 100%
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