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Dictée du 24 mars 2014.
Texte de Colette.
Colette, nom de plume de Sidonie-Gabrielle Colette née à Saint-Sauveur-en-Puisaye
(Yonne) le 28 janvier 1873 et morte dans le 1
er
arrondissement de Paris le 3 août 1954,
est une romancière française.
Après Judith Gautier qui fut élue en 1910, Colette est élue membre de l’Académie
Goncourt en 1945.
Les mésanges
Quand j’attachai (1) à deux poteaux de roseraie deux nids, creusés à même deux rondins de
bouleau, je les nommai (1), en moi-même, ex-voto, offrande superstitieuse…Le vœu ne connaît
qu’un chemin : il monte ; le mien atteignit (1) deux rossignols de muraille(s). Ils vinrent (1), gris
roux, plus foncé(s) (2) que la musaraigne, comme elle, fureteurs….. Je me fis (1) discrète,
d’autant que l’autre nid appartenait, dans le même moment à la mésange bleue. Celle-ci, princesse
des oiseaux sauvages, ne saurait rien faire sans éclat. Où qu’elle règne, on ne voit qu’elle, son dos
bleu comme l’élytre métallique du bousier, le dessous vert saule de son aile, sa hardiesse à nous
solliciter, sa prestesse à nous fuir. Elle est rieuse, et guerrière, et gloutonne comme pas une …
Entre l’éclosion des œufs et l’essor des oisillons, la tâche d’un couple de mésanges confond
l’observateur. Deux éclairs bleus multipliés par leur hâte sans repos illuminaient chez moi le petit
enclos bourgeonnant. Mâle et femelle, au moment de s’engouffrer dans la lucarne du tronc creux,
prenaient pied un instant sur l’extrémité d’un tuteur de bambou et s’y balançaient comme une
fleur ; la nichée gavée, un bruit d’éventail, un trait de feu bleu et jaune rejaillissaient du nid, et
l’attente haussait d’un ton le pépiement des petits invisibles, qui ressemble au gazouillement d’un
baiser.
La plus insolente, la plus active, la petite femelle, je l’ai vue (3) plonger sous la basse jungle des
jeunes bégonias serrés, elle pénétrait par un bout de la plate-bande, courant agilement sur ses
merveilleuses petites serres ; elle surgissait à l’autre extrémité, arrogante, la tête levée, une
chenille en banderole toute vivante au bec, ou bien moustachue de deux ailes d’insecte.
Colette.
La paix chez les bêtes.
Fayard. 1916.