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De la fl eur à la graine : une aventure
Aline Raynal-Roques, professeur au Muséum national d’Histoire naturelle
Résumé
Les plantes à fl eurs, lambiguïté
d’un succès
On sait que les plantes se reproduisent par voies
végétative et sexuelle. La multiplication vétative
donne une descendance nombreuse et effi cace,
mais très homogène et à faible potentialité évolu-
tive ; elle donne des clones.
La reproduction sexuée implique la fusion de deux
gamètes ; les caractères génétiques se trouvent
assemblés d’une manière originale : chaque graine
contient un individu-embryon unique ; chaque
embryon est génétiquement diff érent de tous les
autres. La diversité concerne toutes les potentiali-
tés, morphogénétiques, biologiques, écologiques et
surtout adaptatives.
Hermaphrodisme
Lapparition des plantes à fl eurs (environ -200 Ma)
s’est accompagnée de celle de l’hermaphrodisme :
les sexes, mâle et femelle, sont juxtaposés dans
la même fl eur, ou portés par le même individu.
Aujourd’hui, environ 96 % des espèces sont her-
maphrodites, et plus de 90 % des espèces ont des
eurs hermaphrodites.
La présence des deux sexes favoriserait-elle l’auto-
gamie, cest-à-dire la pollinisation d’une fl eur par
son propre pollen ? Non : près de 90 % des espèces
pratiquent lallogamie, même si la plupart dentre
elles pourraient être autofécondes.
Autogamie et allogamie
- Autogamie : les gamètes mâles et femelles pro-
viennent de la même plante ; en conséquence, la
diversité génétique sera faible.
- Allogamie : les gamètes mâles et femelles sont
issus d’individus génétiquement di érents ; en
conséquence, la descendance sera très diversifi ée ;
or la diversité élargit les possibilités d’adaptation,
donc d’évolution.
Les plantes à fl eurs hermaphrodites ont recours
à de multiples stratégies pour éviter l’autogamie,
telles que la disjonction chronologique de la matu-
rité des sexes, la disjonction spatiale, l’hétérostylie,
les divers modes d’auto-incompatibilité. Le mutua-
lisme végétal-animal est apparu dès la première
grande diversifi cation des plantes à fl eurs, qui s’est
accompagnée d’une diversifi cation concomitante
du monde des insectes.
Le succès des plantes à fl eurs, indiscutable, est
fondé sur une ambiguïté qui date de leur appari-
tion : elles sont hermaphrodites, et pourtant leur
diversité est une conséquence de l’allogamie. Elles
ont développé de multiples stratégies qui mènent
à l’allogamie, et donc favorisent l’évolution à long
terme ; mais la plupart des plantes à fl eurs savent
toujours jouer de l’herma-phrodisme, qui mène à
l’autogamie, et donc au succès à court terme.
La coexistence de l’autogamie et de l’allogamie
serait-elle la clé du succès des plantes supérieures ?
Deux modes de reproduction
Les plantes peuvent se reproduire soit végétativement,
soit sexuellement ; elles assurent ainsi la survie de
lespèce par une capacité dadaptation accrue, par une
apparition de formes nouvelles mieux adaptées et par
une colonisation e cace de lespace, donc de biotopes
nouveaux. Ces deux modes de reproduction sont-ils
complémentaires et contribuent-ils à assurer le succès
biologique de lespèce ? Qu’est-ce que le succès biolo-
gique ? On peut proposer deux réponses.
Pour assurer le succès biologique de lespèce,
il convient de :
1- produire une descendance viable, nombreuse et
variée, porteuse de potentialités dadaptation/évolu-
tion ; la solution est la reproduction sexuée ;
2- produire une descendance viable et nombreuse,
semblable à lindividu initial, capable de coloniser des
espaces ; la solution est la multiplication végétative.
La multiplication végétative
Elle conduit à la production rapide d’une très nom-
breuse descendance, qui va coloniser effi cacement l’es-
pace ; la descendance va se diversifi er en populations
clonales, homogènes, sans grandes capacités dadapta-
tion ; la multiplication végétative assure la survie de
lespèce à relativement court terme. Qu’est-ce qu’un
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clone ? Cest lensemble des individus qui ont le même
patrimoine génétique, son origine pouvant être natu-
relle ou horticole. Les stolons dun individu de fraisier
sauvage (Fragaria vesca) produisent naturellement un
clone ; un groseillier bouturé produit aussi un clone.
Chacun sait quun verger planté de cerisiers du même
clone produira beaucoup de fl eurs mais peu de fruits;
en revanche, si l’on suspend, dans l’un de ces arbres, une
branche fl eurie d’une autre variété, la récolte sera bonne !
La reproduction sexuée
Elle fait intervenir deux individus dotés de gènes dif-
férents mais compatibles ; elle donne une descendance
variée, dotée de capacités de résistance et dadaptation
à des conditions diverses, voire nouvelles.
La diversité génétique favorise ladaptation au chan-
gement. La diversi cation des espèces se traduit, en
termes dévolution, comme une réponse à la pression
de lenvironnement. La reproduction sexuée est le
moteur majeur de la capacité dévolution ; les relations
réciproques avec les animaux y contribuent.
La reproduction implique une fécondation ; la sexua-
lité en est le moteur. La fécondation est la fusion de
deux cellules sexuelles (gamètes) en une seule cellule
uf), qui se multipliera pour donner un individu nou-
veau, génétiquement original, unique.
La course à leffi cacité
Fondamentalement, lépisode sexuel résulte de la
fusion de 2 gamètes à n chromosomes (haploïdes)
génétiquement di érents, au terme de laquelle se
développe un individu à 2n chromosomes (diploïde).
Un tel mode de reproduction existe chez les algues
depuis plus de 1,2 milliard dannées…
À lapparition des ancêtres des fougères, vers -400Ma
(fi n cambrien), les cellules sexuelles femelles sont
protégées par un tissu, même s’il est encore fragile ;
mais les spermatozoïdes, nageurs, doivent toujours se
déplacer dans leau. Chez les fougères, apparaîtront les
racines nourricières et les vaisseaux transporteurs de
ve, grâce auxquels les végétaux terrestres acquièrent
de grandes tailles : leur territoire devient alors tridi-
mensionnel, ils conquièrent lespace aérien, se libèrent
des contraintes de voisinage et accèdent à la lumière.
Au dévonien, avant -360 Ma, apparaît lovule, nouvelle
structure protectrice de la cellule sexuelle femelle :
la fi ne enveloppe du gamète femelle des fougères, lar-
chégone, est désormais intégrée dans un organe com-
plexe. Les spermatozoïdes, encore nageurs et presque
libres chez le ginkgo, sont désormais de mieux en
mieux protégés dans des grains de pollen que le vent
transporte; les anthères productrices de pollen sont à
lécart des ovules. Chez ces plantes, la fécondation est
la simple fusion dune cellule femelle et dun sperma-
tozoïde ; lœuf qui en résulte se développe en embryon
nourri par les tissus maternels (périsperme) que lovule
contient. Les ovules, après fécondation, deviennent des
graines abritant les jeunes ; en revanche, ces graines
ne disposent daucune protection, elles sont nues ; ces
plantes « à graines nues » sont les gymnospermes.
Ce sont des arbres, caractérisés par un tronc suscep-
tible de s’accroître en diamètre, ce qui augmente leur
capacité de transport de sève nourricière, autorise
le développement d’une large ramure et optimise
la conquête de lespace aérien.
Au trias (-200 Ma) apparaissent les fl eurs. Les organes
les (étamines qui portent les anthères productrices
de pollen) et les organes femelles (ovules) y sont réu-
nis: les plantes ont désormais des fl eurs hermaphro-
dites ; c’est toujours le cas chez les plantes actuelles :
on sait que moins de 15 % des espèces ont des fl eurs
unisexuées, pores ou non par le même individu.
Les ovules ne sont plus nus, mais contenus dans une
enveloppe close (lovaire). Après fécondation, les
ovules deviendront des graines, contenues dans un
fruit : les plantes à fl eurs ont donc « des graines dans
un récipient » ; ce sont des angiospermes.
Lapparition de l’hermaphrodisme et du fruit saccom-
pagne dautres nouveautés, citons :
- Les interrelations avec les animaux.
Avant lapparition des angiospermes, les relations
plantes/animaux étaient du domaine de la prédation.
Chez les angiospermes, ces relations se nouent à béné-
ce mutuel ; elles facilitent, en particulier, la pollinisa-
tion-fécondation et la dispersion des graines.
- La double fécondation.
On sait que la fécondation qui résulte de la fusion
de 2cellules à n chromosomes (haploïdes) est à lori-
gine de lembryon. Au sein dun seul et même ovule,
intervient une seconde fécondation dans laquelle
fusionnent deux cellules femelles haploïdes et un sper-
matozoïde: il en résulte un embryon triploïde inorga-
nisé, lalbumen, dont se nourrira lembryon diploïde.
- Les plantes herbacées, creuset de l’évolution.
Ce sont des plantes de petite taille et souvent à vie
courte, qui ne développent pas de tronc. Chez ces
plantes, la durée dune génération est courte, souvent
bien inférieure à une année ; les plantes herbacées
seraient-elles issues de formes néoténiques, capables
de fl eurir à un stade juvénile ? Le renouvellement
rapide des populations par la sexualité a accru les
potentialités évolutives : l’apparition des angiospermes
herbacées est encore aujourdhui un moteur majeur
de la diversi cation des plantes modernes.
- Les plantes herbacées et leur capacité d’adaptation.
Leur taille réduite, leurs bourgeons généralement sou-
terrains, leurs abondantes et fréquentes productions
de graines, confèrent aux plantes herbacées résistance
à des conditions défavorables et adaptation à des
conditions nouvelles.
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- La multiplication végétative et les plantes
herbacées.
La multiplication végétative a pris des formes di é-
rentes, rhizomes ou caïeux, production de fausses
graines par apomixie, semblables aux vraies, mais
issues d’un simple bourgeonnement végétatif dun
tissu maternel ; ces multiplications végétatives ont
favorisé lexpansion des plantes herbacées. Elles se
montrent remarquablement e caces pour coloniser
de grandes surfaces, en peu de temps.
Fleurs hermaphrodites et fécon-
dation croisée, un paradoxe
La présence des deux sexes chez une même plante s’est
répandue si bien, quaujourdhui au moins 95 % des
espèces sont hermaphrodites. Lapparition de l’her-
maphrodisme est corrélée à lexplosion de la diver-
sité des plantes, c’est un succès biologique. Ce succès
sulte-t-il de la présence des deux sexes dans la fl eur?
Les fl eurs hermaphrodites auraient-elles la capacité
de s’autoféconder ?
L’autogamie
Lhermaphrodisme semble impliquer l’autogamie ;
est-il conciliable avec le maintien de la biodiversité ?
La présence des deux sexes, chez un même individu,
garantit-elle le succès biologique de sa descendance ?
Il y a autogamie si le pollen produit par une fl eur est
déposé sur le stigmate de la même fl eur, ou si le pollen
est transporté dune fl eur à une autre sur un même
individu, ou encore s’il est transporté entre des fl eurs
portées par des pieds di érents dun même clone.
Lautogamie entrne un brassage génétique réduit :
la plupart des caractères des individus initiaux sont
conservés dans leur descendance.
Lautogamie exclusive est le mode de reproduction
le plus simple et le plus effi cace pour le nombre de
graines produites, et pourtant peu de plantes y ont
recours, pourquoi ? Elle est très minoritaire, mais
elle assure la continuité et la stabilité de lespèce, au
prix toutefois dune perte de capacités adaptatives des
plantes et de leurs facultés de résistance à des patho-
gènes nouveaux.
La transmission voulue des caractères à la descen-
dance justifi e lobtention de céréales autogames telles
que le blé, lorge, lavoine, le sorgho ; de nombreux
arbres fruitiers, les haricots, les pois, les tomates sont
aussi autogames.
Dans la nature, lautogamie exclusive est répandue, par
exemple chez :
- Vicia sp., même si l’aspect de la eur évoque une fl eur
entomophile ;
- Berberis vulgaris : l’autopollinisation résulte dun
mouvement des étamines dont les anthères viennent
heurter les stigmates ; il est déclenché par le contact
d’un insecte. Cette relation eur/insecte serait-elle
une réminiscence d’une ancienne entomophilie ?
Lautogamie facultative en cas d’absence
de pollinisation effi cace
En labsence de pollinisateurs, en limite daire écolo-
gique, les plantes pratiquent souvent lautopollinisa-
tion. Dans le nord de son aire de répartition, Ophrys
apifera est devenu autogame par carence de son pol-
linisateur ; plus au sud, cet Ophrys est généralement
pollinisé par linsecte mais, si les conditions météoro-
logiques sont défavorables, il s’autopollinise alors.
Dans la eur de Malva sylvestris, les nombreuses
anthères en bouquet mûrissent avant les stigmates
(protandrie), ce qui favorise lallopollinisation ; mais
lorsque la fl eur vieillit sans avoir été pollinisée, les
stigmates s’inclinent vers les anthères où subsistent
des grains de pollen ; cette autopollinisation tardive
semble produire peu de graines.
Lautogamie exclusive :
les fl eurs cléistogames
Ce sont des fl eurs qui restent à l’état de petits bou-
tons et qui ne sépanouissent jamais. Le pollen est
déjà au contact du stigmate, la fécondation produit
des graines abondantes qui donneront une descen-
dance homogène. Chez certaines plantes, le pollen est
déposé sur le stigmate avant lépanouissement de la
eur qui s’ouvre… trop tard ; c’est le cas chez Lobelia
dortmanna ou Epipactis phyllanthes. Les plantes dont
on ne connaît que des fl eurs cléistogames ou fécon-
dées prématurément sont rares, on considère qu’elles
appartiennent à des espèces sans grand avenir à long
terme dans la nature.
Autogamie/allogamie :
une cléistogamie opportuniste
Certaines plantes présentent, chez un même individu,
des fl eurs cléistogames et dautres chasmogames ; ces
deux types de fl eurs y sont produits simultanément ou
successivement.
Une cléistogamie adaptative s’exprime généralement
en réponse à des conditions écologiques ; Impatiens
noli-tangere, Impatiens balfouri, produisent des fl eurs
chasmogames pendant la belle saison, mais leurs der-
nières eurs seront cléistogames à la n de lété. Les
eurs de printemps de Viola riviniana, chasmogames,
et bien que dapparence entomophiles ne donnent à
peu près jamais de graines, tandis que les fl eurs d’été,
cléistogames, produisent des graines en abondance.
Dans un certain nombre de familles caractérisées par
des fl eurs hautement adaptées à lentomophilie, les
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gesnériacées, les scrophulariacées, les lentibulariacées
par exemple, on connaît des espèces chez lesquelles
coexistent ces deux sortes de fl eurs ; généralement
les fl eurs chasmogames sont peu ou pas fertiles,
alors que les fl eurs cléistogames sont très prolifi ques.
Pourrait-on considérer que, dans le cadre de lallo-
gamie, chez ces plantes avancées, certaines espèces
auraient secondairement opté pour lautogamie ?
On observe une cléistogamie architecturale chez cer-
taines espèces : les deux types de fl eurs sont régulière-
ment produits simultanément sur un même individu,
à des emplacements précis. Par exemple Utricularia
hydrocarpa produit des fl eurs cléistogames à la base
submergée de la hampe fl orale et des fl eurs chasmo-
games, espacées, à son sommet émergé.
Allogamie versus hermaphrodisme :
le paradoxe
Il y a une ambiguïté car lhermaphrodisme, présent
chez plus de 95 % des espèces de plantes à fl eurs, ne
mène pas directement à l’allogamie, mais à lautoga-
mie. Pourtant, l’allogamie, effi cacité oblige, est très
largement répandue : 90 % des espèces la pratiquent…
Voici quatre exemples qui illustrent limportance et la
fréquence paradoxales de lallogamie :
- Lune des interrelations plantes/animaux apparues
avec l’hermaphrodisme est liée à l’attraction qu’exer-
cent les fl eurs à légard des insectes ; odeurs, nectars
et autres nourritures, ces attracteurs ont rapidement
établi une interdépendance fl eurs/insectes.
- Lallogamie ouvre la porte à lhybridation entre
espèces voisines ; lhybridation est à lorigine de formes
nouvelles, souvent plus robustes que leurs parents, et
joue un rôle important dans lévolution des végétaux.
- Aujourdhui, moins de 10 % des espèces sont dioïques:
elles sont représentées par des individus mâles et des
individus femelles distincts. Pour la plupart, les plantes
dioïques conservent, dans leurs fl eurs, des vestiges des
organes de lautre sexe ; ces vestiges rappellent un état
hermaphrodite antérieur : ces plantes auraient donc
acquis secondairement létat dioïque. Chez le houx
(Ilex aquifolium), la fl eur mâle porte en son centre une
minuscule protubérance, vestige dun pistil atrophié ;
chez Hechtia rosea (broméliacées), la fl eur d’un indi-
vidu mâle porte 6 étamines fertiles et, en son centre,
un petit vestige de pistil ; chez la même espèce, la fl eur
dun individu femelle porte 6 petits fi lets détamines
stériles et un pistil fertile.
- Les angiospermes ont développé des dispositifs
dauto-incompatibilité qui aboutissent à interdire le
succès d’une fécondation dun individu par son propre
pollen. On évalue à 40 % le nombre despèces auto-
incompatibles. Ces dispositifs dauto-incompatibilité
font intervenir : soit un système de reconnaissance
dallèles de gènes, la pollinisation n’aboutit alors que si
les allèles sont diff érents ; soit un système de blocage
du développement embryonnaire, lembryon s’initie
mais meurt.
Contourner l’hermaphrodisme
par des disjonctions
fonctionnelles des sexes
Les disjonctions temporelles
Les deux sexes, contenus dans une même fl eur, sont
exposés mais ne sont pas simultanément fonction-
nels. On observe deux cas :
- La protandrie : les étamines mûrissent avant le pis-
til ; les anthères libèrent le pollen alors que les stig-
mates n’ont pas terminé leur développement et sont
inaptes à accueillir du pollen. Cest le cas de Geranium
phaeum, de Silene acaulis, de Campanula barbata et
de très nombreuses autres espèces.
Chez les Clerodendron (verbénacées), les étamines se
dressent dès lépanouissement de la fl eur et libèrent
leur pollen ; le lendemain, leurs fi lets s’enroulent tan-
dis que le style se dresse à son tour et que les stigmates
deviennent récepteurs.
La fl eur de Parnassia palustris a 5 étamines qui
mûrissent successivement, tandis que le stigmate est
encore juvénile ; chaque jour une étamine expose son
pollen en se dressant vers le stigmate, puis se rabat
sur le pétale ; quand les 5 étamines seront rabattues
(leurs anthères sont vides) le stigmate se développera,
il deviendra fécondable.
- La protogynie : les stigmates sont fonctionnelle-
ment mûrs et reçoivent du pollen d’une autre fl eur,
qui s’achemine vers les ovules, alors que les étamines
sont encore courtes, et les anthères fermées. Le lende-
main, les stigmates sont fanés et les étamines, en n
mûres, libèrent leur pollen. On peut citer Luzula
pilosa (joncacées), Magnolia grandifl ora, les espèces
des genres Helleborus et Scrophularia, la plupart des
espèces de cypéracées. Les espèces protogynes sont
beaucoup moins nombreuses que les protandres.
- Chez lavocatier (Persea gratissima), on distingue
deux catégories dindividus qui tous ont des fl eurs
semblables, hermaphrodites ; ils sont tous autos-
tériles; ils se distinguent par le fait que les uns sont
protandres, les autres protogynes. Les individus A, pro-
tandres, libèrent leur pollen le matin et épanouissent
leurs stigmates le soir ; les individus B, protogynes,
épanouissent leurs stigmates le matin et libèrent leur
pollen le soir, leur cycle circadien est inversé. Matin
et soir, des colibris se nourrissent de nectar et trans-
portent du pollen. La fécondation croisée, entre les
deux types, est de règle.
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Les disjonctions spatiales
Les deux sexes peuvent être contenus dans une même
eur, ou chacun deux dans des fl eurs di érentes mais
portées par la même plante.
Si les deux sexes, contenus dans une même fl eur,
sont exposés et simultanément fonctionnels, ils sont
disposés de telle sorte que le pollinisateur ne puisse
les toucher successivement que dans un ordre imposé
par la morphologie de la fl eur.
Chez de nombreuses espèces, le style, beaucoup plus
long que les étamines, se termine par des stigmates
dont la face réceptrice est ouverte vers le haut ; lin-
secte porteur de pollen qui ressort de la fl eur ne peut
pas toucher la face réceptrice, il déposera donc le pol-
len lorsqu’il visitera une autre fl eur : Pedicularis sp. pl.,
Salvia sp. pl. etc.
Les plantes monoïques portent des fl eurs unisexuées,
les deux sexes étant réunis sur une même plante :
les chances dautopollinisation sont réduites, mais
cette disposition ne s’oppose pas à lautogamie.
Le maïs est un exemple de plante monoïque qui se
reproduit à la fois par allogamie et autogamie.
Si la disjonction temporelle et la disjonction spatiale
ne sont pas accompagnées d’une auto-incompatibilité,
lallogamie sera favorisée mais ne pourra être stricte.
Le cas particulier de disjonction
spatiale, l’hétérostylie.
Lexemple classique est celui des primevères (Primula
vulgaris, P. veris…) qui présentent des individus à fl eurs
longistyles (à stigmate situé au-dessus des anthères) et
dautres, à fl eurs brévistyles (à stigmate situé au-des-
sous des antres). La pollinisation, pour être effi cace,
doit intervenir entre des individus porteurs de fl eurs
de types di érents ; notons que, rarement, la pollini-
sation entre deux individus porteurs du même type
oral est fécondante.
On observe deux types morphologiques de fl eurs, ou
trois chez certaines espèces ; un individu génétique
n’en présente qu’un seul ; la fécondation n’intervient
quentre deux individus distincts, donc entre deux
types de fl eurs distincts.
La salicaire (Lythrum salicaria), ou la jacinthe deau
(Eichhornia crassipes), présentent trois types dindivi-
dus : à fl eurs à style long, court ou moyen.
On observe lhétérostylie dans des familles diverses
telles que les rubiacées (Cephaelis amoena), les thy-
léacées (Pimelea rosea), les polygonacées (le sarrasin,
Fagopyrum esculentum)…
La disjonction de contact.
Chez des plumbaginacées (Armeria maritima), il y a
deux types dindividus : lun à pollen orné et stigmate
papilleux ; lautre à pollen presque lisse et stigmate
lisse. Seule la rencontre d’un pollen lisse et dun stig-
mate papilleux, ou dun pollen orné et dun stigmate
lisse, aboutira à une fécondation.
De la fl eur à la graine,
les moyens pour réussir
Lapparition des plantes à fl eurs s’est accompagnée,
entre autres, de celle de lhermaphrodisme, des rela-
tions avec les animaux, des plantes herbacées, etc.
Auparavant, les plantes, ligneuses, formaient des
forêts, leurs appareils reproducteurs étaient unisexués,
lallogamie était répandue. Les fl eurs hermaphrodites
ont facilité la fécondation, qui n’était plus soumise
aux aléas du vent. Une part des terres émergées étant
impropre à lextension de forêts, les plantes herbacées
ont pu s’y implanter. Lautogamie, conséquence de
lhermaphrodisme, a aidé ces nouveaux conquérants à
coloniser rapidement de grandes étendues.
Mais les milieux étaient divers, ils subissaient les
à-coups de changements climatiques drastiques à
l’échelle de la planète. Lautogamie, effi cace pour
lextension rapide des plantes, noff rait guère de possi-
bilités de diversi cation. Sous l’eff et de la pression de
sélection, les plantes ont été contraintes de revenir à
lallogamie, qui permet une meilleure capacité dadap-
tation et limite limpact des dérives génétiques.
Comment les fl eurs hermaphrodites peuvent-elles
assurer une pollinisation croisée ? Les angiospermes
ont alors mis au point diverses stratégies qui leur
permettent de surmonter les inconvénients que leur
pose l’hermaphrodisme des eurs. Elles conservent les
avantages liés à lhermaphrodisme, et peuvent néan-
moins se reproduire par allogamie. Les angiospermes
ont développé des structures et des fonctions spécia-
lisées qui leur permettent de béné cier au mieux de
leurs associés animaux. Les angiospermes, remarqua-
blement diversi ées, doivent leur effi cacité biologique
à lautogamie et à lallogamie associées.
La multiplication végétative et en particulier sous
la forme de lapomixie, bien que peu favorable à la
diversifi cation, contribue au succès actuel des angios-
permes ; représentées par environ 240 000 à 250 000
espèces, elles occupent actuellement tous les biotopes
terrestres et marins, à lexception des zones gelées en
permanence et des régions les plus arides de quelques
déserts.
Les voies de la reproduction des plantes sont nom-
breuses, parfois paradoxales, mais ont prouvé leur effi -
cacité pour la conquête de la planète.
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