Un projet de la compagnie Metteur en scène Production déléguée
Toda Vía Teatro Paula Giusti éâtre Romain Rolland
LE RÉVIZOR
OU L’INSPECTEUR DU GOUVERNEMENT
de Nicolas Gogol
Création 2014/2015
Le 7 octobre 1835 Gogol écrit à Pouchkine « Je vous en supplie, donnez moi un sujet, au moins
une anecdote, drôle ou pas drôle, mais purement russe… ». Gogol nissait, deux mois après, la première version
du Révizor. On pourrait dire que c’est une comédie qui dénonce la corruption de la hiérarchie administrative et
sociale dune petite ville de province en Russie. Mais cest aussi le drame satirique de la mauvaise conscience,
de la médiocrité humaine reétée dans ce désir vide de titres, de décorations où chacun est incapable dagir
noblement sans « encouragements ». La scène et le lieu de laction sont imaginaires, c’est dans le monde de la
mauvaise conscience en éveil que cela se passe, où la peur, ressort principal de l’action, peut rentrer et réveiller
la bêtise humaine. Au point de confondre un voyageur de passage avec le redoutable révizor incognito
L’HISTOIRE
Tout commence par un petit quiproquo… Une lettre arrive au gouverneur, Anton Antonovich,
lui annonçant quun inspecteur du gouvernement arrive à la ville avec « des instructions secrètes ». La para-
noïa, la peur, la mauvaise conscience se précipitent pour agir dans toutes les strates de la hiérarchie de l’Etat. Les
fonctionnaires : l’inspecteur des écoles, le juge, le surveillant des établissements de bienfaisance, le médecin du
district sont atterrés et leur imbécilité ne tardera pas à leur jouer des tours. Bobtchinski et Dobtchinski, deux
commerçants de la ville, symboles d’un homme face à sa conscience, trouvent dans une auberge, un voyageur
de passage : Khlestakov. La peur qui attise vite la bêtise fera de ce jeune homme fauché, un peu sot, l’idéal pour
incarner ce « révizor ». Et très vite la nouvelle se répand.
Le gouverneur se rend dans cette auberge et après avoir payé laddition invite le redoutable
Révizor à s’installer chez lui. Sans rien faire, presque comme si tout lui tombait du ciel, le jeune homme reçoit
de largent de tous les fonctionnaires ; il se voit séduit par les deux femmes de la maison et prote de l’occasion
pour demander en mariage la lle. Osip, le domestique de Khlestakov, voit le danger arriver et lui révèle qu’il
sagit certainement d’une erreur puis le convainc de partir avant qu’il ne soit trop tard. Et comme on peut sen
douter, il ne reviendra jamais malgré la promesse faite à la famille du gouverneur qui commence sans tarder à
savourer ce mariage et une nouvelle ascension sociale. Les seules choses qui nissent par arriver concrètement
sont d’une part, une lettre où Khlestakov raconte son aventure à un ami de Petersbourg qui a été interceptée
et ouverte par le Directeur de la poste puis, la nouvelle ocielle de larrivée dun haut fonctionnaire de Peters-
bourg. Et là où la tragédie commence, sachève cette comédie.
LE RÉVIZOR
OU L’INSPECTEUR DU GOUVERNEMENT
de Nicolas Gogol
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LE CHOIX DE CE TEXTE…
Nous sommes une compagnie qui souhaite continuer ensemble un bout de chemin. Léquipe est
la même que pour notre spectacle précédent, Le Grand Cahier d’après Agota Kristof. Ce projet nous fera avan-
cer dans notre recherche par rapport au projet précédent. Il y a en lui une continuité, car nous serons dans un
monde poétique et stylisé, et un dé car nous navons pas travaillé ensemble lhumour, le rire. Je crois quaprès
Agota Kristof cela sera bénéque.
Ce texte m’intéresse dans son contenu et dans sa forme. Je l’ai choisi parce que lunivers de
Gogol en entier mattire, me fait rire, ou plutôt menvahit dun « sourire radieux », comme dirait Nabokov.
Il est rare de trouver une comédie de lhomme courant, populaire qui ne se réduise pas aux
intrigues amoureuses… Ce texte est puissant car il opère une transposition ; il est question de la corruption
dans la hiérarchie russe d’une petite ville du début du 19ème siècle mais il nous parle de lavidité et du risque
de la décadence d’une ville plus intérieure en quelque sorte. Comme dirait Gogol : « (…) faisons dès mainte-
nant un séjour dans lareuse ville de notre âme, bien pire que nimporte quelle autre, cette ville où nos passions
se déchainent avec indécence, comme de scandaleux fonctionnaires, dévalisant la trésorerie de notre propre
âme ! Dès le début de notre vie nous devrions engager un révizor et examiner avec lui, la main dans la main,
tout ce qu’il y a en nous… »
Un côté sombre plane au-dessus de cette comédie, un froid nous saisit comme une alerte de soli-
tude. On entend murmurer : il vaut mieux leort de la noblesse, lacte désintéressé, les aspirations purement
humaines… Mais Gogol nous le transmet sans que rien ne soit didactique.
Quel plaisir et quel dé pour nous dexplorer lunivers de cet auteur qui mêle le rire à la tristesse
et qui a lair de nous dire : qu’est devenue lexistence de ces êtres que le vent entasse dans un coin de la scène…?
Aspirateurs du rien dans léchelon du vide, formes sans humanités, triste portrait de lhomme du commun.
Paula Giusti
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INTENTIONS DE MISE EN SCÈNE
« Gogol cherche pour Le Revizor un théâtre qui nexiste pas, capable déviter le vaudeville en res-
tant comique et de trouver léquilibre entre réel et symbolique. » (Georges Nivat) Ce désir de Gogol évoque en
moi un monde qui se dénit comme mélange de poésie et de grotesque. Un monde suggestif qui peut passer
du rire à la mélancolie. « La pièce de Gogol cest de la poésie en action », dit Nabokov, une intrigue simple et un
monde plein de détails en apparence secondaires mais qui composent un arrière plan où le poétique bouillonne
et où se révèle le véritable royaume de Gogol. Sonder cet univers mattire.
Je vois les intérieurs représentés avec une grande économie dobjets (une table , un lit, quelque
chaises, une porte, une fenêtre, un tableau, tous légèrement plus petits que dhabitude…) où la musique peut
jouer un rôle extrêmement important. La lumière aussi car elle rythme notre vision. Lextérieur est immense, il
enfonce lêtre humain comme s’il pouvait lemporter dans un tourbillon à n’importe quel moment ; il est froid,
enneigé, venteux, fantasque, comme un personnage qui vient parfois s’introduire dans la maison du gouver-
neur… Je vois une calèche séloigner vers lhorizon, devenir petite, un point, une fourmi, disparaître… Je vois
une porte qui souvre sous leet du vent qui fait sortir tous les personnages…
Quant au changement de décor, à l’entrée et à la sortie des personnages ou simplement aux
passages entre les scènes, l’idée est de trouver un mouvement scénique bureaucratisé qui nous permettra
dexplorer quelques situations un peu absurdes. Par exemple un groupe de domestiques, suivant des règles très
précises soccupe de bouger les objets an de changer un décor mais aussi deectuer des tâches qui savèrent
inutiles et parfois exaspérantes car chacun sait que son existence dépend de l’ecacité avec laquelle il développe
sa fonction.
Kantor disait que paradoxalement sur la scène c’est des choses mortes que surgit la vie… Car
cest des vieux objets que le passé aeure, des marionnettes et pantins qu’on tire l’intensité d’expression. Laccent
sera donc mis sur les corps transgurés des acteurs. Les femmes joueront des hommes par exemple…
Le jeu est stylisé, délicat, fragile comme une marionnette, surtout chez Khlestakov ou « le spectre
de Khlestakov » comme dirait Nabokov. Les défauts sur lesquels sappuient les compositions de chaque person-
nage devront apparaître sans être trop soulignés dans le jeu. Comme si labsurde était quelque chose de trivial.
Les personnages sont comme des « âmes mortes » qui peuvent tout à coup seriter et perdre une couche, une
partie, un nez…
« cendreux », comme les dénit Georges Nivat.
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Ils portent de vieux manteaux, leurs cheveux sont gras, ils ont un nez protubérant, ils sont
Tel que dans Le Grand Cahier nous sommes dans un
monde expressionniste, où lon atteint l’émotion avec la déformation
ou la stylisation. Où prime un monde subjectif. Et sur la patine de ce
monde qui pourrait devenir triste, l’humour glisse, nous surprend et
trouve sa place.
NOTRE MÉTHODE
Au début de notre travail nous nous permettons dexplorer certaines pistes, nées de visions plus
au moins achevées. C’est le moment où nous cherchons « la forme ». Peu à peu les personnages apparaissent et
lespace commence à convoquer des objets et à marquer ses limites. Nous commençons à comprendre quelles
sont nos contraintes en quelque sorte et cela nous indique des chemins esthétiques…
Pistes à explorer donc…
Certains portent sur le dos un corps,
comme une mauvaise conscience qui
les suit et leur pèse…
Il y a un beau travail de chœur fait de pantins à
étudier pour les scènes des plaintes des villageois
face au révizor. Je me demande aussi si lespace
ne commence pas à se peupler peu à peu de ces
présences inertes…
On explorera la possibilité que le révizor
soit lui même une marionnette,
fugace invention
de la peur
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