DU 17 AU 27 AVRIL 2013
TÂTRE {
AU THÉÂTRE DE LA VILLE
}
mise en scène, décor,
costumes & lumières
ROMEO CASTELLUCCI
musique SCOTT GIBBONS
avec
CHIARA CAUSA,
SILVIA COSTA,
LAURA DONDOLI,
IRENE PETRIS
The Four Seasons
Restaurant
ROMEO CASTELLUCCI
SOCÌETAS RAFFAELLO SANZIO
EN ITALIEN SURTITRÉ EN FRANÇAIS
Dossier pédagogique SAISON 2012 I 2013
© Fedel
2
ROMEO CASTELLUCCISOETAS RAFFAELLO SANZO
The Four Seasons RestaurantCRÉATION
DU CYCLE Le Voile noir du Pasteur
MISE EN SCÈNE, DÉCOR & COSTUMES Romeo Castellucci
MUSIQUE Scott Gibbons
ASSISTANTE À LA MISE EN SCÈNE Silvia Costa
COLLABORATION À LA DRAMATURGIE Piersandra Di Matteo
DIRECTION À LA CONSTRUCTION DU DÉCOR Massimiliano Peyrone
ACCESSOIRES Carmen Castellucci
AVEC Chiara Causa,Silvia Costa,
Laura Dondoli, Irene Petris
PRODUCTION EXÉCUTIVE Socìetas Raffaello Sanzio
COPRODUCTION Theater der Welt 2010 – Théâtre National de Bretagne,
Rennes – deSingel international arts campus, Anvers – The National
Theatre, Oslo – Barbican London – SPILL Festival of Performance
Chekhov International Theatre Festival, Moscou – Holland Festiva,
Amsterdam – Athens Festival GREC 2011 – Festival de Barcelona –
Festival d’Avignon – International Theatre Festival DIALOG Wroclaw,
Pologne – BITEF (Belgrade International Theatre Festival) Foreign
Affairs I Berliner Festspiele 2011 – Théâtre de la Ville – Paris
Romaeuropa Festival 2011 Theatre festival SPIELART Munich
(Spielmotor München e.V.) – Le Maillon, Théâtre de Strasbourg,
scène européenne – TAP Théâtre Auditorium de Poitiers, scène
nationale – Peak Performances @ Montclair State-USA
Socìetas Raffaello Sanzio est subventionnée par Ministero per i Beni
e le Attività Culturali; Regione Emilia Romagna; Comune di
Cesena/Emilia Romagna Teatro Fondazione.
L’IMAGE, SON MYSTÈRE
Pourquoi nul ne peut maîtriser l’effroi qui le saisit, face
à une image qui pourrait être la sienne, face à des yeux
qui regardent au-delà de lui.
La saison dernière, Romeo Castellucci adaptait un roman de Nathaniel Hawthorne, Le
Voile noir du Pasteur, sur la peur qui s’empare de l’homme devant une image fami-
lière soudain étrangère. Peu avant, il développait une performance sur le même
thème, Sur le concept du visage du fils de Dieu. Visage qui nest plus voilé de noir, mais
domine la scène en un tableau d’Antonello de Messine, devant lequel un homme et
son père tentent en vain de museler la nature, et qui se désagrège. On se souvient des
scandales provoqués par des intégristes fort politisés. Mais ce nest pas la provocation
qui intéresse Castellucci, c’est le défi de pouvoir «montrer une disparition ». À nou-
veau, il invoque un peintre, Mark Rothko, à qui, en 1958, le Four Seasons restaurant
de New York offre ses murs. Et qui, par rejet de cette société qui vient se goinfrer là,
décide d’enlever ses tableaux. « Le thème fondamental reste le même, le tourment d’un
homme face à son image, son visage », dit Castellucci, fabuleux magicien de l’image
théâtrale.
Colette Godard
© Berthelot
3
SOMMAIRE
L’Obsession du regard IColette Godard p. 4
Conversation p. 5
BIOGRAPHIES
Empédocle p. 8
Friedrich Hölderlin p. 9
Romeo Castellucci p. 10
À écouter p. 11
© Raynaud De Lage
4
L’OBSESSION DU REGARD
L’impérialisme de l’image, l’importance du regard, la solitude de l’artiste:
thèmes familiers à Romeo Castellucci emportés dans la fureur du ciel.
Les comédiennes surgissent du néant, de ce fragment despace indéfini, indéfinissable et tonitruant que les experts
nomment « point noir ». Elles sont dix, blanches et belles, gracieuses, comme rêvées par Botticelli. Tout en char-
meuse délicatesse, elles se mutilent, des chiens se gavent.
Et puis ensemble, elles racontent le poème de Hölderlin, La Mort d’Empédocle. Cet homme de science et philosophe
qui d’abord vénéré, se vit rejeté, considéré comme hérétique, accusé de blasphème, et finit par se jeter dans le feu
de l’Etna. En lui, Romeo Castellucci reconnaît le destin, la solitude de l’artiste, écartelé entre ses exigences et les
malentendus qu’il provoque.
D’où le titre du spectacle: The Four Seasons Restaurant. Luxueux restaurant new yorkais qui, pour orner ses murs,
avait commandé une série de tableaux au peintre Mark Rothko. en Lituanie en 1903, lui aussi s’est suicidé, à
New York en 1970. Et plutôt que de livrer son œuvre, son âme, aux regards de clients venus pour consommer,
se nourrir, il a préféré enlever ses tableaux, laisser les murs vides.
En lui, en son histoire, Romeo Castellucci rencontre sa propre obsession du regard, son propre refus de se laisser
utiliser par l’image. Plutôt le vide, plutôt la mort.
Mais que devient un monde sans art?
Alors l’espace de la scène se transforme par l’effet de rideaux, qui vont et viennent, dévoilent un cheval couché, un
homme blessé, un visage féminin aux yeux fermés, projeté en gros plan… Rien ne dure, l’espace se défait, s’englou-
tit dans une apocalypse de cauchemar, dans le tourbillon terrifiant d’une fureur céleste, assourdissante.
Le noir, le bruit fracassant, le rien. La splendeur picturale pour se défaire de l’ordinaire. Difficile de ne pas être
atteint.
Colette Godard
© Raynaud De Lage
5
CONVERSATION
ENTRE CHRISTINA TILMANN DU BERLINER FESTSPIELE & ROMEO CASTELLUCCI
The Four Seasons Restaurant commence avec une ouver ture:
les sons que la NASA a enregistrés dans les trous noirs de l’uni -
vers. Pourquoi?
ROMEO CASTELLUCCI: C’est le son réel d’un trou noir super -
massif, un des plus grands de l’univers connu. C’est un
document de la NASA, un objet trouvé, qui fonctionne
comme une ouverture. C’est comme entrer dans l’esprit
du spectacle à travers un trou noir, à travers quelque
chose qui fait précipiter les choses et les fait disparaître
c’est une attention totalement différente à la réalité
des phénones. La lumière elle-me est absore, c’est
un effondrement, une éclipse de lumière. La raison en
est que l’esprit du travail est inscrit dans la philosophie
de la dissimulation. C’est la philosophie qui est la struc-
ture qui construit la portée dramatique de ce travail.
Après cette ouverture, il y a une scène au cours de laquelle
les actrices, toutes des femmes, se coupent la langue.
Pourquoi?
R. C.: Lamputation est accomplie comme un acte de vo -
lonté: couper la langue, l’exclure. Le caractère extrême
de ce geste semble être indispensable à la création de cette
communauté. Les dix jeunes femmes se prennent par la
main et forment un cercle. Dans un deuxième temps,
arrive le chien qui mange les morceaux de langue aban-
donnés par terre. Dès lors, il est trop tard: on ne peut
plus récupérer la langue, elle est d’abord dénoncée
comme une partie animale et, ensuite, elle doit retour-
ner aux animaux. Le paradoxe sur lequel se fonde cette
scène consiste dans le retour à la parole des femmes
mutilées. Mais désormais, elles le font avec une « autre
langue », la langue de la poésie qui na pas de rapport
avec le réel. C’est la langue de Hölderlin tirée de son
drame La Mort d’Empédocle, un texte philosophique qui
décrit le processus adopté par Empédocle pour dispa-
raître. Le suicide qui est raconté nest pas un suicide
existentiel: c’est un suicide de type esthétique, comme
un enseignement, un geste accompli au sein de la com-
munauté et pour elle.
C’est un geste volontaire?
R. C.: Oui, c’est un geste volontaire: pour la vie.
Ce désir de disparaître qui surgit constamment dans votre
œuvre n’est pas une chose négative mais semble en revanche
un acte héroïque. C’est bien cela?
R. C.: Je ne sais pas s’il est héroïque, je ne sais pas non
plus s’il s’agit d’un acte de résistance par rapport à ce
monde. Disons qu’il sagit surtout d’une façon de conce-
voir l’art, de concevoir l’affirmation des figures de manre
différente. Tout cela est en relation avec Mark Rothko, le
titre The Four Seasons est seulement une référence, une ré -
rence lointaine mais précise. Rothko aussi avait ce pro-
blème. Il avait compris, au début des années soixante et
principalement aux États-Unis, qu’une conception des
images très proche de la consommation s’imposait peu
à peu, une sorte de boulimie hystérique. Rothko a réagi
à cette attitude et a refu que ses tableaux soient exposés
dans ce célèbre restaurant. Le peintre a refusé l’idée de
consommation, de boulimie de marchandises. De la me
manière et à la même époque, Andy Warhol se rend
compte de cette nouvelle attitude de la société face aux
images. À ceci près que Warhol a sauté dans le train en
marche et dit : « Je vais faire encore plus. Je vais en faire
mon affaire ». Aussi bien l’un que lautre dépasse le pro-
blème du style et de l’artiste comme personne. Derrière,
il n’y a personne, c’est du moins ce qui semble arriver.
Mais cette critique de la boulimie d’images est-elle encore
valable aujourd’hui?
R. C.: Le comportement de la société américaine de ces
années-là se prolonge à l’évidence encore aujourd’hui,
alors que nous sommes plongés dans un flux continu
d’images toute la journée. Il s’agit d’images qui ne
disent absolument rien, qui nont pas de signification
profonde pour nous et qui nont rien à voir avec les actes
de notre résistance. Alors, quelle est l’image juste? Si
nous devons choisir, quel est le bon choix? Culture
aujourd’hui signifie choisir. Ce nest pas une chose
négative, ce noir, cette soustraction de couleur, les der-
niers tableaux de Rothko sont presque noirs. Ce nest
pas un noir négatif, c’est un noir de commencement, du
principe des choses. Un noir qui promet un monde à
venir. Ce nest pas le noir de l’Apocalypse, c’est le noir de
la Genèse.
1 / 14 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !