SCIENCE POLITIQUE CITOYENNETÉ, PARTIS, ÉLECTION Licences Droit et AES – 2e année FSJPS / Université Lille 2 Année 2016/2017 – Tristan HAUTE CHAPITRE 2 : La socialisation politique Plan du chapitre I) Socialisation et socialisation politique A- Les processus de socialisation B- Les dimensions de la socialisation politique II) Les vecteurs de socialisation politique A- La politique en héritage : la famille et la politique B- Une pluralité d’influences socialisatrices – Un phénomène fondamental – ● ● ● ● L'objectif est de comprendre les pratiques, attitudes ou comportements, et leur diversité. Par définition, ces pratiques dépendent en partie de la socialisation. Les comportements et attitudes politiques sont largement construits par l'environnement social. En pratique, il existe une pluralité de vecteurs de socialisation politique. I) Socialisation et socialisation politique ● Définir la socialisation ● Un ensemble de processus A) Les processus de socialisation Définition : un processus d'inculcation, d'incorporation des normes, des valeurs et des codes culturels d'une communauté particulière par des individus. ● ● Un processus de formation et de transformation de systèmes de représentations, d'opinions et de pratiques Des processus qui concernent aussi bien la cuisine que la politique, la politesse que l'histoire de France… – Autre définition – « Un ensemble de processus par lesquels l'individu est construit, on dira aussi formé, modelé, façonné, fabriqué, conditionné, par la société globale et locale dans laquelle il vit » (Darmon, 2006) ● ● ● ● ● Un processus d'apprentissage social : intégration de la culture à la personnalité et adaptation de la personne à la société, souvent inconscientes Un processus continu et permanent mais particulièrement actif pendant l'enfance et l'adolescence : la socialisation dite « primaire » liée à une plus grande plasticité Un processus lié aux expériences multiples d'interactions avec d'autres individus, avec des groupes, des institutions : les vecteurs de socialisation Des processus non nécessairement intentionnels ou délibérés mais la résistance est possible Un processus qui se traduit par l'intériorisation de normes sociales. – L'habitus (Elias, Bourdieu) – ● ● ● ● La socialisation construit un « habitus ». Définition : un ensemble des dispositions acquises, des schèmes de perception, d'appréciation et d'action, inculqués par le contexte social en un moment et une place particuliers. L'habitus n'est pas figé : il est le résultat d'une « hybridation » permanente entre individus. La socialisation : un processus personnalisé – Un processus déterministe ? – ● ● ● Les normes sociales sont elles aussi évolutives. La socialisation n'est pas un simple déterminisme ou un processus subi passivement par l'individu. Un apprentissage inconscient et une activité (acceptation/rejet) : il y a « transaction » entre l'individu et la société (Elias) – Un processus de reproduction ? – ● ● ● La vie sociale diffuse un certain nombre de croyances et de valeurs… … mais elles sont intégrées par les individus de manière différenciée. Pas de reproduction complètement à l'identique B) Les dimensions de la socialisation politique ● ● ● Il existe un processus de socialisation politique particulier. Définition : processus par lequel un individu se construit des schèmes de compréhension de l'univers politique. Construction sociale des croyances, des représentations, des orientations et des pratiques politiques des individus – Comment s'opère-t-elle ? – ● ● ● Grâce à des expériences « politiques » stricto sensu qui permettent notamment de délimiter ce qu'est « la politique » Grâce à la socialisation en général, à l'inculcation de normes, de croyances qui dépassent largement le champ politique. Ces expériences « non politiques » agissent sur la formation des préférences. ● exemple : le rapport à l'autorité ● exemple : l'expérience des inégalités La socialisation politique n'est pas à isoler de la socialisation en général. – Quel contenu ? La nécessité du pouvoir politique – ● ● ● ● ● Croyances dans la nécessité d'un pouvoir spécifique, différencié au sein de la société La contrainte politique acceptée devient autocontrainte (Elias) : elle devient un choix. La « servitude volontaire » (La Boétie) Un phénomène historique et collectif (Elias, la Dynamique de l'Occident) Un phénomène contemporain lié aux vecteurs de socialisation – Quel contenu ? La « compétence politique » (cf. chapitre 1) – ● ● La compétence ne dépend pas de « capacités intellectuelles ». Elle dépend de la politisation et de l'intérêt pour la politique, qu'elle alimente également. – Exemples – ● ● ● ● Les femmes : une politisation plus tardive liée à l'éducation et aux « opportunités » politiques Les catégories populaires : un sentiment d'illégitimité… qui peut être transformé (Mischi) ou s'accompagner de pratiques non conventionnelles (émeutes) Une faible politisation liée à un rejet de la politique « conflictuelle » par le mileu familial (Fretel) Globalement : un contenu variable – Quel contenu ? Les préférences politiques – Elles comprennent : ● ● ● ● ● les modes d'organisation politique souhaitables ; les valeurs qu'il faut privilégier dans la définition des politiques ; les organisations politiques (partis) qu'il convient de soutenir ; le placement sur l'échelle droite/gauche ; les qualités nécessaires à un individu pour être un-e bon-ne gouvernant-e… – Des préférences à la (aux) culture(s) politique(s) – ● ● ● ● Culture(s) : des préférences communes au sein de certains groupes Travaux relatifs aux cultures nationales (Verba, Almond) : risque de basculer dans les « clichés » en gommant les différences Travaux sur les cultures politiques internes aux groupes nationaux (Perrineau, Laurent) : déclinaisons variables de croyances et de représentations diffusées nationalement Exemple : le cas du PCF. II) Les vecteurs de socialisation politique ● ● ● Les instances socialisatrices peuvent être « généralistes » ou plus spécifiquement politiques. La famille et l'école ont un rôle central car elles interviennent dans la période de l'enfance et de l'adolescence. Mais les instances sont très diverses et agissent tout au long de la vie. A) La politique en héritage ? La famille et la politique. ● ● ● La question et la transmission des préférences politiques entre parents et enfants : conception restreinte de la famille. Les premières opinions politiques ne commencent pas avec l'âge de la majorité électorale : fin du mythe de l'« innocence politique » des enfants (Percheron). Question de l'héritage : comment sont transmises les préférences et perdurent-elles ? ● ● ● La famille, un lieu d'apprentissage de l'autorité (Adorno et Horkheimer) ; La famille, un lieu de transmission d'une culture politique (Verba et Almond) ; La famille, un lieu de formation de préférences politiques. – La formation des préférences politiques – La transmission d'une identification partisane (Hyman, Converse, Campbell) : plutôt que des opinions, une grille de lecture, qui passe notamment par l'identification à un parti politique (Démocrate ou Républicain) ● En France, la transmission d'un positionnement sur une échelle droite/gauche (Percheron, Muxel) : la préférence des parents ou d'un parent (en cas de désaccord) se transmet à une majorité des enfants, surtout si on la réduit au clivage gauche/(droite/apolitique). – Des résultats à nuancer – ● ● ● Montée en puissance de revendications et valeurs « post-matérialistes » à partir des années 1960 : féminisme, écologie, libéralisme moral… Hypothèse d'un « conflit » entre « générations » Évolution des modèles familiaux : plus grande autonomie de l'enfant – Des résultats à nuancer ? – ● ● Une socialisation par les événements : des « générations » ? Des familles différentes : degré de politisation, homogénéité des choix, fréquence des échanges « politiques »… ● Des rapports enfants/parents inversés ● Un positionnement gauche/droite à la signification variable ● ● Une vision plus large de la famille : la transmission entre sœurs et frères (Dormagen, Braconnier) Des préférences communes qui s'insèrent dans une socialisation commune plus large : influences directes et indirectes des parents B) Une pluralité d'influences socialisatrices ● ● Focus sur 3 instances : médias, école, événements politiques Une liste non exhaustive : quartier, travail (Braconnier et Dormagen) – L'école – ● ● ● ● ● ● ● Acquisition de connaissances sur le politique et la sphère politique : rôle de l'instruction civique et des enseignements d'histoire, de philosophie, de SES… Apprentissage du rapport à l'autorité et aux gouvernant-e-s : type d'enseignement (autoritaire ou participatif), démocratie scolaire (et limites) Adhésion à un régime politique particulier : les « hussards noirs de la République », le clivage public/privé… Un impact variable selon les groupes sociaux : le cas de l'instruction civique aux États-Unis Faible influence des enseignant-e-s Les interactions avec les autres élèves : la question de l'implantation géographique et sociale des établissements Une faible influence sur les préférences politiques – Les média(s) – ● ● ● La remise en cause des « effets forts » Les effets limités (Lazarsfeld) : prendre en compte les conditions de réception et/ou les caractéristiques du récepteur The People's Choice : La campagne électorale n'a que peu d'incidence. Une majorité d'électeurs s'est décidée bien avant la campagne et est restée fidèle à ces choix. – Les média(s) – ● ● ● ● Une exposition limitée : possibilités de fuite et intérêt majoritairement faible pour la politique Une exposition et une perception sélective : choix des médias, exclusion/euphémisation pour éviter les dissonances cognitives Une exposition et une perception liées aux « leaders d'opinion » : flux à deux temps (two step flow of communication) Effets de renforcement et d'activation/cristallisation des opinions – Les média(s) – ● Les travaux plus récents ont des conclusions similaires. ● Un suivi rare et superficiel des médias ● Une perception toujours sélective ● Les dispositions du récepteur jouent un rôle central ● ● Effets : connaissances politiques et légitimation des activités politiques Nouveaux enjeux : divertissements, stratégisation… – Les événements politiques – ● Ils perturbent les cadres de socialisation hérités : les « générations ». ● ● ● Exemple : Viêt Nam, tensions raciales et Watergate, les années 1970 aux Etats-Unis Exemple : Mai 68 (Pagis), les trajectoires varient en fonction du degré d'exposition à l'événement et des ressources militantes accumulées Les effets de conjonctures politiques