DEFINITION, CALCUL ET RERESENTATION SPATIOTEMPORELLE D’INDICATEURS AGRO-CLIMATIQUES DANS LE CADRE DU CHANGEMENT CLIMATIQUE EN FRANCE Frédéric HUARD INRA AgroClim Cette brève note a pour objectif d’établir un premier état des lieux sur le thème des indicateurs agroclimatiques dans un contexte de changement climatique. Elle n’est qu’un document préparatoire à un projet de thématique à développer à AgroClim. Elle est donc incomplète et compte tenu du délai serré alloué pour la préparer, ne prétend pas aborder toutes les composantes de la thématique. Toutefois, l’accent a été mis en fin de document sur les aspects techniques et logistiques. 1. Définition des indicateurs D’une manière générale, un indicateur est un outil d’évaluation et d’aide à la décision grâce auquel on peut mesurer une situation ou une tendance à un instant donné, ou une évolution dans le temps et/ou l’espace (Job et Virly, 2009). Fichez et al (2005) l’ont également caractérisé comme un signal qui transmet un message complexe provenant potentiellement de plusieurs sources et dont le rôle principal est de caractériser l’état actuel d’un système et de mettre en évidence ou prédire un changement notable. Un indicateur est donc une représentation simplifiée d’une réalité complexe qui mesure ou décrit l’état de l’environnement, les pressions qu’il subit, les réponses des acteurs et éclairent sur les tendances (IFEN, 2008). Dans le domaine du climat et du changement climatique, l’ONERC a défini un certain nombre d’indicateurs qui sont à chaque fois une information, associée à un phénomène, permettant d’en indiquer l’évolution dans le temps, de façon objective, et pouvant rendre compte des raisons de cette évolution. Un indicateur s’appuie sur une ou plusieurs séries de données mesurées. Les séries de mesures doivent couvrir une période suffisamment longue pour dégager une tendance et éliminer les variabilités inter-annuelles. En climatologie, l’indicateur doit être normalement différencié de l’indice, ce dernier étant à la fois une mesure de base et une composition à partir des mesures ; l'indicateur climatique, valeur quantitative ou qualitative, donc parfois adimensionnelle, caractérise l’état d’un système de façon indirecte. 2. Point bibliographique DEFINITION, CALCUL ET RERESENTATION SPATIO-TEMPORELLE D’INDICATEURS AGRO-CLIMATIQUES DANS LE CADRE DU CHANGEMENT CLIMATIQUE EN FRANCE – VERSION PROVISOIRE DU 03/02/2011 Il existe de nombreux indicateurs dans la bibliographie. Le tableau ci-après résume les principaux relevant de l’agro-climat au sens large dans un contexte de changement climatique. La définition des indicateurs peut varier d’un auteur à l’autre, en fonction de différents seuils ou calculs pris en compte ou encore de la culture à laquelle il s’apliquent. La durée de végétation par exemple, utile pour calculer les degrés-jours de croissance et les degrés-jours de croissance effective, peut avoir de nombreuses définitions : - nombre annuel de jours entre la première occurrence de 6 jours consécutifs avec une température moyenne supérieure à 5°C et la première occurrence (après le 1er juillet) de 6 jours consécutifs avec une température moyenne inférieure à 5°C (Mateescu et alii, 2007) ; - nombre annuel de jours entre la première occurrence de 5 jours consécutifs avec une température moyenne supérieure à 5.6°C (après le 1er janvier) et la première occurrence (après le 1er juillet) de 5 jours consécutifs avec une température moyenne inférieure à 5.6°C (Matthews et al, 2008) ; - nombre annuel de jours compris entre le 10ème jour après une température moyenne supérieure à 5°C au printemps et le jour de la première gelée d’automne (Bootsma et alii)… Dans cette première liste, les indicateurs les plus fréquemment utilisés concernent les risques de gel, échaudage, de déficit hydrique, mais également les potientialités agroclimatiques des cultures. Couplée à des modèles climatiques, des méthodes de régionalisation ou à des générateurs de temps, les indicateurs agroclimatiques sont utilisés comme traceurs du changement climatique de plus en plus fréquemment dans la bibliographie (Quian (2010), Belanger (2000), Trnka (2011), Bootsma, (2005)…). Il faut signaler que les indicateurs sont associés à de nombreuses reprises à une culture en particulier, ce qui signifie que si la définition est identique, les seuils ou périodes utilisées pour l’estimation peuvent varier. DEFINITION, CALCUL ET RERESENTATION SPATIO-TEMPORELLE D’INDICATEURS AGRO-CLIMATIQUES DANS LE CADRE DU CHANGEMENT CLIMATIQUE EN FRANCE – VERSION PROVISOIRE DU 03/02/2011 Domaine Sous domaine Nom Références Atmosphère Atmosphère Atmosphère Atmosphère Atmosphère Atmosphère Atmosphère Atmosphère Atmosphère Atmosphère Atmosphère Atmosphère Atmosphère Atmosphère Climat Climat Climat Climat Climat Climat Climat Climat Climat Climat Climat Climat Climat Climat Nb journées estivales Nb jours de gel Pluies dilluviennes Sud Est Vagues de chaleur (jours consécutifs) Vagues de froid (jours consécutifs) Séquences sèches (jours consécutifs) Séquences pluvieuses (jours consécutifs) Température annuelle maximale moyenne Température annuelle minimale moyenne Nb jours secs Nb jours pluvieux Intensité des pluies (Σ RR> 0.5 /Nb jours avec RR > 0.5) Saisonalité des pluies (Σ RRhiver - Σ RRété / RRan) Pluies durant la saison de végétation 1 1 1 6 6 6 6 1, 2 1, 2 6, 10 6 6 6 7 Agriculture Agriculture Agriculture Agriculture Agriculture Agriculture Agriculture Agriculture Agriculture Risque Risque Risque Risque Risque Risque Risque Risque Risque Nb jours avec échaudage (Tx > 35°, 25°C…) Fréquence de gel Date du dernier gel (Tn < -15°C) Date du dernier gel printanier Température du dernier gel printanier Date du premier gel automnal Température du premier gel automnal Nb jours gel ou de températures létales ( seuils) Somme des degrés jours avec Tn < 0°C 5, 6, 2 9 2, 4, 6, 7, 8, 9, 10 2 2 2 1, 2, 5, 8, 9 6 Agriculture Agro-Climat Indice de Huglin (vigne) 2, 10 Sol Sol Sol Sol Sol Sol Sol Etat Etat Etat Etat Etat Etat Etat Cumul du Déficit hydrique (P-ETP, EP-P, ETa/ETr…) Fin de la capacité au champ Retour à la capacité au champ Nb jours de sol sec Nb jours de sol très sec Evaporation potentielle durant la saison de végétation Indice de sécheresse 3, 5, 7, 8, 9, 10 6 6 6 6 7 11 Agriculture Agriculture Agriculture Agriculture Agriculture Agriculture Agriculture Agriculture Agriculture Agriculture Développement Développement Développement Développement Développement Développement Développement Développement Développement Développement Unités thermiques (maïs) Somme degrés-jours durant saison de végétation ( bases) Somme degrés-jours du 01/01 au dernier gel printemps Température moy sept-oct (olivier) Besoins en froid (olivier) Début saison végétation Fin saison végétation Durée saison végétation Durée entre 01/01 et dernier gel printemps Somme du rayonnement global effectif 7, 8, 9 2, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10 4 2 2 3, 6, 7 3, 6, 7 2, 3, 4, 6, 7 4 10 Agriculture Agriculture Phénologie Phénologie Date de vendange Dates stades phénologiques (diverses cultures) 1 1, 2, 5 Agriculture Agriculture Agriculture Pratique Pratique Pratique Début des opérations aux champs Possibilité de récolte Possibilité de semis 6 10 10 Tableau 1. Résumé des principaux indicateurs trouvés dans la bibliographie DEFINITION, CALCUL ET RERESENTATION SPATIO-TEMPORELLE D’INDICATEURS AGRO-CLIMATIQUES DANS LE CADRE DU CHANGEMENT CLIMATIQUE EN FRANCE – VERSION PROVISOIRE DU 03/02/2011 3. Travail sur les indicateurs Les indicateurs présentés précédemment se basent sur un traitement mono voire bivarié de paramètres climatiques. Dans la littérature, il n’existe que très peu d’indicateurs découlant de traitements complexes ou issus de modélisations : dans ce cas il s’agit plutôt d’indices. L’intérêt dans la présente étude serait de déterminer des indicateurs à partir de modèles agronomiques, qu’ils soient de cultures, phénologiques, de maladie des plantes, de bioagresseurs, de bilan hydrique ou encore plus orientés agro et bio-climat (durée d’humectation par exemple). Il faudra veiller toutefois à rendre les indicateurs facilement calculables, intreprétables et si possible génériques. Il est également nécessaire de ne pas multiplier le nombre d’indicateurs (le tableau précédant montre qu’il est très facilement possible d’aboutir à une cinquantaine d’indicateurs). La première étape pour la définition des indicateurs utiles dans ce projet est de dégager des grands thèmes. A ce stade, on peut en dégager quatre : - risque et vunérabilité (dates, nombre de jours de gel ou échaudants, maladies, bioagresseurs…) ; - potentiel climatique (sommes de degrés-jours, besoins en froid…) ; - phénologie (durée et dates des stades de développement, cycles…) ; - sol (état, déficits hydriques …). D’autres domaines peuvent également être explorés et de nouveaux outils être utilisés. Dans ce cadre, la définitiion de nouveaux indicateurs peut être un sujet à caractère plus « scientifique ». A noter que dans les indicateurs présentés, ceux associés aux forêts on été exclus. 4. Estimation des indicateurs en climat actuel et futur La méthodologie envisagée dans ce projet dépend du résultat final à atteindre : - indicteurs régionaux. Dans cette optique, on s’appuie sur une démarche stationnelle identique à CLIMATOR sur laquelle les indicateurs ne sont calculés que sur un nombre limité de sites représentatifs de climats régionaux. Il est alors possible de travailler sur des indicateurs complexes, issus de modèles et nécessitant de nombreuses variables d’entrée ; - cartographie des indicateurs, ou indicateurs spatialisés. L’objectif est ici de délivrer des cartes d’indicateurs à l’échelle du territoire. La méthode s’appuyera alors sur les réanalyses SAFRAN pour la climatologie actuelle et les sorties ARPEGE pour les données de climat futur (un seul scenario SRES, A1B). La descente d’échelle utilisée est la méthode Quantile-Quantile développée au CNRM (M. Déqué). Pour la démarche spatitialisée, cinq étapes sont nécessaires: - exploitation de l’archive SAFRAN sur la période disponible (1958-2008) pour calculer les indicateurs en chacun des points de grille de la maille SAFRAN (8x8 km) ; - calcul des indicateurs pour chaque point du modèle ARPEGE (un seul scenario SRES, A1B) ; - downscalling avec la méthode de correction Quantile-Quantile en appariant les valeurs des indicateurs de la réanalyse SAFRAN aux valeurs du modèle ARPEGE ; - récupération, gestion et traitement statistique dans les trois fenêtres temporelles des indicateurs pour le climat futur associés à chaque point de grille SAFRAN ; - cartographie des indicateurs sur l’ensemble du territoire pour les statistiques des trois périodes de référence. DEFINITION, CALCUL ET RERESENTATION SPATIO-TEMPORELLE D’INDICATEURS AGRO-CLIMATIQUES DANS LE CADRE DU CHANGEMENT CLIMATIQUE EN FRANCE – VERSION PROVISOIRE DU 03/02/2011 Ce mode opératoire a été utilisé par Météo-France dans le cadre de l'impact du changement climatique sur le risque météorologique d'incendie des forêts. Leur expérience a montré que pour un paramètre complexe, dont le calcul nécessite plusieurs paramètres météorologiques (cas des indicateurs), il est plus pertinent d'appliquer directement la méthode de correction QuantileQuantile au paramètre final qu'aux paramètres d'entrée. La méthode a également l’avantage de ne faire qu’une seule correction et ainsi de s’affranchir de la lourde fonction de correction permettant de garantir la corrélation entre variables. La méthode nécessite par contre une énorme puissance de calcul qui n’est pas compatible avec les moyens disponibles actuellement à AgroClim : il faut calculer les x indices sur les 9892 points de grille SAFRAN et sur les 300 points de grille ARPEGE localisés sur la France. Dans un deuxième temps, les corrections par la méthode Quantile-Quantile sont réalisées à partir des mêmes 9892 points de grille SAFRAN. Pour dimininer les temps de traitement, on peut envisager de ne régionaliser qu’aux points de grille Arpège, ce qui serait suffisant pour produire un permier jeu de cartes interprétables. La dimension technique est abordée dans le dernier paragraphe. 5. Représentation temporelle et cartographique des indicateurs Pour caratériser les tendances temporelles, trois périodes de trente ans proches de celles utilisées dans Climator seront utilisées : - climat actuel : 1980-2009 ; - futur proche : 2030-2059 ; - futur lointain : 2070-2099. Ces périodes sont différentes de celles de Climator pour se caler sur les archives SAFRAN et ainsi bénéficier d’un passé récent en phase avec la période actuelle. Pour chaque période, les indicateurs seront appréhendés par le biais de la moyenne, la médiane et l’écart-type. La solution logicielle pour le traitement spatialisé n’a pas été encore arrêtée mais compte tenu l’importance de l’offre en accès libre, le choix technique pourra être pris ultérieurement, en lien avec le type de serveur de calcul utilisé. 6. Annexes logistiques et informatiques Pour rappel, la grille SAFRAN compte 9892 points, mais 16000 en projection Lambert (points sur la mer ou hors domaine dans la projection), ce qui correspond à un volume de données de quasiment 2 Go par variable (20 Go pour les 7 variables de base plus les Températures minimales et maximales). En travaillant sur le climat actuel et futur simulé, on multiplie par trois la période (SAFRAN ne couvre que 50 ans), ce qui aboutit un fichier de presque 5 Go par paramètre (indicateur) pour une série 1980-2100. En considérant plusieurs dizaines d’indicateurs, le volume total de stockage nécessaire devient important. Toutefois, c’est en termes de puissances de calcul que le problème est le plus aigü car AgroClim n’est actuellement pas équipé pour mener ces opérations. En effet, en considérant le temps pris par une correction Quantile-Quantile (pour un point et sur une période complète) de 5 secondes (chiffre optimiste !), le traitement de la grille SAFRAN uniquement en France pour un seul indicateur simple va durer 14 heures ! La représentation spatiale d’indicateurs complexes (issus de STICS par exemple) semble alors impossible dans ces conditions. Cet aspect mérite donc une attention particulière car de nouvelles ressources informatiques devront être déployées avant de se lancer dans cet exercice. DEFINITION, CALCUL ET RERESENTATION SPATIO-TEMPORELLE D’INDICATEURS AGRO-CLIMATIQUES DANS LE CADRE DU CHANGEMENT CLIMATIQUE EN FRANCE – VERSION PROVISOIRE DU 03/02/2011 Références Citées dans le tableau des indicateurs 1. ONERC - Les indicateurs du changement climatique. Site de l’ONERC : www.onerc.org/indicateurs. 2. Orlandini et al. (2008) – Current trends of agroclimatic indices applied to grapevine and olive tree in Central Italy. Symposium on Climate Change and Variability – Agrometeorology Monitoring and Croping Startegies for Agriculture, 3-6 june 2008, Oscarsborg. 3. Qian B, Gameda S. (2010) – Canadian agroclimatic scenarios projected from a global climate model. 18th Conference on Applied Climatology, Atlanta, 17-21/01/2010, 7 p. 3. Qian et al. (2010)- Observed Long-Term Trends for Agroclimatic Conditions in Canada. J. Appl. Meteor. Climatol., 49, 604–618 4. Mateescu et al. (2007) – Recent evolution of some agroclimatic indices in Transylvania – The issue of climate change. Bulletin USAMV-CN, 63-64. 6 p. 5. Holzämper et al. (2010) – Evaluating climate suitability for agricultural in Switzerland. International Congress of Environmental Modelling and Software Modelling for Environment’s Sake, Ottawa. 6 p. 6. Matthews et al. (2008) – Characteristing the agro-meteorological implications of climate change scenarios for land management stakeholders. Climate Research, Vol. 365, pp 59-75. 7. Bootsma et al. (2005) – Impacts of potential climate change on selected agroclimatic indices in Atlantic Canada. Canadian Journal of Soil Science : 329-342. 8. Hayhoe HN, Lapen DR (2009) – Using weather generatos and agroclimate indices for climate change impact assessments. 3 p. 9. Bélanger et al. (2001) - Impact of climate change on risk of winter damage to agricultural perennial plants. Climate Change Action Fund, Project A084, 65 p. 9. Bélanger G, Bootsma A. (2000) – Impact des changements climatiques sur l’agriculture au Québec. 65ème Congrés de l’Ordre des Agronomes du Québec. 20 p. 10. Trnka et al. (2011) - Agroclimatic conditions in Europe under Climatic Change. Global Change Biology (à paraître). 51 p. Autres Fichez et al (2005) – A review of selected indicators of particle, nutrient and metal inputs in coral reef lagoon systems. Aquat. Living Resour. 18 : 125-147. IFEN (2008) – Les indicateurs globaux d’environnement et de développement durable. Mles dossiers de l’IFEN, n°11, janvier 2008, 48 p. Job S, Virly S. (2009) - Définition d’indicateurs de suivi de l’état de santé des zones récifo‐lagonaires de Nouvelle‐Calédonie face au changement climatique. Rapport final d’opération ZONECO, 194 p. DEFINITION, CALCUL ET RERESENTATION SPATIO-TEMPORELLE D’INDICATEURS AGRO-CLIMATIQUES DANS LE CADRE DU CHANGEMENT CLIMATIQUE EN FRANCE – VERSION PROVISOIRE DU 03/02/2011