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Les Soirées-Débat du GREP Midi-Pyrénées
Saison 2012-2013
Masculin-féminin :
quels liens entre
la génétique et le genre ?
Olivier POSTEL-VINAY
Journaliste, essayiste,
fondateur et rédacteur en chef de la revue Books
Auteur de La revanche du chromosome X - Enquête sur les origines et le devenir du
féminin (JC Lattès, 2007)
conférence-débat tenue à Toulouse
le 6 octobre 2012
GREP Midi-Pyrénées 5, rue des Gestes BP 119 31013 Toulouse cedex 6 www.grep-mp.fr
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Masculin-féminin : quels liens
entre la génétique et le genre ?
Olivier POSTEL-VINAY
Journaliste, essayiste,
fondateur et rédacteur en chef de la revue Books
Auteur de La revanche du chromosome X - Enquête sur les origines et le devenir du
féminin (JC Lattès, 2007)
C'est un sujet dangereux et controversé que vous m'avez demandé de traiter ce
soir, et il provoque facilement des polémiques et des passions. En outre, je ne suis
ni généticien, ni sexologue ou «genrologue ». Ma seule compétence pour parler de
ce sujet est d'être plus ou moins ce qu'on appelle un intellectuel, c'est-à-dire
quelqu'un qui se mêle de réfléchir à des sujets qui ne sont pas les siens et de les
mettre sur la place publique.
C'est ainsi que j'ai écrit ce livre «La revanche du chromosome , il y a déjà 10
ans: Cela m'a demandé un travail considérable (qui m'a rendu littéralement malade,
avec un orage cérébral qui m'a empêché de lire pendant plusieurs mois: c'est dire la
complexité du sujet). A l'époque, je dirigeais le magazine «La Recherche» (je l’ai
dirigé pendant 8 ans) et je suis tombé sur un article britannique qui évoquait la
prochaine disparition du chromosome Y. Etant moi-même porteur d’un
chromosome Y, cela m’a intrigué, et je me suis aperçu que deux scientifiques
britanniques avaient écrit sur ce sujet de la décrépitude accélérée du chromosome
Y. Je me suis alors procuré les livres de ces scientifiques car je comptais en faire un
article pour « La Recherche ». Et je me suis rendu compte que j’étais totalement
ignorant de ce qui faisait que j’étais homme et que ma voisine était femme.
Pourtant, j’avais des enfants, j’ai fait des études de philosophie et j’étais journaliste
scientifique, mais pourtant je ne savais rien.
A ce moment-là, en discutant avec des amis, je me suis rendu compte qu’ils n’en
savaient pas plus. Il y a un véritable trou noir sur cette question, même si les jeunes
en savent un peu plus, parce que l’enseignement des sciences de la vie et de la terre
(SVT) informe mieux aujourd’hui qu’à mon époque. Cependant des controverses
ont éclaté dernièrement quand des députés de droite se sont offusqués de voir dans
les manuels de SVT, l’explication de la théorie du genre : j’ai regardé le contenu de
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ces manuels de classe de 1ère et je me suis aperçu que l’on reste loin du compte.
Nous sommes loin du compte pour une raison fondamentale : ce qui s’écrit et se dit
sur ces questions du sexe ou du genre est généralement déconnecté de la théorie de
l’évolution, c’est-à-dire de l’histoire des espèces, de la manière dont la sexualité
s’inscrit dans l’histoire. Les enseignements de SVT occultent cet aspect et ce n’est
pas étonnant car c’est dans la tradition française de ne pas s’intéresser en
profondeur à la théorie de l’évolution.
L’une des choses très frappantes de la littérature sur le genre ou sur la différence
entre les sexes, notamment en France, c’est que la théorie de l’évolution n’est pas
présente. On a l’impression que le sexe est quelque chose de statique, c’est donné à
la naissance, il y a un certain nombre de caractéristiques, les gonades, c’est-à-dire
les testicules et l’ovaire. Ceci est donné, il se passe des choses entre les
chromosomes, on apprend la méiose, la façon dont les gènes sont transportés par les
gamètes, et forment les individus que nous sommes, etc. Et tout cela est présenté
comme si cela venait de nulle part, comme si Dieu nous avait créés, alors même
que la plupart de ces enseignants se gardent bien de faire toute forme de lien avec la
religion. Il y a là un véritable problème.
Le sexe et le genre
Je vais vous faire part ce soir de mes réflexions sur ce sujet et aussi de quelques
données sur les liens entre la génétique et le genre. Pourquoi le mot genre se
substitue-t-il au mot de sexe ? Je pense que la réponse est politique, parce que le
genre est utilisé pour évoquer la place des deux sexes dans la société, il y a donc
une connotation politique avec le mot genre. Il y a aussi, dans certains cas très
rares, une distinction biologique et comportementale à faire entre le sexe et le
genre, puisque certains enfants qui sont d’un sexe, se pensent partir de l’âge de 4
ans) de l’autre sexe. Le genre, dans ce cas, n’est pas le sexe ; il y a une distinction à
faire. La notion de genre se réfère cette fois, au cerveau. Ce qui fait qu’un enfant
d’un sexe puisse se penser de l’autre, c’est son cerveau qui le lui dicte et on ne sait
ni pourquoi, ni comment.
Je vais commencer en vous rappelant cette affirmation d’Elisabeth Badinter (dans
«L'Amour en plus») : « L’amour maternel n’est pas in ». Je trouve sa thèse très
forcée et caricaturale. Elisabeth Badinter, comme d’autres intellectuels français,
fait partie de ces figures de proue du débat qui s’intéressent à des questions
scientifiques (un peu comme Simone de Beauvoir, qui était philosophe, mais qui
s’était intéressée à des questions scientifiques), et c’est une question scientifique de
savoir si l’amour maternel est inné ou pas. E. Badinter ne connaît pas le premier
mot de la théorie de l’évolution, elle ignore tout de ce quelque chose que je vais
vous montrer tout à l’heure. Il y a un certain nombre de femmes qui rejettent leurs
enfants, voire les tuent et dans certaines sociétés, beaucoup de femmes (mais jamais
la majorité), et E. Badinter en conclut que ce n’est pas inné mais une construction
culturelle que d’aimer son enfant.
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Culturalisme et réductionnisme
Judith Butler dit (dans «Trouble dans le Genre») : « Le sexe est une construction
culturelle au même titre que le genre ». Judith Butler est une grande prêtresse de ce
que l’on peut appeler le culturalisme, une théorie selon laquelle le sexe, au même
titre que le genre, est une construction culturelle. C’est très fort de dire que même le
sexe est une construction culturelle, c’est un déni de réalité très provoquant et qui
est, à mon avis, une des raisons du succès de Butler. Ne croyez pas forcément que
je sois un idéologue réductionniste et hostile, par principe, à ceux qui pensent que
tout est culturel. Non, ce n’est pas le cas, en revanche, je suis extrêmement sensible
à l’affrontement entre ces deux idéologies. Nous sommes vraiment en présence de
deux identités idéologiques très fortes l’une et l’autre, et inconciliables, (en tout
cas, à en juger par les propos qui sont tenus) : l’idéologie culturaliste, que
représentent E. Badinter et J. Butler, et l’idéologie naturaliste ou réductionniste des
chercheurs qui pensent que tous nos comportements sont dictés par nos gènes, que
nous sommes des chimpanzés doués, mais pas beaucoup plus que cela. Je trouve
assez désolant cette confrontation entre deux idéologies chacun des camps traite
l’autre d’idéologue. Les personnes qui parviennent à se démarquer profondément
de ces deux idéologies pour essayer de trier, de séparer le bon grain de l’ivraie sont
peu nombreux ; c’est regrettable.
Michela Marzano (philosophe, auteur du «Dictionnaire du Corps») dit : Il y a un
combat à mener contre ceux qui prétendent que le sexe est l’effet d’une
« construction ». », comme il y a un combat à mener contre ceux qui considèrent
que tout est génétique dans les différences sexuelles.
Voici l’avis du porte-parole de l’enseignement catholique, Claude Berruer, au
moment de la querelle sur l’introduction de la théorie du genre dans les manuels
scolaires : « On naît fille ou garçon, on n’est pas un être indifférencié sexuellement
à la naissance. Ce n’est pas rendre service à des jeunes que de leur dire que tous les
possibles sont équivalents. » Cette idée-là est sous-jacente (sans être dite de
manière explicite) dans les manuels que j’ai lus et, n’étant pourtant pas moi-même
quelqu’un de croyant, je suis assez d’accord avec cette formule. Il y a un risque à
créer la confusion où elle n’est pas cessaire.
Voilà une phrase que j’ai extraite d’un des derniers livres de Sylviane
Agacinsky : « Ce sont les hormones de la mère qui conditionnent le développement
du cerveau de l’enfant ». On pourrait croire que c’est du réductionnisme pur et dur,
mais ce n’est pas le cas puisque S. Agacinsky n’est pas l’incarnation du
réductionnisme, et si elle écrit cela, c’est pour provoquer son lecteur et lui faire
comprendre que tout n’est peut être pas que culturel dans la différence des sexes. Il
est exact que la circulation des hormones que produit la mère dans l’utérus a un
impact direct sur le développement du cerveau de l’enfant et peut produire, dans un
certain nombre de cas, une déviation par rapport à la norme (comme disent les
statisticiens). Par exemple, dans une expérience faite dans les années 60 en
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