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Culturalisme et réductionnisme
Judith Butler dit (dans «Trouble dans le Genre») : « Le sexe est une construction
culturelle au même titre que le genre ». Judith Butler est une grande prêtresse de ce
que l’on peut appeler le culturalisme, une théorie selon laquelle le sexe, au même
titre que le genre, est une construction culturelle. C’est très fort de dire que même le
sexe est une construction culturelle, c’est un déni de réalité très provoquant et qui
est, à mon avis, une des raisons du succès de Butler. Ne croyez pas forcément que
je sois un idéologue réductionniste et hostile, par principe, à ceux qui pensent que
tout est culturel. Non, ce n’est pas le cas, en revanche, je suis extrêmement sensible
à l’affrontement entre ces deux idéologies. Nous sommes vraiment en présence de
deux identités idéologiques très fortes l’une et l’autre, et inconciliables, (en tout
cas, à en juger par les propos qui sont tenus) : l’idéologie culturaliste, que
représentent E. Badinter et J. Butler, et l’idéologie naturaliste ou réductionniste des
chercheurs qui pensent que tous nos comportements sont dictés par nos gènes, que
nous sommes des chimpanzés doués, mais pas beaucoup plus que cela. Je trouve
assez désolant cette confrontation entre deux idéologies où chacun des camps traite
l’autre d’idéologue. Les personnes qui parviennent à se démarquer profondément
de ces deux idéologies pour essayer de trier, de séparer le bon grain de l’ivraie sont
peu nombreux ; c’est regrettable.
Michela Marzano (philosophe, auteur du «Dictionnaire du Corps») dit : Il y a un
combat à mener contre ceux qui prétendent que le sexe est l’effet d’une
« construction ». », comme il y a un combat à mener contre ceux qui considèrent
que tout est génétique dans les différences sexuelles.
Voici l’avis du porte-parole de l’enseignement catholique, Claude Berruer, au
moment de la querelle sur l’introduction de la théorie du genre dans les manuels
scolaires : « On naît fille ou garçon, on n’est pas un être indifférencié sexuellement
à la naissance. Ce n’est pas rendre service à des jeunes que de leur dire que tous les
possibles sont équivalents. » Cette idée-là est sous-jacente (sans être dite de
manière explicite) dans les manuels que j’ai lus et, n’étant pourtant pas moi-même
quelqu’un de croyant, je suis assez d’accord avec cette formule. Il y a un risque à
créer la confusion où elle n’est pas nécessaire.
Voilà une phrase que j’ai extraite d’un des derniers livres de Sylviane
Agacinsky : « Ce sont les hormones de la mère qui conditionnent le développement
du cerveau de l’enfant ». On pourrait croire que c’est du réductionnisme pur et dur,
mais ce n’est pas le cas puisque S. Agacinsky n’est pas l’incarnation du
réductionnisme, et si elle écrit cela, c’est pour provoquer son lecteur et lui faire
comprendre que tout n’est peut être pas que culturel dans la différence des sexes. Il
est exact que la circulation des hormones que produit la mère dans l’utérus a un
impact direct sur le développement du cerveau de l’enfant et peut produire, dans un
certain nombre de cas, une déviation par rapport à la norme (comme disent les
statisticiens). Par exemple, dans une expérience faite dans les années 60 en