Justifier une décision médicale est une démarche de rigueur et d'éthique professionnelle.
Le constat actuel en France est une utilisation excessive des antibiotiques avec une résistance élevée des bactéries aux
antibiotiques. La comparaison avec les autres pays européens en apporte facilement la preuve.
Les liens entre consommation des antibiotiques et résistance bactérienne sont bien prouvés. La résistance bactérienne aux
antibiotiques est devenue préoccupante : les pneumocoques pour 50 % des souches sont de sensibilité diminuée à la péni-
cilline et résistants aux macrolides, plus de 20 % des streptocoques du groupe A sont devenus résistants aux macrolides,
quant aux Escherichia coli urinaires, 8 % des souches sont résistantes aux fluoroquinolones et plus de 40 % des souches à
l'amoxicilline et à l'amoxicilline-acide clavulanique. Cette résistance est actuellement une priorité de santé publique natio-
nale et internationale. Ses causes sont connues : d'une part un mauvais usage des antibiotiques, qui sont beaucoup trop
prescrits, avec insuffisamment de rigueur et d'évaluation, d'autre part une transmission interhumaine de germes multi-
résistants dans les collectivités. Ce phénomène de sélection de résistance a été longtemps négligé du fait de la mise régu-
lière sur le marché de nouveaux antibiotiques aux performances accrues. Or il n'est pas annoncé de nouveaux antibiotiques
dans les prochaines années. Ainsi la gestion des antibiotiques doit être de type patrimonial. Ceci impose donc plus que
jamais de tenir compte de cette sélection de résistance, comme de tout effet secondaire, lors de chaque prescription anti-
biotique. La pression de sélection engendre un réservoir de bactéries résistantes et crée un risque médical collectif de sur-
venue d'infections pour lesquelles les choix thérapeutiques sont au mieux restreints et coûteux et au pire inexistants.
En médecine ambulatoire, le nombre de prescriptions antibiotiques en France en 2002 est estimé à 75 millions (dont
75 % pour des infections ORL et broncho-pulmonaires), soit 560 millions de journées de traitement, pour un coût de
880 millions €.
Pourquoi la prescription antibiotique est-elle difficile ?
Le bon usage des antibiotiques correspond à un traitement ayant une efficacité optimale, une bonne tolérance, des consé-
quences écologiques les plus réduites possible et pour un coût acceptable par la société. Or tous ces impératifs à conci-
lier rendent en pratique le bon usage des antibiotiques particulièrement difficile.
De plus certaines particularités des antibiotiques expliquent cette difficulté :
• les antibiotiques représentent l'exemple même du “pouvoir de guérison” du médecin qui a contribué à la réduction de
la mortalité par maladies infectieuses et à l'augmentation de l'espérance de vie depuis moins d'un siècle. Les proprié-
tés intrinsèques des antibiotiques, et la durée habituellement courte de leur prescription, leur donnent souvent une
image de facilité de prescription, de bonne tolérance ou d'effets secondaires “acceptables” par les malades et les pres-
cripteurs au regard de l'infection cause de leur indication ;
il n'existe pas de qualification spécifique requise pour prescrire un traitement anti-infectieux. Le traitement et la
prévention des infections sont des motifs fréquents de consultation et d'hospitalisation et concernent toutes les
spécialités médicales ;
• le mésusage des antibiotiques n'est souvent assimilé qu'au seul échec thérapeutique. Or il peut concerner tous les
critères de rationalisation de la prescription et de son évaluation :
- connaissance des molécules : spectre, posologie, tolérance, efficacité prouvée, pression de sélection, rapport
bénéfice/risque ;
- choix de la molécule : pari bactérien, lecture interprétative de l'antibiogramme, critères physiopathologiques,
pharmacocinétiques, pharmacodynamiques, terrain, coût ;
- prise en compte des conséquences collectives, en particulier la résistance bactérienne aux antibiotiques ;
- conditions de relais oral, utilisation en pratique des concepts de réévaluation et de désescalade thérapeutiques.
3
Préambule
Objectif 2005 :
un bon usage des antibiotiques
Préambule
4
• le nombre d'anti-infectieux disponible est très important. Les nouveaux produits commercialisés n'éliminent pas systé-
matiquement les produits anciens. La richesse de cet arsenal a un effet paradoxal : il permet d'élargir la lutte contre les
agents infectieux mais rend le choix de chaque molécule d'autant plus difficile. Malgré les conférences de consensus, les
recommandations de bonne pratique, les fiches de transparence et les ouvrages pédagogiques des sociétés savantes, la
hiérarchisation des critères de sélection dans une situation donnée, vis-à-vis de plusieurs alternatives, reste difficile.
De plus l'innovation thérapeutique (évolutivité du marché) et la plasticité bactérienne (évolution des résistances) rendent
le concept de bon usage lui aussi évolutif. Un traitement empirique considéré efficace à un moment donné peut ne plus
l'être ultérieurement compte tenu de l'apparition de clones de souches résistantes.
Pour aider à répondre à ces questions de nombreuses recommandations ont été publiées : recommandations de bonne
pratique de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps), conférences de consensus de la
Société de Pathologie Infectieuse de Langue Française (SPILF), fiches de transparence, RMO.
Un plan national pour préserver l'efficacité des antibiotiques 2001-2005 a été rendu public par le ministre délégué à
la Santé en novembre 2001 (Schlemmer B., Crémieux AC., Reveillaud O. www.sante.gouv.fr/htm/actu/antibio/som-
maire.htm). Le principal document réglementaire est une circulaire publiée le 2 mai 2002, dans le bulletin officiel
02-21 (www.sante.gouv.fr/adm/dagpb/bo/index.htm), circulaire DHOS/E2 - DGS/SD5A - N° 272 relative au bon usage
des antibiotiques dans les établissements de santé et à la mise en place à titre expérimental de centres de conseil
en antibiothérapie pour les médecins libéraux. Le bon usage des antibiotiques se définit comme la recherche d'un
“traitement optimal” après intégration d'un ensemble d'informations propres à chaque situation clinique.
L'infectiologue est le promoteur naturel de ce bon usage car il est un clinicien, à l'interface entre le malade et les aut-
res professionnels impliqués dans l'utilisation des antibiotiques. Le recours à un consultant infectiologue a montré son
intérêt en termes de choix du traitement initial adapté, de guérison et de coût. Les difficultés d'apprentissage du
recueil et du maniement de ces informations, surtout leur multiplicité et leur complexité, leur évolution dans le temps
et la nécessité de leur intégration et hiérarchisation pour aboutir à la prescription, sont autant de motifs qui expliquent
la difficulté à former les prescripteurs. Le recours à des compétences reconnues comme des infectiologues, ou réfé-
rents en infectiologie, sont des réponses qui ont montré leur efficacité.
La quatrième édition du GÉN et PI, ouvrage collectif du Collège des Universitaires de Maladies Infectieuses et Tropicales
(CMIT), veut contribuer au bon usage en définissant les indications reconnues de l'antibiothérapie et ses modalités vali-
dées de prescription. Seule une bonne connaissance des histoires naturelles des infections et des schémas thérapeutiques
simples et clairs permettront aux prescripteurs de “convaincre” leurs malades d'une bonne observance de leurs conseils.
Patrick Choutet
Auteurs
C. Bazin
G. Beaucaire
B. Becq-Giraudon
L. Bernard
J.M. Besnier
J. Beytout
O. Bouchaud
A. Bourgeade
E. Bouvet
F. Bricaire
P. Brouqui
P. Canton
F. Caron
E. Caumes
P. Chavanet
C. Chidiac
P. Choutet
D. Christmann
J.P. Coulaud
T. Debord
J.M. Decazes
E. Delaporte
P. Dellamonica
J. Delmont
M. Dupon
B. Dupont
J. Frottier
H. Gallais
M. Garré
P.M. Girard
B. Guery
B. Hoen
G. Humbert
F. Janbon
C. Katlama
J.Y. Lacut
C. Lafaix
O. Launay
H. Laurichesse
M. Le Bras
C. Leport
O. Lortholary
F. Lucht
D. Malvy
B. Marchou
P. Massip
S. Matheron
T. May
M.C. Meyohas
C. Michelet
M. Micoud
J. Modaï
J.M. Molina
Y. Mouton
C. Perronne
D. Peyramond
G. Pialoux
E. Pichard
L. Piroth
H. Portier
C. Rabaud
F. Raffi
J.M. Ragnaud
G. Rémy
J. Reynes
M. Robineau
W. Rozenbaum
D. Salmon-Céron
J.L. Schmit
A. Sotto
J.P. Stahl
A. Stein
M. Strobel
R. Verdon
J.L. Vildé
D. Vittecoq
P. Weinbreck
P. Yeni
Co-auteurs
C. Weil-Olivier
Y. Yazdanpanah
AUTEURS ET CO-AUTEURS AYANT CONTRIBUÉ À LA RÉDACTION DU GÉN ET PI
F. Bricaire
D. Christmann
P. Dellamonica
M.C. Meyohas
C. Michelet
C. Rabaud
J.P. Stahl
LE COMITÉ DE RÉDACTION (COORDINATION DANIEL CHRISTMANN, CHRISTIAN RABAUD)
Sommaire
Sommaire
I FIÈVRES
1Abord diagnostique d'une fièvre aiguë 7
2Fièvre isolée et prolongée 9
3Fièvres du nourrisson 10
4Fièvres et voyages 11
5Sepsis et choc septique 14
II INFECTIONS DES VOIES AÉRIENNES
6Angines 15
7Rhinopharyngites 18
8Laryngites et épiglottites 19
9Otites 20
10 Rhinosinusites aiguës 23
11 Stomatites 26
12 Bronchites 28
13 Pneumonie aiguë communautaire (PAC) 31
14 Pneumonie à Legionella pneumophila 36
15 Grippe 37
16 Tuberculose 42
III INFECTIONS CARDIAQUES
17 Endocardite infectieuse : diagnostic et prévention 47
IV INFECTIONS URINAIRES ET
GÉNITALES
18 Infections urinaires 51
19 Prostatites 54
20 Orchi-épididymites 55
21 Urétrites et cervicovaginites 56
22 Ulcérations génitales 59
23 Salpingites 60
V INFECTIONS CUTANÉES,
D'INOCULATION ET DE L'APPAREIL
LOCOMOTEUR
24 Fièvres éruptives 62
25 Éruptions vésiculeuses d'origine infectieuse 65
26 Infections cutanées 69
27 Mycoses cutanéomuqueuses 73
28 Ectoparasitoses 76
29 Morsures et griffures par animal 79
30 Borréliose de Lyme 81
31 Adénopathies fébriles 83
32 Infections ostéo-articulaires 85
VI INFECTION À VIH
33 Pratique de la sérologie VIH 88
34 Traitement de l'infection par le VIH 90
35 Pathologies associées à l'infection par le VIH 95
VII INFECTIONS NEUROLOGIQUES
36 Syndrome méningé fébrile 100
37 Manifestations neuropsychiques fébriles 102
38 Infections à prions 103
VIII INFECTIONS HÉPATO,
GASTRO-INTESTINALES
39 Diarrhées infectieuses aiguës 105
40 Hépatites virales 108
IX INFECTIONS SELON LE TERRAIN
41 Grossesse et infections 113
42 Infections chez le toxicomane 116
43 Infections et immunodépression 118
44 Fièvre chez le patient granulopénique 121
45 Infections sur cathéter ou dispositif
veineux implantable 122
X PRÉVENTION, SANTÉ PUBLIQUE
46 Vaccinations 123
47 Conseils aux voyageurs 129
48 Prévention des infections par exposition au sang
et aux liquides biologiques 134
49 Hygiène et prévention des infections
en milieux de soins 140
50 Éviction scolaire, professionnelle
et prophylaxie collective 145
51 Infections professionnelles 149
52 Maladies à déclaration obligatoire.
Identification et investigation d'une épidémie 152
53 Conduite à tenir devant une infection
hautement contagieuse 154
XI INFORMATIONS THÉRAPEUTIQUES
COMPLÉMENTAIRES
54 Prescrire ou ne pas prescrire d'antibiotique 158
55 Échecs de l'antibiothérapie 159
56 Effets indésirables des antibiotiques 161
57 Anti-infectieux et interactions médicamenteuses 162
58 Utilisation des antiseptiques 163
59 Collyres et infections oculaires 165
XII ADRESSES
60 Centres nationaux de référence pour la lutte
contre les maladies transmissibles 167
61 Centres de vaccination antiamarile 169
62 Liste des centres et des antennes
de traitement antirabique 173
63 Centres de dépistage anonyme et
gratuit du VIH (CDAG) 175
64 Centres d'information et de soins
de l'immunodéficience humaine (CISIH) 181
65 Membres du CMIT 183
XIII INDEX ET ABRÉVIATIONS
66 Abréviations 187
67 Index 189
5
1
1 EXAMEN DU MALADE FÉBRILE
1. Mesure de la température
La prise de la température doit être pratiquée le matin au
réveil (et non au lever), l'après-midi ou le soir après
20 minutes de repos en position allongée, ainsi que lors d'un
frisson ou d'une poussée sudorale.
Elle doit être pratiquée à distance de toute ingestion d'ali-
ments chauds ou froids.
La référence actuelle est la température tympanique.
On parle de fièvre si la température centrale est supérieure
à 37,5 °C le matin et 37,8 °C le soir.
La prise au moins 2 fois/24 h permet d'établir une courbe
utile au diagnostic et/ou à l'évaluation de l'efficacité théra-
peutique.
2. Interrogatoire et examen
L'interrogatoire précise :
Les caractéristiques de la fièvre
– Mode d'installation.
– Date d'apparition.
– Allure de la courbe thermique.
Le terrain
Activités du patient (mode de vie, loisirs, profession)
.
– Antécédents personnels.
– État des vaccinations.
– Séjour à l'étranger dans les 3 mois précédents.
– Présence d'animaux dans l'environnement.
– Notion de contage.
Les symptômes d'accompagnement
– Frissons.
– Sueurs.
– Céphalées.
– Myalgies.
– Arthralgies.
Signes fonctionnels viscéraux (respiratoires, ORL, digestifs,
urinaires, neurologiques).
Les traitements déjà suivis et en cours (antibiotiques,
anti-inflammatoires)
L'interrogatoire et l'examen clinique complets sont plus
“rentables” qu'une multitude d'examens complémentaires.
3. Classification selon l’ancienneté
On distingue les fièvres aiguës récentes de moins de
5 jours et les fièvres prolongées évoluant depuis plus de
20 jours.
2 FIÈVRES AIGUËS RÉCENTES < 5 JOURS
1. Urgences
Signes de gravité imposant l'hospitalisation:
troubles de la conscience, présence de signes neurolo-
giques, état de déshydratation;
tachycardie > 120/min, fréquence respiratoire > 26/min,
PA systolique < 100 mmHg, oligo-anurie, purpura.
Les explorations urgentes sont nécessaires avant tout trai-
tement en cas de:
présence de matériel étranger (valve cardiaque, prothèse
articulaire ou vasculaire);
– foyer focalisé (abcès, ostéite, fasciite…).
Toute symptomatologie douloureuse abdominale fébrile
risque d'engager le pronostic vital: un avis chirurgical est
nécessaire.
2. Virose commune
Une fièvre isolée bien tolérée, survenant chez un enfant, un
adolescent ou un adulte jeune, traduit le plus souvent une
virose.
Elle guérit spontanément en moins de 7 jours.
Aucun examen complémentaire n’est nécessaire.
3. Foyers infectieux bactériens
L'examen clinique et l'interrogatoire sont le plus souvent
suffisants pour les identifier. Dans les cas où l'épidémiologie
bactérienne est connue, une antibiothérapie probabiliste
peut être instituée: angine, otite, sinusite, érysipèle...
Certains tableaux cliniques nécessitent des examens com-
plémentaires (radiographie pulmonaire, ECBU, échogra-
phies rénale et abdominale, hémocultures…).
4. Fièvres aiguës au retour de pays tropicaux
Le paludisme doit être envisagé systématiquement au
retour d'un voyage d'une zone d'endémie.
Les autres étiologies les plus fréquentes sont les hépatites
virales, la typhoïde et l'amibiase hépatique.
5. Causes non infectieuses
L'absence de foyer infectieux n'est pas une indication d'anti-
biothérapie, mais d'explorations complémentaires à la
recherche d'autres causes telles que: maladie thrombo-
embolique, maladies inflammatoires…
6. Terrains particuliers
Nourrisson
Il faut se méfier des conséquences de la fièvre : convul-
sions, déshydratation, syndrome d'hyperthermie maligne.
La ponction lombaire est à effectuer au moindre doute.
Symptôme le plus fréquent des maladies infectieuses, la fièvre n'est cependant pas toujours synonyme d'infec-
tion ; inversement, au cours de certaines toxi-infections (choléra, tétanos, botulisme) et infections chroniques
(ostéite, sinusite…), la température est normale ; un choc septique à bacilles à Gram négatif peut être associé à
une hypothermie.
7
Abord diagnostique d’une fièvre aiguë
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