Le Regard Libre | Décembre 2014 | N° 07
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LE REGARD LIBRE
Journal d’opinion réalisé par des étudiants depuis janvier 2014
Décembre 2014 | N° 07
02 | Éditorial et image du
mois
03 | L’entretien :
Le
libéralisme aujourd’hui
07 | Philosophie :
Étape par
étape
10 | Musique :
L’orgue de
Valère
12 | Spiritualité :
« Et le
Verbe s’est fait chair »
16 | Citations
http://www.creusets.net
L’interview exceptionnelle de Frédéric Jollien, jeune libéral convaincu Page 3
Vos articles portant sur la philosophie, la politique, la littérature, la musique, la
spiritualité, l’économie ou un autre domaine digne d’intérêt sont les bienvenus.
Nous nous réjouissons de vos commentaires et de vos propositions.
Contact : Jonas Follonier | Classe 5A | jofollonier@hotmail.com
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Le Regard Libre | Décembre 2014 | N° 07
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02 DIVERS
JONAS FOLLONIER Rédacteur en chef
Éditorial
Éloge de la chanson française
C’est au travers de longues soirées entre amis, d’occupations personnelles et de transmissions
familiales que s’impose une vérité grandiose : le patrimoine francophone de la chanson la
« chanson » comme genre propre détient un caractère exceptionnel.
Dans la musique rock, les paroles sont soumises à la musique ; dans la musique rap par exemple,
la musique est soumise aux paroles. La chanson française, elle, fait ce coup de génie de garder
comme dans le rock une certaine soumission des textes à la musique ; mais ces textes FRANÇAIS
sont magnifiques et souvent antérieurs. C’est ce qui fait, selon moi, sa supériorité artistique.
Nulle autre culture que la nôtre ne connaît une telle passion nérale, consciente ou non,
approfondie ou non, avouée ou non, pour les titres qui ont bâti notre identité musicale et
littéraire. Et quelle diversité, et quelle qualité, et quelle puissance, et quelle influence !
L’histoire de la francophonie telle qu’on la retient n’est rien d’autre que le reflet de
La mer
de
Trénet, d’un
Mistral Gagnant
de Renaud, d’un
Vladimir Ilitch
de Sardou, en passant par des
monuments aussi complémentaires que
La maison près de la fontaine
de Nino Ferrer et
La
Bohème
aznavourienne. L’auteur-compositeur-interprète le dit lui-même : les sommets de la
chanson française sont inatteignables. « Disséquez
Yesterday
, très grande chanson portée par une
musique extraordinaire, elle ne sera jamais
Avec le temps
de Léo Ferré. C'est indiscutable. »
L’image du mois (Photo de Jonas Follonier)
Le domaine skiable de Thyon-Les Collons vu par avion lors de la promotion civique de Vex. Un
grand merci à la commune d’offrir un tour en avion à ses nouveaux citoyens !
Le Regard Libre | Décembre 2014 | N° 07
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03 L’ENTRETIEN
L’interview de FRÉDÉRIC JOLLIEN, président de la section suisse
des European Students For Liberty
Le libéralisme aujourd’hui
Une interview réalisée par Jonas Follonier
Le Regard Libre
: Objectivement, qu’est-
ce que le libéralisme ?
Le libéralisme est une philosophie po-
litique affirmant le droit naturel de
chaque être humain. Le principe de ce
droit est que chaque individu est propri-
étaire de lui-même et de son activité.
C'est une condamnation de l'agression,
celle-ci étant définie comme une atteinte
à la propriété d'autrui contre son con-
sentement.
Le libéralisme vise à réduire ou à sup-
primer tout acte coercitif d'individus sur
d'autres individus. Si ce principe va de
soi pour les faits de personnes isolées (le
vol à main armée, le meurtre etc.), il est
malheureusement ignoré lorsque des
actes ont été voulus par des officiels ou
des majorités (guerre, taxation, inflation
etc.). Son combat politique est donc de
renseigner les citoyens de tous les effets
de la coercition légale et de la combattre.
Le libéralisme ne participe pas au culte
de la démocratie telle qu'on la perçoit
aujourd'hui. Qu'une minorité soit persé-
cutée par un roi ou par le consentement
démocratique du peuple ne fait absolu-
ment aucune différence. Pour un libéral,
l'essence véritable de la démocratie est
la souveraineté de l'individu sur sa vie
personnelle. Benjamin Constant avait
fait une très bonne explication du libéra-
lisme en séparant la liberté des Anciens
qui prétend que la liberté est de pouvoir
exprimer son avis dans une urne et la
liberté des Modernes qui revendique le
droit à l'exercice de son indépendance
privée.
Le libéralisme est-il actuellement en
phase d’extinction ou au con-traire en
phase d’apparition ?
Il est globalement en phase de réappa-
rition après un 20ème siècle absolument
détestable pour ce courant de pensée. Il
y a les mouvements libertariens améri-
cains (mot anglo-saxon pour parler du
libéralisme sans être assimilé au
libera-
lism
du parti démocrate de tendance so-
cialiste). En Afrique, le mouvement
libéral prend vraiment beaucoup d'im-
portance chez les jeunes. En Europe, ce
sont surtout les pays de l'Est l'excep-
tion de la Russie) qui voient une renais-
sance forte du libéralisme philosophique
et politique. Ce renouveau n'apparait en-
core que très peu en politique.
L'Occident est, bien au contraire, la
scène d'un anti-capitalisme devenu
mainstream
bien qu'il faille nuancer se-
lon les particularités locales. Je re-
marque surtout une progression impres-
sionnante chez les jeuns. Bien que le
nombre de militants soit négligeable, la
cohérence et la qualité intellectuelle sont
bien présentes. Le réseau internet a per-
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mis un accès au savoir, une amélioration
des débats et une construction impor-
tante d'une communauté militante qui
n'avait jamais été vue auparavant.
Un nouveau créneau est né, un
mouvement assez théorique et poussé :
l’
anarcho-capitalisme
. Que préconise
cette doctrine ? N’est-ce pas au fond une
défense intellectuelle de la loi de la
jungle ?
Pendant des siècles, les libéraux ont dé-
montré que l'Etat n'avait aucune légiti-
mité dans certains domaines (comme la
religion ou l’habillement) et qu'il fallait
garantir une liberté individuelle. Ceci
amena notamment à la création des
Droits de l'Homme qui visaient spécifi-
quement à restreindre l'action des Etats.
Les libéraux restaient cependant con-
vaincus que l'Etat avait une fonction es-
sentielle pour garantir les libertés qu'ils
défendaient. Par exemple, si la liberté
religieuse devait être défendue, il fallait
un intermédiaire neutre pour empêcher
les gens de s'imposer mutuellement
leurs religions. L'Etat était vu comme le
garant indispensable à la sauvegarde
des libertés individuelles.
L'anarcho-capitalisme prétend qu'il faut
cesser avec ces soi-disant « droits réga-
liens » et qu'une concurrence des justices
et des entreprises de sécurité est non
seulement faisable mais tout à fait sou-
haitable. C'est un mouvement qui n'est
pas nouveau. L'un des premiers à l'avoir
théorisé est Gustave de Molinari, un
économiste belge du XIXème siècle. Il
s’agit de l'aboutissement absolu du libé-
ralisme politique : la suppression pure
et simple de l'Etat. Ce mouvement a pris
passablement d'inspiration dans le so-
cialisme individualiste américain et a
également aujourd'hui les apports de
David Friedman par exemple.
La loi de la jungle est la loi du plus fort,
la loi de la violence. Le libéralisme re-
vendique au contraire les droits naturels
de chaque homme sur sa propriété légi-
time. C'est l'exact opposé de la barbarie
et de la loi du plus fort.
Pour l'homme de peu de probité intel-
lectuelle, l'argument de la jungle facilite
l'approbation des foules. L'analyse des
discours politiques montre que ce so-
phisme a été largement utilisé pour jus-
tifier maints despotismes. Et c'est mal-
heureusement encore le cas aujourd'hui.
Il faut savoir ce qu'on entend sous les
termes « d'ordre » et de « jungle ». Per-
sonnellement, je préfère défendre la
jungle suisse à l'ordre nord-coréen.
Selon vous, le traditionnel clivage
gauche-droite est-il sensé ou de-vrait-on
fondamentalement réfor-mer notre
conception et notre pra-tique du débat
d’idées et de la po-litique ?
Le clivage gauche-droite n'est pas lié à la
philosophie politique mais à la tendance
idéologique du moment. Actuellement, la
droite est associée à un interven-
tionnisme civil (police forte, contrôle des
frontières, préservation culturelle etc.)
et à un relatif libéralisme économique,
tandis que la gauche est interven-
tionniste économiquement mais défend
relativement la liberté civile (mariage
homosexuel, libéralisation des drogues
etc.). Historiquement, ça n’a pas toujours
été le cas. Les libéraux se distancient
complètement de ce clivage et en cri-
tiquent la non pertinence intellectuelle.
Etant donné que les décisions gouver-
nementales font la part belle aux
questions économiques, les libéraux sont
généralement classés à droite mais vous
les trouverez avec la gauche pour
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d'autres combats ou parfois complète-
ment seuls.
De nombreux politiciens, intellec-tuels,
journalistes ou citoyens lambda
dénoncent aujourd’hui une certaine
surabondance de l’impor-tance du bien
individuel par rap-port au bien commun.
Que pensez-vous de cette critique ?
C'est un sophisme ridicule. On ne sau-
rait opposer l'un à l'autre. La tendance
actuelle est effectivement de crier à
l'égoïsme, à l'individualisme et de glo-
rifier un bien commun qu'on ne saurait
définir. Or le bien commun ne peut être
un bien s’il n’améliore pas le bien indi-
viduel. Le tout « collectif » est formé de
ses individus. Le peuple et la société
sont des abstractions qui n'ont pas de
conscience ni de caractéristiques défi-
nies. Qui sont ces hommes qui seraient
capables de définir le « bien com-
mun » de la société en lieu et place des
individus qui la composent ?
Il est terrible de constater que plus les
problèmes s'amplifient, plus ces so-
phismes prennent de l'ampleur. On ne
saurait penser à certains événements
historiques sans frissonner d'inquiétude.
Que d'horreurs ont été faites au nom de
ces idées.
Selon vous, les libéraux sont-ils
actuellement minoritaires ou ma-
joritaires auprès de la population
suisse ?
Cela dépend de quel point de vue. Politi-
quement, il n'y en a pas ou très peu. Les
individus ont tendance à attendre beau-
coup de l'Etat et à faire du lobbyisme
pour défendre leur gagne-pain. C'est le
système dans lequel ils vivent et ils sont
disposésvà y souffrir. Comme le disait
Bastiat, « l'Etat est cette grande fiction à
travers laquelle tout le monde essaie de
vivre au dépend de tout le monde. ».
Mais dans la vie de tous les jours, ils
sont emprunts de libéralisme : ils ne
tolèrent pas le vol p. ex. et collaborent
librement, s'échangent et s'entraident.
En réalité, la population ne voit pas que
leurs actes politiques sont exactement à
l'opposé de leurs valeurs profondes. Ja-
mais ils n'iraient frapper chez leurs voi-
sins pour leur confisquer un produit ali-
mentaire. Par contre, ils sont prêts à vo-
ter des lois (protectionnisme alimen-
taire, interdiction de tel type d'aliment
etc.) qui enverront des hommes en bleu
le faire à leur place. C'est assez étrange
que les individus attribuent des droits à
une entité externe, l'Etat, qu'ils n'attri-
bueraient jamais à eux-mêmes.
« Qui sont ces hommes qui
seraient capables de définir le
"bien commun" de la société en
lieu et place des individus qui
la composent ? »
L’Homme est-il par nature capita-liste ?
Il faut toujours définir les termes que
l'on utilise pour bien se comprendre. Le
capitalisme est ce que l'on entend par
une propriété privée des biens. Le capi-
taliste est désigné comme l'homme qui
conserve du capital (des biens sous
forme monétaire ou non) pour améliorer
son bien-être soit aujourd'hui (en l'em-
pruntant et en touchant des intérêts)
soit demain (en le réinvestissant ou en
couvrant les sinistres imprévus). Oui,
l'Homme est capitaliste et son corps l'est
également : il conserve des biens pour
une utilisation ultérieure. Ce n'est même
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