politiques les plus caractéristiques » de ces dernières8. Autrement dit, il s’agit de mutualiser
des questions, plutôt que de chercher des réponses, sous la forme d’une interprétation unique
des « situations thermidoriennes ». « (…) on ne peut s’empêcher de penser qu’en histoire les
questions, qui sont sociologiques, importent davantage que les réponses, qui sont de fait »,
confesse Paul Veyne, pour qui l’ « histoire comparée » est moins une « méthode » qu’une
« heuristique »9. Dans cette perspective notre propos sera moins d’isoler un idéal-type
thermidorien subsumant la disparité des situations considérées que d’identifier un certain
nombre de processus significatifs à l’œuvre dans ce genre de configurations historiques. Il va
de soi que nous délaisserons les polémiques postérieures à la Révolution de 1917 qui ont eu
recours à l’ « analogie de ‘Thermidor’ », laquelle « a servi à obscurcir plutôt qu’à éclairer la
question » du propre aveu de Trotski10. Quant à l’idée vulgaire selon laquelle les moments
thermidoriens des révolutions, d’une part, sont synonymes d’une certaine « modération », et,
de l’autre, conduisent à Brumaire, elle relève de l’inculture historique - le Thermidor de la
Révolution française fut tout, sauf « modéré » - et de l’analphabétisme sociologique.
Les situations thermidoriennes
Pour éviter de tels malentendus notre première étape doit donc consister en
l’élaboration d’un paradigme thermidorien à partir du matériau de l’expérience historique de
la Révolution française, précédent en quelque sorte éponyme. Insistons sur le fait que la
construction de ce modèle ne prétend pas synthétiser la totalité des événements ou des
processus qui ont caractérisé les années 1794-1799 de la Révolution française. Par exemple la
Terreur blanche n’a pas véritablement d’équivalent en Russie, en Chine ou dans les pays
indochinois, ni d’ailleurs en Iran, autre cas de figure que nous introduirons plus tard dans la
catégorie thermidorienne.
Le Thermidor français se révèle décidément beaucoup plus complexe que le seul
« moment où se brise l’élan de la révolution car ce sont les révolutionnaires eux-mêmes qui se
retournent contre elle »11. Son ambiguïté provient de ce que la politique thermidorienne se
8 Ibid, p. 1052.
9 Cf, respectivement, P. Veyne, L’Inventaire des différences, Paris, Editions du Seuil, 1976, pp. 61-62 et
Comment on écrit l’histoire, suivi de Foucault révolutionne l’histoire, Paris, Editions du Seuil, 1978, collection
Points-Histoire, pp. 84-85.
10 L. Trotski, L’Etat ouvrier. Thermidor et bonapartisme, Paris, Librairie du travail, 1936, p. 5. Sur ces débats
soviétiques, voir E. J. Hobsbawm, Aux armes historiens. Deux siècles d’histoire de la Révolution française, Paris,
La Découverte, 2007, pp. 66 et suiv.
11 B. Baczko, « Thermidoriens » in F. Furet, M. Ozouf, dir., Dictionnaire critique de la Révolution française :
acteurs, Paris, Flammarion, 1992, collection « Champs », p. 438.