L`APOSTILLE, Janvier 2013, N° 40

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JOURNAL DE L’UNIVERSITÉ OUVERTE PARIS 7
http://www.depaes.univ-paris-diderot.fr
L’ A N I M A L , A V E N I R D E L’ H O M M E ?
par Marie-Pierre Baudrier
Directrice Pédagogique de L’Université Ouverte
L’université Ouverte
vous présente
ses meilleurs voeux
et vous souhaite
S
De la cruauté ordinaire
oit un «grand» philosophe - Kant - et un gros animal - l’éléphant. Mélangez.
Vous obtiendrez la définition suivante : «l’éléphant a aussi une queue courte
avec de longs poils raides dont on se sert pour nettoyer les pipes». (in Géographie, le règne animal).
Qu’est-ce qu’un animal en dehors des propriétés et qualités dont nous pourrions
faire usage, et qui décident de son sort, c’est à dire, en fait de sa vie ou de sa mort ?
Chasse, domestication, élevage, objet d’expérimentation en laboratoire, objet d’exhibition voire matériau du bio-art, l’animal est partout instrumentalisé, exploité,
nié dans son être propre quand il n’est pas massacré pour nos besoins alimentaires
ou simplement ludiques… Cette habitude millénaire dans notre civilisation nous
a accoutumés à anesthésier tout sentiment vis-à-vis de la souffrance animale.
L’empathie que d’aucuns manifestent spontanément apparaît comme suspecte, et
sujette à moqueries. L’on objectera que le tableau est exagérément noirci et que
notre culture occidentale a évolué puisqu’elle a fini par adopter des lois condamnant les tortures et actes de cruauté gratuite infligés aux animaux. La question
que l’on est en droit de se poser ici est jusqu’où va la «gratuité» ? Doit-on, par
exemple considérer que la mise à mort du taureau dans l’arène n’est pas un acte de
cruauté gratuite parce qu’il y a le déploiement d’un «art» - l’art tauromachique - et
que par ailleurs, cet art produit une jouissance esthétique dont s’enorgueillissent
tous les afficionados de corridas, et qui ne doit rien à la jouissance vulgaire, celle
que donne chez certains la puissance de faire souffrir ? Par ailleurs comment ne
pas souligner combien cette législation a été tardive, combien elle est inexistante
dans la majorités des états du monde et combien elle est difficile à appliquer…
Combien est donc profonde notre indifférence au sort des animaux que nous
exterminons par millions en cas d’épizootie ; que nous livrons sans état d’âme à
l’abattage massif dont nous voulons ignorer les conditions réelles dans lesquelles
celui-ci s’effectue ; indifférence aussi vis-à-vis des conditions de vie qu’impose aux
animaux l’élevage industriel : poulets de batterie qui meurent étouffés par manque
de place ; animaux rendus obèses pour accélérer l’exécution, considérés comme de
la viande sur pieds avant qu’elle ne se retrouve dans nos assiettes !
Cette cruauté, ou au mieux, cette indifférence au sort réservé à l’animal pose
de multiples questions d’ordre, juridique, éthique, politique, écologique et…
philosophique. En ce qui concerne la philosophie j’aimerais renvoyer aux deux
ouvrages qui sont la source de cette réflexion : il s’agit d’une part de Liberté et
inquiétude de la vie animale (Editions Kimé, Paris, 2006) et d’Une autre existenceLa condition animale ( Editions Albin Michel, Paris 2012) tous deux écrits par
une philosophe : Florence Burgat . Celle-ci poursuit deux objectifs : repenser
le concept d’animal pour lui donner un nouveau statut, l’arracher à celui d’objet
vivant, afin de lui reconnaître des droits. Montrer comment notre façon de pen-
Noé remerciant Dieu d’avoir sauvé la création - Roelandt Savery
ser l’animal et l’animalité est la conséquence d’un rationalisme triomphant
inauguré par Descartes, conduisant à
cette hégémonie de la technique toute
puissante, dénoncée par Heidegger et
soutenue par nos valeurs humanistes.
Il y aurait donc une face cachée de
nos valeurs humanistes qui appelle
un véritable travail de déconstruction
de ces dernières et de leur étayage sur
des concepts fondateurs de la philosophie occidentale. Cette déconstruction
produit un véritable vacillement
philosophique, qui voit ses assises
considérablement ébranlées. Mais, il
est des vacillements salvateurs…
Anthropocentrismes
C
’est une forêt profonde, mystérieuse trouée par une petite
mare reflétant la brèche des
cieux d’un bleu lapis lazulli, dans laquelle s’épanouit une vie luxuriante :
des espèces variées, domestiques ou
sauvages, exotiques aussi (on distingue
un lion, un dromadaire mais aussi un
dodo - ancêtre du dindon - disparu
depuis le XVIIIème siècle) s’ébattent
dans cette nature édénique. La toile,
œuvre du peintre flamand Roelandt
Savery du début du XVIIème siècle,
porte comme titre : Noé remerciant
Dieu d’avoir sauvé la création. Mais
l’œil ne voit pas Noé, petit personnage
à demi dissimulé par la végétation et
les animaux qui paissent autour de lui.
2
Tout se passe comme si le peintre avait voulu fixer un effacement, un décentrement invitant par là à la méditation sur notre place : que sommes-nous face à la
richesse infinie de la création ? Traduisons : que sommes-nous dans l’histoire du
développement des formes du vivant ?
La Bible, comme la philosophie qui s’en réclamera longtemps accordent à
l’Homme une place centrale, dessinant une ligne de partage entre l’animal et l’humain ; frontière infranchissable pour le plus grand malheur de l’un comme de
l’autre (c’est ce que nous essaierons de montrer).
Cette coupure anthropo-zoologique confèrera à l’animal une indigence
ontologique : en effet l’animal est l’être qui est dépourvu de langage, de raison,
de conscience, de pensée ; l’animal est cette «grandeur négative» dont l’homme
a besoin pour asseoir sa suprématie. Mais cette privation de toute faculté qui
de près ou de loin nous apparenterait à lui, nous inscrivant ainsi dans une sorte
de continuum du vivant, est ce qui, philosophiquement parlant, autorise la choséification de l’animal et par là, les violences qui lui sont faites. Comme le dit
très justement Françoise Armengaud, éthologue : «l’humanité est cette vaste
entreprise d’extraction de l’animalité». En effet, «s’humaniser» signifie s’arracher
à sa propre animalité, ou bien encore substituer au poids de l’instinct, la force
de notre raison. Cette rupture homme/animal, permet donc, non seulement de
mettre l’homme au centre de l’univers, seigneur et maître disposant à sa convenance de toutes choses ; mais elle est ce qui dote durablement la philosophie d’un
ensemble d’oppositions conceptuelles qui formeront un véritable carcan de notre
pensée : nature/culture ; instinct/raison ; déterminisme/liberté ; âme/corps etc…
L’animalité a été construite de toute pièce, dans notre histoire, pour asseoir l’idée
d’une spécificité humaine, d’un «propre de l’homme», intangible, célébré par
la métaphysique, veine nourricière de notre humanisme, le tout corroboré par
l’anthropologie. De sorte que la question de l’homme est venue occulter l’homme
comme question : au lieu de suivre l’élaboration du concept d’humanité dans l’histoire, et d’en faire la généalogie au sens nietzschéen, c’est à dire, d’interroger les
forces obscures à l’œuvre dans son édification, la philosophie en a fait une évidence,
un sol originaire que rien ne pourrait jamais venir ébranler. Ainsi le monstre, le
pervers dont le comportement aberrant nous emplit d’effroi est-il, pour nous,
celui qui «a perdu son humanité» et est retombé dans l’animalité. Mais cette «animalité» de l’homme - synonyme de brutalité, de dépravation - que montre-t-elle
d’autre si ce n’est un champ de possibles qu’ouvre en permanence le sillon que
creuse l’humain ? Car, comme le rappelle si justement F. Burgat citant Derrida :
«L’on peut s’interroger sur le fait que le seul propre de l’homme dont on soit sûr, le
seul trait, qui, une fois passé au crible la
liste des propres de l’homme, ne saurait
en aucun cas être attribué à l’animal ou
au dieu, c’est la bêtise ou la bestialité».
Voilà donc l’animalité : la projection
d’une humanité horrifiée par sa propre
férocité ; ce qui doit être nié et promptement dompté par la loi morale. Mais,
paradoxalement l’animalité ne nous dit
rien de l’animal ; toujours elle nous renvoie à nous-mêmes : soit à notre humanité déchue (thématique de la chute) ;
soit, au contraire à une part de nousmêmes que nous aurions perdue et qui
serait ce noyau originel et bon puisque
naturel, vierge de tous les artifices et
les défigurations que nous impose la
vie en société (on aura reconnu un des
thèmes rousseauistes). Cette animalité
heureuse - que l’on se figure comme
telle - renvoie à l’ordre du besoin, facilement contenté, à un bonheur confondu
avec la simple satisfaction organique.
Dans les deux cas, l’animalité est ce détour au moyen duquel l’humanité tente
de s’appréhender et de se comprendre ;
elle n’est jamais pensée en elle-même et
pour elle-même. Longtemps l’animal a
fait figure d’impensé de la philosophie
; son exclusion a été totale jusqu’à la
souffrance qui lui a été déniée…
Douleur animale
et souffrance humaine
L
a dévalorisation de l’animal,
bibliquement établie, s’est trouvée confortée par le cartésianisme qui marque pourtant l’entrée
dans la période moderne. En effet, on
doit au mécanisme cartésien l’élaboration de la célèbre théorie de l’animalmachine qui réduit l’animal à n’être
qu’un assemblage d’os, de nerfs et de
muscles, parcourus en tous sens par
«les esprits animaux» qui commandent
le mouvement et la sensation. Mais,
dépourvu de toute pensée, l’animal ne
sait pas ce qu’il sent ; conséquemment
on ne peut dire qu’il souffre. Il a une
sensation douloureuse : c’est que la
douleur n’engage que la sensorialité là
où la souffrance implique une dimension cognitive et réflexive ; la douleur
«se sent» ; la souffrance se «ressent».
La douleur n’affecte que telle ou telle
partie d’un corps, alors que dans la
souffrance, c’est mon être tout entier
qui se trouve impliqué, engagé ; la
souffrance se donne donc comme une
expérience existentielle , au travers de
laquelle c’est notre rapport au monde
qui se trouve modifié, altéré. On voit
donc ici comment ce qui aurait pu être
le lieu d’une expérience commune,
se trouve au contraire l’instrument
permettant de redoubler la coupure
anthropo-zoologique, comme celui
permettant de disposer à sa guise de
l’animal, de le mutiler, le torturer sans
culpabilité aucune.
Dans le premier chapitre de Liberté et inquiétude de la vie animale,
F. Burgat montre par quelles voies l’on
peut tenter de sortir de cette surdité
philosophique. C’est à la phénoménologie, particulièrement aux travaux
de Merleau-Ponty qu’elle emprunte sa
théorie de la corporéité, et avec elle,
les analyses portant sur l’organisme et
le comportement, le tout enrichi par
les données éthologiques.
Les animaux évolués semblent éprouver cette cassure existentielle que
cause l’expérience de la douleur. Le retrait, la prostration, la recherche d’un
lieu où se cacher, ne sont-ils pas les
indices que pour eux aussi un rapport
au monde, aux congénères, s’altère ;
que le monde même s’abolit ? Le vécu
de ce type d’expérience ne les conduitil pas à éprouver de la détresse, voire
de l’angoisse - concept que l’on peut
«ouvrir» en le débarrassant de son
sens métaphysique qui veut que
l’angoisse figure ce moment où nous
rencontrons notre finitude et notre
contingence radicale que l’on peut
alors accorder à l’animal souffrant, qui
sent la mort l’approcher, sans avoir à
sa disposition de quoi symboliser cette
expérience et qui la vit comme absolue
dissolution ? Rupture de tout lien, y
compris de celui qu’il entretenait avec
son propre corps ?
L’Animal existe-il ?
D
épossédé de tout, l’animal se
voit refuser la notion d’existence même ! C’est qu’exister,
du latin ex-sistere qui signifie littéralement se tenir hors de soi, implique
l’idée d’une séparation de soi, réservée à une conscience réfléchie, seule
capable de produire ce retour sur soi
que l’on nomme traditionnellement
«réflexivité». C’est sur cette idée d’une
séparation de soi, d’une distance
maintenue entre le Je et le Moi ; le soi
et le soi-même, que les différents courants existentialistes, particulièrement
l’existentialisme sartrien, à la suite de
Heidegger, vont présenter la situation
de l’être humain comme étant celle
d’un être-jeté-dans-le-monde, ne
trouvant aucun sol originaire sur lequel se fonder - ce que Sartre appelle
notre «radicale contingence» - ni un
sens vers lequel s’orienter. Rien de
tel, évidemment chez l’animal, défini
comme «simple vivant». L’animal vit,
mais n’existe pas. Cette non-existence
le conduit à évoluer dans son milieu
auquel il adhère, dans une immanence
étale «comme de l’eau à l’intérieur de
l’eau» pour reprendre l’image empruntée à Georges Bataille dans Théorie de
la religion. Mais ce rejet de l’animal
dans la vie - la vie nue, réduite à un
ensemble de processus biochimiques de même que la scission que l’on veut
à tout prix instaurer et maintenir entre
vie et existence, apparaissent bien
plutôt, au terme de cette analyse
comme de simples postulats que
l’humanisme et la rationalité technicienne triomphante ont imposés pour
disposer de ce «simple vivant» et s’en
servir à ses propres fins.
Car, enfin, rien dans les sciences de
l’animal ne vient corroborer ces affirmations ! Bien au contraire, l’éthologie,
depuis les études de Konrad Lorenz et
celles de von Uexküll sur les mondes
humains et les mondes animaux, ont
précisément montré que l’animal disposait d’un monde - entendu comme
espace dans lequel, pour chaque
espèce, se constituent des éléments de
signification, que l’animal décrypte, et
auxquels il adapte son comportement.
Ainsi donc l’animal - du moins pour
les espèces évoluées - peut être dit
«sujet» de ses propres expériences.
Et la notion même de comportement,
si magistralement analysée par
Merleau-ponty doit ici être invoquée,
si l’on veut mettre un terme à notre
misère anthropocentrique. Le comportement animal n’est pas réductible
à un schéma stimulus/réponse ; il n’est
pas cette réponse instinctuelle qui
3
n’engagerait qu’un plan physiologique.
Il laisse apparaître, au contraire, une
possibilité de choix, donc de liberté même restreinte - Il révèle par exemple
que l’objet susceptible de procurer de la
satisfaction peut conduire l’animal à la
trouver dans un leurre. Mais, précisément, cette possibilité de se leurrer, loin
d’être le signe d’une imbécillité, figure
au contraire la capacité à halluciner
l’objet, à le fantasmer. Or, ici, s’effectue
probablement un passage qui est celui
du pur instinct au symbolique, au travers duquel l’objet devient signe. Mais
si l’objet peut devenir signe, cela signifie que l’organisme lui-même entretient
une relation symbolique à l’objet. La
rupture ontologique majeure se situerait donc non pas entre l’animal et l’humain, mais bien plutôt entre le végétal
et l’animal !
La philosophie
à l’épreuve de l’animalité
C
’est donc à une véritable déconstruction de notre édifice
philosophique que la question
de l’animalité conduit. Ce sont les notions de conscience, de sujet, de désir,
de représentation, pour ne citer que les
plus importantes qu’il faut reconsidérer. Ainsi être conscient ne signifie-t-il
que savoir et savoir que l’on sait ? N’y
a-t-il qu’un seul mode de conscience ?
Le sujet implique-t-il nécessairement
l’idée d’un sujet rationnel et raisonnable avec pour corollaire celle d’une
maîtrise du monde ?
Le philosophe Jacques Derrida (dans
un texte déjà cité) voyait dans la raison
instrumentale dont nous nous enorgueillissons «la mise en place d’une
structure sacrificielle, c’est à dire une
place laissée libre pour une mise à mort
non criminelle» ce qui revient à dire,
qu’ainsi entendu «le sujet est un dispositif mortifère».
Il faut réinventer le sujet, ne serait-ce
que pour donner des droits aux animaux, et faire en sorte que désormais
l’on ne puisse plus rien trouver dans
l’arsenal conceptuel de la philosophie
qui nous permette de les massacrer
«tranquillement», comme si de rien
n’était, fût-ce au nom d’un «art» ou
d’une tradition. On le voit, la question de l’animal, loin d’être une question marginale, exotique, apparaît au
contraire comme une question cen-
trale, primordiale dont l’enjeu nous
semble double : changer notre regard
sur l’animal, ce lointain prochain…
Lui accorder notre respect et notre
protection avant que le désastre
écologique auquel nous assistons
sonne la fin de notre espèce.
Empêcher que le discours philosophique lui-même ne se fasse l’allié et
l’instrument de ce désastre.
Et se rappeler que, comme le dit
Jean-Christophe Bailly, dans un livre
magnifique, Le versant animal (Bayard,
2007) «il n’y a pas de règne, ni de
l’homme, ni de la bête, mais seulement
des passages, des souverainetés furtives, des fuites, des rencontres». Nous
ne serons jamais sûrs de pouvoir nous
comprendre, ni même nous rencontrer
tant, entre l’homme et l’animal deux
nuits se mêlent… Nous nous tenons
sur des seuils mouvants, fragiles, d’une
absolue et poignante beauté….
Mais nous savons, ou devons savoir,
maintenant, que l’animal, sauvé, restauré dans son existence comme dans
sa dignité, est l’avenir de l’homme.
nnn
Surpris - Henri Rousseau dit Le Douanier 1891
4
LETTRE KIRGHIZE
par Thierry Mauger
Professeur à L’Université Ouverte
E
Le voile du Prophète
n 2009 à l’Université Ouverte, Thierry Mauger consacrait un séminaire
à l’Arabie Saoudite traditionnelle (L’Arabie des origines). Un cours était
consacré à l’iconoclasme saoudien. On a souvent répété que l’islam interdisait la représentation figurée. Le Coran n’interdit nulle part l’image. Il rejette
seulement les ansab (pierres dressées, bétyles, stèles ou encore idoles). C’est
dans les hadiths (les paroles rapportées du Prophète) qu’on trouve des interdictions de la représentation d’êtres animés. En Arabie Saoudite, tous ces problèmes liés à la représentation sont dus au wahhâbisme qui est un mouvement
sectaire né en Arabie au XVIIIème, une forme d’islam pur et dur dont se revendiquent les salafistes et les talibans. Tout le monde garde à l’esprit les caricatures
danoises du Prophète reprises par Charlie Hebdo. C’est tout le problème de la
liberté d’expression qui fut alors l’objet d’un débat virulent.
En passant de l’Arabie Saoudite au Kirghizistan comme nouveau terrain de
recherches, objet d’un séminaire programmé pour l’année 2012-2013, Thierry
Mauger a été frappé par la différence d’attitude à l’égard des images entre les
deux pays. Bien qu’islamique et de rite sunnite (comme l’Arabie Saoudite) pour
la plupart de ses habitants, le Kirghizistan ne manifeste aucune hostilité à l’endroit des images et c’est cette première constatation dont il fait part à une amie
art-thérapeute, Chantal G…, qui accompagne des enfants retardés mentalement dans la représentation de figures humaines par le dessin.
Lettre Kirghize
Bonjour Chantal,
Ma première surprise, après l’Arabie Saoudite, c’est que le problème de l’image et
de la photographie ne se pose plus dans l’islam centrasiatique. Non seulement les
Kirghiz se laissent photographier, mais ils sont ravis d’être saisis sur de la pellicule.
Et les images pullulent sur les façades des tombes dans les cimetières musulmans,
au grand dam des imams formés à l’école wahhâbite des Saoudiens.
Une telle présence iconique remonte sans doute aux Mongols. Je me souviens de
mes recherches à l’École des Hautes Etudes en Sciences Sociales sur “le problème
de l’image dans le monde islamique ”. Entre les séries des miniatures “ottomanes”
et des miniatures “mongoles” du Musée de Topkapi, on note que celles-ci représentent le Prophète et les femmes le visage découvert alors que celles-là les voilent.
Ces deux séries correspondent à des substrats culturels différents. Dans les miniatures “mongoles”, les personnages ont le type mongol, notamment le Prophète,
mais les traits des visages sont indifférenciés, ce qu’André Papadopoulo appelle
une typologie esthétique. L’explication est simple ; les Mongols se sont ralliés rapidement à l’islam, vers le XIIIème siècle, mais avec une forte tradition bouddhique
derrière eux où l’image occupe une place centrale, elle-même apportée par les
Grecs d’Alexandre Le Grand.
L’image nous détourne-t-elle du sacré ou nous y conduit-elle ? Pour les sunnites
orthodoxes, Mahomet est un homme ordinaire qui ne se différencie des autres que
par le fait d’avoir été choisi par Allâh pour transmettre son message. On relève
du même coup la contradiction : si Mahomet est un homme ordinaire, pourquoi
s’interdirait-on de le représenter ? En voilant son visage, l’artiste l’incarne d’une
façon qui le distingue des autres mortels. Figure paradigmatique de l’anonymat, il
acquiert du même coup l’expression divine la plus radicale !
«Mon vrai visage est dans les livres»
disait Henri Michaud. «Qui veut voir le
prophète doit regarder le Coran». Une
telle affirmation vise à transformer le
corps physique du Livre Saint en texte.
En d’autres termes, le mystique rejoint
le Prophète dans le corps même de la
textualité du Coran qui est le miroir du
Prophète ; l’aspect physique de celuici n’a plus aucune pertinence, il n’y a
plus lieu de chercher le type idéal de
l’homme, une façon de barrer l’accès à
toute représentation idolâtre. Et le tour
est joué.
Mais il y a plus fort puisque le fondateur de la secte des Hurufis reconnaissait sur le visage les lettres du nom
d’Allâh et voyait là une preuve de la
présence du divin dans l’homme. C’est
ainsi que l’artiste américaine Christina
Varga a créé en 2001 un portrait néobyzantin de Mahomet avec de la calligraphie arabe à la place du visage.
Avec mes amitiés.
Thierry
Le problème est d’actualité en 2006 avec les
publications des caricatures du Prophète qui
provoquèrent une levée de boucliers dans le
monde islamique.
nnn
5
LA LECTURE A VOIX HAUTE
Par Sophie Rismont
Stagiaire à l’Université Ouverte
Enquête sur la pratique de la lecture à voix haute, autour d’une association, «Les Mots Parleurs» à Paris, et un
lieu, «Liber and Co» à Belle-Ile.
Pour donner à voir et à entendre l’écriture, Valérie Delbore, rejointe rapidement par Carole Bergen, crée «Les Mots Parleurs»
en 1997. Toutes deux comédiennes, elles se produisent notamment au théâtre de l’Odéon et depuis peu, à l’hôtel Lutétia.
Entre les formations à la lecture à voix haute qu’elles proposent aux adultes, les interventions dans les collèges et lycées, les
centres sociaux et les hôpitaux, elles sont au 450e texte lu, une seule fois.
Pourquoi avoir choisi la lecture à voix haute ?
En tant que comédiennes, nous avions envie de nous dégager du visuel, très prégnant au théâtre, pour travailler plus
intensément sur l’architecture, le rythme et les silences d’un texte, sur la résonnance des mots dans le corps, plutôt que
sur l’interprétation. Nous rapprocher de l’essence de l’écriture nous a permis de retrouver une respiration commune avec
le public, que nous avions perdue.
Mais comment passer de la lecture pour soi à la lecture pour d’autres en éprouvant le plaisir d’échanger ?
Quand nous lisons à voix basse, nous ne jouons pas des personnages, nous les imaginons. En lisant à voix haute, nous
essayons de retrouver cette voix intérieure pour restituer au plus juste l’écriture d’un auteur et la rendre limpide, intelligible. C’est après une phase d’appropriation du texte que nous partageons ces mots qui traversent nos corps en les faisant
vibrer. Notre objectif n’est pas tant de raconter une histoire gravée dans notre mémoire, comme le ferait un conteur avec
ses propres mots, mais de mettre en valeur l’écrit, de donner à entendre son souffle interne et de permettre au public de
déployer ses propres images.
Comment donner à entendre et à voir un texte ?
Nous nous sommes interrogées sur la façon la plus juste de faire entendre un texte et sur la représentation à laquelle nous
aspirions, car la lecture à voix haute devant un public - qu’il y ait cinq, dix ou cent personnes - est une représentation. Au
tout début, assises sur des tabourets hauts, le texte à la main, nous lisions en nous adressant au public, en interprétant les
dialogues, comme savent le faire des acteurs. Après réflexion, nous avons fait le choix de lire debout, derrière un pupitre
pour effacer toute séduction et recherche d’adhésion du public par le regard. Nous tentons ainsi de restituer le plus justement possible ce que nous avons sous l’œil : la ponctuation, les blancs, le rythme de l’écrit, le dessin que fait un texte, la
typographie.
Malgré cette tentative d’effacement, nous nous sommes rendu compte que nos corps étaient très présents. Nous avons alors
travaillé sur les quelques mouvements nécessaires à une lecture : ceux de l’œil qui prend en compte la ponctuation, ceux
du ventre qui respire et ceux de la bouche qui prononce les mots. Avec les temps imposés par l’écriture, nos corps entrent
dans une sorte de mouvance permanente qui, par moments, laisse place au silence. Avec les silences se crée un espace qui se
dilate ou se réduit selon la perception que nous avons de ces temps. Nous ressentons dans nos corps le rythme de l’écriture.
Proust, Flaubert, Duras, Volodine, Sylvie Germain… nous donnent un plaisir très particulier à les lire.
Comment expliquez-vous cet engouement actuel, alors que le plaisir de lire décline ?
Actuellement, il y a un trop plein d’images. Les images imposées sont certes belles, faciles d’accès, mais elles ont tendance
à devenir académiques, conventionnelles. Avec la lecture à voix haute, chaque personne a à nouveau la possibilité de créer
ses propres images et sa propre évocation.
Quel est ce public ?
Des personnes qui n’ont plus le temps de lire et qui voudraient se redonner l’envie de lire. Les grands lecteurs n’appartiennent pas à ce public, parce qu’ils sont en parfaite harmonie avec leur voix intérieure et n’aiment pas que quelqu’un
intervienne dans leur cheminement de lecture. Notre public est composé essentiellement de femmes qui, lorsqu’on leur
raconte une histoire, semblent moins craindre que les hommes de retomber dans un état d’enfance. Mais cela a tendance à
changer. Pour le jeune public, nous réduisons la durée, mais ne changeons pas notre façon de lire. Et cela marche. Même si
nous faisons le choix de ne pas montrer d’images, les enfants sont tout à fait capables de créer les leurs. Beaucoup de jeunes
ne lisent plus pour de multiples raisons et entre autre parce que, pour eux, la lecture est faite pour ingurgiter et accumuler
des connaissances. Ce n’est pas cela la lecture. Il y a une confusion, héritée des siècles précédents et liée à l’école : celui qui
lit est celui qui a la connaissance, c’est l’homme privilégié. Tant que l’école ne cassera pas cette dimension hiérarchique, on
ne parviendra pas à libérer l’écrit et le livre et à redonner du plaisir à lire.
La lecture à voix haute permet-elle d’œuvrer à cette libération ?
La France est le pays qui édite le plus de livres dans le monde. La langue française a une très belle sonorité. Sa complexité
et sa subtilité permettent de donner magnifiquement, en une seule phrase, le tout et son contraire. Au cours de notre
travail technique, nous avons redécouvert sa grande musicalité, ses accents formidables, ses voyelles qui se placent différemment dans le palais, ses nasales, ses percutantes, ses dentales, ses longues, ses brèves, ses doubles consonnes. C’est un
plaisir de dire juste, de réapprendre à parler cette langue telle qu’elle s’écrit, dans ses sonorités, dans ses trésors de douceur.
6
Un «l» adoucit tout. La prononciation
fait image, image du mot. Quel plaisir
de dire papillon, si on le prononce bien,
il s’envole tout de suite.
«La Maison des Livres»
En 2004, Bénédicte Liber crée avec son
mari, Jean-Pierre, un lieu «Liber and
Co, La Maison des Livres», autour de
la lecture à voix haute, avant d’ouvrir
le lieu à des rencontres d’écrivains et de
lecteurs. «Nous voulions qu’il se développe autour de la littérature passée par
la voix des autres», dit-elle. «Pourquoi
discuter d’un texte, si nous ne goûtons
pas sa sonorité, sa musique ?» Françoise
Sagan pouvait, quand on lui lisait un
texte à voix haute, reconnaître l’auteur,
à la musique de son écriture.
Pour vous la lecture à voix haute
est-elle un partage ?
C’est plus qu’un partage, c’est une communion. Entendre ensemble la voix
est une expérience très forte qui nous
fait entrer dans une sorte d’union
commune. Aharon Appelfeld dit que
«la littérature est la prière perdue».
Denis Podalydès, à la lecture d’un passage d’A la recherche du temps perdu,
reste «bouche bée devant l’extrême
concomitance de ce qui est écrit et de ce
qui jusqu’à présent m’a paru indicible,
trop intimement enfoui dans les sensations les plus confuses, effraction brutale de ma propre intériorité, et dévoilement soudain de l’humaine condition».
Pourquoi avez-vous fait le choix de
lire Proust pendant 2 ans ?
Ce texte s’intéresse tellement à l’âme
humaine qu’il nous rejoint, nous les
lecteurs, les écoutants. Il est d’une
vérité profonde, d’une force, d’une authenticité dont je n’étais pas à ce point
consciente avant de l’avoir écouté. Ce
voyage à l’intérieur d’une sensibilité et
d’une société est enrichissant, parce que
la société évolue avec certains codes qui
ne changent pas, car ils sont le fait des
hommes. Il y a des moments tellement
pleins d’humour, de justesse, d’émotions, de poésie, de réflexion philosophique, même si parfois, on a le droit
de s’endormir en l’écoutant.
La lecture silencieuse ne produirait-elle pas le même effet ?
La lecture à voix haute est le grand
complément de la lecture silencieuse
LE PISTACHIER LENTISQUE
DE GHISONACCIA
S
Par Hugette Boudeau
Stagiaire à l’Université Ouverte
ur une parcelle de maquis qu’elle nettoie, Elise Inversin, met à jour un arbre,
enfoui sous un amas de gravats et de déblais. A demi asphyxié, vigoureux malgré tout, libéré, il s’épanouit et se développe. C’est un pistachier lentisque, qui
échappe, à quelque temps de là, au feu qui menace le village.
Probablement le plus vieil arbre de Corse. (On estime qu’il a entre 800 et 1000 ans),
sélectionné par concours, “Arbre de l’année”. Il reçoit le label “ARBRE REMARQUABLE”, décerné par l’Association A.R.B.R.E.S. que préside Georges Feterman.
Dans la campagne corse aux printemps odorants,
Sous un tas de gravats, ignoré, misérable,
Il tendait vers le ciel des rameaux implorants.
Allait-il périr là, étouffé, lamentable?
Elise le découvre, s’acharne à le sauver.
Dégagé des déblais, épargné par le feu,
Au lieu-dit de Gattone, sa forme retrouvée,
Il se laisse admirer, tranquille et vigoureux.
Témoin depuis des siècles des remous de l’Histoire,
Il était déjà là quand Bonaparte est né.
Dans son havre de paix, insensible à la gloire,
Il vit des jours heureux, en un lieu protégé.
Entre les hommes et lui, c’est une histoire d’amour,
Le PISTACHIER LENTISQUE, silhouette vénérable,
C’est l’ARBRE DE L’ANNÉE, désigné par concours,
Labellisé depuis comme ARBRE REMARQUABLE
qui, bien sûr, ne peut pas être évitée, dans la mesure où elle est notre premier
contact avec le texte. Nous, lecteurs, habités par le texte, nous découvrons que
le texte de Proust lu à voix haute a un souffle, alors que celui qui l’a écrit, était
asthmatique. L’œuvre de la Recherche est autant une œuvre de l’émotion que de
l’intellect et cette émotion passe par nos sens, par la voix qui traverse nos corps.
Le temps est le thème central de cette œuvre. Ce temps qui a fui, nous le revivons
avec la lecture à voix haute, comme une traversée du temps.
Pour lire à voix haute est-il nécessaire de se mettre en retrait ?
Lire à voix haute n’est pas une performance théâtrale. Lecteurs, nous cherchons à
nous mettre au service du texte pour retrouver la vibration de l’écriture. Adopter
l’attitude juste est un cheminement et favorise l’ouverture, le partage. Cette expérience très fédératrice nous fait en effet évoluer personnellement et crée quelque
chose qui nous relie les uns aux autres. C’est presque religieux au sens littéral du
terme. La lecture silencieuse, si elle est plus personnelle, si elle est une rencontre
intime entre l’écrivain et son lecteur, reste néanmoins inestimable. Pour moi il n’y
a pas de littérature sans partage. Jean-Pierre et moi, nous nous sommes rencontrés autour de la poésie et avons toujours lu à voix haute et avons toujours partagé
des livres. Ce lieu voué à la littérature est né de cette passion pour le partage
des mots. Belle- Ile, terre d’une grande intensité physique, terre de solitude et de
partage, composantes de tout art, est aussi un carrefour de cheminements qui a
permis la naissance de ce projet.
Article paru en juillet 2012 dans «La Grande Oreille»,
LA REVUE DES ARTS DE LA PAROLE.
Valérie Delbore - Tél. : 06 12 08 66 66 - www.motsparleurs.org
Bénédicte Liber - Tél. : 02 97 31 82 41 - www.liberandco.com
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ROMAN
Milena Agus
Amour, famille et
ricotta
Editions LIANA LEVI
En quelques pages, la
romancière sarde, Milena
Agus, conjugue avec légèreté, amour, famille, drame
et fantaisie. Trois sœurs,
Maddalena, Noémie et
Ricotta, descendantes d’une
famille noble ruinée, occupent 3 appartements dans
le palais familial dont elles
ont hérité. Palais situé au
cœur de la ville de Cagliari et
qui a été vendu à la découpe
en huit appartements. Des
trois façades du palais, les
comtesses n’en possèdent
plus que deux, dont une très
délabrée. C’est un palais qui
a connu la splendeur, que
les balustrades et les statuts
de la façade principale rappellent. Trois sœurs, dont
l’appartement de chacune
reflète le caractère et la vie.
Les trois sœurs ne s’appellent
pas réellement de Ricotta.
C’est la cadette que l’on
appelle ainsi, parce qu’elle
est maladroite. Elle a «des
mains de ricotta» (fromage
blanc et mou), et que la réalité de la vie blesse son cœur
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«de ricotta», lui aussi. Séparée de son mari, elle élève
seule un drôle de petit
garçon, Carlito, qui porte des
lunettes de plongeur et que
l’on pourrait croire légèrement attardé. Il révèle
cependant un don pour la
musique. Ricotta n’a d’yeux
que pour son beau voisin
qui habite derrière le mur.
Mur sur lequel elle grimpe
souvent ! L’appartement de
Maddalena est torride. Elle
adore son mari Salvatore !
Leur complicité amoureuse
est totale. Oui mais voilà,
malgré leur amour ardent
ils ne peuvent avoir d’enfant.
Certaines scènes qui se déroulent chez Maddalena sont
d’un érotisme exubérant…
Au dernier étage habite
Noémie, l’aînée. Elle est
sèche, sérieuse et sans grâce.
Elle exerce le métier de
magistrate et ne pense qu’à
racheter ce qui a été vendu.
Elle conserve jalousement
les meubles et la vaisselle de
famille. Elle ne se croit pas
douée pour l’amour, jusqu’à
ce qu’apparaisse Elias, le
neveu de la nounou, un beau
jeune homme venu de la
campagne pour restaurer la
façade. Noémie va découvrir l’amour, la Sardaigne et
sacrifier meubles et vaisselle.
Il y a aussi une nounou qui
travaille gratuitement, depuis toujours pour la famille.
Au travers de cette nounou,
l’auteur remonte l’histoire
familiale, de mère en filles
et par touches légères nous
dévoile des secrets. La Sardaigne, avec son ciel limpide,
la mer bleue, ses fleurs, ses
senteurs est le cadre enchanteur de ce roman. C’est drôle,
poétique, parfois délicieusement saugrenu, le drame
et la comédie s’y mêlent
allègrement.
ROMAN
Nadeem Aslam
La vaine attente
Editions ACTES SUD
«La vaine attente», second
roman de Nadeem Aslam, né
en 1966 au Pakistan, est un
voyage historique et intime
au bout de la nuit Afghane,
des années 70 à nos jours :
guerre russo-afghane, guerre
civile, arrivée au pouvoir des
Talibans ...
C’est un récit à tiroirs, avec
allers et retours incessants
entre le passé - à travers
les souvenirs - et le présent
que vivent les principaux
personnages : Lara, venue
de Russie, David des USA,
Marcus, d’origine anglaise,
mais installé depuis des
dizaines
d’années
en
Afghanistan qu’il a adopté
en épousant Quirina et sa
culture. Tous trois se rencontrent dans la maison
de Marcus, avec leur passé
et le désir de retrouver la
trace de chers disparus : un
frère pour Lara, un petit fils
pour Marcus, que recherche
aussi David, jadis épris
de sa mère Xiamen ; destins étrangement liés,
dans une vaine attente.
L’auteur porte un regard
assez désespéré sur le pays
affaibli par des conflits tribaux, enjeux géopolitiques
entre les deux Grands ;
il nous fait plonger dans
l’enfer : enlèvements, tortures, attentats terroristes,
espionnage, contre espionnage... Mais Nadeen
Aslam évoque aussi, dans la
langue chargée de parfums
et de couleurs d’un conte
oriental des Mille et une
nuits, la poésie et la beauté
des paysages et des oeuvres
d’art que symbolise la maison de Marcus, îlot de résistance contre les assauts
de la barbarie : la maison
se dresse au bord d’un petit
lac ; bien qu’endommagée
par des guerres successives,
elle donne toujours une
impression de sculptures
délicates, d’extraordinaire
légèreté ; les fresques sur
les murs, les livres cloués
au plafond pour échapper
aux talibans, la tête souriante du Bouddha enfouie
dans le jardin en font un
lieu magique.
Ce livre passionnant et
bouleversant nous aide à
appréhender la complexité
de la question afghane ;
il s’en dégage une philosophie amère : la fragilité des
liens humains, de la raison,
de l’amour, de l’art, face à
l’ignorance, au fanatisme,
et à la cruauté.
nnn
Publication de l’Université
Paris-Diderot-Paris 7
Directeur de la Publication
André Klier
Coordination : Jean-Paul
Dubiez - Sophie Rismont
Maquette : Rita Leys
Imprimeur : Newworks
Tiré à 1200 exemplaires
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