2LibreCours • MAGAZINE DE L’UNIVERSITÉ DE NAMUR • N° 90 / DÉCEMBRE  2013
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SOMMAIRE
DÉCOUVRIR
Génétique
Décryptage d’un monde sans sexe .............. 2
Namedic
Un nouveau centre de recherche au 
service de la santé.................................................... 3
Cosmologie
À la recherche de poussières dans les 
rouages de la relativité ......................................... 3
Économie du développement
Un projet pour 35 chercheurs mobiles ...... 3
Déjouer la pollution 
électromagnétique
Avions mieux sécurisés, 
microélectronique plus effi
 cace...................... 4
Écologie
Des cours d’eau remis à neuf ! ........................ 4
Recherche appliquée au service 
de la réglementation
Développement durable des 
nanotechnologies..................................................... 5
Enquête
Accros à internet ? ................................................... 5
Nouveau chercheur qualifi
 é FNRS
Entre lumière et matière…  ............................... 5
Centre naXys
Du neuf pour la compréhension de 
Mercure ! ........................................................................ 6
Recherche exploratoire
Quelle acceptabilité sociale pour les 
technologies de la surveillance ? .................... 6
TRANSMETTRE
Chimie
Rendez-vous mondial 
des nanomatériaux .................................................. 7
Conférence internationale
Les accélérateurs passent à la vitesse 
supérieure ..................................................................... 7
Littérature et société
Traces du totalitarisme .......................................... 8
Pédagogie
Réussir sa 1re année ................................................. 9
DIALOGUER
Europe
Nuit des chercheurs ..............................................10
International .............................................................. 11
Parcours d’ancien
Deux informaticiennes, une entreprise, 
une variété de fonctions ....................................12
UNE UNIVERSITÉ, 
DES VISAGES .............................................. 13
UNE UNIVERSITÉ, 
DES ÉVÉNEMENTS .............................. 14
GÉNÉTIQUE
Décryptage d’un 
monde sans sexe
POURQUOI LA REPRODUCTION 
SEXUÉE A ÉTÉ SÉLECTIONNÉE ?
La reproduction sexuée est communément 
reconnue comme le mode de reproduction 
dominant dans le monde animal. Elle favorise 
la diversité d’une espèce par le brassage du 
matériel génétique des différents individus y 
appartenant et permet à une espèce de pou-
voir continuer de survivre dans un monde en 
perpétuel changement. L’abandon de la re-
production sexuée empêche tout organisme 
de pouvoir continuer à développer des com-
binaisons génétiques favorisant sa survie à 
long terme. La reproduction sexuée présente 
également l’avantage d’éliminer les mutations 
délétères qui peuvent s’accumuler lors des mul-
tiples divisions cellulaires. Lors de la fabrication 
des gamètes, les chromosomes homologues 
(d’origines paternelle et maternelle) de la cel-
lule doivent s’aligner face à face. Un processus 
cellulaire permet ensuite d’obtenir de nouveaux 
chromosomes contenant un mélange aléatoire 
de gènes d’origine paternelle et maternelle. Si 
un gène paternel était initialement défectueux, 
il pourra éventuellement être remplacé par le 
gène maternel qui était fonctionnel sur le chro-
mosome homologue. En l’absence de sexe, 
toute mutation acquise ne peut être réparée et, 
au fi l des générations, le génome accumulant 
les mutations dégénère. Ainsi, l’abandon du 
sexe chez les animaux a été considéré comme 
un cul-de-sac évolutif par les scientifi ques.
SCANDALE DANS L’ÉVOLUTION : 
UN MONDE SANS SEXE !
Cette hégémonie du sexe dans le monde ani-
mal fut cependant mise à mal par la découverte 
des rotifères bdelloïdes. Ces organismes pluri-
cellulaires à peine détectables à l’œil nu sont 
communs à la surface du globe et habitent 
les habitats éphémères, comme les mousses 
et les lichens, ou d’autres habitats extrêmes, 
comme sur les glaces de l’antarctique. Parmi 
les centaines d’espèces observées aujourd’hui, 
les scientifi ques ont pu mettre en évidence une 
absence totale de mâles dans des populations 
de femelles qui se reproduisent sans féconda-
tion. Ce mode de reproduction asexué, appelé 
parthénogenèse, avait déjà été observé chez 
certaines espèces de lézards ou de poissons, 
mais il était généralement ponctuellement in-
terrompu par des cycles sexués. La découverte 
de fossiles vieux de quarante millions d’années 
ne permit pas de trouver de mâles chez les 
bdelloïdes. L’hypothèse d’une asexualité an-
cienne chez les rotifères bdelloïdes allait ainsi 
rester, jusqu’à aujourd’hui, un mystère pour 
les scientifi ques qui qualifi èrent ces derniers 
de « scandale de l’évolution ».
QUAND GÉNOME ET SEXE NE 
SONT PLUS COMPATIBLES !
L’énigme des bdelloïdes vient aujourd’hui d’être 
résolue par le séquençage complet du génome 
d’une espèce de bdelloïde, Adineta vaga, grâce 
à un projet international initié il y a cinq ans par 
Karine Van Doninck, jeune professeure à l’Uni-
versité de Namur, en collaboration avec Olivier 
Jaillon du Genoscope. Les chercheurs ont tra-
qué les signatures de présence ou d’absence 
de sexe à l’intérieur même du génome dont 
les résultats sont aujourd’hui publiés dans la 
prestigieuse revue scientifi que Nature.
Durant son postdoctorat à l’Université de 
Namur, Jean-François Flot, biologiste et 
bioinformaticien, a réussi à mettre en évi-
dence une structure atypique de génome 
permettant de conclure à l’absence irréfu-
table de reproduction sexuée chez les bdel-
loïdes. « Chez Adineta vaga, on n’observe 
pas de similarités structurales complètes 
entre les deux chromosomes de chaque 
paire. Un chromosome donné peut même 
porter les deux versions d’un même gène ! » 
observe Jean-François Flot. « Cette struc-
ture particulière du génome est incompa-
tible avec l’étape de formation des gamètes 
permettant une ségrégation équitable du 
matériel génétique. C’est la première preuve 
génétique que les rotifères bdelloïdes 
sont asexués. Une première qui permettra 
peut-être d’identifi er d’autres organismes 
asexués » se réjouit Karine Van Doninck. 
Le modèle de réarrangement génomique 
trouvé lors de cette étude se retrouve dans 
2 à 3 % des cellules cancéreuses, confi rmant 
que ces réaménagements se font lorsque les 
cellules se divisent de manière mitotique.
VIVRE SANS SEXE OU LES 
PIRATES DE GÉNOMES
Si la structure du génome décodée a permis de 
confi rmer l’absence de sexe chez les rotifères 
bdelloïdes, il reste encore à comprendre com-
ment ceux-ci font pour survivre en l’absence 
de ce mode de reproduction. Le séquençage 
du génome permet déjà de fournir quelques 
pistes de réfl exion. Environ 8 % des gènes 
d’Adineta vaga proviennent de bactéries, de 
champignons ou de plantes. C’est de loin le 
pourcentage le plus élevé parmi tous les orga-
nismes actuellement séquencés. Adineta vaga 
aurait ainsi pu compenser l’absence de sexe en 
« piratant » des gènes d’autres organismes et 
en s’appropriant un arsenal génétique d’autres 
espèces. L’accumulation de mutations délé-
tères observée théoriquement chez les indi-
vidus asexués semble être ici fortement dimi-
nuée par un mécanisme appelé « conversion 
génique ». Par un processus encore non carac-
térisé, Adineta vaga est capable de corriger un 
gène sur base d’un gène similaire présent à un 
autre endroit du génome. La fréquence de ces 
corrections, dix fois supérieure au taux d’appa-
rition de mutations chez Adineta vaga, permet 
de conserver un génome fonctionnel.
RLC
Un consortium international codirigé par Karine Van Doninck de l’Université de Namur et Olivier Jaillon du 
Genoscope (France) a réussi à séquencer et à analyser le génome d’un rotifère bdelloïde. Ces organismes 
extraordinaires présentent des capacités de survie exceptionnelles à de nombreux stress (perte totale 
d’eau, radiations…) et ont abandonné la reproduction sexuée depuis des millions d’années. Les résultats 
de cette étude publiée dans la célèbre revue Nature révèle une structure génomique incompatible avec 
la reproduction sexuée ainsi que des stratégies pour éviter les conséquences délétères de l’asexualité.