page 4 Paul Sabatier — Le magazine scientifique — numéro 16
De nos jours, la miniaturisation est
omniprésente : voitures, hélicoptères, satellites,
calculateurs, mémoires, téléphones….
Aujourd’hui on commence à construire
des nano-machines dont les domaines
d’application concernent des disciplines telles
que la biologie, la physique, l’automatique…
En fait, il y a bien longtemps qu’artisans puis
ingénieurs s’évertuent à développer le savoir-
faire d’une réduction en taille des machines
pour nous faire bénéficier de ses avantages.
On s’émerveille encore du calculateur
astronomique d’Anticythère qui deux siècles
avant notre ère faisait entrer un système solaire
en miniature dans la maison du philosophe
grec Hipparchus. Il était fait d’une trentaine
d’engrenages en bronze chacun d’un diamètre
de quelques centimètres. Transmis par la
science arabe aux horlogers de la fin du moyen
âge puis revisités par un Blaise Pascal pour
sa machine à calculer mais aussi par les
amoureux des automates, ces mécanismes
miniatures ont longtemps tenu la technologie
des machines sans trop se voir réduire en taille.
La technologie monolithique inventée avec la
micro électronique a ensuite donné une
nouvelle impulsion à la miniaturisation des
dispositifs électroniques et mécaniques. Il est
devenu possible de fabriquer des engrenages en
matériaux solides d’un diamètre inférieur à
100 nm. Du coup, une nouvelle question est
apparue au début de ce siècle: à partir de cette
échelle peut-on encore fabriquer et faire
tourner des roues, assembler des trains
d’engrenage ou des machineries mécaniques
d’une taille encore plus petite ?
De plus en plus petit
Cette question intéresse bien sûr la technologie
des machines puisqu’il est généralement admis
que la réduction en taille d’une machine
permet d’en améliorer le temps de réponse ou
l’efficacité énergétique par rapport à une
grande sœur non miniaturisée. Cette question
interroge aussi les grands principes de la
physique comme le principe de superposition
de la mécanique quantique et le second
principe de la thermodynamique. On sait aussi
depuis le milieu des années soixante dix et
grâce aux travaux précurseurs de Paul Boyer
(Prix Nobel de chimie en 1997), que la Nature
a devancé cette question. En effet, certains
processus élémentaires de la vie d’une cellule
utilisent des machineries macromoléculaires
complexes en jouant sur des changements de
conformation d’assemblages de protéines
pour créer du mouvement.
Un mot nouveau est donc apparu dans
le vocabulaire scientifique :
« nano-machine ». Pour les uns, une nano-
machine est une machine dont la taille ne
mesure que quelques nanomètres. Pour
d’autres, une nano-machine est une machine
miniature dont les pièces élémentaires sont
fabriquées avec une précision de l’ordre du
nanomètre. Les six contributions de ce dossier
présentent des nano-machines répondant à ces
deux définitions et qui sont explorées dans les
laboratoires toulousains.
Des systèmes et des approches variées
A l’UPS, des équipes de biologistes ont disséqué
le fonctionnement de plusieurs nano-machines
du vivant à l’aide d’approches expérimentales
in vitro novatrices à l’échelle de macromolécule,
molécule unique. Ainsi, à l’Institut de
pharmacologie et biologie structurale (IPBS,
unité mixte UPS/CNRS), deux équipes
travaillent à élucider les mécanismes de
Les nano-machines
mécaniques
Constituées d’une molécule unique ou d’un ensemble complexe de molécules
parfaitement assemblées à l’échelle du nanomètre, les nano-machines
réalisent des fonctions analogues aux machines mécaniques de notre échelle.
Comprendre et maîtriser ces nano-machines est la motivation des chercheurs
toulousains dans de nombreuses disciplines telles la biologie, la physique ou
l’automatique.
dOSSIER
LES NANO-MACHINES
>>> Christian JOACHIM, directeur de recherche
CNRS au Centre d'Elaboration de Matériaux et
d'Etudes Structurales (CEMES, unité propre CNRS,
associée à l’UPS), Laurence SALOMÉ, directrice de
recherche CNRS à l’Institut de Pharmacologie et
Biologie Structurale (IPBS, unité mixte UPS/CNRS)
et Christophe VIEU, professeur à l’UPS,
au Laboratoire d'Analyse et d'Architecture
des Systèmes (LAAS, unité propre CNRS,
associée à l’UPS). © Cyril Frésillon/CNRS