L’économie,
bien plus qu’une
question d’argent.
Entreprendre autrement au Nord et au Sud
Trimestriel
Automne 2008
n° 122
Ed. Resp.: Raphaël Ernst, Autre Terre asbl, 4eavenue 45, 4040 Herstal – Bureau de dépôt: NSC Liège X - P 501015
Entreprendre autrement
C’est possible (P. 4)
C’est utile (P. 12)
C’est nécessaire (P. 23)
Cette publication est soutenue par :
2
terre n°122 • automne 2008
Coordination :
David Gabriel
Secrétariat de rédaction :
Geneviève Godard
Comité de rédaction :
Raphaël Ernst, David Gabriel,
Geneviève Godard, Quentin Mortier,
Xavier Roberti et Salvatore Vetro
Ont collaboré à ce numéro :
Berardo Abanto Cerna, Franck Ahouadi,
Nedda Angulo, Luigi Ciotti,
Stefania Collina, Thomas Diop,
François Greslou, José Lavezzi,
François Malaise, Claudia Marongiu,
Claudia Paggi, Riccardo Petrella,
Hervé Samyn, Georges Tabacchi
et William Wauters
Correction :
Cédric De Lievre
Photos de couverture :
C1 : Uliano Lucas - Negli Occhi
del lavoro, EGA Editore, Torino, 2007
C4 et illustrations campagne
«Entreprendre autrement» :
Agence graphique ISSEO.net
Création graphique :
Agence À3/Herstal
Impression :
Imprimerie Fortemps
Imprimé à 9.000 exemplaires sur
papier 45% labellisé FSC et
55% recyclé.
Toute reproduction, même partielle,
des textes et illustrations parus dans
le journal Terre est soumise à
l’autorisation préalable de l’éditeur
et/ou des ayants droits au copyright.
Rédaction :
4eavenue, 45 - 4040 Herstal
T : +32 (0)4 240 58 38
F : +32 (0)4 240 58 42
E : info@autreterre.org
W : www.autreterre.org
3
Édito
4
Entreprendre autrement,
c’est possible
6
Italie - Le Gruppo Abele
8
Belgique - Le Groupe Terre
10
Bénin - Envie Bénin
12
Entreprendre autrement,
c’est utile
14
Belgique - Le Groupe Cortil
20
Pérou - Association de
producteurs de San Marcos
23
Entreprendre autrement,
c’est nécessaire
25
Sénégal - Mutuelles de santé
communautaire
28
Belgique - Le Groupe
La Lorraine
31
Terre libre
Agenda
Sommaire
c’est
possible
utile
nécessaire
3
terre n°122 • automne 2008
Une société en mutation
Vers la moitié des années ’70, la troisième révolution
technologique nous amène les nouvelles technolo-
gies de l’information et de la communication. Celles-
ci vont bouleverser les rapports sociaux de produc-
tion et démultiplier la productivité du travail.
Elles engendrent une modernisation des équipements
et des procédés de production. Les travailleurs com-
mencent à manquer d’emploi (vu la mécanisation
croissante), ont besoin de requalification profession-
nelle et, bien entendu, de revenus pour participer à
la consommation.
Les employeurs ont quant à eux besoin de travail-
leurs flexibles et impliqués dans la lutte pour la com-
pétitivité au niveau mondial.
Le but est de conquérir des marchés en faisant la
promotion de la consommation. Le problème majeur
n’est plus de produire mais bien de vendre. Nous
assistons de ce fait à une manipulation des besoins
pour faire consommer tout ce que les entreprises
sont capables de produire
1
.
Vers un capitalisme sauvage :
le néolibéralisme
Comme ce nouveau modèle industriel repose davan-
tage sur l’accumulation de profits commerciaux que
sur l’extraction de la plus-value du travail, il faut pou-
voir produire à moindre coût et donc, ailleurs. De
cette manière, les pays de l’Est et du Sud sont invi-
tés à s’industrialiser par les grands groupes finan-
ciers avec, comme mode de fonctionnement écono-
mique, le néolibéralisme.
En substance, le néolibéralisme considère que l’État
ne peut être l’acteur central du développement
2
et
qu’il est préférable de s’en référer aux lois du mar-
ché : la libre compétition, la libre circulation des
biens, des services et des capitaux.
Il réduit donc le développement à une affaire de crois-
sance économique et provoque — principalement
dans les pays du Sud mais également chez nous —
différents effets pervers comme la rationalisation
édito
Entreprendre autrement
au Nord et au Sud
financière des États, la privatisation des activités
rentables du secteur public (ressources stratégi-
ques, communication, santé, éducation, pensions
de retraite,...), l’inscription dans des traités de libre-
échange (réduction des taxes douanières et donc
moins de protection des marchés locaux), etc.
Pour une autre économie
Ces évolutions ne cessent d’élargir l’emprise du
monde économique sur les autres domaines de l’ac-
tivité humaine. Il est donc important d’investir la
sphère de l’économie pour y faire valoir des princi-
pes différents des règles du marché présentées
comme objectives mais qui plombent, par leur appli-
cation, les avancées sociales gagnées de dures lut-
tes par les travailleurs de nombreux pays.
En nous immisçant dans le cadre économique, nous
pouvons proposer des alternatives au mode de fonc-
tionnement économique traditionnel et redonner une
place centrale à l’être humain ainsi qu’au respect de
son environnement.
Ce numéro montre, par les différentes initiatives
européennes et internationales qui y sont présentées,
que l’économie sociale et solidaire est possible. Il
souligne que ce fonctionnement est utile pour redy-
namiser un monde socialement en perte de vitesse
et qu’il est même bien souvent nécessaire face aux
besoins de plus en plus criants que vivent les popu-
lations aujourd’hui.
Plus que ça, cette appropriation du monde de l’éco-
nomie par des entreprises différentes concourt à la
mise en œuvre de réels projets de sociétés pour le
Nord et le Sud qui sont, eux, totalement absents
d’un modèle néolibéral uniquement orienté vers le
profit. I
David Gabriel
1. G. Bajoit : Le changement social, Approche sociologique des
sociétés occidentales contemporaines, col. Cursus, Ed.
Armand Colin, 2003.
2. G. Bajoit, F. Houtart, B.Duterme, Amérique latine, à gauche
toute ?, Ed. Couleur livres, CETRI, 2008, pp. 15-16.
Une campagne pour une autre économie
c’est
poss
terre n°122 • automne 2008
Les coopératives sociales réu-
nies au sein du consortium
«Abele Lavoro» poursuivent un
double objectif: concilier le bénéfice
économique et le bénéfice social tout
en misant sur la capacité de ceux qui
ont traversé des parcours jonchés de
difficultés.
Contre un pouvoir mafieux
C’est ce même état d’esprit qui a animé
les coopératives agricoles du circuit
«Libera Terra» qui ont vu le jour sur les ter-
res confisquées aux mouvements
mafieux. Des entités réelles qui donnent
du travail et de la dignité à de nombreux
jeunes, prouvant ainsi que la domination
imposée par les clans criminels n’est
pas un destin auquel il faut se résigner
ou avec lequel il faut pactiser. Elles témoi-
gnent d’un affranchissement économique
mais avant tout éthique et
social: le «pouvoir des
signes» s’oppose aux signes
du pouvoir mafieux.
Dans les pays du Sud
«Entreprendre autrement» a
également été possible dans
les pays du sud du monde.
Présent depuis des
années dans différents
pays africains, le groupe
Abele s’engage dans des
projets agricoles impli-
4
quant des personnes incarcérées ou
d’anciens détenus. Ces initiatives sont
menées au moyen de ressources limi-
tées mais qui peuvent améliorer la vie
de ces personnes ainsi que les
appuyer dans la construction d’un par-
cours de dignité et d’espoir.
Seul le «nous» peut
promouvoir le changement
Il est donc possible d’entreprendre
autrement: nous avons tenté de le
démontrer ensemble, avec tous ceux
qui, très nombreux, dans d’autres
contextes et sous d’autres latitudes,
croient en une économie responsa-
ble, respectueuse des personnes et
de l’environnement. Pourtant, démon-
trer ne suffit pas: il faut créer les condi-
tions afin que ce qui apparaît comme
une exception, une pratique insolite,
devienne un désir partagé, une
aspiration ancrée dans les
consciences.
Voilà pourquoi j’ai toujours envi-
sagé l’intervention sociale
comme une intervention à 360
degrés, l’accueil, le travail et la
culture étant imbriqués
dans des projets structu-
rés, susceptibles d’impliquer
tous les acteurs d’une société
responsable. Seul le «nous»
peut soutenir et promouvoir
le changement.
Entreprendre autrement,
c’est possible.
Par Luigi Ciotti,
président du Gruppo Abele, Italie
Les personnes
doivent se rendre
compte des limi-
tes et des contra-
dictions d’un sys-
tème qui, d’un
côté, alimente la
compétition sans
aucune règle et,
de l’autre, génère
insécurité
sociale, conflits
et pauvreté.
Uliano Lucas - Negli Occhi del lavoro, EGA Editore, Torino, 2007
t
sible
5
terre n°122 • automne 2008
Moins de solidarité et plus de
justice sociale!
Le social peut apporter une large contri-
bution à cette prise de conscience mais
il ne doit pas se laisser confiner dans les
rangs de la «solidarité». La solidarité est
un mot aujourd’hui suspect car précisé-
ment souvent utilisé pour apaiser les
consciences. C’est un mot qui n’aide pas
à comprendre à quel point chaque injus-
tice subie cache une injustice produite
et chaque désespoir un espoir nié. C’est
pourquoi, je dis avec provocation qu’il
faut moins de solidarité et davantage de
droits, c’est-à-dire plus de justice sociale.
«Tous les êtres humains naissent libres
et égaux en droit et en dignité». Il s’agit
là du premier article de la Déclaration
Universelle des Droits de l’Homme
dont nous célébrons cette année le
soixantième anniversaire.
Nous ne pouvons pas lire ces articles
sans éprouver de la colère et de l’in-
dignation, sans nous sentir motivés à
faire plus et mieux afin que ces droits-
là ne soient plus seulement énoncés
comme cela se passe malheureuse-
ment dans tant de régions du monde.
S’il est vrai que le chemin à parcourir
est encore long, ces trente articles
nous indiquent au moins la direction à
suivre et nous rappellent qu’à l’ère de
la mondialisation et du pouvoir de la
technologie, les marchandises et les
valeurs matérielles ne peuvent plus
constituer un moyen servant à écra-
ser la dignité et la liberté revenant de
droit à tout être humain. I
www.gruppoabele.it
Corso Trapani 95, 10141 Torino.
i
Eduquer à la citoyenneté
Une culture économique différente ne
peut donc pas faire abstraction d’une
certaine éducation — de notre édu-
cation, à nous tous — à la responsa-
bilité. Cela va de l’accompagnement
des jeunes pour les aider à grandir, à
la conception d’instruments critiques
pour leur permettre de déchiffrer les
logiques du monde de la consomma-
tion et de ses mécanismes de condi-
tionnement. Il s’agit aussi de rompre
la coquille de l’individualisme, d’aider
les personnes à se redécouvrir citoyen-
nes et pas seulement consommatri-
ces. Elles doivent se rendre compte
des limites et des contradictions d’un
système qui, d’un côté, alimente la
compétition sans aucune règle et, de
l’autre, génère insécurité sociale,
conflits et pauvreté.
1 / 32 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !