n°122 - Groupe Terre

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Trimestriel
Automne 2008
n° 122
Ed. Resp.: Raphaël Ernst, Autre Terre asbl, 4e avenue 45, 4040 Herstal – Bureau de dépôt: NSC Liège X - P 501015
Entreprendre autrement au Nord et au Sud
L’économie,
bien plus qu’une
question d’argent.
Entreprendre autrement
C’est possible (P. 4)
C’est utile (P. 12)
C’est nécessaire (P. 23)
Coordination :
David Gabriel
Sommaire
Secrétariat de rédaction :
Geneviève Godard
Comité de rédaction :
Raphaël Ernst, David Gabriel,
Geneviève Godard, Quentin Mortier,
Xavier Roberti et Salvatore Vetro
Ont collaboré à ce numéro :
Berardo Abanto Cerna, Franck Ahouadi,
Nedda Angulo, Luigi Ciotti,
Stefania Collina, Thomas Diop,
François Greslou, José Lavezzi,
François Malaise, Claudia Marongiu,
Claudia Paggi, Riccardo Petrella,
Hervé Samyn, Georges Tabacchi
et William Wauters
Correction :
Cédric De Lievre
Photos de couverture :
• C1 : Uliano Lucas - Negli Occhi
del lavoro, EGA Editore, Torino, 2007
• C4 et illustrations campagne
«Entreprendre autrement» :
Agence graphique ISSEO.net
3
Édito
4
Entreprendre autrement,
c’est possible
6
Italie - Le Gruppo Abele
8
Belgique - Le Groupe Terre
terre
n°122 • automne 2008
25
10
Bénin - Envie Bénin
12
Entreprendre autrement,
c’est utile
Belgique - Le Groupe Cortil
2
Entreprendre autrement,
c’est nécessaire
Belgique - Le Groupe
La Lorraine
14
Cette publication est soutenue par :
23
28
Impression :
Imprimerie Fortemps
Imprimé à 9.000 exemplaires sur
papier 45% labellisé FSC et
55% recyclé.
Rédaction :
4e avenue, 45 - 4040 Herstal
T : +32 (0)4 240 58 38
F : +32 (0)4 240 58 42
E : [email protected]
W : www.autreterre.org
Pérou - Association de
producteurs de San Marcos
Sénégal - Mutuelles de santé
communautaire
Création graphique :
Agence À3/Herstal
Toute reproduction, même partielle,
des textes et illustrations parus dans
le journal Terre est soumise à
l’autorisation préalable de l’éditeur
et/ou des ayants droits au copyright.
20
31
Terre libre
Agenda
édito
Entreprendre autrement
au Nord et au Sud
Une campagne pour une autre économie
c’est
possible
utile
nécessaire
Une société en mutation
Vers la moitié des années ’70, la troisième révolution
technologique nous amène les nouvelles technologies de l’information et de la communication. Cellesci vont bouleverser les rapports sociaux de production et démultiplier la productivité du travail.
Elles engendrent une modernisation des équipements
et des procédés de production. Les travailleurs commencent à manquer d’emploi (vu la mécanisation
croissante), ont besoin de requalification professionnelle et, bien entendu, de revenus pour participer à
la consommation.
Les employeurs ont quant à eux besoin de travailleurs flexibles et impliqués dans la lutte pour la compétitivité au niveau mondial.
Le but est de conquérir des marchés en faisant la
promotion de la consommation. Le problème majeur
n’est plus de produire mais bien de vendre. Nous
assistons de ce fait à une manipulation des besoins
pour faire consommer tout ce que les entreprises
sont capables de produire1.
Vers un capitalisme sauvage :
le néolibéralisme
Comme ce nouveau modèle industriel repose davantage sur l’accumulation de profits commerciaux que
sur l’extraction de la plus-value du travail, il faut pouvoir produire à moindre coût et donc, ailleurs. De
cette manière, les pays de l’Est et du Sud sont invités à s’industrialiser par les grands groupes financiers avec, comme mode de fonctionnement économique, le néolibéralisme.
En substance, le néolibéralisme considère que l’État
ne peut être l’acteur central du développement2 et
qu’il est préférable de s’en référer aux lois du marché : la libre compétition, la libre circulation des
biens, des services et des capitaux.
Il réduit donc le développement à une affaire de croissance économique et provoque — principalement
dans les pays du Sud mais également chez nous —
différents effets pervers comme la rationalisation
financière des États, la privatisation des activités
rentables du secteur public (ressources stratégiques, communication, santé, éducation, pensions
de retraite,...), l’inscription dans des traités de libreéchange (réduction des taxes douanières et donc
moins de protection des marchés locaux), etc.
Pour une autre économie
Ces évolutions ne cessent d’élargir l’emprise du
monde économique sur les autres domaines de l’activité humaine. Il est donc important d’investir la
sphère de l’économie pour y faire valoir des principes différents des règles du marché présentées
comme objectives mais qui plombent, par leur application, les avancées sociales gagnées de dures luttes par les travailleurs de nombreux pays.
En nous immisçant dans le cadre économique, nous
pouvons proposer des alternatives au mode de fonctionnement économique traditionnel et redonner une
place centrale à l’être humain ainsi qu’au respect de
son environnement.
Ce numéro montre, par les différentes initiatives
européennes et internationales qui y sont présentées,
que l’économie sociale et solidaire est possible. Il
souligne que ce fonctionnement est utile pour redynamiser un monde socialement en perte de vitesse
et qu’il est même bien souvent nécessaire face aux
besoins de plus en plus criants que vivent les populations aujourd’hui.
Plus que ça, cette appropriation du monde de l’économie par des entreprises différentes concourt à la
mise en œuvre de réels projets de sociétés pour le
Nord et le Sud qui sont, eux, totalement absents
d’un modèle néolibéral uniquement orienté vers le
profit. I
David Gabriel
1. G. Bajoit : Le changement social, Approche sociologique des
sociétés occidentales contemporaines, col. Cursus, Ed.
Armand Colin, 2003.
2. G. Bajoit, F. Houtart, B.Duterme, Amérique latine, à gauche
toute ?, Ed. Couleur livres, CETRI, 2008, pp. 15-16.
terre
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3
c’est
poss
Entreprendre autrement,
c’est possible.
es coopératives sociales réunies au sein du consor tium
«Abele Lavoro» poursuivent un
double objectif: concilier le bénéfice
économique et le bénéfice social tout
en misant sur la capacité de ceux qui
ont traversé des parcours jonchés de
difficultés.
L
quant des personnes incarcérées ou
d’anciens détenus. Ces initiatives sont
menées au moyen de ressources limitées mais qui peuvent améliorer la vie
de ces personnes ainsi que les
appuyer dans la construction d’un parcours de dignité et d’espoir.
Seul le «nous» peut
promouvoir le changement
Contre un pouvoir mafieux
C’est ce même état d’esprit qui a animé
Il est donc possible d’entreprendre
les coopératives agricoles du circuit
autrement: nous avons tenté de le
«Libera Terra» qui ont vu le jour sur les terdémontrer ensemble, avec tous ceux
res confisquées aux mouvements
qui, très nombreux, dans d’autres
mafieux. Des entités réelles qui donnent
contextes et sous d’autres latitudes,
du travail et de la dignité à de nombreux
croient en une économie responsajeunes, prouvant ainsi que la domination
ble, respectueuse des personnes et
imposée par les clans criminels n’est
de l’environnement. Pourtant, démonpas un destin auquel il faut se résigner
trer ne suffit pas: il faut créer les condiou avec lequel il faut pactiser. Elles témoitions afin que ce qui apparaît comme
gnent d’un affranchissement économique
une exception, une pratique insolite,
mais avant tout éthique et
devienne un désir partagé, une
social: le «pouvoir des
aspiration ancrée dans les
signes» s’oppose aux signes
consciences.
Les personnes
du pouvoir mafieux.
Voilà pourquoi j’ai toujours envidoivent se rendre
sagé l’intervention sociale
compte des limiDans les pays du Sud
tes et des contra- comme une intervention à 360
degrés, l’accueil, le travail et la
«Entreprendre autrement» a
dictions d’un sysculture étant imbriqués
également été possible dans
tème qui, d’un
dans des projets structules pays du sud du monde.
côté, alimente la
rés, susceptibles d’impliquer
Présent depuis des
compétition sans
tous les acteurs d’une société
années dans dif férents
aucune règle et,
de
l’autre,
génère
responsable. Seul le «nous»
pays africains, le groupe
insécurité
peut soutenir et promouvoir
Abele s’engage dans des
sociale, conflits
le changement.
projets agricoles impli-
4
et pauvreté.
terre
n°122 • automne 2008
Uliano Lucas - Negli Occhi del lavoro, EGA Editore, Torino, 2007
Par Luigi Ciotti,
président du Gruppo Abele, Italie
t
sible
Eduquer à la citoyenneté
Une culture économique différente ne
peut donc pas faire abstraction d’une
certaine éducation — de notre éducation, à nous tous — à la responsabilité. Cela va de l’accompagnement
des jeunes pour les aider à grandir, à
la conception d’instruments critiques
pour leur permettre de déchiffrer les
logiques du monde de la consommation et de ses mécanismes de conditionnement. Il s’agit aussi de rompre
la coquille de l’individualisme, d’aider
les personnes à se redécouvrir citoyennes et pas seulement consommatrices. Elles doivent se rendre compte
des limites et des contradictions d’un
système qui, d’un côté, alimente la
compétition sans aucune règle et, de
l’autre, génère insécurité sociale,
conflits et pauvreté.
Moins de solidarité et plus de
justice sociale!
Le social peut apporter une large contribution à cette prise de conscience mais
il ne doit pas se laisser confiner dans les
rangs de la «solidarité». La solidarité est
un mot aujourd’hui suspect car précisément souvent utilisé pour apaiser les
consciences. C’est un mot qui n’aide pas
à comprendre à quel point chaque injustice subie cache une injustice produite
et chaque désespoir un espoir nié. C’est
pourquoi, je dis avec provocation qu’il
faut moins de solidarité et davantage de
droits, c’est-à-dire plus de justice sociale.
«Tous les êtres humains naissent libres
et égaux en droit et en dignité». Il s’agit
là du premier article de la Déclaration
Universelle des Droits de l’Homme
dont nous célébrons cette année le
soixantième anniversaire.
Nous ne pouvons pas lire ces articles
sans éprouver de la colère et de l’indignation, sans nous sentir motivés à
faire plus et mieux afin que ces droitslà ne soient plus seulement énoncés
comme cela se passe malheureusement dans tant de régions du monde.
S’il est vrai que le chemin à parcourir
est encore long, ces trente articles
nous indiquent au moins la direction à
suivre et nous rappellent qu’à l’ère de
la mondialisation et du pouvoir de la
technologie, les marchandises et les
valeurs matérielles ne peuvent plus
constituer un moyen servant à écraser la dignité et la liberté revenant de
droit à tout être humain. I
i
www.gruppoabele.it
Corso Trapani 95, 10141 Torino.
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5
Italie
Le Gruppo Abele
c’e
po
et ses coopératives sociales
Entretien avec Georges Tabacchi,
co-président du «Consorzio sociale Abele Lavoro»
Entreprendre autrement, c’est possible.
salariés et 150 bénévoles. Parmi eux,
200 personnes travaillent dans le service d’accueil. Le reste se par tage
entre le secteur «Culture et
formation/information» et la gestion.
6
Quelle est l’histoire de l’entreprise et qu’est- ce qui a
suscité sa création ?
Il existe deux histoires qui racontent
l’origine de notre projet. La première,
c’est celle de l’association «Gruppo
Abele» et la deuxième, celle de nos
coopératives.
Du chirurgien déchu aux jeunes
de la rue
L’histoire de «Gruppo Abele» est très
liée à celle de son créateur Don Luigi
Ciotti. On la raconte comme ceci:
«Alors qu’il était encore jeune étudiant,
Luigi Ciotti se rendait à l’école. En
passant à proximité d’un parc public,
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il aperçut un clochard. C’était en fait
un ancien chirurgien, dont la carrière
s’était subitement terminée à cause
d’une opération ratée. Il opérait en
état d’ivresse.
Alors que Luigi s’inquiétait pour lui, le
clochard lui dit en montrant du doigt
quelques jeunes traînant dans la rue:
«Ne t’occupe pas de moi! Regarde plutôt ces jeunes, c’est avec eux qu’il faut
travailler!». C’est ainsi que Luigi Ciotti
fut amené à s’intéresser à eux. Pour
les «sortir du trou», il fonda l’association «Gruppo Abele». C’était en 1965,
alors que la toxicomanie commençait
à se répandre dans tout le pays.
Aujourd’hui, l’association compte 150
Le travail comme moyen
d’expression
Mais les années ‘60, c’est aussi le
moment où naissent les coopératives sociales d’inser tion au travail.
Elles essayaient de répondre à deux
besoins.
D’une part, la population défavorisée
avait besoin de se faire entendre. Le
travail devint alors un moyen de communication très for t. Pour les plus
démunis, c’était bien souvent la seule
façon de s’exprimer et de se faire
connaître.
D’autre part, et c’est malheureusement
toujours le cas aujourd’hui, le marché
du travail n’était pas prêt à accepter
ces personnes. L’enjeu était alors de
pouvoir les y introduire. Pour y arriver,
il était nécessaire de trouver des formes graduelles de travail.
Aujourd’hui, ces coopératives comprennent plus de 600 travailleurs salariés.
Quel est le fonctionnement de
l’entreprise ?
De l’atelier à l’entreprise
Au sein de nos coopératives, nous
sommes tous passés d’une organisa-
est
ossible
tion d’atelier protégé à un fonctionnement d’entreprise. Evidemment, cela
a provoqué un changement culturel
important. On s’est rendu compte de
la nécessité de professionnaliser notre
personnel. On a dû trouver les travailleurs manquants. Pour pouvoir les garder, on espérait pouvoir compter sur
la militance, mais c’est très vite
devenu insuffisant. Il a alors fallu trouver l’argent nécessaire. Pour beaucoup de nos collaborateurs, ça a été
très dur.
Puis la situation politique, culturelle
et économique de notre pays nous
préoccupe beaucoup. C’est notre système d’ «Etat-providence» qui en a pris
un coup. Les salaires sont bien trop bas
pour atteindre un niveau de vie acceptable. Et pendant les trop nombreuses
situations de crise, c’est encore pire...
Le nouveau «réseau
du troisième secteur»
Aujourd’hui, nous sommes en train de
nous doter d’une nouvelle structure
juridique. Il s’agit d’un système de
réseau au sein du «troisième secteur».
Ce réseau rassemble les entreprises
qui cherchent à soutenir leurs travailleurs à quatre niveaux: le logement, la
finance et consommation, la santé et
les temps libres. Actuellement, nous
sommes une vingtaine d’entreprises
sociales réunies, ce qui représente
environ 2.500 travailleurs. Notre objectif est de mettre ensemble 6.000 travailleurs appartenant au monde de
l’économie sociale.
En quoi votre entreprise se différencie-t-elle d’une entreprise
classique ?
À la recherche d’un travail pour les
plus démunis
Ce qui différencie nos entreprises des
entreprises traditionnelles, c’est précisément qu’une partie de nos travailleurs sont des travailleurs laissés sur
le carreau par ces entreprises traditionnelles. Nos coopératives se sont orga-
nisées et spécialisées pour être compétitives avec ce type de personnel.
Mais il faut souligner qu’elles n’emploient malheureusement pas les plus
défavorisés, les «non-productifs». Et
c’est pour eux que nous devons trouver des parcours possibles! Il s’agit
d’un défi pour l’avenir, mais il dépend
en grande partie de la volonté politique… I
Entretien: Xavier Roberti
Photos: Uliano Lucas - Negli Occhi del lavoro,
EGA Editore, Torino, 2007
i
www.csabelelavoro.it
Via Paolo Veronese 202,
10148 Torino.
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7
c’est
possi
le
Belgique
Le Groupe
Terre
Entreprendre autrement, c’est possible.
Entretien avec William Wauters,
président et administrateur délégué de Terre asbl
8
> William Wauters
Quelle est l’histoire du Groupe Terre
et qu’est-ce qui a suscité sa création ?
Tout commence avec un groupe de
personnes qui, après la guerre, ont
voulu aider ceux qui étaient en difficulté, en réparant un toit, en distribuant du charbon… Puis, la situation
en Belgique s’améliorant, le besoin
ne se faisait plus ressentir aussi intensément. Le groupe a décidé de poursuivre son action en se tournant vers
d’autres personnes nécessiteuses.
C’est ainsi que Terre a vu le jour. Le
nom n’a été donné que plus tard, mais
ce sont ces personnes qui ont décidé
de développer des projets, en partant
du concept que ça allait mieux en Belgique parce que l’industrie avait repris.
Ils ont constaté que, lorsque l’industrie fonctionnait, les problèmes se
résolvaient les uns après les autres.
Les premiers projets dans le Sud ont
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donc été développés selon un modèle
industriel. Pour financer les projets,
des collectes, des grands ramassages de vêtements, de papiers, de
métaux non ferreux ont été organisés
une dizaine de fois par an. Ces collectes mobilisaient des centaines de bénévoles qui récoltaient des centaines de
tonnes de choses récupérables. À
l’époque, les collectes étaient vendues
sur pied ; le résultat de la vente permettait de financer les projets.
Mes premiers souvenirs de Terre datent
de quand j’étais tout gamin. J’avais
entre six et dix ans. Je me souviens de
soirées interminables où mon papa1
discutait avec des personnes qui passaient tous les jours à la maison pour
«refaire le monde»… J’étais trop jeune
pour comprendre tout ce qui se disait,
mais j’adorais être dans la cuisine et
écouter ces gens-là discuter.
Quel est le fonctionnement
de l’entreprise ?
Je préfère décrire le fonctionnement
idéal, tel qu’il serait souhaitable qu’il
soit. Je le décrirai de manière très simple: un groupe de travailleurs qui se
donnent les mains pour atteindre un
but commun. Pour arriver à cet idéal,
nous avons mis en place un mode de
fonctionnement appelé «gestion participative». Ce fonctionnement est à
construire tous les jours. Je suis
conscient qu’aujourd’hui on est encore
très loin d’un fonctionnement de gestion participative idéal. Plus on arrivera à le faire marcher, plus notre
groupe sera fort et plus on participera
à la création d’une alternative économique à ce que j’appelle le «monde
capitaliste sauvage».
Une gestion participative implique que
tout se décide en concertation. Dans
une entreprise fonctionnant selon le
principe du «capitalisme sauvage», les
travailleurs ne sont pas concertés ou,
s’ils le sont, ce n’est qu’en apparence.
Le seul et unique objectif de ces entreprises est de rémunérer les actionnaires. Le but de Terre, c’est de faire en
sorte que tous les travailleurs gagnent
leur vie correctement et durablement.
Tous les sujets peuvent être traités
en concertation, qu’ils soient opérationnels, stratégiques ou philosophiques. Prenons tout d’abord un exemple opérationnel: dans nos magasins
de vêtements de seconde main, les
changements de collection sont des
événements lourds à réaliser. Pendant des années, les vendeuses travaillaient à ce changement après la
fermeture du magasin jusqu’à minuit,
voire deux heures du matin. Puis des
Le Groupe
Terre, en
résumé :
> Assemblée des travailleurs
de Terre lors d’une réunion
«chiffres» destinée à les
informer sur la santé et les
évolutions des différentes
entités du groupe.
idées ont été mises sur la
table et il a été décidé,
en réunion de secteur, de
réaliser le changement
durant les huit heures de
travail. La qualité du travail et l’efficacité du magasin y ont gagné énormément. On peut ensuite
aller jusqu’à des problèmes de fond comme la
politique salariale qui sera
discutée en assemblée
générale. Je ne pense pas
que, dans une multinationale, la politique salariale
soit discutée en assemblée générale…
ib
En quoi Terre se différencie-t-elle d’une
entreprise classique ? Quelles sont
les forces et les faiblesses du système Terre ?
Il n’y a pas de faiblesses, il n’y a que
des forces! Quel que soit le système,
si des intérêts individuels sont mis
en avant, ça ne peut mener qu’à la
per te. C’est logique: si pour satisfaire un intérêt individuel, il y en a des
centaines voire des milliers qui sont
insatisfaits, ça ne peut pas fonctionner correctement. Nombreux sont
ceux qui ont fait le constat que le système économique capitaliste sauvage
conduit à une impasse. Les cellules
communistes combattantes ont voulu
faire la révolution en posant des bombes. Elles n’ont pas atteint leur cible
parce que, dans le cadre de la mondialisation, les décideurs ne sont plus
identifiables. Elles ont cassé des façades et même, fait extrêmement grave,
été à la base du décès de personnes
innocentes, ce qui est tout à fait inadmissible. Si nous avons la volonté
farouche de changer les choses en
profondeur sans recourir à la violence,
nous nous devons de construire quelque chose de fondamentalement différent avec l’espoir qu’un jour, ce soit
au moins aussi important que ce que
le capitalisme sauvage a mis en place.
Toute la différence réside dans le fait
d’entreprendre dans l’intérêt du plus
grand nombre. Ce projet doit être
construit ensemble, il doit être porté
par la collectivité et non par une seule
personne. Mais c’est clair que c’est
extrêmement difficile parce que nous
sommes en train de construire quelque chose qui n’existe pas. On
invente, par essais successifs, un
système qu’on essaye d’améliorer en
permanence.
Terre asbl
> collecte, tri et valorisation
de vêtements
(140 personnes)
> services de maintenance
(12 personnes) et
administratifs
(20 personnes) pour
l’ensemble du groupe
Autre Terre asbl
> ONG de développement
(13 personnes)
Récol’Terre safs
> collecte de papier-carton
d’origine ménagère et
industrielle (19 personnes)
Tri-Terre safs
> tri de papier-carton
(18 personnes)
Pan-terre safs
> fabrication de panneaux
d’isolation acoustique
(9 personnes)
Co-Terre safs
> parachèvement du bâtiment
et mécano-soudure
(24 personnes)
En résumé, entreprendre autrement,
est-ce possible ? À quelles
conditions ?
C’est possible puisque nous le faisons. La seule condition, c’est d’y
croire. I
Entretien: Geneviève Godard
Photos: Q. Mortier
i
www.terre.be
1 William Wauters père, fondateur du
Groupe Terre.
terre
n°122 • automne 2008
9
Bénin
Envie Bénin
Entreprendre autrement, c’est possible.
une approche pragmatique de formation
et d’insertion socioprofessionnelle
de jeunes déscolarisés
Théophile, 33 ans, frigoriste de son État sorti d’Envie Bénin,
promoteur depuis 6 ans avec Alexis — son collègue de
formation — d’un atelier de réparation et de maintenance des
appareils de froid domestique, témoigne: Voici bientôt 10 ans
que par l’intermédiaire du Service caritatif diocésain j’ai été
sélectionné par Envie Bénin en compagnie de 12 autres jeunes
venus de divers milieux défavorisés de Cotonou pour
apprendre un métier. C’était pour nous une chance inespérée
de pouvoir s’insérer de façon autonome dans le circuit
économique. Ainsi après avoir suivi gratuitement 3 ans de
formation et obtenu le diplôme de frigoriste, j’ai monté un
atelier avec le soutien financier des responsables de l’ONG
Envie Bénin. Aujourd’hui je vis des fruits de mon travail et je
suis fier de nourrir ma petite famille…
c’es
pos
la suite de Théophile, c’est
une soixantaine de jeunes
issus des milieux défavorisés
de Cotonou qui donneront un témoignage semblable sur Envie Bénin.
À
> Franck Ahouadi
10
terre
n°122 • automne 2008
Mais qu’est-ce qui fait
l’originalité d’Envie Bénin ?
C’est une ONG pas comme les autres,
qui met l’économique au service du
social, formant gratuitement et insérant dans la vie active de jeunes déscolarisés.
Initiée en 1997par la Fédération Envie
France et des par tenaires locaux,
l’ONG Envie Bénin (Entreprise Nouvelle Vers l’Insertion par l’Économique) a effectivement démarré ses activités en aoû
t 1998.
Les objectifs visés par les promoteurs
de cette entreprise d’insertion sont
multiples et peuvent se résumer
comme suit:
>former gratuitement des jeunes déscolarisés, démunis, sans moyen ni
soutien parental au métier d’ «électroménagiste» (frigoriste, dépanneur
TV…
) ;
>insérer les jeunes formés dans la vie
active grâ
ce à un appui institutionnel et un soutien financier ;
>assainir le marché de l’électroménager d’occasion en of frant aux
populations des appareils d’un bon
rapport qualité/
prix.
Récupérer pour réinsérer
Pour mettre en œ
uvre ces objectifs,
Envie Bénin s’est doté d’ateliers modernes et développe une activité de récupération et de remise en état d’appareils électroménagers d’occasion fournis
par son principal partenaire Envie Lille
sous le contrôle de la Fédération Envie,
organisme faîtier de l’ensemble du
réseau en France. Ces appareils d’occasion venus de France constituent la
matière première qui permet à Envie
Bénin de réaliser son programme de formation et d’insertion. Une fois réceptionnés, les appareils composés essentiellement
de
réfrigérateurs,
congélateurs, cuisinières, lave-linges et
même d’ordinateurs sont entièrement
démontés, réparés, nettoyés et testés
dans ses ateliers par les jeunes en formation sous l’encadrement pédagogi-
> Collectés par des travailleurs d’Envie
en France, les électroménagers récupérables sont ensuite envoyés à Envie
au Bénin où ils sont revalorisés. Cette
filière permet de réinsérer des jeunes
sur le marché de l’emploi.
st
ssible
que et technique de leurs formateurs.
Les appareils ainsi reconditionnés et
prêts à un nouvel emploi sont vendus
sous garantie dans les magasins de
l’ONG. Les recettes issues de la vente
permettent le financement de la structure et surtout de rétribuer les jeunes
en formation. Toutes ces opérations de
recyclage, de vente et de service aprèsvente sont réalisées dans un contexte
d’entreprise avec les exigences de productivité, de rentabilité et de qualité qui
s’y imposent.
Résultat ? De l’emploi !
Avec ses 9 emplois permanents et
salariés, ce sont près de 12.000 appareils qui ont été rénovés et vendus
sous garantie. Envie Bénin a formé et
diplômé, en l’espace de 10 ans, une
soixantaine de jeunes artisans frigoristes et dépanneurs TV qui vivent pour
la plupart de leur métier. Envie Bénin
est donc la preuve que l’économique
peut véritablement se mettre au service du social. En mettant des jeunes,
sans formation ni expérience professionnelle préalable, au travail dans
un contexte économique difficile, et
ceci sans subvention ni aide de l’Etat
ou d’autres Institutions, Envie Bénin
démontre que les jeunes ne demandent qu’un minimum d’encadrement
pour se rendre utiles à la société et éviter les chemins de la délinquance.
Au total, la démarche d’Envie Bénin
s’inscrit dans le modèle de l’économie sociale qui consiste à donner
espoir à des jeunes marginalisés
exclus du marché et par la même occasion, permettre aux populations à fai-
ble revenu de s’équiper en matériel
électroménager reconditionné et en
bon état de fonctionnement. Des initiatives du genre méritent encouragement. En effet, avec la mise en vigueur
des directives européennes en matière
de DEEE (Déchets d’Équipements Électriques et Électroniques) le risque est
grand de voir les États africains envahis par des appareils non triés et non
respectueux des normes environnementales. La stratégie proposée par
Envie Bénin et ses par tenaires est
donc d’organiser une sélection rigoureuse de ces appareils au départ de
l’Europe puis de mettre en œuvre en
Afrique un système productif générateur d’emploi et de valeur ajoutée. I
Franck Ahouadi
i
Envie France: www.envie.org
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11
Entreprendre autrement,
c’est
uti
c’est utile.
Par Nedda Angulo,
sociologue, coordinatrice du Ripess et membre du Gresp1, Pérou
nes: génération de revenus et d’emploi, santé, sécurité alimentaire, éducation, protection de l’environnement,
etc., qui donnent accès à des ressources économiques et à des services
de bien-être aux secteurs socioéconomiques défavorisés.
Les logiques
de l’économie solidaire
Cer taines caractéristiques que ces
initiatives mettent en évidence partout dans le monde sont la finalité de
service plus que le bénéfice, l’autonomie de gestion face aux pouvoirs
publics, les processus démocratiques
de décision, la primauté des personnes et du travail sur le capital au
moment de la répartition des bénéfices et le fait d’assumer une responsabilité sociale et environnementale.
vec plus d’impor tance ces
trois dernières décennies,
face à une exclusion toujours
plus grande provoquée par l’économie de marché et à une garantie
sociale décroissante des droits de la
par t de l’État, se sont développés
dans les pays du Nord comme dans
ceux du Sud, des processus d’autogestion qui visent l’inclusion et l’amélioration de la qualité de vie des personnes, des familles et des communautés
en situation précaire. C’est ainsi qu’ont
surgi des expériences économiques
associatives dans différents domai-
A
12
terre
n°122 • automne 2008
Cet ensemble d’unités économiques
est appelé Économie Solidaire car sa
rationalité est centrée sur le travail
humain et la solidarité sociale. Dans
ces activités économiques coexistent
des logiques de réciprocité (exprimées
sous forme d’échanges mutuels de
force de travail ou de biens et services), des logiques de subsistance
(dans le cas d’expériences couvrant
uniquement les coûts de production en
incorporant le volontariat et/ou des
subsides d’agents extérieurs pour
répondre aux demandes et aux
besoins sociaux) et des logiques d’ac-
cumulation (lorsque les initiatives sont
orientées vers le marché afin d’obtenir
des bénéfices qui seront distribués de
manière équitable entre leurs membres).
Des pratiques ancestrales aux
initiatives actuelles : comment
calculer les impacts ?
En Amérique latine, beaucoup d’expériences d’économie solidaire sont d’origine ancestrale, tandis que d’autres
se sont diversifiées ou sont apparues
en réaction à la vague néolibérale qui
sévit depuis les années quatre-vingt.
Une difficulté actuelle est le manque
de registres systématiques ayant trait
au développement et à l’impact de cet
ensemble d’unités économiques. Bien
que plusieurs pays latino-américains
disposent de cadres normatifs et d’interventions publiques de promotion
de l’économie sociale et solidaire, les
initiatives pour rendre visibles et atteindre la reconnaissance sociale et politique de l’économie solidaire proviennent principalement d’entités non
gouvernementales d’appui1.
C’est ainsi que de nombreuses systématisations et recherches effectuées
par ce type d’organisations font référence à l’existence d’expériences associatives qui, fondées sur des modalités collectives ou individuelles de
propriété des moyens de production,
sont en train de contribuer à l’exercice des droits économiques et
Production de biens et
services dans des secteurs
très diversifiés
Si on considère la sphère de production de biens et services, ces unités se
situent de manière prédominante dans
les secteurs de l’agriculture, agro-industrie, artisanat, confections et progressivement dans les services annexes.
Dans le domaine de la commercialisation, les initiatives des petits producteurs organisés sont très diverses car
elles cherchent à répondre à leurs
besoins de réduire les coûts d’approvisionnement de biens de production et
veulent pouvoir compter sur des circuits
permettant d’augmenter leurs ventes.
De manière complémentaire, en matière
de financement, apparaissent des unités de micro financement et des entités d’épargne et de crédit pour la production et la consommation qui, peu à
peu, mettent en œuvre des stratégies
destinées à élargir les dépôts et les placements. Et en matière de technologie,
il existe une offre de formation depuis
des entités formelles et non formelles
qui vise à consolider des modèles de production socialement et environnementalement responsables, et à développer des compétences pour une
production de qualité et l’efficience de
ces unités de production.
Dans le domaine de la production de
services de bien-être, on trouve principalement des initiatives communautaires qui cherchent à favoriser la sécu-
ile
rité alimentaire, à réduire les coûts
de la consommation familiale par le
biais de l’achat groupé à grande
échelle, ainsi que l’accès aux services préventifs et curatifs de santé.
En quoi l’économie solidaire
est-elle utile à l’équité sociale ?
Dans un scénario global d’exclusion,
ces pratiques permettent une démocratisation de l’économie, en rendant
possible que des secteurs sociaux
historiquement défavorisés en termes
de participation au marché, contrôlent petit à petit les moyens de production et profitent des fruits du progrès
technologique.
En quoi l’économie solidaire estelle utile à l’égalité des genres ?
Beaucoup de ces initiatives appliquent
des mécanismes pour favoriser le positionnement des femmes dans les processus économiques. Il est courant
de trouver des coopératives, des associations et des mutuelles qui ont instauré des procédures permettant l’accès à un plus grand nombre de
femmes comme membres de l’organisation et même comme parties pre-
nantes des organes de direction institutionnelle.
De même, plusieurs organisations du
commerce équitable considèrent des
principes et des standards d’équité
de genre dans leurs normes d’accréditation pour mesurer et évaluer l’engagement de leurs agents.
Du côté de la production de services
de bien-être, s’il est vrai que depuis
leur origine ces expériences reflètent
la division sexuelle du travail, elles
constituent pour les femmes de nouveaux espaces de socialisation qui
rendent possible des apprentissages
visant l’augmentation de leur auto
estime et favorisent leur autonomie
économique en les libérant partiellement du temps consacré aux tâches
domestiques et en générant des conditions pour leur insertion dans le monde
du travail. I
Traduction : François Greslou
1 Gresp : Groupe Réseau d’Economie
Solidaire du Pérou
Ripess : Réseau intercontinental
d’économie sociale et solidaire
2 À l’exception de l’Atlas de l’Économie
Solidaire du Brésil 2005, édité par le
Secrétariat National de l’Économie
Solidaire (SENAES) du Ministère du
Travail et de l’Emploi du Brésil
> Leaders d’un comité de producteurs d’Ayacucho (Pérou), mobilisé
autour de différentes filières de productions agroécologiques
D. Gabriel/Autre Terre
sociaux des secteurs populaires.
Parallèlement, certains centres académiques sont en train d’incorporer des
programmes de formation en Économie Sociale et Solidaire, dans le but
de développer des cadres d’analyses
qui valident des rationalités économiques distinctes de celles préconisées
par la pensée économique dominante,
et qui rendent compte des modalités
différentes de produire, distribuer,
consommer et accumuler présentes au
sein de la réalité régionale.
terre
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13
Belgique
Le Groupe Cortil
Entretien avec Hervé Samyn,
directeur du Groupe Cortil
Hervé Samyn, coordonne le développement d’initiatives
sociales dédiées à la formation et à l’encadrement de personnes
en insertion socioprofessionnelle.
e Groupe Cortil, qui a aujourd’hui
le statut juridique de GIE (Groupement d’intérêt économique)
a été initié en 1984 en réponse aux
préoccupations de la maison d’enfants «Le Relais» (Neuville-en-Condroz)
qui cherchait une solution au décrochage scolaire des jeunes placés en
institution.
Ayant atteint l’âge de la majorité, la plupart quittaient l’école sans diplôme
et trouvaient difficilement un emploi.
L’idée était de développer une pédagogie éducative basée sur le travail
et son utilité sociale.
Entreprendre autrement, c’est utile.
L
14
terre
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Vingt-cinq ans plus tard, le GIE Neupreconnectingjobs se compose de cinq
entreprises d’économie sociale,
compte 175 employés, organise 140
stages par an et assure la direction et
la coordination de toutes les initiatives
réalisées en son sein.
Ces cinq structures sont: le Cortil, La
Maison, Bip-express, Neupré Net Service et Haute Meuse Net Service. Elles
forment un ensemble de secteurs cohérents intégrant logement, formation et
emplois tout en prenant en compte les
problématiques des personnes concernées dans leur globalité.
c’e
ut
Le Cortil: EFT1 agréée par la
Région wallonne
En 1984, il n’existait aucun statut pour
nous aider dans notre travail. On se
débrouillait dans des activités de bûcheronnage, entretien de parcs et jardins,
construction, services aux collectivités,
etc. Et puis, en 1987, le Cortil a été
agréé comme «Entreprise d'apprentissage professionnel» (EAP) par la Région
wallonne et en 1996 comme EFT.
Les EFT fonctionnent suivant le principe suivant: l'apprentissage se fait
par le travail, sous la conduite de formateurs compétents, sur des chantiers
est
tile
réels et pour de vrais clients. Des formations théoriques viennent consolider et ordonner les apprentissages
acquis sur le terrain. En outre, les stagiaires ont accès à diverses formations.
Son public cible se compose d’adultes sans formation et sans emploi
avec comme objectif de rendre les stagiaires acteurs de leur devenir professionnel et social. Ceux-ci seront orientés, soit vers un emploi durable et de
qualité, soit vers la reprise d’une formation qualifiante. Ces dernières sont
complétées par des remises à niveau
en français et mathématique, l’apprentissage des rudiments en informatique, l’établissement d'un projet professionnel et la recherche active d'emploi.
Le taux de réussite est de 40 %.
La Maison : APL2 agréée par la
Région wallonne
L’histoire commence en 1990, lorsqu’un
client, n’arrivant pas à vendre une maison assez délabrée, décide de la donner au Cortil. Ce dernier en assume les
frais de notaire et finance les travaux
grâce à une grande opération «sans
abris» ainsi qu’avec l’aide de la Région
wallonne. Cela permet de payer les marchandises et la main-d’œuvre des stagiaires. Ce fut la première maison du Cortil. Il en possède aujourd’hui une
quinzaine qui servent aussi de chantiers pédagogiques à l’EFT.
En 2001, cette activité est transférée
à l’asbl «La Maison», agréée en tant
qu’Association de Promotion du Logement (APL) qui assure le service de logement de transit et d’insertion. Elle
s’adresse à des personnes âgées de 17
ans et plus, sans toit ou vivant dans un
logement précaire. Chaque bénéficiaire
reçoit un accompagnement pour l’aider
sur différents plans: administratif, social,
financier, santé, emploi, justice, etc.
Ces logements sont une bonne «porte
d’entrée» pour orienter les locataires
vers des formations qualifiantes dans
l’EFT. Enfin, quand les personnes participent à retaper une maison lors de
leur formation dans l’EFT, elles les
respectent encore plus et en sont très
fières lorsqu’elles les occupent.
avec l’Entreprise d’Insertion Bip-Express.
Entre-temps, les titres-services font leur
apparition dans le domaine des services
de proximité. C’est l’occasion que nous
attendions pour créer de nouvelles entreprises d’insertion (EI). Cette niche est parfaitement adaptée aux objectifs des EI
et aux personnes peu qualifiées qui y
travaillent. Neupré Net services voit le
jour en mars 2005. Rapidement, ces
deux EI voient leurs effectifs augmenter
et obtiennent leur agrément fédéral pour
opérer dans les titres-services.
1 Entreprise de Formation par le Travail.
2 Association de Promotion du Logement.
Bip-Express,
Neupré Net Services et
Haute Meuse Net services
En 1997, nous désirions créer une entreprise proposant des emplois stables aux
stagiaires sortant de l’EFT. On a d’abord
essayé des activités d’entretien de parcs
et jardins en partenariat avec Cockerill
et ses ouvriers mais les restructurations
successives de cette usine rendaient
cette activité fragile. En 1998, le statut
d’entreprise d’insertion est enfin voté
en Région wallonne, donnant un cadre
légal et des moyens financiers adaptés
aux entreprises désirant créer des
emplois stables pour des personnes peu
qualifiées. Nous nous sommes alors
orientés vers l’alimentation en proposant des sandwiches aux collectivités
d Suite
page 18
15
d
terre
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Negli occhi del lavoro1 est un
travail photographique nous
invitant à un voyage dans le
monde des coopératives sociales
italiennes.
Ce livre a été publié par le Gruppo
Abele au sein de sa propre maison
d’édition.
Les quelques photos que nous
avons sélectionnées pour ce
numéro du journal Terre,
illustrent avec force la qualité du
travail de ces entreprises sociales.
Uliano Lucas - Negli Occhi del lavoro, EGA Editore, Torino, 2007
1 Lit. : Dans les yeux du travail
16
terre
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17
c’est
Entreprendre autrement, c’est utile.
Le titreservice,
c’est quoi ?
>Le titre-service permet à
tout particulier domicilié en
Belgique de payer, à un tarif
avantageux, des prestations
d’aide-ménagère à domicile
ou hors du domicile:
Titre-Service = 1 h de travail
Coût actuel: 6,70 €/h et
déduction fiscale
Les travaux ou services
prestés concernent le domicile
privé: les titres-services ne
peuvent pas être utilisés à des
fins professionnelles. Au
Cortil, les activités liées aux
titres-services relèvent
principalement des travaux
d’aide ménagère à domicile
(nettoyage y compris les
vitres, la lessive, le repassage,
les petits travaux de couture,
la préparation de repas).
18
Ces entreprises, ainsi que Haute
Meuse Net service, assurent des travaux et services de proximité auprès
des particuliers tels que nettoyage du
domicile et/ou entretien des cours et
jardins. Une centrale de repassage est
aussi mise à disposition des clients.
Le but premier n’est pas la recherche
de profit mais la stabilisation de l’emploi pour une main-d’œuvre peu qualifiée.
Des projets plein la tête
Nous aimerions implanter un site d’économie sociale qui va regrouper les EFT
et les EI, ici, près de Neupré. Il y aurait
aussi un point de vente de sandwiches
et des tables d’hôtes.
Une nouvelle centrale de repassage est
en construction à Grâce-Hollogne, en
même temps que des nouveaux bureaux
administratifs et de nouveaux appartements. Ce bâtiment sera entièrement
rénové en utilisant des techniques nouvelles pour économiser l’énergie. Par
exemple, l’air chaud humide récupéré
au-dessus des planches à repasser de
l’atelier sera traité pour réinjecter les
calories dans le chauffage du bâtiment.
Nous sommes de plus en plus sensibilisés aux problèmes liés à l’environnement. Nos formations intègrent maintenant des techniques nouvelles
d’isolation avec des produits naturels
ou des enduits muraux à base d’argile.
Un système de gestion
démocratique
Nous avons toujours privilégié la concer-
terre
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tation et la prise de parole dans le groupe.
Par exemple, dans les logements sociaux,
on fait des réunions avec les locataires
où nous débattons des différents problèmes rencontrés en vue d’une recherche consensuelle de solution.
Dans l’EFT, les stagiaires ont leur mot
à dire lors de réunions régulières et
pour s’assurer que ceux qui n’ont pas
le courage de parler puissent aussi
s’exprimer, il y a des réunions de délégués de stagiaires qui sont organisées.
Tout ce processus participatif donne
une dynamique de groupe intéressante.
Les EI organisent aussi des réunions
avec toutes les aides ménagères: 8
réunions par an. Cela provoque un
système organisé de demandes qui
nous permettent de mieux gérer l’entreprise. Je constate chaque fois que
les propositions sont très sensées et
quand on répond à ces demandes légitimes, les travailleuses sont contentes et cela donne une dynamique de
progrès dans l’entreprise.
J’ai contribué à installer une délégation syndicale dans Neupré Net Services. Nous avions invité des permanents pour expliquer aux travailleurs
comment procéder. Il y a maintenant
deux déléguées et deux suppléantes.
Une de celles-ci est maintenant active
dans la régionale syndicale du secteur
des aides ménagères. Elles participent
aussi aux réunions des travailleurs et
y apportent des infos qu’elles glanent
dans leurs réunions sectorielles. Elles
défendent des revendications de terrain et ça se passe bien. Les déléguées
t utile
En résumé
rencontrent d’autres déléguées d’autres entreprises titres-services du privé.
Elles y expliquent comment ça se passe
chez nous et se rendent compte de
tous les avantages qu’elles ont par rapport aux autres.
Forces et faiblesses
Notre but est de créer des emplois
durables et de qualité. Or, que l’on
soit une association ou une société
commerciale, on est obligé de garder
un équilibre financier, sous peine de
disparaître. Cet équilibre entre le but
social — qui a besoin d’un ser vice
social très poussé — et la nécessité
de boucler les fins de mois sans perdre de l’argent est un exercice très
difficile. Toutefois, dans cette logique,
on laissera souvent plusieurs chances successives aux personnes en
inser tion. Elles auront, à plusieurs
reprises, l’occasion de se «racheter».
Tout l’art consiste à ne pas devenir
complice de leurs problèmes afin de
les pousser vers la réussite de leur
projet social et professionnel. I
Entretien et documentation :
Salvatore Vetro et Claudia Marongiu
Photos: Benoît Damuseau
i
Le Groupe Cortil totalise 175
contrats de travail, la plupart
à durée déterminée:
> Le Cortil (Entreprise de
Formation par le Travail): 19
> La Maison (Association de
Promotion du Logement):1
> Bip-Express (Entreprise
d’Insertion, coopérative à
finalité sociale) agréée
«Titres-services» et
«Confection et livraison de
sandwiches et de salades
pour les entreprises»: 39
> Neupré Net Services
(Entreprise d’Insertion,
coopérative à finalité
sociale) agréée «Titresservices» (travaux ménagers
à domicile, repassage dans
une centrale et petits
travaux de couture): 69
> Haute Meuse Net Services
(Entreprise d’Insertion,
coopérative à finalité sociale
agréée «Titres-services»
(travaux ménagers à
domicile) et agréée
«IDESS» (travaux de
proximité): 45
19
Chaussée de Marche, 100
4121 Neuville-en-Condroz
T : 04/371.55.30
F : 04/371.25.69
E : [email protected]
terre
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Pérou
c’est u
Association de producteurs de
San Marcos
Lorsque les cultivateurs se passent
d’intermédiaires pour commercialiser
leur production
Entreprendre autrement, c’est utile.
Entretien avec Berardo Abanto Cerna
membre de l’association de producteurs de tara 1 de San Marcos, Pérou
20
installé un dépôt. Les producteurs
étaient alors invités à vendre leur tara
à ce nouvel intermédiaire qui avait
l’avantage d’être sur place et offrait
à chaque producteur, pendant les deux
premières années, un bénéfice proportionnel à la quantité de tara vendue.
Ceux qui le désiraient pouvaient alors
s’inscrire à l’APTSM qui, rapidement,
a regroupé presque 200 membres
(191 exactement).
> Don Berardo Abanto
Quelle est l’histoire de votre
initiative et qu’est-ce qui a suscité
sa création ?
L’Association des Producteurs de Tara
de San Marcos (APTSM) a été promue
par l’Association Civile Tierra (AC
Tierra) à partir de 1999 afin de capter, dans la région, la quantité de gousses de tara nécessaire pour faire fonctionner son moulin (La vente des
gousses transformées en poudre par
le moulin pouvait ensuite bénéficier
aux producteurs sous forme de projets
d’assistance technique. NDLR).
Dans chaque «caserio» (village) environnant, le personnel du moulin de
San Marcos a désigné un acheteur et
terre
n°122 • automne 2008
Vie, mort et résurrection d’une
association
Pour diverses raisons, cette association
de producteurs n’a jamais atteint un
fonctionnement vraiment autonome et
a fini par tomber en complète léthargie.
Le moulin, quant à lui, n’a plus pu payer
les primes sur la production aux cultivateurs et, plus grave encore, n’avait plus
le fonds de roulement suffisant pour
continuer à acheter la production des
cultivateurs.
Les intermédiaires traditionnels qui ont
été surpris au début par l’offensive de
AC Tierra, ont vite contre-attaqué pour
récupérer le marché. Toutefois, le moulin géré par AC Tierra a quand même eu
le gros avantage pour les producteurs de
faire monter le prix de la gousse de tara
qui était auparavant achetée au rabais.
Du fait de sa structure, l’association
des producteurs de tara était ingérable:
comment réunir en assemblée générale
191 personnes venant des 4 coins de
la province? La solution aurait peut-être
été d’instaurer un système avec des
délégués par caserio.
C’est seulement au début de l’année
2008 que l’association a commencé à
bouger avec en particulier l’élection d’un
nouveau comité directif et d’une productrice comme présidente. Il se trouve que
tous les élus avaient participé, en 2005,
à un voyage à Piura (au Nord du Pérou),
organisé par certains techniciens d’AC
Tierra, pour aller rencontrer des producteurs d’une coopérative de café (l’association CEPICAFE) et découvrir leur système de commercialisation directe.
Quelles sont vos activités
actuelles ?
Du fait de la forte demande étrangère,
il existe une concurrence éhontée
entre les négociants intermédiaires
des entrepreneurs de Lima qui transforment et exportent. Le prix de la tara
1 La tara (gousse d’acacia) est un produit
andin servant pour le tannage du cuir et
l’industrie alimentaire.
utile
> San Marcos, Pérou.
ne cesse de monter, ce qui arrange
bien et inquiète en même temps les
producteurs car il savent que cela ne
pourra pas durer indéfiniment. Plus
grave encore, les intermédiaires achètent n’impor te quoi (tara humide,
verte, sale…) et parfois, ils rajoutent
des impuretés (déchets végétaux,
sciure de bois, sable fin…) pour profiter des prix élevés.
Il est probable que les clients liméniens et étrangers finissent par rejeter
la tara de San Marcos qui aura la réputation d’être de mauvaise qualité.
Pour contrecarrer cet écueil et pour
redonner de la vie à l’APTSM, les nouveaux dirigeants ont décidé de commercialiser directement une tara de bonne
qualité. Pour cela, ils ont pris contact
avec un entrepreneur de Lima pour négocier et passer un marché avec lui.
L’association s’est engagée à collecter et emmener directement à Lima
toute la production de tara de ses
membres dont la qualité est contrôlée.
Et de son côté, l’entrepreneur octroie
les fonds de roulement nécessaires
pour acheter cette production à un
prix légèrement supérieur à celui du
marché et envoie sur place un agent
pour faciliter la coordination.
L’APTSM a donc pris la décision de
devenir une vraie entreprise commerciale. «Pour nous c’est bien, car on
peut compter sur un prix stable et correct de la tara et cela dans la durée.
Pour nos familles c’est aussi une bonne
chose car l’entreprise va générer des
bénéfices qui pourront être utilisés pour
améliorer la situation de nos enfants.»
Pouvez-vous décrire le
fonctionnement de votre initiative ?
Concrètement, à tour de rôle, deux membres du conseil directif font régulièrement la tournée de la dizaine de caserios où se trouvent les adhérents de
l’APTSM pour acheter leur production
de tara. Ils louent ensuite une camionnette pour transporter la gousse des
caserios jusqu’aux dépôts que l’APTSM
a loués à San Marcos.
Quand une quantité suffisante de sacs
de tara a été collectée, elle est chargée dans un camion de 25 tonnes pour
être livrée à Lima. Le camion est lui
aussi loué et un membre de l’association accompagne le chargement jusqu’à
destination (environ 20 heures de
voyage). Tous ces frais de locations et de
déplacements sont à la charge de
l’APTSM sauf l’indemnité versée à la personne qui accompagne le chargement
et, bien sûr, le salaire de l’agent qui sont
payés par l’entrepreneur.
Lors de cette première campagne 2008,
nous avons envoyé 17 camions à Lima,
soit environ 450 tonnes de gousse de
tara, ce qui est vraiment un très bon
début et il n’y a eu qu’un seul accident:
une défaillance mécanique a provoqué
le renversement de la benne et plus du
quart du chargement a été perdu! Malgré cela les bénéfices sont là et on comprend maintenant pourquoi il y a tant
de négociants intermédiaires… ils
gagnent bien leur vie! Avec la 2e campagne 2008, on devrait réunir la somme
d’argent suffisante pour acquérir un terrain bien placé à San Marcos afin d’y installer notre dépôt et un petit bureau.
Actuellement, notre tara est stockée
dans des caserios dispersés et on fait
nos réunions sur les bancs de la place
principale de San Marcos!
terre
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21
> Victor Quiroz, un des membres de
l’association à l’origine du projet.
> Gousse de tara.
Entreprendre autrement, c’est utile.
En quoi votre entreprise se
différencie-t-elle d’une entreprise
classique ?
Cette idée, elle vient de nous, c’est nous
qui, ensemble, avons décidé de prendre
le risque et de nous lancer dans cette
aventure même s’il est vrai que nous
comptons sur l’aide d’un ex-travailleur
de l’AC Tierra.
Nous ne devons rien à personne. Le capital que nous avons c’est nous qui l’avons
constitué grâce à notre travail. Il n’appartient pas à l’un ou à l’autre, il appartient à tous.
Avec les membres du conseil directif et
ceux qui veulent, nous nous réunissons
avant chaque envoi de tara pour le préparer et après, pour savoir comment cela
s’est passé… et combien on a gagné!
Grâce à l’accord passé avec l’entrepreneur de Lima, on ne se fait plus rouler: le poids est juste, le prix nous
convient et nous savons que la tara
doit être de bonne qualité car sinon,
il ne la prend pas. Et devoir payer le
voyage retour c’est pure perte!
22
terre
n°122 • automne 2008
Pendant la foire des dimanches, au
lieu de faire des emplettes avec la
famille, on ne compte pas notre temps
et on se retrouve entre nous dans des
endroits stratégiques, à plusieurs
entrées de San Marcos, pour acheter
la tara (de bonne qualité!) qu’apportent
les producteurs avoisinants avant
qu’elle n’arrive aux dépôts des négociants intermédiaires traditionnels.
En travaillant l’aspect qualité, on contribue à ce que la tara maintienne, de
manière durable, sa place sur le marché
international et comme c’est un arbre
résistant adapté aux terrains difficiles, on
contribue à freiner l’érosion des sols et
à mieux profiter des pluies.
Et puis, comme le font les producteurs
de CEPICAFE, on rêve qu’un jour les bénéfices seront suffisants pour que l’association puisse donner des bourses à nos
enfants pour qu’ils fassent des études
supérieures à Cajamarca ou Lima. I
Entretien : François Greslou
Photos : D. Gabriel
c’est
néces
saire
Entreprendre autrement,
c’est nécessaire.
Par Riccardo Petrella,
président de l’Institut Européen de Recherche sur la Politique
de l’Eau (IERPE), Bruxelles.
individuelle. La richesse collective n’a
pas de grande valeur en soi. Une école,
richesse collective, dont le financement
est public — via la fiscalité — est considérée comme un coût pour le secteur
privé. L’école privée quant à elle, dont
le financement est assuré par les élèves (les «clients», les «consommateurs»)
est source de richesse (profit) pour le
capital privé. En outre, la sécurité d’atteindre le niveau de bien-être matériel
et immatériel le plus élevé passe, affirment-elles, par la possession et l’usage
privés des biens et des services en
fonction des intérêts et des besoins
personnels et individuels.
’opinion prédominante au sein
des classes dirigeantes européennes et, plus généralement,
occidentales, est qu’on ne peut pas
se passer du système capitaliste de
marché si l’on veut produire et distribuer
la richesse et la faire grandir. Par
richesse, elles entendent l’ensemble
des biens et des services matériels et
immatériels dont l’usage (la «consommation») est considéré être source de
bien-être, voire de bonheur, avant tout
individuels. Pour le système capitaliste,
celle qui compte est donc la richesse
L
Sortir du cadre du capitalisme
de marché
La réalité ayant systématiquement
démenti la justesse de ces conceptions, on assiste ces dernières années
à un renouveau des thèses sur le «bon»
capitalisme, sur le capitalisme a visage
humain, sur l’entreprise capitaliste
«socialement responsable», etc. L’équation qui semble contenter les tenants
du «bon» capitalisme (teint d’un peu
de rose et d’un peu de vert) est «allier
responsabilité sociétale et efficacité
économique». L’expérience montre que,
à choisir, l’efficacité l’emporte sur la responsabilité. Ainsi, les dirigeants actuels
s’accommodent-ils souvent d’une efficacité économique en présence d’un
bas niveau de responsabilité sociétale,
mais jamais de l’inverse.
C’est dire que, à mon avis, «entreprendre autrement» signifie sortir du cadre
du capitalisme de marché fût-il «vert»
et à visage humain. Entreprendre autrement signifie concevoir, produire, distribuer et user une autre richesse.
Certains biens et services doivent rester publics
Il y a d’abord une richesse qui est faite
de tous les biens et les services qui
sont essentiels, indispensables et
insubstituables pour la vie de tout être
humain et pour la sécurité d’existence
des communautés humaines.
Ces biens et services ne peuvent être
gouvernés par les logiques de l’échange
marchand et du profit individuel.
On peut les mentionner: l’énergie du
soleil, l’air, l’eau, les forêts, le capital
biotique, la santé, le logement, la
connaissance, l’éducation… Ces biens
(et les services s’y rattachant) constituent la richesse collective, sont la base
du vivre ensemble et de la survie collective. Le «gouvernement» de cette
richesse (en termes de propriété, financement, gestion et contrôle, usages)
doit être public (étatique et non-étatique). L’association Terre fait partie
des entreprises publiques non-étatitiques censées produire de la richesse
collective en termes de services rendus
à certaines catégories de la population
en Belgique et ailleurs, notamment
dans les pays appauvris du monde. Les
critères de calcul et d’évaluation de
terre
n°122 • automne 2008
23
> Riccardo Petrella, lors de
la conférence de presse
du lancement de la campagne
«Entreprendre autrement au
Nord et au Sud».
cette richesse sont substantiellement
différents de ceux utilisés dans une
société capitaliste de marché.
Entreprendre autrement, c’est nécessaire.
24
Produire ce qui est nécessaire
La richesse qui doit être produite à
l’heure actuelle est précisément celle
des biens et des services communs
de base: c’est de l’eau pour des milliards de personnes qui n’ont pas
d’accès à l’eau potable et aux services sanitaires ; ce sont les aliments pour le milliard d’êtres
humains affamés et non pas du soja
pour l’alimentation animale destinée à l’alimentation des populations
riches du Nord ; c’est la production
de médicaments et la construction
d’hôpitaux pour les deux milliards
(et plus) de personnes qui habiteront en 2030 des bidonvilles, si rien
de radical n’intervient dans le devenir des villes et de la pauvreté, et non
pas dans la construction d’armes,
d’avions de chasse et de bombes ato-
terre
n°122 • automne 2008
Q. Mortier / Autre Terre
c
néces
Fermer des écoles et ouvrir
des prisons ?
Victor Hugo avait dit au XIXe siècle que
«celui qui ouvre les portes d’une école,
ferme celles d’une prison». Aujourd’hui,
la culture de nos sociétés «riches» est
de penser qu’on peut, qu’on doit, fermer les écoles publiques et les prisons publiques qui représentent un
coût pour «le contribuable» (lire: «pour
les classes aisées») et ouvrir des écoles et des prisons privées payantes.
Portant le raisonnement jusqu’à sa
logique interne: il est préférable d’arrêter d’être entrepreneur d’une école
publique et devenir entrepreneur d’une
prison privée, cette dernière étant jugée
produire davantage de richesse pour
l’économie. Quelle perversion!
miques pour «garantir la sécurité» des
puissants. Entreprendre ce n’est pas
produire, en priorité, du Coca-Cola,
des montres Rolex, des voitures 4x4,
des centres financiers, des gratteciels de 500 mètres, des téléphones
cellulaires avec la puissance d’un
ordinateur militaire, des packages de
vacances… à savoir des biens et des
ser vices pour les «consommateurs
solvables».
Pour une plus grande qualité
de vie collective
Entreprendre autrement signifie en
deuxième lieu, donner la priorité aux
biens et aux services qui contribuent
à élever la qualité du vivre ensemble,
non seulement sur le plan économique et environnemental, mais aussi
sur le plan civique et culturel. Cela
signifie produire en investissant dans
l’apprentissage du respect de l’autre, dans les mécanismes et les pratiques de la démocratie par ticipée
(l’entreprise n’est pas un lieu «étranger» aux décisions démocratiques, ni
une armée en guerre), dans la pratique du beau, des arts, de la sagesse,
du long terme, de la «res publica» (de
l’intérêt commun). Entreprendre autrement implique l’abandon du culte de
la compétitivité, notamment par une
révision de la fonction, du rôle et de la
culture des écoles de management qui,
telles qu’elles sont en majorité actuellement, mériteraient d’être fermées.
Transformer la finance sans se
contenter de
l’accompagnement humanitaire
L’entreprise coopérative doit surtout
transformer le monde de la finance. On
n’«entreprendra autrement» que si l’on
tend à construire un autre système
financier. La financiarisation actuelle
de l’économie et de la société est l’élément central qui bloque et pervertit
toute innovation ou transformation
sociétale allant dans le sens de l’intérêt de la population mondiale. Les
formes représentées par la finance
sociale et solidaire sont un début
timide. Il faut des nouveaux entrepreneurs financiers pour qu’ils les fassent
sortir de la culture de la résidualité et de
l’accompagnement «humanitaire» dans
laquelle elles se sont enfermées. I
Sénégal
Mutuelles de santé
communautaire
Comment faire face à l’absence d’État
en partant de la base ?
c’est
ssaire
Entretien avec Thomas Diop,
président de la Mutuelle de Lalanne.
«L’assistanat, ce n’est pas durable. Les populations doivent se
prendre en charge elles-mêmes. Ici, au Sénégal, les gens savent
qu’il ne faut rien attendre de l’État. Les mutuelles font ce qu’il
devrait faire. Je les aime car elles nous rendent libres et
indépendants du pouvoir politique»
u Sénégal comme dans d’autres pays, l’État ne remplit
pas toutes ses fonctions, y
compris certaines qui sont essentielles, comme la prise en charge des
soins. Pour pallier ce manque, des villageois ont créé des mutuelles de
santé communautaire.
Tout commence dans les années 80:
face à l’absence de soins de qualité
autour de Thiès, située à 80 km de
Dakar, un organisme privé construit
l’Hôpital Saint-Jean de Dieu. La volonté
de ses fondateurs était d’offrir un
accès le plus large possible à la population, en pratiquant des tarifs accessibles. Mais malgré tout, dans une
région rurale où 80 % de la population
vit de l’agriculture ou du secteur informel, les 6.000 francs CFA d’une journée d’hospitalisation (8 euros) restent dif ficiles à trouver pour une
majeure par tie des habitants de la
région, dont le revenu moyen est de
30.000 francs CFA par mois (45
euros). Les paysans et l’ensemble du
secteur informel se retrouvaient donc
de facto exclus.
Forte de ce constat et souhaitant faire
face à la situation, la Communauté
rurale de Fandeme a recherché une
alternative: en 1989 est lancée la première mutuelle de santé communautaire du Sénégal. Chaque mutualiste
A
terre
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25
d
Entreprendre autrement, c’est nécessaire.
26
c’est
néces
cotisait à l’époque 100 francs CFA
(0,15 euros) par mois et par personne,
donnant droit à une prise en charge à
70 % du coût des soins primaires et
100 % des frais d’hospitalisation. Sur
3.000 habitants, 2.700 ont participé.
L’expérience a fait tache d’huile, d’autres mutuelles se sont créées dans
la région et un Comité de pilotage et
de coordination des mutuelles de
santé s’est créé. ENDA – une ONG
sénégalaise – a monté le GRAIM, groupement de recherches et d’appui aux
initiatives mutualistes, en 1997: il
soutient le montage, forme les
gérants, coordonne les activités. ENDA
a pour objectifs «le renforcement des
capacités populaires» et de «favoriser
l’apprentissage réciproque et l’acquisition de compétences nouvelles».
Aujourd’hui, sur la région de Thiès,
18.550 familles sont couvertes par
une mutuelle de santé communautaire, ce qui représente 100.000 bénéficiaires, sur 1 million d’habitants. 3
mutuelles de santé communautaire
se créent chaque année et le taux
d’adhésion augmente constamment.
Pour tant, au début, les obstacles
étaient nombreux: d’abord, il y avait la
méfiance. «Comment, en donnant 100
francs CFA par mois, pouvez-vous payer
des frais d’hospitalisation de 30.000
francs CFA ou plus?». Une bonne par-
terre
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tie de la population croyait qu’il s’agissait d’une opération visant à voler de
l’argent ! Comme nous l’explique Mme
Nogaye, présidente de la mutuelle Jappoo Pafu. D’autre part, des croyances populaires véhiculaient l’idée que
«cotiser pour prévenir la maladie, c’est
l’attirer!». Quelques personnes expliquaient même que le Coran était
contre les mutuelles…
De la sensibilisation, des réunions fréquentes, une bonne stratégie permettant de convaincre en premier lieu les
relais d’opinion (chefs religieux et politiques, en particulier les marabouts)
ont permis de dépasser les réticences initiales.
En 2001 est organisée la première
grande manifestation des Mutuelles,
la «journée de la mutualité». Pour donner un coup d’accélérateur aux adhésions et aux créations de Mutuelles de
santé, le GRAIM a lancé depuis 2002
une émission de radio hebdomadaire
animée par Rosalie Gomis qui explique
et fait la promotion des mutuelles. Le
microcrédit est aussi utilisé pour inciter la population à rejoindre les mutuelles de santé, en conditionnant le microcrédit au fait de s’y inscrire.
Une fois l’idée lancée dans une communauté, 8 mois sont nécessaires au
fonctionnement de la mutuelle ; une
trentaine de personnes suffisent à
por ter le projet ; il faut compter 3
mois pour préparer l’assemblée générale constitutive. Ensuite sont mis en
place les organes de fonctionnement.
Les premières cotisations alimentent
le fonds de réserve, et les remboursements interviennent après un délai de
3 à 6 mois. 1.000 mutualistes sont
nécessaires à un budget équilibré.
Mme Nogaye, présidente de la
mutuelle Jappoo Pafu (se soigner dans
la solidarité en langue wolof), et Elimane, son gérant, nous racontent la
création de leur mutuelle de santé
communautaire: «Nous avons lancé
l’idée en décembre 2000. Nous sommes dans un milieu rural, où l’accès
aux soins est difficile. Louty Sow, une
femme de la communauté, a vu 3 de
ses enfants touchés par une maladie
grave simultanément: l’un d’eux a eu
une méningite, et les 2 autres ont été
touchés par le paludisme. Fréquemment à l’hôpital, elle a vu des gens
qui ne payaient pas, mais donnaient
une simple lettre. C’est en parlant
avec eux qu’elle a découvert l’existence des mutuelles. Elle est revenue
au village décidée à en créer une. Nous
avons formé un groupe et sommes
allés voir les chefs religieux pour obtenir leur accord. Ensuite, ENDA GRAIM
nous a donné une formation de 4 jours.
La mutuelle de santé a commencé
ses premiers remboursements au
mois de juillet 2001: sur 18.000 habitants, 1.500 sont mutualistes. C’est
difficile de convaincre, nous manquons
de temps, de moyens».
M. Niass, le médecin responsable du
Poste de santé, a constaté une augmentation de la fréquentation: «Avant,
les malades ne venaient pas faute
d’argent. Et se décidaient à consulter
à la dernière minute, quand ils
n’avaient plus le choix. Ils étaient donc
difficiles à soigner, car la maladie était
à un stade avancé. On est passé de
2.000 à 8.000 consultations par an.
L’état de la population couverte s’est
nettement amélioré. De plus, comme
notre poste de santé fonctionne mieux,
nous pouvons investir et accroître la
qualité des soins. Par notre place,
nous participons à la sensibilisation,
en invitant nos patients qui ne sont
pas membres à adhérer».
Toutefois, il existe encore des difficultés: Penda Seck, mutualiste dès le
début, a depuis le décès de son mari
des problèmes pour payer ses cotisations. En effet, les charges sont retombées sur elle: dotée d’un budget limité,
elle doit faire face à l’alimentation, au
logement, aux études... Avec 6
enfants, elle ne peut pas débourser
1.400 francs CFA par mois. Elle est
donc obligée de reporter les soins,
«alors que la maladie n’attend pas».
Thomas Diop fait partie des pionniers
des mutuelles de santé sur base communautaire: c’est en 1993 qu’avec
un groupe de jeunes villageois de
Lalanne il souhaite résoudre les problèmes d’hospitalisation des malades. La difficulté de l’époque: les soins
primaires sont assurés gratuitement
par des religieuses d’Albi. Et parfois,
dans les cas critiques, elles accompagnent les malades à l’hôpital et règlent
les soins pour eux. «La population était
endormie par la présence des dominicaines. L’assistanat, ce n’est pas
durable. Les populations doivent se
prendre en charge elles-mêmes. Ici, les
gens savent qu’il ne faut rien attendre
de l’État. Les mutuelles font ce qu’il
devrait faire. Je les aime car elles nous
rendent libres et indépendants du pouvoir politique. Nous ne voulons pas
être assistés, et elles nous permettent
d’éviter ce piège. Nous avons besoin
d’appuis, oui, pour la formation et l’investissement (comme la construction
du siège, soutenue par la ville de Verviers en Belgique, et l’ONG sénégalaise ENDA). Avec ça nous pouvons
être autonomes et construire notre
avenir».
Thomas Diop fait preuve de prudence
et avance lentement. «Un rien et tout
peut s’effondrer: les cotisations sont
volontaires. Pour la collecte de l’argent, 15 délégués reconnus par la
population passent dans chaque maison. C’est un maillon essentiel: ils
doivent être loyaux et intègres».
Parfaitement gérée (le patrimoine de
la mutuelle est amorti, la location de
chaises rapporte par exemple 3.500
francs CFA par an, soit 5,5 euros!), la
mutuelle a des réserves pour investir
et faire face à des catastrophes (épidémies, etc.). Elles permettent d’ouvrir la voie à d’autres projets.
«J’aime le social: on sent la souffrance
des gens, les inquiétudes. Et on participe à la solution. On s’élève», explique Thomas Diop. Toutes les activités menées à Thiès par ENDA
s’inscrivent aujourd’hui dans le même
objectif: l’instauration d’une gouvernance collective par la formation des
citoyens. Au-delà de la santé, c’est un
projet politique, de société, qui est
mené par ENDA: créer une forme d’État
en partant de la base. I
ssaire
Article et photos: José Lavezzi
Assistant au Parlement européen
Photo-reporter bénévole pour la valorisation
d'initiatives portées par les citoyens
sur le terrain
i
www.jose-lavezzi.com
www.bazarts.org
terre
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27
Belgique
Le Groupe
La Lorraine
c’es
néc
Entreprendre autrement, c’est nécessaire.
Le Groupe La Lorraine revendique une autre manière
d'entreprendre. Acteur économique, créateur de liens sociaux
et de richesse, il occupe plus de 300 personnes.
28
istoriquement l'action du
Groupe La Lorraine dans le
domaine de l'intégration par
le travail a commencé avec l'ETA La
Lorraine 72 il y a 33 ans. Paradoxalement, ce sont les résultats financiers
et le savoir-faire dégagés par cette première entreprise qui emploie du personnel handicapé qui ont permis de créer
La Lorraine 95, les titres-services de
La Lorraine et les titres-services de
L'Ardenne dédiées quant à elles à la
mise à l'emploi de personnes valides
en marge du marché du travail.
H
terre
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Après 33 ans de travail, le Groupe La
Lorraine ne se démarque pas de ses
premiers objectifs: il s'agit toujours
de promouvoir la reconnaissance
sociale des personnes par un travail
utile pour la société. Dans cette perspective, le travailleur n'est pas simplement l' «objet» d'une assistance
sociale mais le «sujet» d'une action
collective où le statut de travailleur et
l'intégration à la société salariale sont
prédominants.
Un moteur de cette réussite est sans
conteste la volonté d'encourager à
tous les niveaux des entreprises du
Groupe La Lorraine la démocratie économique, la participation, l'autogestion et la responsabilisation des travailleurs quant aux droits et devoirs
impliqués par la relation travailleuremployeur.
Trois axes sont développés pour atteindre ces objectifs: accompagnement
social des travailleurs tout au long de
leur parcours, formations pour l'ensemble du personnel et valorisation du
travail par la prise de responsabilité de
gestion. Concernant ce dernier axe,
st
cessair
ils entretiennent d'ailleurs avec les
syndicats une réelle collaboration partenariale.
Les entreprises du groupe proposent
des services allant du lavage de vitres
à la pose de chapiteaux. Elles ont un
large éventail d’activités à destination
des entreprises, des administrations
publiques, des collectivités et des particuliers.
La politique volontariste de La Lorraine dans le domaine de l'économie
sociale, lui a permis d'occuper une
place de choix au sein du tissu économique régional, tirant le meilleur profit de sa situation frontalière idéale et
de son charroi constitué de quelque
85 véhicules et engins.
La différence entre une entreprise traditionnelle et les
entreprises du Groupe
La Lorraine : l’intérêt général
Si les entreprises traditionnelles se
développent pour elles-mêmes et pour
le bénéfice de leurs actionnaires, le
Groupe La Lorraine a une toute autre
finalité: assurer l'intégration sociale et
humaine des personnes fragilisées
par le travail.
D’après la grille de lecture de Robert
Castel1 appliquée au groupe par le professeur Michel Mercier (Fundp), nous
pouvons constater que le travail a trois
fonctions: il est source de valorisation (l'individu est valorisé à partir de
son travail et de ce qu'il produit), de
biens sociaux (entre les individus, les
travailleurs, les producteurs et les
consommateurs) et de richesse (il
génère de la valeur ajoutée et permet
la répar tition des richesses via les
salaires).
À travers ses services, par la valorisation de l'image de l'entreprise (logo
sur les véhicules, etc.), par la distribution de salaires décents négociés avec
les organisations syndicales et par le
brassage des populations des diverses entreprises, La Lorraine participe
29
terre
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Entreprendre autrement, c’est nécessaire.
> La Lorraine défend une
conception entrepreneuriale de l'Économie
sociale et veut démontrer
qu'à l'image de toute
autre entreprise d'économie traditionnelle, les
entreprises de l'économie sociale offrent des
biens et des services de
qualité et visent à réaliser un bénéfice mais
avec la garantie d'un
développement durable
ainsi que d'une participation active des travailleurs à leur milieu de
travail
30
à l'élaboration d'une société qui met
en avant le statut salarial et reconnaît
à chacun le droit de participer au développement de la société.
L'entreprise se met au service des travailleurs (et particulièrement des personnes handicapées ou momentanément fragilisées) mais tente d’éradiquer
toute forme d'aide qui se substitue à
la volonté du travailleur et les nie en
tant qu'acteurs de leur propre vie.
Entreprendre socialement
La Lorraine défend une conception
entrepreneuriale de l'Économie sociale
et veut démontrer:
> que l'économie sociale donne un
cadre pour une autre manière d'entreprendre en misant sur l'intégration, la démocratie et la réussite
économique ;
> qu'à l'image de toute autre entreprise d'économie traditionnelle, les
entreprises de l'économie sociale
offrent des biens et des services
de qualité et visent à réaliser un
bénéfice mais avec la garantie d'un
terre
n°122 • automne 2008
développement durable ainsi que
d'une participation active des travailleurs à leur milieu de travail ;
> que l'entreprise de demain ne pourra
se passer d'une dimension d'économie durable pour pérenniser son
activité ;
> que l'économie sociale permet de
dégager une plus value éthique et
sociétale du bien ou du service produit.
Claudia Marongiu
1 Robert Castel, « Les Métamorphoses de la
question sociale », Ed. Fayard, Paris, 1995.
Terre libre
Rencontre Belgique-Italie
amedi 31 mai, aux alentours de
10 heures, quelques équipes
de footeux foulent la pelouse
du club de Goutroux et taquinent le ballon en guise d’échauffement. À entendre
les participants, à voir les supporters
présents, le match Italie – Belgique, survenu quelques jours plus tôt, a presque
pâle allure…
Qu’on ne s’y trompe, il s’agissait bien
du Trophée William Wauters version coupe
d’Europe. Nous avions en effet décidé de
remettre en jeu cette coupe lors de la
visite de Terre par des travailleurs de la
coopérative italienne Abele Lavoro.
Au-delà d’une météo au rendez-vous,
cette journée fut une réussite à plus d’un
égard:
Pour la soixantaine de participants belges et italiens, ce fut l’occasion de se rencontrer dans le cadre d’un nouvel échange
entre Abele Lavoro et Terre. Juste le
temps de se rendre compte une nouvelle fois que notre utopie n’a pas de
frontières.
Durant cette matinée, parenthèse souvent souhaitée, l’opportunité se présenta
S
Agenda
Salons
Voici les différentes dates
auxquelles vous pourrez rencontrer
nos équipes d’animation.
Du 15 au 19 octobre
Salon Education EDUC
et du Livre de jeunesse
A Namur Expo
www.saloneducation.be
Du 22 au 23 octobre
Forum des entrepreneurs
Halles des foires de Liège
www.initiatives.be
de troquer nos outils respectifs contre
des vareuses et un ballon, de compenser certaines carences footballistiques
en affûtant notre sens de l’humour et
notre convivialité.
Comme souvent dans la réussite de nos
projets, ce tournoi releva d’une astucieuse alchimie. Un équilibre trouvé entre
la maestria technique transalpine, l’engouement liégeois et un accueil fontenois de qualité.
Côté résultats, les travailleurs de Terre,
en hôtes qui se respectent, ont laissé le
«scudetto» migrer à Turin… pour mieux
le reconquérir aux pieds des Alpes d’ici
quelque temps! I
François Malaise
Du 21 au 23 novembre
Salon Planet Attitude
Nouveau : espace de marques
équitables au cœur de Liège
A Tour et Taxis
www.planetattitude.eu
23 octobre
Inauguration des nouveaux
bâtiments de Terre asbl
Après avoir construit et occupé des
bâtiments à Vivegnis, à Fontaine
L’Evêque, puis en zone 1 du parc
industriel des Hauts-Sarts à
Herstal, Terre s’étend maintenant à
la zone 2 où elle vient d’achever la
construction de locaux pour y
abriter une grande partie de ses
bureaux ainsi que la SAFS
Récol’Terre.
Du monde à la maison
Vêtements, accessoires de mode,
bijoux, cosmétiques, soins du
corps, linge de maison, déco,
vaisselle, café, biscuits, chocolat,
jus de fruits… des tas de beaux et
bons produits faits de belles
façons… à découvrir!
• En Neuvice, 14 à Liège
(petite rue piétonne en face du Perron)
• Du mardi au samedi, de 12 à 18h
et le dimanche de 10 à 15h.
www.dumondealamaison.be,
04 222 11 34
31
t
est une publication destinée à promouvoir l’économie sociale et solidaire
à travers des initiatives ainsi que des réflexions du Nord et du Sud.
Abonnement (gratuit) et information
T : +32 (0)4 240 58 38 - E : [email protected]
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