HISTORIQUE du 6e REGIMENT de DRAGONS 1673 – 1973 AVERTISSEMENT Ouvrage très complet, « l’Historique du 6e Régiment de Dragons », édité par la Librairie Delagrave à Paris, présentait les inconvénients de s’arrêter en 1898 et de n’être accessible qu’à quelques lecteurs privilégiés du fait du petit nombre d’exemplaires encore en bibliothèque. Cet historique, qui n’en est qu’un condensé pour la période ancienne, n’a pour but que de montrer qu’en 1914 comme en 1940, le 6e Régiment de Dragons a su suivre l’exemple de ses anciens. INTRODUCTION Généralités sur les Dragons Les origines C’est sous le règne d’Henri II, en 1554, qu’apparaissent dans l’Armée Française les premiers « Dragons ». A cette époque, en effet, le Maréchal de Cossé Brissac fait campagne en Italie contre les troupes de Charles Quint. Pour couvrir sa retraite, il prélève sur ses différents corps des arquebusiers et les monte sur des chevaux disponibles. Ceux-ci prendront l’appellation de Dragons. Les services rendus par eux au Piémont entraînent très rapidement un accroissement des effectifs. Pour combattre à cheval, les Dragons se rangent sur plusieurs lignes, lorsque la première a fait feu de sa mousqueterie, elle exécute une volte et passe en dernière ligne pour recharger ses armes, laissant au deuxième rang la possibilité d’ouvrir le feu. Afin de permettre aux Dragons de combattre à pied, très vite on prévoit une courroie qui est fixée d’un côté à la têtière d’un cheval et de l’autre s’engage dans un anneau cousu à la bride du cheval voisin. Ainsi chaque rang peut être conduit par les deux cavaliers des ailes qui sont restés à cheval. Sous le règne de Louis XIII Déjà considérablement réduit en effectif par Henri IV, le Corps des Dragons sera supprimé en 1629. Toutefois, dès 1635, le Cardinal de Richelieu met sur pied un régiment de 1 200 hommes, comprenant 12 compagnies. L’année suivante, l’organisation de la Cavalerie par régiment étant supprimée, les 12 compagnies constitueront des escadrons à 3 compagnies. Sous le règne de Louis XIV (1673-1715) C’est sous le règne de Louis XIV que les Dragons vont définitivement être structurés en régiment et recevoir une organisation précise, ayant jusqu’alors été considérés comme un corps irrégulier appartenant tantôt à la Cavalerie, tantôt à l’Infanterie. Le 27 janvier 1668, deux régiments sont constitués à partir des Dragons étrangers du Roy formés en Allemagne par Montecuculi et des anciennes compagnies de carabins du Cardinal. Ces deux régiments prennent le nom de Royal Dragons et de Colonel Général. Le Duc de Lauzun sera le premier Colonel Général des Dragons. Le nombre de régiments ayant considérablement augmenté avec les différentes campagnes menées par le Roi, le 17 décembre 1684 le Roi crée la charge de Mestre de camp Général des Dragons en faveur du Comte de Tessé. Désormais, les Dragons forment un corps à part au sein des régiments de Cavalerie. Lors de la paix de Ryswick en 1697, le Roi réduit à 14 le nombre de ses régiments de Dragons. Ces quatorze vieux échapperont à toutes les réformes qui bouleverseront la Cavalerie jusqu’à la Révolution. Bien que cela se fasse encore parfois, le combat en ligne à cheval ne se pratique plus guère pour les Dragons. Ceux-ci sont davantage employés à escorter des convois, harceler l’ennemi lors d’une marche ou d’une retraite, occuper rapidement un point ou le tenir. Ils sont enfin souvent appelés à tenir les boyaux ou les têtes de sapes durant les sièges. Aussi bien employés comme cavaliers que comme fantassins, ils recevront dès 1676 pour armes : le mousqueton à baïonnette, le pistolet et le sabre. Sous le règne de Louis XV (1715 – 1774) En 1715, à la fin de la guerre de succession d’Espagne, le nombre des régiments de Dragons est porté à 15. Une ordonnance de 1721 réglemente la composition de ces régiments formés de 12 compagnies. Chaque compagnie, outre ses officiers, comprend 1 maréchal des logis et 41 hommes mais 21 seulement sont montés. Quelques modifications sont faites, tant dans le nombre des régiments que dans les effectifs, mais c’est surtout en 1762 que sont accomplies les principales réformes . La Guerre de sept ans a en effet montré l’incontestable supériorité de la cavalerie du Roi de Prusse. 17 Régiments de Dragons, fort de 18 compagnies, sont maintenus ; chaque compagnie comprend 1 Capitaine, 1 Lieutenant, 1 SousLieutenant et 46 hommes . Les capitaines ne sont plus propriétaires de leur compagnie et n’ont plus la charge du recrutement et de l’habillement. On crée la fonction de trésorier. La solde est réglementée. Le règne de Louis XVI En 1776, le Corps des Dragons comprend 24 régiments à 6 escadrons, dont un de chasseurs et un de dépôt. Trois ans après, en 1779, ces escadrons de chasseurs sont enlevés aux Dragons et regroupés entre eux forment les nouveaux régiments de Chasseurs à cheval. En 1788, les régiments réunis par deux constituent des Brigades, commandés par des maréchaux de camp. Le nombre des régiments est porté à 18, chaque régiment étant constitué de 3 escadrons à 2 compagnies, comptant chacune sur le pied de paix : 1 Capitaine, 1 Lieutenant, 1 Sous-Lieutenant, 1 porte-guidon surnuméraire et 77 Dragons, dont 2 à pied ; l’Escadron est commandé par un Chef d’Escadron, nouveau grade ainsi créé. Dans le même temps, les charges de Colonel Général et de Mestre de Camp Général des Dragons sont supprimées et désormais les Commandants de régiments remplacent l’appellation de Mestre de Camp par celle de Colonel. Le 1er janvier 1791, paraît le décret par lequel « les 18 Régiments de Dragons quitteront leurs noms actuels et ne seront désignés à l’avenir que par le numéro de leur rang de création ». A la fin de l’Ancien Régime, les Dragons forment donc un Corps déjà ancien ayant acquis une solide réputation de bravoure et dont les structures longuement rodées, au cours des diverses campagnes, sont adaptées aux conflits dans lesquels la France va être engagée pendant 25 ans. Sous la Révolution et le Consulat En 1793, on crée trois nouveaux régiments. Ainsi la Cavalerie compte 21 régiments de Dragons, 25 de Cavalerie lourde, 25 de Chasseurs à cheval, 12 de Hussards et 2 de Carabiniers. Les régiments de Dragons sont formés de quatre escadrons à 170 hommes chacun. En 1801, Bonaparte, pour stimuler de façon permanente ses troupes, décide la création d’une compagnie d’élite dans chaque régiment. Le décret du 18 Vendémiaire an X (10 octobre 1801) en donne l’application. La 1ère Compagnie du 1er Escadron de chaque corps de Cavalerie prendra le nom de Compagnie d’Elite. Elle sera formée d’hommes choisis dans tous les corps. En 1803, le nombre des régiments de Dragons est porté à 30 par la transformation de 6 régiments de grosse cavalerie, et de 3 régiments de Hussards ; le nombre d’escadrons est porté de 4 à 6. Sous le 1er Empire Napoléon 1er apportera peu de changements dans la constitution de ses régiments de Dragons. Un régiment de Dragons de la Garde Impériale sera monté en 1806 par prélèvements de 12 Dragons ayant au moins 12 ans de service et de quelques officiers dans chacun des 30 régiments déjà existants. En 1811, l’Empereur ayant pu constater l’efficacité des corps ennemis, dotés de la lance, au cours de ses campagnes en Europe centrale et orientale, décide que les 1er, 3e, 8e, 9e, 10e et 29e Dragons seront transformés en chevau-légers Lanciers. Sous la Restauration et le Second Empire Le 12 mai 1814, Louis XVIII réduit les effectifs de la Grande Armée, le nombre de régiments de Dragons est ramené à 15. Après les Cent Jours, ces régiments seront licenciés par décret royal du 16 juillet 1815, pour être réorganisés dès le 30 août. Les 10 corps restant comportent 4 escadrons identiques, portant le nom de leur Capitaine Commandant, l’effectif total du régiment s’élevant à 44 officiers et 538 sous-officiers et hommes du rang. Enfin, chaque régiment en plus de son numéro reçoit le nom de la région de recrutement : 1er Dragons du Calvados, 2e du Doubs, 3e de la Garonne, 4e de la Gironde, 5e de l’Hérault, 6e de la Loire, 7e de la Manche, 8e du Rhône, 9e de la Saône et 10e de la Seine. C’est une rupture brutale avec une tradition et une filiation ininterrompue à travers les guerres et les régimes. Il est en effet très rare qu’un nouveau corps comprenne des éléments appartenant à l’ancien régiment qui portait le même numéro. En 1825, Charles X fixe à 12 le nombre des régiments de Dragons, leur rend leur véritable numéro d’ordre et les laisse sur la base de 4 escadrons. Cette organisation varie peu jusqu’au Second Empire à partir duquel un cinquième escadron est créé. Pendant la guerre de 1870, 4 nouveaux régiments de Dragons sont mis sur pied avec les escadrons de dépôt des anciens régiments. Puis le Gouvernement provisoire crée 6 nouveaux régiments de marche. Sous la République 1ère période : 1871-1918 Dès la fin de la guerre de 1870, les régiments de marche sont dissous, mais les Dragons de l’Impératrice et les 7 régiments de Lanciers sont convertis en régiments de Dragons, portant les numéros de 13 à 30. Tous ces régiments sont sur la base de 6 escadrons. En 1875, le 6e escadron de chaque régiment est supprimé pour permettre de porter le nombre des unités à 26. Entre 1887 et 1913, 6 autres unités seront mises sur pied. Ce sont en 1887 les 27e et 28e, en 1890 le 29e, en 1891 le 30e, en 1893 le 31e et en 1913 le 32e ; 14 de ces 32 régiments faisant partie des divisions de Cavalerie indépendantes sont armés de la lance. Les autres font partie des 18 brigades de Cavalerie réparties à raison d’une par corps d’armée. En 1914, pour pouvoir porter à 10 le nombre des divisions indépendantes presque uniquement composées de Cuirassiers et de Dragons, on met sur pied les 33e et 34e Régiments de Dragons. Tous deux seront d’ailleurs dissous en 1916, lorsque les effectifs de la Cavalerie seront réduits. En effet, le développement de la guerre de tranchée demande de plus en plus d’Infanterie, et si quelques unités de Cavalerie continuent à être employées que pour des missions propre à leur arme, la plupart seront soit démontées, soit amenées suivant les circonstances à être employées indifféremment comme cavaliers ou comme fantassins. 2e période : 1919-1944 Une transformation décisive s’amorce durant cette période. Les unités de Cavalerie sont progressivement motorisées et même équipées de chars. Dès 1919, avec la démobilisation, commence la réduction d’effectifs de l’Armée Française et 21 régiments de Dragons sur 32 vont être dissous en 10 ans. En 1929, sont créés 5 bataillons de Dragons portés, portant les numéros de 1 à 5 et issus à la fois des 5 premiers régiments qui ont été dissous et des groupes de Chasseurs cyclistes formés en 1913, et également dissous en 1929. Ces bataillons prendront le nom de régiment 1936 et 1939. A la mobilisation de 1939, sont créés les 11e, 12e, 14e et 15e Régiments de Dragons portés, tandis que les 9e, 10e, 20e et 30e Dragons forment 4 groupes de reconnaissance de Corps d’Armée et 13 groupes de reconnaissance de Division. Dans le même temps, les 13e, 18e et 29e régiments sont équipés de chars. A la déclaration de guerre, sur 16 unités de Dragons, 9 seront du type portées, 3 blindées et 4 seulement montées (les 6e, 8e, 19e et 31e). Il n’y a donc plus d’unité de structure et à fortiori de missions. En juin 1940, d’ultimes transformations interviendront encore, le 8e et le 12e Régiments seront équipés de chars, tandis que le 31e deviendra Régiment de Dragons portés. Lors de la signature de l’armistice, 15 régiments sont dissous, ainsi que les G.R.C.A. et G.R.D.I. L’Armée française décimée est regroupée en zone libre. Mais lorsque les Allemands envahissent la zone libre, sur les 4 régiments restant, le 3e et le 5e sont dissous à leur tour, le 8e prend le maquis et le 2e se reforme en Afrique du Nord. 3e période : 1944-1973 Durant cette période la Cavalerie va se transformer entièrement pour devenir une Armée blindée et les régiments de Dragons assureront des missions très diverses. 14 régiments reconstitués participent à la Libération du sol national ; certains pour quelques mois à peine car dès la fin de la guerre, les effectifs sont à nouveau réduits et de nouvelles dissolutions sont prononcées. En 1956, les besoins de la guerre d’Algérie entraîneront la réactivation d’un grand nombre d’unités. Sur les 20 régiments de Dragons servant tant en Métropole qu’en Algérie, 7 sont entièrement à pied. La déflation des effectifs due à la fin de la guerre d’Algérie entraîne une réduction du nombre des unités, mais par contre celles-ci, pour être en mesure de participer à un conflit moderne, seront toutes soit mécanisées, soit blindées, à l’exception du 13e Dragons qui occupe dans l’Armée française une place à part. Actuellement, 6 régiments de Dragons (les 1er, 4e, 5e, 8e, 16e et 18e) forment des régiments mécanisés au sein des brigades sur la base de 2 escadrons de chars, 2 escadrons portés sur véhicules blindés, - 3 régiments (les 2e, 6e et 30e) sont employés comme régiments de chars de brigade, - le 13e Régiment de Dragons Parachutistes a essentiellement des missions de renseignements en patrouilles profondes. Réalisant au sein de leur subdivision d’arme l’amalgame et la polyvalence « chars de bataille-mécanisés », les Dragons répondent à la fois aux missions multiples assurées par leurs prédécesseurs et aux exigences les plus modernes. PREMIERE PARTIE * LES DRAGONS DE LA REINE 1673- 1791 I – Le règne de LOUIS XIV (1673-1715) II – Le règne de LOUIS XV (1715-1774) III – Le règne de LOUIS XVI (1774-1793) CHAPITRE PREMIER La création du Régiment et le règne de Louis XIV (1673-1715) La création du Régiment : 1673 Le 14 septembre 1673, un édit royal crée le service spécial de la Reine MarieThérèse : un régiment de Dragons qui en raison de son affectation particulière prendra nom de « Dragons de la Reine ». Le Chevalier d'Hocquincourt, son premier mestre de camp, reçoit l'ordre de lever ce régiment à Philippsbourg, alors place française. Bien que 6e par ordre d'ancienneté, ce régiment par ordre de prérogative vient après le Régiment Colonel Général, le Régiment Mestre de Camp Général et le Régiment du Roy ; viennent après lui celui du Dauphin et ceux des gentilhommes. La Reine est constitué de 4 escadrons à 2 compagnies. Chaque compagnie compte un Capitaine, deux Lieutenants, une Cornette et cinquante à soixante Dragons. L'effectif subira de fréquents changement suivant l'état de paix ou de guerre et verra la composition des unités modifiée par les différentes ordonnances royales. La guerre de Hollande : 1672-1678 Les origines du conflit : La France qui mène une politique conquérante se heurte à la Hollande qui cherche en outre à s'opposer au développement de la puissance maritime française. Après avoir ramené du côté français l'Angleterre et la Suède qui jusqu'ici s'étaient jointes à la Hollande, Louis XIV envahit au printemps 1672 les Pays-Bas à la tête de 120 000 hommes. La campagne de Hollande commence par une promenade à travers les PaysBas espagnols puis les territoires des évêques de Liège et de Cologne. Ne laissant qu'un faible cordon de troupes en face de Maestricht, Turenne franchit le Bas-Rhin et prend les lignes ennemies à revers. Les Hollandais pour sauver alors leur pays ouvrent les écluses et s'abritent derrière les inondations, tandis que les Français stoppés dans leur progression s'attardent à s'emparer de Maestricht. La Hollande signe une paix séparée avec l'Angleterre et gagne à sa cause une partie des Princes allemands. Louis XIV, qui veut s'emparer de la Franche-Comté, charge Turenne de défendre le Rhin et Condé d'interdire toute invasion du nord de la France. La Campagne d'Alsace de Turenne : 1674-1675 Le régiment, à peine créé, est affecté à l'Armée du Rhin commandée par Turenne. Au printemps, celui-ci franchit le fleuve et se porte au-devant des Impériaux ; il les atteint sur l'Elsatz, à Sintzheim, où le 16 juin 1674, il les bat et les refoule au'delà du Neckar en leur mettant 3 000 hommes hors de combat. C'est à ce combat que les Dragons de la Reine reçoivent le baptème du feu, en ayant, ainsi que toute la cavalerie, la plus grande part au succès. « Il n'y a pas d'aussi vieux régiments qui eussent pu mieux faire », affirme Turenne. Après s'être fait battre à Neustadt et à Ladenbourg, les Impériaux sont rejetés sur le Main et les Français occupent le Palatinat. Dans les Pays-Bas, Condé bat pendant ce temps les Espagnols et les Hollandais à Seneffe, en août 1674, et sur mer les Français sont également vainqueurs. L'ennemi ayant repassé le Rhin par surprise dans la région de Strasbourg, Turenne se porte à sa rencontre et le défait à Entzheim, le 4 octobre 1674. Une brillante charge des Dragons de la Reine contribue à la victoire en repoussant une attaque lancée contre notre centre qui était dégarni, mais notre cavalerie, éprouvée par le mauvais temps, ne peut poursuivre les Impériaux. Par la suite, l'arrivée de renforts ennemis contraint Turenne à se retirer sur Saverne. Les Impériaux tranquilisés prennent alors leurs quartiers d'hiver et les étendent sur toute l'Alsace. Profitant de ces fautes, l'armée de Turenne se défile derrière les pentes occidentales des Vosges et fait irruption en Haute-Alsace où elle surprend et bat les Impériaux grâce à sa cavalerie à Belfort et Mulhouse, en décembre 1674. Cette audacieuse manoeuvre est encore suivie par les victoires de Türckeim et Colmar en janvier 1675. Traqué de toutes parts, l'ennemi évacue l'Alsace. En mai les troupes françaises sont concentrées devant Strasbourg et pendant quelques temps les adversaires s'observent et se bornent à quelques escarmouches. Le régiment participe à une reconnaissance sur Gamshurst, le 25 juillet 1675 ; un important parti ennemi y est signalé et de fait, attaqués par des forces très supérieures, les Dragons sont rompus et fort malmenés, mais soutenus par le feu de 4 bataillons, ils reforment et forcent l'adversaire à la retraite. Dans cette affaire, le Chevalier d'Hocquincourt est tué en attaquant le village de Gamshurst à la tête de son régiment. Il est remplacé le 31 juillet par le Vicomte d'Enonville ; à la même date, le régiment est porté à 12 compagnies de 60 hommes, au moyen de compagnies tirées de Royal et de Colonel Général. La fin de la campagne et les traités de Nimègue : 1676, 1677 et 1678 A partir de la fin de l'année 1675, les opérations vont languir et dès l'année suivante les négociations s'ouvrent à Nimègue. Pendant trois ans, la Reine va être engagé dans peu d'affaires décisives : le 1er août 1675, il est en ligne à Altenheim, sur le Rhin où 5 000 Impériaux seront mis hors de combat. En 1676, il a l'honneur de charger sous les ordres directs du Maréchal de Luxembourg, près de Saverne. En 1677, il manoeuvre contre les Impériaux en Lorraine et les rencontre en Alsace, à Cockersberg, le 7 octobre, dans une échauffourée sanglante. La dernière année de la guerre, 1678, est marquée par deux affaires, au cours de nombreuses marches et contre-marches qui interdisent à l'ennemi le passage du Rhin. Le 5 juillet, au combat de Rheinfeld, les Français rejettent les Impériaux qui étaient passés en force : la Cavalerie, sous Créqui, force les escadrons impériaux à repasser le pont, puis les Dragons de la Reine et de Listenois, mettant pied à terre et précédés par le Colonel-Général Marquis de Rannes, enlèvent à la baïonnette les retranchements tenus l'infanterie allemande ; ils plantent leurs guidons sur la rive ennemie. Le Vicomte d'Enonville, mestre de camp de la Reine, est blessé dans cette affaire. Après avoir enlevé avec ses Dragons le camp retranché de Seckingen et le château d'Orteberg, Créqui qui a succédé à Luxembourg à la tête de l'armée du Rhin, s'empare du fort de Kehl et se présente aux portes de Strasbourg. La tranchée est ouverte le 9 août contre le fort de l'Etoile. Un détachement de 150 Dragons du Roi et de Listenois occupe la maison du péage. A peine installée, cette petite troupe est attaquée par un parti d'Impériaux. Secourue par 100 Dragons de la Reine, elle se défend énergiquement et, après une lutte acharnée, ces 250 hommes forcent l'ennemi à se retirer avec des pertes sensibles. Strasbourg ouvre ses portes peu après. Les 10 août et 17 septembre sont signés les traités de Nimègue qui mettent fin à la première guerre du régiment ; il s'y est souvent illustré et a, dès ses débuts, montré qu'il était aussi brillant que les plus vieux régiments. Il tient alors garnison à Neuf-Brisach, place française de la rive gauche du Rhin, récemment créée. Dix ans de paix : 1678-1688 Le 21 décembre 1678, les compagnies sont réduites de 60 à 48 maîtres, officiers compris. En 1679, elles sont triplées et fixées à 144 maîtres, puis en 1682, remises à 40. Ne voulant pas que ses troupes s'affaiblissent dans la paix, Louis XIV fait maintenir une discipline très stricte. Hommes et officiers sont entraînés dans des manoeuvres continuelles notamment aux camps de la Sarre (1681) et de la Saône (1683). Devant les difficultés soulevées pour l'exécution du traité de Nimègue et signature à La Haye du « traité d'association », auquel participent l'Angleterre, Suède et l'Espagne, Louis XIV fait fortifier Strasbourg par Vauban et occupe Luxembourg. C'est ainsi que la Reine prend part à l'expédition qui assiège s'empare de la ville de Luxembourg. la la le et Le 3 février 1685, le Chevalier de Murçay remplace le Vicomte d'Enonville à la tête du régiment, qui de 1685 à 1687 manoeuvre au camp de la Saône. La Guerre de la Ligue d'Augsbourg : 1688-1697 Les causes de la guerre L'ambitieuse politique d'annexions menée par la France en temps de paix, (occupations des vallées de la Sarre, du Luxembourg et du Palatinat), inquiète l'Empereur et les princes allemands. La révocation en 1686 de l'Edit de Nantes émeut les Etats protestants et un véritable sentiment anti-français se développe dans toute l'Europe et principalement en Allemagne. Sous l'impulsion de Guillaume d'Orange, stathouder de Hollande, l'Autriche, l'Espagne, la Suède et les Princes allemands constituent la Ligue d'Augsbourg contre la France. En montant sur le trône d'Angleterre, Guillaume d'Orange entraînera aux côtés des coalisés l'Angleterre et la Hollande. L'objectif principal de la Ligue est de ramener la France à ses frontières de 1659. Menacé sur toutes ses frontières, Louis XIV prévoit de garder la défensive en Alsace et d'attaquer sur ses points faibles la coalition, c'est-à-dire en Savoie et aux Pays-Bas espagnols. Les premières années de la guerre : 1688, 1689, 1690, 1691 La Reine va assez peu être engagé au cours de ces campagnes, qui ne verront aucune rencontre décisive. Pendant les années 1688 et 1689, il compte sur l'armée du Rhin, qui interdit les passages du fleuve aux Impériaux, puis est affecté à l'armée des Pays-Bas commandée par Luxembourg. Les Français passent l'Escaut le 28 mai, occupent Dieuze, Pommereuil, Junont et Gerpinnes et le 1er juillet remportent la victoire de Fleurus, où 13 000 ennemis sont mis hors de combat. Le régiment ne participe pas à cette journée, car il garde les arrières de l'armée sur la Lys. De janvier à avril 1691, la Reine Dragons prend part aux opérations du siège de Mons, qui est pris le 8 avril, puis en septembre se reporte sur Leuze où les Français mettent en déroute avec leur cavalerie l'armée ennemie qui abandonnait la ville. Dans le même laps de temps, Catinat bat le Duc de Savoie à Staffarde et la flotte française remporte une victoire navale splendide à Beachy Head. Le Roi laisse cependant passer l'occasion d'un débarquement en Grande-Bretagne, occasion qui ne se représentera plus. Le 4 octobre, l'armée prend ses quartiers d'hiver sur la Lys et les trois escadrons des Dragons de la Reine occupent Oost-Nieukerke. Voici quelques-une des prescriptions données pour la sûreté des quartiers d'hiver : « Il est ordonné de mettre dans chaque quartier en haut du clocher, deux sentinelles de jour et de nuit, pour veiller à la sécurité du quartier et découvrir ceux qui pourraient en approcher ; en cas que ces sentinelles viennent à apercevoir des troupes, elles doivent avertir le commandant du quartier. Il est ordonné dès qu'on découvre quelques troupes, d'en donner avis pendant le jour par une fumée que l'on fera du haut du clocher et la nuit par des feux. Les clochers de l'un à l'autre, apercevant ce signal, doivent se le répéter. Il est ordonné aux quartiers qui sont en première lignes de tenir toutes les nuits des petits postes d'infanterie devant eux et de le faire aller depuis le quartier qui est à leur droite jusqu'à celui qui est à leur gauche. Il est ordonné que dans chaque quartier il y ait des officiers par bataillons et par escadrons qui veilleront à la sûreté du cantonnement et que l'on fasse des patrouilles pour prendre garde au feu... ». Les Français sont vainqueurs sur tous les fronts mais n'ont pas encore pris l'avantage. De très belles victoires : 1692 et 1693 Le 15 mai 1692, le Roi passe l'armée en revue à Mons. L'effectif total des troupes est de 104 bataillons et 299 escadrons, répartis en deux corps, l'un sous le commandement du Roi et de Boufflers, l'autre auquel le régiment, sous Luxembourg. Le 26 mai commence le siège de Namur. Le 3 juin, une compagnie des Dragons de la Reine sort de la tranchée où elle est de garde, se précipite à la baïonnette sur les défenseurs du chemin couvert et les repousse jusqu'à la Meuse. Namur capitule le 30 juin. Guillaume d'Orange, qui cherche un succès, veut surprendre le 4 août 1692 le Maréchal de Luxembourg à Steinkerque. Il lance contre lui ses meilleures troupes, pendant que sa cavalerie tourne l'aile droite française. La division de Dragons, composée des Régiments du Roi, de la Reine, du Dauphin et de Barbezière qui forment cette aile droite, charge à plusieurs reprises, déborde la cavalerie du Stathouder et l'oblige à la retraite. Cette intervention est déterminante dans le sort de la bataille, mais aux prix de lourdes pertes. Parmi les 20 officiers et 265 Dragons tués, on relève le Chevalier de Murçay, mestre de camp de la Reine ; 79 officiers et 385 hommes de la Division de Dragons sont en outre blessés. Le 1er septembre de la même année le Marquis de Hautefeuille prend le commandement de la Reine. Malheureusement les effets de la victoire de Steinkerque sont atténués par la grave défaite navale que la flotte française subit à la Hougue et de ce fait la guerre continue. Pourtant, en 1693, la Reine ne paraît sur aucun champ de bataille car il est envoyé sur les côtes des Flandres, en vue de s'opposer à tout débarquement adverse ; de fait il ne participe pas à la seconde grande victoire du Maréchal de Luxembourg à Nerwinden. La fin de la guerre : 1694 à 1697 La France domine incontestablement la coalition sur le continent, mais est très handicapée par sa faiblesse navale. D'ailleurs, dès l'année 1694, tous les adversaires commencent à donner des signes d'épuisement : les négociations vont débuter alors que les opérations languissent. Pendant la campagne de 1694, placé dans un corps commandé par le Dauphin, le régiment est souvent détaché pour faire du fourrage ou escorter des convois ; de fait, le Dauphin se borne à observer l'ennemi, en évitant tout engagement. En 1695, nos Dragons se signalent dans les environs de Gand, où, avec les régiments d'Asfeld et de Firmaçon, ils bousculent un fort parti d'Impériaux qui y perd 4 étendards. Jusqu'au traité de Ryswick qui est signé en 1697, ils n'entrent plus en ligne. De par ce traité, la France conserve ses acquisitions antérieures et même Strasbourg. C'est une victoire, eu égard aux buts que s'étaient fixés les Coalisés, mais c'est aussi un coup d'arrêt et une invitation à une politique moins ambitieuse. La Guerre de Succession d'Espagne : 1701-1713 La guerre à peine terminée le Roi passe en revue ses troupes au camp de Compiègne, dans un déploiement de luxe et de magnificence qui ruine pour longtemps régiments et particuliers, mais étonne l'Europe et montre la mesure de la puissance française après l'épuisante guerre que vient de soutenir le pays. Dès 1701 cependant, la guerre va de nouveau enflammer l'Europe. Les causes de la guerre Le Roi d'Espagne Charles II n'a pas d'héritiers. Louis XIV et l'Empereur d'Autriche Léopold, tous deux fils et époux d'infantes, peuvent prétendre à sa succession. Plusieurs projets de partage à l'amiable échouent. Par ailleurs, le testament de Charles II désigne Philippe d'Anjou, petit-fils de Louis XIV. Pour la France, refuser c'est accepter que se reforme la puissance des Hasbourg contre laquelle elle lutte depuis si longtemps ; accepter, c'est risquer de dresser contre elle l'Empire Austro-Allemand et les grandes puissances maritimes, Hollande et GrandeBretagne, intéressées par l'immense empire colonial espagnol. Quelques maladresses françaises, à la suite de l'acceptation de l'Héritage, vont provoquer la formation de la 3e coalition qui groupe l'Angleterre et la Hollande (dont les objectifs seront commerciaux), l'Autriche et l'Allemagne. A nos côtés, se trouvent la Savoie, la Bavière, l'Espagne et le Portugal. Les opérations sur le Rhin : 1702-1705 Lorsqu'éclate le conflit, Louis XIV porte son armée à 250 000 hommes, mais les grands capitaines ont tous disparus : Turenne et Luxembourg sont morts, Condé et Catinat sont trops âgés pour commander encore. A l'exception de Villars et Vendôme qui ont quelque valeur, les autres généraux qui les ont remplacés sont des généraux de cour. Enfin la flotte française ne suffit plus à défendre nos côtes. Bien qu'affecté en 1701 à l'Armée du Rhin, le Régiment ne participe à aucun engagement. En octobre 1702, Villars effectue un coup de main sur Neubourg où les Dragons de la Reine sont à l'honneur, puis se porte le 14 octobre sur Friedlingen, où notre Infanterie, tout d'abord victorieuse, doit reculer bientôt devant les renforts ennemis ; prise de panique, elle commence à se débander, lorsque 34 escadrons de Dragons, dont ceux de la Reine, chargent de flanc 56 escadrons allemands et décident du succès. Celui-ci vaut à Villars le bâton de Maréchal. Malheureusement, au cours de l'été, les Coalisés se sont assurés la maîtrise des mers par la victoire de Vigo (août 1702). En 1703, la Reine participe aux prises de Kehl et de Vieux-Brisach, puis elle sabre un corps allemand venu secourir la place de Landau qu'assiègent nos troupes. Le 26 février 1704, le Marquis d'Hautefeuille est remplacé pas le marquis de Riencourt à la tête du régiment, tandis que Tallard remplace Villars à la tête de l'armée. Le 13 août 1704, des discussions entre les Généraux français Marsin et Tallard d'une part et l'Electeur de Bavière d'autre part, conduisent à la sanglante défaite de Hochstedt, totalement due aux fautes des chefs ; notre droite est débordée, puis enfermée dans un village dont elle ne peut s'échapper malgré des efforts désespérés. Parmi les corps faits prisonniers, figure la Reine, qui n'a pas démérité. Nos troupes doivent reculer et Landau est pris par les Coalisés. Le Roi, estimant que la défaite n'est aucunement imputable aux unités, les fait reconstituer sous le même nom : dès la fin de l'année, le régiment est à nouveau sur pied, sous les ordres du Marquis de Riencourt. Au début de 1705, il participe à la prise de Trèves et à une victoire française près d'Haguenau. Mais la guerre perd de son importance à l'est tandis que les Flandres deviennent le principal champ de bataille. La Reine y est envoyé à la fin de l'année 1705. Les revers français et l'invasion du Nord de la France : Ramillies et Audenarde : 1705-1709 L'armée des Flandres est commandée par Villeroi. Pendant la fin de l'année 1705 et les années 1706 et 1707, la Reine est assez peu engagé : il est en réserve, participe à de nombreuses petites opérations sur la Dyle, opère vers Thionville et Metz, assiste à la prise de Drusenheim le 6 mai 1706, marche sur Spire, puis retourne dans les Flandres où Villeroi vient d'essuyer la grave défaite de Ramillies. Le Duc de Vendôme, qui prend alors le commandement, se contente de couvrir l'Artois et laisse prendre Ostende et Ath. Dans le même temps nos armées doivent évacuer l'Italie du Nord et en Espagne le fils de l'Empereur, l'Archiduc Charles, se fait acclamer Roi par plusieurs provinces : notre seul allié se désagrège. L'année 1707, Vendôme ne s'engage pas mais ne cesse de harceler l'ennemi par des escarmouches. Autrement grave est la campagne de 1708 : Le Duc de Bourgogne prend le commandement de l'Armée des Flandres et est battu à Audenarde le 11 juillet, où la Reine charge en tête. L'ennemi assiège alors Lille où Boufflers résiste vaillamment mais demande du secours fin septembre. Une colonne de 4 000 hommes cherche à forcer le passage ; seuls 1 500 réussissent, dont la Reine, qui rendra de très grands services pendant le siège, démontrant une fois de plus son aptitude à servir aussi bien à pied qu'a cheval. Lille capitule cependant en octobre : le royaume risque l'invasion. Le Régiment, très éprouvé par les souffrances du siège, est envoyé se refaire à Douai. Toutes les troupes sont d'ailleurs dans un état lamentable ; elles manquent de tout. Le sursaut d'énergie : Malplaquet et Denain : 1709-1713 En 1709, Villars reprend le commandement et malgré le mauvais état des troupes accepte le combat à Malplaquet, le 11 septembre pour arrêter la marche des ennemis vers la France. Il y réussit, puisqu'il inflige de lourdes pertes à l'adversaire qui est stoppé. La Reine participe au combat en chargeant pendant la deuxième partie de la journée. Mons est perdu mais la Picardie échappe à l'invasion. L'année 1710 ne se signale par aucun fait important en France : l'armée reste sur la défensive, tandis que Douai et Béthune sont perdus ; en Espagne cepandant la situation s'améliore : la Castille se soulève contre les Anglo-Hollandais et Philippe V est vainqueur à Villaviciosa. En 1711 la Reine est sur l'Escaut et se distingue dans deux affaires : le 11 juillet elle prend part à l'attaque du camp ennemi de Douai, où plusieurs drapeaux et étendards sont pris ; le 31 août, elle tombe avec d'autres Dragons sur 7 troupes de cavalerie ennemie qui faisaient du fourrage près de Landrecies. Elle les culbute et un Lieutenant-Général est fait prisonnier. Malgré quelques autres succès, Villars ne peut sauver Bouchain et doit ramener ses troupes en Picardie. La campagne de 1712 est enfin décisive. D'ailleurs le contexte diplomatique est devenu favorable à la France : les Coalisés sont eux aussi épuisés et n'espèrent plus une victoire totale rapide. Avec l'arrivée sur le trône de l'Archiduc Charles, les Coalisés redoutent de voir se reconstituer l'Empire des Habsbourg. Le prince Eugène met le siège le 17 juillet 1712 devant Landrecies, dernière place avant Paris. Villars va alors tenter un suprême effort pour sauver la France. Victoire de Denain : 4 juillet Après une démonstration devant Landrecies, les Français se portent avec célérité devant Denain, franchissent l'Escaut, surprennent et écrasent les Hollandais que le prince Eugène ne peut secourir. La Reine ne participe pas à la manoeuvre car il fait partie du corps de réserve qui protège la droite de l'armée. Villars assiège ensuite Douai qui capitule le 8 septembre, prend le Quesnoy et Boucain. De toutes parts les Coalisés reculent. Les conséquences de la bataille sont capitales : le Roi obtient une paix honorable, signée à Utrecht le 11 avril 1713. Seul l'Empire reste en guerre. Lors de l'été et de l'automne 1713, Villars prend Spire, Worms et Fribourg ; la Reine est partout présent. La paix est enfin signée à Rastatt, le 6 mars 1714. La Reine rentre alors en France et y reste jusqu'à la mort du Roi, le 1er septembre 1715. Formé depuis 42 ans, le régiment comptait déjà 25 campagnes dans les armées du Roi, avait eu 2 mestres de camp tués au combat et comptait au 1er août 1715, 7 chevaliers de Saint-Louis parmi ses officiers. CHAPITRE DEUXIEME Le règne de Louis XV (1715-1774) A l'avènement de Louis XV, le gouvernement de la Régence ne conserve que 58 régiments de Cavalerie et 15 de Dragons. L'ordonnance du 28 avril 1716 réduit leur effectif à 4 escadrons de 2 compagnies chacun : chaque compagnie compte 25 hommes au pied de paix et 40 au pied de guerre, ce qui met le régiment à 200 maîtres dans le premier cas et à 320 dans le second. Le régiment de la Reine ne participe pas à la guerre d'Espagne et reste dans l'est de la France. En 1727, la paix revenue, il prend part aux manoeuvres du camp de la Meuse. En 1731, le Marquis de Thibouville en prend le commandement et le conduit l'année suivante au camp de la Sambre. La guerre de Pologne (1733-1735) Origines de la guerre Inquiet des menées russses et autrichiennes en Pologne et soucieux de maintenir l'influence française en pays slave, Louis XV soutient les prétentions de son beau-père Stanislas au trône de Pologne. La Russie et l'Autriche se trouvent donc en guerre avec nous, tandis que le Piémont est allié. La guerre en Italie Une armée est envoyée sur le Rhin et une autre, sous Villars, en Italie. La Reine fera campagne dans la seconde. En octobre 1733, les troupes françaises passent les Alpes et font jonction avec les Piémontais. Le régiment compte alors 4 escadrons à 4 compagnies de 41 maîtres, soit 656 hommes. En 1734, le Marquis de Chabannes succède à la tête du régiment au Marquis de Thibouville. La Reine fait d'abord partie d'un corps de réserve, puis occupe la région de Mantoue sur la rive droite du Pô. Le Maréchal de Villars quitte bientôt le commandement de l'armée par suite de heurts avec le Prince de Piémont dont la mauvaise volonté et l'inaction font obstacle à tous les mouvements. Il est remplacé par les Maréchaux de Broglie et de Coigny qui remportent les victoires de Colorno et de Parme, où le régiment se distingue. Mais ces succès ne peuvent cependant pas être exploités, toujoursss en raison de l'attitude incertaine de notre allié et l'armée est contrainte à deux mois d'immobilisme. Le 19 septembre, les maréchaux français remportent la sanglante victoire de Guastalla, une des plus terribles du siècle : « La cavalerie et les Dragons, placés dans l'espace compris entre la chaussée du Luzzara et le Pô, appuyaient leur gauche au fleuve et leur droite aux lignes d'infanterie. La cavalerie autrichienne déboucha d'un petit bois le long du Pô. M. de Chatillon, qui commandait la Cavalerie française, se mit à la tête de la 1ère ligne avec le Duc d'Harcourt et, se portant au devant de l'ennemi, le chargea le sabre à la main avec tant de vigueur que la 1ère ligne autrichienne plia. Nos cavaliers ayant rencontré deux autres lignes dont ils essuyèrent les vives décharges, furent obligés de plier eux aussi. A la tête de la seconde ligne, M. de Chatillon revint à la charge et força la cavalerie impériale à se réfugier sous le feu de son infanterie. » Les pertes sont grandes de part et d'autres et l'ennemi peut se retirer sans être inquiété. Le 30 décembre, la Reine prend ses quartiers d'hiver à Pavie. A cette date, 48 officiers servant dans ses rangs, sois la quasi-majorité, sont décorés de la Croix de Saint-Louis. En 1735, M. de Noailles prend le commandement de l'armée qu'il trouve très décimée par les maladies. Les Dragons souffrent surtout de la dissette des fourrages. Le 15 juin, à Rivalta, près du lac de Mantoue, la Reine est envoyé en reconnaissance sur Curtatone, dont le poste a été surpris par l'ennemi, s'en empare et pousse jusqu'aux portes de Mantoue. Les Autrichiens ne cessent de reculer, harcelés par les Français. L'armée est à Modène en juillet, sur l'Adige en octobre, quand la paix est signée le 3 octobre. Le Roi ne peut imposer son beau-père sur le trône polonais, mais lui obtient le Duché de Lorraine qui sera rattaché à la France à la mort de Stanislas. Quelques années de paix (1736-1741) Le régiment quitte l'Italie dans les premiers mois de 1736 et gagne la Franche-Comté. Il arrive en août à Ornans, où il tient garnison jusqu'en 1740 tout en faisant beaucoup de mouvements dans la province. Ornans était alors le pivot de la défense de cette région et beaucoup de troupes s'y succédaient. Nous avons quelques détails sur ce séjour : « Le 12 octobre, le magistrat ne se fit pas prier pour expédier aux officiers des 3 compagnies de la Reine en quartier dans cette ville, certificat portant qu'ils ont vécu en bonne discipline militaire. Ce certificat n'a pas été décerné à chacune des innombrables troupes qui précédèrent et suivirent le régiment à Ornans, loin de là. C'est pendant le séjour de la Reine que la ville fit construire des casernes, des écuries pour les chevaux de 4 compagnies et 2 infirmeries pour les chevaux morveux et autres. » Le 11 juin 1740, M. de Chabannes cède la Reine Dragons au Marquis du Terrail pour 40 000 écus, plus 40 000 livres de pot de vin et 6 000 livres de rente viagère, ce qui fait que la Reine devient un régiment assez cher. A la fin de l'année 1740, le régiment est en Alsace, quand commence la guerre de Succession d'Autriche. La Guerre de Succession d'Autriche (1741-1748) Les causes du conflit A la mort de l'Empereur d'Autriche Charles VI, en octobre 1740, beaucoup de convoitises se déchaînent, d'autant plus que son successeur est une jeune femme, Marie-Thérèse. Sous la poussée du clan anti-autrichier, Louis XV va soutenir aux côtés de la Prusse la candidature de l'Electeur de Bavière. L'armée de Westphalie Deux armées principales sont formées : l'une, sous Belle-Isle, doit envahir la Bohême ; l'autre, sous Maillebois, doit aller en Westphalie pour prévenir des menées anglo-hanovriennes, bien que l'Angleterre ait promis de rester neutre. L'armée de Westphalie, dont fait partie le régiment, est sur le Bas-Rhin le 19 septembre, mais prend dès octobre ses quartiers d'hiver près d'Osnabrück et Munster. Elle va pendant huit mois rester immobile. Cependant, Belle-Isle se dirige sur Vienne. Marie-Thérèse parvient à rallier autour d'elle les Hongrois et à signer une paix séparée avec les Prussiens, qui nous abandonnent une première fois. Enfin elle convainc les Anglais d'entrer en guerre à ses côtés. Belle-Isle renonce alors à Vienne et envahit la Bohême. En 1742, après quelques succès, il se fait chasser de Bohême et s'enferme dans Prague où il est assiégé. Maillebois, immobile jusqu'en août, se replie alors sur la rive gauche du Rhin pour surveiller les agissements anglo-allemands en Belgique. Le 29 juillet, il reçoit du Roi l'ordre de secourir l'armée de Bohême. Opérations en Allemagne Il est le 13 septembre à Amberg, rejoint les Bavarois, puis arrive à Egra le 7 octobre. Il ne parvient pas à forcer le passage vers Prague. Se dirigeant ensuite sur le Danube afin de menacer les arrières des Austro-Hongrois, il ne réussit pas plus à passer au défilé de Kaaden. Le 28 octobre, la Reine est à Au, le 29 à Nabburg. Les souffrances de l'armée sont grandes ; le pays, ruiné, n'offre plus de ressources, les hommes ne reçoivent que les deux tiers de la ration et beaucoup de chevaux meurent d'épuisement. Maillebois renonce alors à débloquer Prague et le Maréchal de Broglie, qui a réussi à s'échapper de Bohême, prend le commandement. Le 12 décembre, la Reine contribue à repousser une tentative autrichienne sur Braunau, mais Prague est finalement abandonnée le 16 décembre et Belle-Isle, par une retraite mémorable, échappe à l'ennemi et atteint Egra le 27 décembre. Les quartiers d'hiver sont pris le 28, les troupes appuyant leur droite à Inn et leur gauche au Danube ; la Reine est à Dingelfing. En 1743, la rigueur de la saison est telle que les effectifs diminuent chaque jour. Le Maréchal de Broglie se voie contraint de demander au Ministre 25 hommes par escadron de Dragons pour les mettre à 145, ainsi que 5 000 chevaux. Le 25 février, la Reine participe à la prise de Rieden et d'Ensdorf, puis tient Rieden. Le 20 mai, le régiment est à Ratisbonne, mais difficultés et échecs se succèdent et les généraux français décident de faire retraite. Fin juin, l'armée passe le Rhin et entre en France, talonnée par l'ennemi. Le Roi remplace le Maréchal de Broglie par Maurice de Saxe, au début de l'été. En août l'ennemi, échelonné sur 3 lignes, cherche à passer le Rhin, mais Saxe manoeuvre et déjoue chacune de ses tentatives, à Ottmarsheim et à Markolsheim. Dès octobre, peu soucieux de prendre leurs quartiers d'hiver à portée de l'ennemi, les Austro-Hongrois battent en retraite. Les campagnes d'Italie En 1744, le Roi, de nouveau soutenu par Frédéric II de Prusse, décide de porter la guerre dans le comté de Nice et de renforcer ses troupes d'Italie afin de prendre à revers les Autrichiens. Parmi les renforts figurent 5 escadrons de la Reine. Conti et Maillebois, joints aux Espagnols de Don Philippe, prennent Villefranche et occupe le comté de Nice, puis se portent en Dauphiné pour envahir les Etat du Roi de Sardaigne, allié des Autrichiens. Dans les premiers jours de juillet, ils sont à Barcelonnette, forcent le passage des Alpes et envahissent Coni. Bataille de Coni (29 septembre). Le Roi de Sardaigne, voulant dégager Coni, attaque violemment notre centre. Les charges successives de notre cavalerie, auxquelles la Reine prend part, refoulent l'ennemi qui retraite. Dans ce combat, le régiment perd 15 tués et 21 blessés. Cependant, désespérant de prendre Coni et peu soutenu par nos alliés espagnols, Conti repasse les Alpes et s'établit au camp de l'Arche le 17 novembre. La Reine Dragons est alors envoyé à Montauban. Alors que les troupes se réorganisent face au Piémont, le régiment rejoint l'Alsace au début de 1745 et fait partie d'un corps chargé de protéger les arrières du Maréchal de Saxe qui fait campagne en Allemagne en mai et juin. En juin, la Reine retourne en Italie et participe aux opérations de Lucques, Massa et Gênes qui repoussent les Autrichiens de Lubkowitz. En septembre, Plaisance, Parme et Pavie capitulent et le Roi de Sardaigne est battu à Bassignano. En 1746, le Roi de Prusse traite à nouveau séparément avec Marie-Thérèse d'Autriche et en échange de la Silésie, se retire de la guerre. Ceci permet à l'Autriche de reporter 30 000 hommes sur son Armée d'Italie. Bataille de Plaisance (16 juin). Bien que ses forces soient très inférieures, Maillebois se voit contraint d'accepter le combat à Plaisance. Malgré de très belles actions de cavalerie, les Français sont bousculés et doivent se replier. Pendant la retraite, la Reine Dragons prend position au passage de Refudo, près de San-Lazaro et le défend héroïquement par ses feux ; son dévouement retarde de quelques heures les progrès des Autrichiens et permet à l'armée battue de gagner la route de Tortone. Le régiment laisse sur le terrain 9 officiers et 92 hommes tués et 15 officiers et 126 hommes blessés. A la suite de cette grave défaite, l'Italie est évacuée et l'ennemi pénètre en Provence. Quelques renforts amenés par Belle-Isle et le soulèvement de Gênes forcent cependant les Autrichiens à regagner l'Italie. Tandis qu'en 1747 le Maréchal de Saxe remporte la belle victoire de Lawfeld, la Reine est loint des champs de bataille : il fait partie des troupes d'observation qui protègent la Normandie de toute incursion anglaise. Il patrouille ainsi à Caen et Coutances. Le Comte de Morant est nommé mestre de camp de la Reine en 1748. Le régiment est appelé en Flandres où le Maréchal de Saxe s'apprête à investir Maëstricht ; les Dragons tiennent la campagne pour protéger les troupes assiégeantes. Le 7 mai, la place capitule. La chute de cette importante place forte et les précédentes victoires du Maréchal de Saxe font traiter l'ennemi et la paix est bientôt signée à Aix-la-Chapelle le 15 octobre. La fin du règne (1748-1774) Rentré en France, la Reine Dragons vient tenir garnison à Mézières et Charleville. Le 1er septembre 1748, une ordonnance réduit le régiment à 2 escadrons de 6 compagnies dont 4 montées à 30 cavaliers et 2 non montées à 60 hommes. Elle enlève également au mestre de camp et au Lieutenant-Colonel leurs compagnies. En 1750, le régiment est à Maubeuge, puis à Dinan en 1751. En 1753, il est à Saint-Omer et en 1754 à Hesdin, qu'il quitte pour participe aux manoeuvres dirigées par Belle-Isle. En 1755 enfin, il est à Rouen, quand commence la Guerre de 7 ans. Les Gardes-Côtes (1756-1762) En 1756, la France et l'Angleterre se disputent le Canada. Nos côtes doivent être protégées contre les raids de la flotte anglaise et un certain nombre de régiments sont employés à patrouiller. La Reine en fera partie pendant toute la campagne. La Reine est d'abord envoyé au camp de Vaussieux, du 16 juillet au 16 septembre, puis au Havre, à Bergues et à Dunkerque. Quand éclate la guerre avec la Prusse, le régiment est à Libourne ; il ne participe pas aux campagnes d'Allemagne, mais est employé à la défense des côtes d'Aunis et de Guyenne où il reste jusqu'en 1761. En 1761, 2 escadrons sont à Bergues et 2 à Dunkerque, puis, fin décembre, le régiment est réuni à Lille. C'est là qu'il est rejoint par le Comte de Flammarens, nommé mestre de camp à la date du 1er décembre. Pendant toute la Guerre de 7 ans se succèdent les ordonnances tentant d'améliorer la qualité et l'organisation de notre armée qui éprouve de graves revers face à la Prusse. Notre cavalerie, surtout, présente dans son instruction et son organisation des lacunes et des défauts auxquels il faut remédier pour tenir tête aux cavaliers de Seidlitz. Ecole de cavalerie Depuis 1762, le régiment est à 4 escadrons de 2 compagnies. Chaque compagnie a 3 officiers et 45 hommes ; elle est divisée en 8 escouades de 5 hommes, dont 3 montées et 2 à pied ; 4 maréchaaux des logis et 1 tambour complètent l'effectif. Pendant la fin du règne, la Reine sillonne la France : en 1766, le régiment est à Philippeville, puis à Reims ; en 1767, à Redon ; en 1768 à Auch ; en 1770 à Pontivy ; en 1771 à Besançon ; en 1773 à Joigny, où il est encore le jour de la mort du Roi, le 10 mai 1774. CHAPITRE TROISIEME Le règne de Louis XVI (1774-1791) jusqu'à la première guerre contre l'Autriche (avril 1792) Les réformes du Comte de Saint-Germain A l'avènement du Roi, le Comte de Saint-Germain est nommé Ministre de la Guerre. Il fait de nouvelles réformes : l'ordonnance du 5 mars 1776 prescrit la formation d'un cinquième escadron de Chasseurs à cheval et d'un auxiliaire. C'est à Douai, où le régiment est depuis 1775, qu'il reçoit le 1er escadron des Chasseurs des Flandres. L'ordonnance du 5 mars 1766 fixe ainsi la composition de la Reine ; 4 escadrons de Dragons, 1 de Chasseurs et un Auxiliaire, soit 43 officiers et 500 hommes dont 350 montés. Voici l'organigramme exact : ETAT-MAJOR 1 Mestre de camp 1 Mestre de camp en second 1 Lieutenant-Colonel 1 Major 1 Quartier-Maître Trésorier 2 Porte-Guidons 1 Adjudant 1 Chirurgien-Major 1 Aumônier 1 Maître Maréchal Expert 1 Maître Sellier 1 Maître Armurier 1 Maréchal-Ferrant ESCADRONS 1 Capitaine 1 Capitaine en seconde 1 Lieutenant 1 Lieutenant en second 2 Sous-Lieutenants 1 Maréchal des Logis Chef 1 Maréchal des Logis Chef en second 1 Fourrier Ecrivain 8 Brigadiers 85 Dragons, dont 70 montés 2 Trompettes 1 Frater L'escadron Colonel et l'Escadron Lieutenant-Colonel comptent en plus un de ces officiers supérieurs. En 1779, le régiment est à Argentan. Il fait partie d'une armée réunie en Normandie, sous le Maréchal de Broglie, pour tenter une descente en Angleterre, notre éternelle ennemie en ce siècle. La flotte française ayant été battue, ce projet est abandonné. Le 13 avril 1780, le Chevalier de Coigny est nommé mestre de camp de la Reine qui est à Bayeux. Retour à la vie de garnison En l'absence de campagnes la Reine Dragons va continuer à mener un périple de garnison en garnison, sans jamais se fixer dans une ville. En 1781 il est à Bayeux, en 1782 à Pontivy, le 15 avril 1784 le Duc de Guiche en prend le commandement à Falaise, en 1785 il stationne à Verdun, en 1788 à Laon où le 10 mars il reçoit son nouveau mestre de camp, le Vicomte de Machault. C'est dans cette ville que le touche la nouvelle ordonnance royale réorganisant l'armée. Avec Penthièvre Dragons, la Reine forme la 5e brigade de Dragons. Désormais les régiments sont endivisionnés. Ces divisions par territoires comptent 2 brigades de cavalerie ou de dragons et deux ou trois brigades d'infanterie. En ce qui concerne les régiments de Dragons ceux-ci sont réduits de 4 à 3 escadrons divisés en deux compagnies comptant chacun sur le pied de paix : 1 Capitaine, 1 Lieutenant, 1 Sous-Lieutenant, 1 Porte-Guidon et 77 Dragons dont 2 à pied. Enfin, le 1er janvier 1791 paraît le décret par lequel « de par le Roi, les 18 régiments de Dragons quitteront leurs noms actuels et ne seront à l'avenir désignés que par le numéro de leur rang de création ». La Reine est toujoursss à Laon lorsqu'il devient le 6e Régiment de Dragons. Le règne de Louis XVI n'est pas achevé, mais en fait, dès la fin de l'année, le Roi est prisonnier et ne contrôle plus les événements. L'Ancien Régime est mort quand commence l'année 1792 qui va voir le début d'une nouvelle période de guerres. DEUXIEME PARTIE * LES DRAGONS DE LA REPUBLIQUE ET DU PREMIER EMPIRE 1792-1815 IV.Les campagnes de la Révolution (1792-1804) V. Les campagnes de Napoléon Ier (1804-1815) CHAPITRE QUATRIEME Les campagnes de la Révolution, du Directoire et du Consulat (1792-1804) Une période troublée Les dissenssions qui animent la vie politique française touchent également les unités qui vont connaître tour à tour l'indiscipline intellectuelle, le sectarisme politique, puis une réelle désorganisation due à l'interférence de la politique sur le service : les notions de discipline, de hiérarchie et de légalité vont être sujettes à bien des controverses. L'émigration d'un grand nombre d'officiers achèvera d'instituer l'anarchie. Le 6e Dragons est en garnison à Laon depuis trois ans (1789-1792) , lorsque la guerre va éclater. Il est en proie aux dissensions et aux désordres qui bouleversent la nation entière ; au début de l'année 1792 son Colonel est M. de Gouy d'Arcy, nommé le 25 juillet 1791, mais dans le courant de l'année il va changer 4 fois de Colonel : M. de La Turmelière, nommé le 5 février ; M. de Hautmaret, le 25 mars ; M. Lelièvre de La Grange, le 7 septembre ; M. de Tilly, nommé le 29 novembre. Ces mutations répétées indiquent assez quelles pouvaient être la discipline et l'organisation des troupes. Aussi ne faudra-t-il pas s'étonner de voir le 6e Dragons débuter malheureusement lors de la prochaine guerre. Ce n'est qu'avec le temps, à l'épreuce du feu et grâce à l'action réorganisatrice de quelques chefs, que nos troupes retrouveront une belle tenue. Les campagnes de la 1ère Coalition (1792-1797) Les origines du conflit Inquiets de l'évolution de la France, beaucoup de nobles et de princes de la famille royale émigrent dès 1791 et fomentent de l'extérieur troubles et révoltes. Ils réussissent à obtenir du Roi de Prusse et de l'Empereur d'Autriche la déclaration de Pilnitz du 27 août 1791, par laquelle ceux-ci, inquiets du désordre régnant en France, invitent tous les autres souverains d'Europe à se joindre à eux pour rétablir l'ordre. Ceci pouvait s'entendre comme une insupportable intrusion dans les affaires intérieures de la France. En fait, cette déclaration était toute platonique et ne parlait d'action qu'au cas fort improbable, où tous les autres pays se joignaient à eux : c'était condamner d'avance une guerre que ni la Prusse, ni l'Autriche ne voulaient. Pourtant, de septembre 1791 à avril 1792, beaucoup s'employèrent à travestir cette déclaration et à pousser à la guerre : les émigrés, qui voulaient une guerre libératrice, chassant les factions ; les révolutionnaires girondins qui voyaient le souffle de la révolution s'affaiblir et le pays revenir au calme depuis que le Roi, jouait le jeu constitutionnel ; certains ministres du Roi, tel le Comte de Narbonne, Ministre de la Guerre, qui jugeait qu'une « petite guerre » restaurerait la discipline dans l'armée, lui donnerait du prestige et permettrait à Louis XVI d'affermir son pouvoir et de restaurer l'ordre. Le résultat de ces provocations ne se fit pas attendre : en avril 1792 se dressaient contre la France : l'Autriche, la Prusse, le Piémont et les Princes Allemands, rejoints en 1793 par l'Espagne, ainsi que par l'Angleterre et la Hollande. Des paniques du printemps et de l'été 1792 à la 1ère campagne de Hollande (avril 1792-mars 1793) L'invasion prussienne (avril-septembre 92) Le Régiment compte à l'armée du Nord, division Duhoux, et n'a que deux escadrons actifs, 300 hommes et un escadron de dépôt à Douai (120 hommes). Cette armée devait envahir la Belgique et favoriser la révolte des patriotes belges. Mais le désordre du pays et l'indiscipline des troupes conduisent à la débandade de Tournai le 29 avril et à la panique de Quiévrain le 30. Le 27 avril, une colonne aux ordres du Général Biron se dirige de Valenciennes sur Mons ; elle traverse Quiévrain et va camper près de Boussu ; dans la nuit, alors que tout semble tranquille, les 5e et 6e Dragons, pris d'une panique soudaine, montent à cheval en criant à la trahison et s'enfuient en désordre malgré les efforts des officiers ; le reste de la colonne se débande à leur suite. Biron rétrograde sur Valenciennes et le régiment s'installe au camp de Maulde où le Maréchal de Luchner s'efforce de ramener la discipline. En juillet et en août, les troupes du camp de Maulde sont tenues en haleine par de continuelles escarmouches. Dans l'une d'elles se distingue le Dragon Jobert, qui est cité à l'ordre. Le 28 août, le 6e Dragons résiste énergiquement aux attaques de l'ennemi à Templeuve. Cependant l'ennemi remporte des avantages partout : Verdun capitule le 2 septembre et les Prussiens, semble-t-il, menacent Paris. La Bataille de Valmy (20 septembre) Dumouriez, qui avait pris le commandement de l'Armée du Nord, retraitait pour courvrir Paris, lorsqu'il décide de remonter la vallée de l'Aisne pour couper les communications des Prussiens. Le 19 septembre, Kellermann, qui commande l'Armée du Centre, fait jonction avec Dumouriez qui est installé sur les hauteurs de Valmy. Le 6e Dragons fait partie de la réserve de cavalerie que commande le Lieutenant-Général de La Noue. Après une vive cannonade, les Prussiens montent à l'assaut mais bientôt, aux cris de « Vive la Nation », ils sont culbutés et refoulés. Le Colonel Lelièvre de La Grange, qui commandait depuis 15 jours à peine le régiment, fut blessé au cours d'une charge de son régiment. L'effet moral de cette bataille est considérable : le courage des Français est relevé, la discipline raffermie, car les soldats ont à nouveau confiance dans leurs chefs. Le 27 septembre, le régiment a un engagement avec les Hollandais près de Menin. Le dragon Jobert s'empare de deux pièces de canon, charge avec le régiment et tue un Colonel Hollandais. La première conquête de la Belgique et le raid de Dumouriez en Hollande. Les Prussiens ayant repassé la frontière, Dumouriez reprend le projet d'envahir la Belgique et concentre son armée sous Valenciennes, où le 6e Dragons arrive le 21 octobre. Il est alors engagé près de Tournai le 1er novembre et de Frameries le 4. Refoulés de toutes parts, les Autrichiens s'établissent sur les hauteurs de Jemmapes, Dumouriez les rejoint le 5 novembre et le lendemain engage l'action, le 6e Dragons étant l'aile droite de l' Armée française. Malgré leur position avantageuse, les Autrichiens ne peuvent résister à la « furia française » et battent en retraite, ouvrant la Belgique à Dumouriez. Après Jemmapes, le 6e Dragons est affecté à l'Armée du Général de La Bourdonnaye et fait partie de l'avant-garde. Il entre à Tournai, Gand et pénètre à Anvers dont la citadelle capitule le 29 novembre. Le Général Miranda remplace La Bourdonnaye en décembre et, dès janvier 1793, commence le siège de Maëstricht. Le Régiment est alors au nombre des troupes chargées de battre le pays pour éclairer les forces d'investissement. A cette date, l'ennemi est rejeté soit au-delà du Rhin à l'est, soit en Hollande au nord. Laissant son Lieutenant devant Maëstricht, Dumouriez s'élance en Hollande à la tête de 8 000 hommes à peine, dont 50 Dragons du 6e qui forment l'extrême avant-garde. Bréda est pris le Moerdick est atteint ; mais les mauvaises nouvelles venues de l'arrière obligent à abandonner précipitamment la Hollande pour rejoindre le gros de l'armée (fin février) ; en effet Beurnonville, venant de Metz, a subi trois défaites successives, et Custine doit abandonner Francfort et la rive droite du Rhin. Aix-la-Chapelle tombe aux mains de l'ennemi et Custine recule jusqu'à Landau. La retraite de l'Armée du Nord et l'évacuation de la Belgique (mars 1793) L'indiscipline et l'anarchie règnent dans l'armée, qui se ressent des désordres intérieurs ; la majorité des volontaires de 1791 quittent leurs uniformes en emportant leurs équipements comme les y autorise leur contrat ; les soldats dénoncent les chefs qui ont le malheur de leur déplaire et se livrent au pillage et à toutes sortes d'excès ; des troupeaux de femmes suivent les régiments. La Convention sanctionne ces désordres en rapportant les décisions des généraux, en graciant les hommes condamnés par les conseils de guerre. Le 2 mars, Miranda, pris entre l'armée autrichienne qui vient d'Aix-la-Chapelle et la garnison hollandaise de Maëstricht, lève le siège. Liège est également évacuée. Le Chef de Brigade Tilly, du 6e Dragons, qui a reçu mission de défendre Gertruydenberg, résiste trois semaines en mars et ne consent à capituler que devant la famine. Il obtient les honneurs de la guerre et rentre en France. Le 13 mars, Dumouriez, accourant de Hollande, reprend le commandement de l'armée à Louvain et décide de livrer bataille. Il est défait à Nerwinden, le 18 mars : si notre centre et notre droite refoulent les Autrichiens, notre gauche est enfoncée et se débande. La situation ne peut être rétablie malgré les charges répétées de la cavalerie dont fait partie le régiment et Dumouriez doit retraiter pour éviter d'être enveloppé. Dans cette affaire le Lieutenant Piston, du régiment, montra la plus grande valeur. Sa brillante conduite en maintes circonstances lui valut peu après le grade de Général. Cette journée malheureuse amène l'évacuation de la Belgique ; l'Armée du Nord rejoint le camp de Maulde. La défense des frontières (avril 1793 – décembre 1793) La perte des places du Nord (avril-août 93) La situation est d'autant plus grave que le Général en chef, Dumouriez, appelé par la Convention à venir justifier devant elle son échec de Nerwinden, préfère déserter. Le Général Dampierre prend sa succession à la tête de l'Armée du Nord. En avril, seule la lenteur des Coalisés sauvera l'armée, réduite à 30 000 hommes. Dampierre voudrait, avant de tenter une action, rétablir l'ordre et la cohésion dans ses troupes et rester sur la défensive. C'est compter sans l'ineptie des représentants de la Convention qui l'obligent à combattre : alors que l'ennemi attaque sur l'Escaut et sur Dunkerque, il essaie de dégager Condé, il échoue et est tué. Le 6e Dragons quant à lui, est partagé entre Maubeuge (100 hommes) et Lille, où sont retranchés deux escadrons. La nuit du 24 mai, un escadron du régiment a, près de Tourcoing, un vif engagement avec les Coalisés qui y perdent 150 hommes, 400 prisonniers, 3 canons et un drapeau. L'Armée du Nord doit se replier devant la pression adverse jusqu'à Cambrai. En juillet, Condé et Valenciennes sont pris par l'ennemi. Le 6e Dragons, qui ne compte plus que 266 hommes, est affecté à la défense de Lille. Dans l'est, nos troupes n'ont guère plus de succès et les tentatives pour débloquer Mayence échouent. Le redressement : Houchard et Jourdan (août-décembre 93) Le 23 août, c'est encore un changement de chef : Houchard prend la tête de l'Armée du Nord. Malgré son impuissance à couper les lignes de communication adverses qui s'étirent vers Dunkerque et Maubeuge, il est victorieux à Tourcoing fin août : l'attaque des cantonnements ennemis, à laquelle prend part le 6e Dragons, force les Coalisés à la retraite. Dans cette affaire, le Dragon Caulle surprend un poste de chasseurs autrichiens et fait à lui seul 15 prisonniers. Tandis que nos adversaires se divisent pour attaquer Le Quesnoy et Dunkerque. Houchard concentre ses forces et se porte au secours de Dunkerque. Il remporte la victoire de Hondshoote (8 septembre) et puis un autre avantage à Menin. Plusieurs membres du régiment se sont distingués au cours de ces deux engagements : le Lieutenant Piston est nommé Général sur le champ de bataille, le Brigadier Duflot est cité à l'ordre. Pourtant Houchard est déchu de son commandement par la Convention qui le fait exécuter pour n'avoir pas sur mieux profiter de son succès à Hondshoote. C'est Jourdan qui le remplace. Le Régiment compte 2 escadrons, soit 213 hommes, et appartient toujoursss à la 1ère division qui est commandée par Souham. Il mène plusieurs escarmouches près de Lille en octobre et demeure dans cette ville tandis que Jourdan se porte au secours de Maubeuge dont il fait lever le siège. En Alsace cependant, nous reculons jusqu'à Strasbourg et Saverne et deux nouveaux chefs sont nommés : Hoche à l'Armée de la Moselle et Pichegru à l'Armée d'Alsace ; à la fin de l'année, Hoche réussit à repousser les Autrichiens jusqu'à Worms et sur la rive droite du Rhin. En décembre le régiment est toujoursss à Lille, rattaché à la division Michel du corps Souham. L'invasion est cependant arrêtée. Il faut maintenant reconstituer l'Armée, raffermir la discipline et ramener la confiance. Les conquêtes de la Belgique et de la Hollande et la paix de Bâle (janvier 1794 – juillet 1795) Le dégagement du nord de la France (janvier-juin 94) Au début de 1794, Jourdan est envoyé à l'Armée de la Moselle et Pichegru est appelé au commandement de celle du Nord. Ils ont en face d'eux 100 000 Coalisés campés dans l'Escaut, Valenciennes et Le Quesnoy. Le plan de Carnot vise à se maintenir sur tout le front, en attaquant au nord sur Bruxelles, sur Charleroi et sur Liège. Les troupes républicaines reçoivent d'importants renforts fournis par les levées en masse, mais l'instruction et la discipline font défaut. Fort heureusement une suspension des hostilités a été signée au début de l'hiver ; elle permet d'organiser les régiments. Le 23 février, le Capitaine Jourdan est nommé Chef de Brigade du 6e Dragons, toujoursss en garnison à Lille. Le régiment est porté à 4 escadrons, soit 26 officiers et 442 hommes, et fait partie de la division Souham. En mars l'armée est rassemblée dans des camps entre Cambrai et Guise. Jusqu'au milieu d'avril, la rigueur de la saison et les pluies empêchent toute opération importante, mais des escarmouches continuelles tiennent les troupes en haleine et acclimatent les recrues. En avril et en mai, Pichegru lance une offensive sur la Lys, de Cambrai vers Landrecies, et de Guise sur Avesnes ; Landrecies capitule, nous sommes victorieux à Mouseron fin avril et à Courtrai le 11 mai. La division Souham bouscule Clerfayt et entre dans la ville. Le 6e Dragons charge dans cette affaire, et son nouveau Chef de Brigade, Vincent, nommé depuis 5 jours, est tué. Le Trompette-Major Dorodde s'empare de deux canons puis, ralliant deux escadrons dont les officiers ont été mis hors de combat, conduit une nouvelle charge. Le 1er juin, le Capitaine Fauconnet du 1er Carabiniers est nommé Chef de Brigade du 6e Dragons. Le 18 mai, nous sommes victorieux à Tourcoing, et le mois de juin se passe en opérations sur Menin et Courtrai ; le 26 juin, Jourdan défait le Prince de Cobourg à Fleurus : la Belgique nous est ouverte. La conquête de la Belgique (juin-septembre 94) Vaincus dans toutes les rencontres, les Coalisés doivent repasser la frontière et nos armées pénètrent en Belgique. Le 3 juillet, le régiment est à Gand. Le 10, les Armées du Nord et de la Moselle font jonction à Bruxelles. Le 15 juillet à Malines, le 6e Dragons s'illustre ; le Capitaine Rémy avec deux escadrons charge un bataillon hollandais auquel il fait de nombreux prisonniers. Le 6 septembre, alors que la division Souham se dirige sur Duppel, le Brigadier Debrousseaux et quelques dragons forment l'extrême avant-garde. Avec 4 hommes, il se trouve devant 30 cavaliers anglais, les charge et les met en fuite. Fin octobre le régiment arrive aux portes de la Hollande. La Conquête de la Hollande (octobre 1794 – mars 1795) Nimègue est atteint le 3 novembre. Pichegru profite alors de la tranquillité du pays pour faire cantonner ses troupes sur la Meuse et le Wahal. En décembre, le régiment compte à la brigade Dewinter, division Souham. Il occupe Afferden et Dien. Son effectif est de 27 officiers et 696 hommes, le dépôt est à Noyon avec 373 hommes. Nos armées bordent désormais le Rhin de Bâle à la mer, mais le dénuement est grand, surtout dans l'Armée du Nord où chaussures, vêtements et vivres manquent cruellement. Le moral reste bon toutefois. Ce n'est que fin janvier 1795 que Pichegru reçoit l'ordre d'achever la conquête de la Hollande. Le 4 janvier, le 6e Dragons a rejoint la brigade Desenfans, division Lemaire. Le 9, il quitte Boi-le-Duc, passe le Wahal et entre le 20 à Amsterdam, tandis qu'un parti de cavalerie légère s'avance jusqu'au Texel et s'empare de la flotte hollandaise prise dans les glaces. Le 19 février, le régiment est à Berg-op-Zom, le 5 mars à Rosendaël et quelques jours après à Groninge, en Frise ; la Hollande est toute entière aux mains des Français. Le 20 mai, près d'Ostende, un parti de 40 de nos Dragons, réunis à 200 hommes de la 46e demi-brigade, surprend 1 500 Anglais qui tentent de débarquer avec de l'artillerie et les force à mettre bas les armes. Fin mars, toute la rive gauche du Rhin est française, sauf Luxembourg et Mayence. La république batave, proclamée en Hollande, s'allie à la France ; la Prusse et l'Espagne renoncent à la lutte et engagent des pourparlers qui aboutiront à la paix de Bâle, en juillet. Seules, l'Angleterre et l'Autriche restent en guerre. La lutte contre l'Autriche et la paix de Campo-Formio (août 1795 – avril 1797) Après quelques mois de relative tranquillité (avril-août 1795), consacrés aux sièges de Mayence et de Luxembourg, la situation est la suivante à la fin de l'été : – – Armée de Sambre-et-Meuse (97 000 hommes) sous Jourdan. Armée de Rhin et Moselle (95 000 hommes) sous Pichegru. Face aux Français : les Autrichiens de Wurmser (87 000 hommes) et de Clerfayt (97 000 hommes). L'échec de l'offensive de l'automne et la perte du Palatinat (août-décembre 1795) En septembre la France déclenche une double offensive en Rhénanie, Jourdan sur la Ruhr et Pichegru sur Mannheim. Les Autrichiens reculent, mais Pichegru n'accentue pas assez sa pression et n'arrive pas à empêcher la jonction des troupes de Wurmser et de celles de Clerfayt : leurs forces réunies contreattaquent. Jourdan doit se replier sur Düsseldorf à la mi-octobre et Pichegru doit lever le siège de Mayence le 29 octobre. Le 6e Dragons qui, après un passage à l'Armée de Sambre-et-Meuse, a été affecté à l'Armée de Rhin et Moselle, fait partie du corps Sainte-Suzanne et participe au blocus de Mayence, qui se poursuit depuis le printemps. L'effort principal de l'attaque autrichienne sur Pichegru se porte sur Lauberheim où cantonne le régiment. Malgré une résistance opiniâtre, les lignes républicaines son enfoncées. Le Capitaine Rémy se distingue en chargeant une colonne ennemie qui tentait un mouvement tournant ; le Brigadier Mercier reprend aux Autrichiens le drapeau du 2e bataillon de la 74e demi-brigade. Pichegru doit se replier sur Mannheim et Kaiserslautern, puis même repasser le Rhin. Le régiment s'établit à Wissembourg. De son côté Jourdan a dû se retirer de la Ruhr sur la Moselle. Un armistice signé dans les derniers heureusement de passer l'hiver en pleine sécurité. jours de décembre permet Les offensives de 1796 : Allemagne centrale et Italie Le plan de campagne consiste à faire converger sur Vienne trois armées : deux par la vallée du Danube, celle de Rhin et Moselle et celle de Sambre-et-Meuse, commandées respectivement par Moreau et Jourdan, une par la vallée du Pô aux ordres de Bonaparte. Le 6e Dragons, à la reprise des hostilités en juin 1796, compte à la brigade Sainte-Suzanne, division Beaupuy, armée de Rhin et Moselle. Alors que Bonaparte contraint le Pièmont à la paix, l'armée de Moreau passe le Rhin à Kehl et livre plusieurs combats pour gagner la Forêt Noire. Une nouvelle fois le 6e Dragons se distingue : le Maréchal des Logis Jobert s'étant emparé d'une pièce de canon se voit promu au grade de Sous-Lieutenant. Le 26 juin, les arrière-gardes ennemies sont bousculées à Wilsteet ; le régiment, un instant mis à mal par trois escadrons de cuirassiers d'Anspach, se rallie sous la protection de la 10e demi-brigade et, chargeant à son tour, fait 150 prisonniers et s'empare d'un canon. Le Capitaine Rémy et le Sous-Lieutenant Lenormant sont cités à l'ordre. Le 28, Desaix, qui commande le centre de l'Armée, repousse l'ennemi à Renchen. Au cours de cette affaire, le 6e Dragons charge de front les hussards de Seckler : « Cette charge est si impétueuse et si rapide que rien ne peut l'arrêter : l'infanterie est entièrement dispersée, sabrée ou faite prisonnière ; 9 pièces d'artillerie sont tombées en notre pouvoir ; les troupes se sont couvertes de gloire » (Rapport de Desaix). Pendant le mois de juillet, l'Armée de Rhin et Moselle poursuit sa progression, obligeant, grâce aux victoires de Rastast et d'Ettlingen, les troupes autrichiennes à se replier. Ces combats réduisent l'effectif du régiment qui ne compte plus que 383 hommes. Le 1er septembre, le Général autrichien La Tour, qui a reçu quelques renforts, cherche à stopper l'avance de Desaix à Geisenfeld. L'action combinée du 1er Carabiniers, du 6e Dragons, du 8e Chasseurs et d'une compagnie d'artillerie à cheval vient à bout des forces ennemies. Malgré ces succès, les armées de Moreau et de Jourdan, mal coordonnées, vont devoir reculer ; l'Armée de Sambre-et-Meuse, repoussée par l'Archiduc Charles, doit replier sur la Lahn, puis sur le Rhin. Au sud, l'Armée de Rhin et Moselle repasse le Danube le 15 septembre à Neubourg. Le 2 octobre, le 6e Dragons prend part à la bataille de Biberach, où les Autrichiens perdent 4 000 prisonniers et 20 canons. Le 19 octobre, Moreau arrive en vue du Rhin à Emmerdingen. La division Beaupuy y est attaquée par les colonnes de La Tour. Le Général Beaupuy est tué dès le début de l'action. La division « continue à se défendre, dans une position que l'extrême bravoure des officiers et des soldats peut seule leur faire conserver aussi longtemps ». Plus de 300 ennemis sont capturés ce jour-là par les Dragons du 6e. Peu après, Desaix doit repasse le Rhin à Brisach et Moreau à Huningue. La fin de l'année se passe en opérations autour de Kehl. Le 26 novembre, le Chef de Brigade Lebaron remplace à la tête du 6e Dragons le Chef de Brigade Fauconnet, nommé Général. Le 15 décembre, le régiment est à Germersheim avec 21 officiers et 434 hommes, il compte dans la division Rivaud. L'année 1797 et le Traité de Campo-Formio Au début de l'année 1797, Bonaparte, vainqueur à Arcole, a repoussé les Autrichiens jusqu'en Vénétie. Les armées d'Allemagne ont pris leurs quartiers d'hiver près du Rhin. Ceux du 6e sont la région de Neustadt. En mars, le régiment est affecté à la division Sainte-Suzanne, brigade Rivaud ; le 20, il est à Ober-Esingen, près de Spire. L'Armée de Rhin et Moselle, forte de 60 000 hommes, doit combiner son action avec celle de l'Armée de Sambre-et-Meuse, qui compte 70 000 hommes aux ordres de Hoche. En face d'elles les Autrichiens disposent de 120 000 hommes dirigés par le Général La Tour. Le 20 avril, Moreau franchit le Rhin près de Kehl ; le 22, il exploite sur Offenbourg et Lahr ; le 23, à la nouvelle de l'armistice de Leoben, il arrête ses troupes entre Cappel et Liechtenau. Le traité de paix définitif sera signé le 17 octobre à Campo-Formio. L'année 1798 : une courte période de répit Pendant la période de paix qui suit le traité de Campo-Formio jusqu'à la seconde coalition, le 6e Dragons compte dans la brigade Decaen. Avec celle-ci, il changera plusieurs fois de division ou d'armée, ce qui l'amènera à de fréquents déplacements tant en Allemagne : Odenbach, Meissenheim, Cologne, qu'en France : Arras, Lille, Douai, Colmar. Le Consulat et les campagnes de la 2e Coalition (1799-1804) Au début de l'année 1799, la formation des Républiques romaine et parthénopéenne et l'annexion du Piémont provoquent la seconde coalition, dans laquelle la France aura à lutter contre la Sicile, la Russie, l'Autriche et l'Angleterre. Quatre armées sont organisées : armée de Mayence sour Jourdan, d'observation sour Bernadotte, d'Helvétie sour Masséna, d'Italie sous Scherer. L'année 1799 : Le 6e Régiment de Dragons est affecté à l'armée de Mayence, appelée peu après armée du Danube ; il forme avec le 1er Dragons la brigade de cavalerie de la 2e division commandée par Souham, ayant pour brigadier le Général Decaen. L'Archiduc Charles est à la tête des troupes autrichiennes opposées à l'armée de Jourdan. Celui-ci franchit le Rhin le 1er mars à Kehl et se dirige sur la Forêt Noire, en liaison sur sa droite avec Masséna. Le 20 mars, la division Souham vient camper près de Pfullendorf de part et d'autre de la route menant à Ostrach ; malgré plusieurs attaques de notre infanterie et plusieurs de la division Souham, Jourdan ne peut percer les lignes ennemies. Affaire de Stockach (25 mars) Le 25, Jourdan attaque à nouveau l'Archiduc Charles, tandis que le corps de Soult, après une lutte héroïque, est obligé d'évacuer Stockach ; la division Souham s'empare du village d'Aach et se porte sur la gauche ennemie ; mais l'échec du centre français amène la retraite sur toute l'armée, qui se retire sur la Forêt Noire. La cavalerie, inutilisable dans ces montagnes, éprouve de grandes difficultés à subsister : on la fait rétrograder jusqu'à Offenbourg ; le 6e Dragons occupe Munchweiller. Le 1er avril, Jourdan est remplacé par Masséna, qui a le commandement des armées d'Helvétie et du Danube. Le 6e Dragons vient alors s'installer à Vieux-Brisach avec ses 4 escadrons ; son effectif est de 827 hommes, mais les maladies, les détachements et le manque de chevaux n'ont laissé que 37 officiers et 364 hommes présents aux escadrons de guerre ; le dépôt est à Neuf-Brisach, avec 5 officiers et 436 hommes. En juillet, quelques engagements ont lieu aux environs d'Offenbourg. Le 3 août, le Capitaine Loup, envoyé en reconnaissance avec 40 dragons en avant de Vieux-Brisach, bouscule un parti de 100 hussards autrichiens. A la fin du mois de septembre, le régiment occupe Sarreguemines ; en octobre, il a 2 escadrons à Rupertzau, près de Kehl, les deux autres sont toujoursss à Sarreguemines. En novembre, les 1er et 2e escadrons sont à Strasbourg, dans la 2e division, Général Tarreau ; ils y sont rejoints à la fin de décembre par le reste du régiment, qui compte alors 26 officiers et 405 hommes. Quelques engagements sans importance ont lieu pendant l'automne vers Mannheim et Phillipsburg ; dans l'un d'eux le Capitaine Loup avec sa compagnie enlève un poste de 200 fantassins. Cependant Masséna est victorieux à Zürich en septembre. Les début du Consulat En novembre, le Directoire a cédé la place au Consulat, et le Premier Consul revenant d'Egypte trouve l'Armée française dans un triste état de dénuement. L'année 1800 Au début de l'année 1800, le 6e Dragons est dans la division Souham, du corps de Sainte-Suzanne, extrême-gauche de l'armée de Moreau ; c'est à Rupertzau qu'il reçoit des renforts en hommes et en chevaux. A la fin d'avril, Sainte-Suzanne passe sur la rive droite du Rhin en balayant les détachements autrichiens, et se porte sur Offenbourg ; dans cette marche, un escadron du 6e Dragons, envoyé en flanqueur sur Martheim, est attaqué par un bataillon ennemi, résiste et se replie lentement sur la 29e demi-brigade, qui prend l'offensive et s'empare du village ; le Capitaine Loup se distingue dans cette escarmouche. Le 4 mai, Sainte-Suzanne attent à Donauschingen. Pendant cette marche isolée, le 6e Dragons a de continuelles escarmouches avec la cavalerie ennemie : à Orthausen, un escadron est chargé par un parti de Uhlans et rejeté dans le village de Feldhausen. L'Armée d'Italie Désormais, le régiment est affecté au corps de Moncey qui, par le SaintGothard, doit rejoindre l'armée de réserve et prendre part aux opérations de Bonaparte en Italie. Le 30 mai, le 6e Dragons est à Bellinzona avec 510 hommes, mais les difficultés qu'il a fallu surmonter pour franchir le Saint-Gothard couvert de neige et les fatigues de la marche ont considérablement réduit les effectifs. Le 10 juin, le régiment passe sous les ordres de Murat, commandant le corps de cavalerie ; le 14, il prend part à la bataille de Marengo. Bataille de Marengo (14 juin) Le 6e Dragons fait partie de la brigade de Champeaux, qui occupe l'extrêmedroite de la ligne bataille. Au début de l'action, les Autrichiens de Kain tentent de déborder la droite française placée sour les ordres de Lannes ; il sont chargés par l'infanterie soutenue par la cavalerie de Champeaux et rejetée au-delà du ruisseau de la Barbotta : le Général Champeaux est blessé à mort en chargeant à la tête de sa brigade. Lannes, séparé de sa gauche, ne peut toutefois poursuivre son avantage et doit se replier en bon ordre, protégé sur son flanc par la cavalerie. Dans la seconde phase de la bataille, toute la cavalerie est en deuxième ligne, formée en colonne et prête à déboucher par les intervalles des corps d'infanterie. Lorsque l'offensive est reprise, la division Kellermann charge les grenadiers de Lattermann, coupe leur colonne en deux pendant que la brigade Champeaux repousse les attaques de la cavalerie d'Elnitz ; les Autrichiens battent en retraite et repassent en désordre les ponts de la Bornida. Quelques jours plus tard, la Convention d'Alexandrie abandonne à Bonaparte le pays compris entre la Chiese, l'Oglio et le Pô. La bataille de Marengo est inscrite sur l'étendard actuel du 6e Dragons. Armes d'honneur Des armes d'honneur, instituées par un décret du Premier Consul le 25 décembre 1799, donnaient droit à une haute paye ; elle portaient une inscription relatant le nom du militaire auquel elles étaient accordées et l'action d'éclat qui donnait lieu à cette récompense. Des sabres d'honneur furent donnés à Jobert, Mercier, Laroze pour leur belle conduite en maintes circonstances depuis 1792. Obtinrent des carabines d'honneur : le dragon Chauveau qui s'empara avec quelques camarades d'un caisson et de trois cavaliers autrichiens ; le dragon Carpentier qui coopéra à la prise de 30 fantassins ; les dragons Deschamps et Berger pour leur belle conduite pendant le combat. Le 9 juillet, les 4 escadrons de guerre, comptant 511 hommes, arrivent à Lodi ; le dépôt est à Dijon. Au mois de novembre, à la reprise des hostilités, le 6e fait partie de la division Rivaud dans la réserve de cavalerie placée sous les ordres de Davout à l'Armée d'Italie. L'armistice a été dénoncé le 28 novembre, mais les armées restent quelques temps en présence sans tenter aucune opération. Affaire de Pozzolo (25 décembre) Le 25 décembre, le Général Dupont, qui forme la droite de l'Armée d'Italie, passe le Mincio et fait une démonstration sur Pozzolo, mais il est débordé et doit être secouru par la cavalerie de Davout. Les dragons de Riv s'emparent du village de Pozzolo et en Autrichiens qui se rallient derrière une réserve de grenadiers hongrois. Davout, se mettant alors en tête de la division Rivaud, enfonce cette met en désordre ; le Général Rivaud en poursuit quelques temps les dernière charge décida le sort de la journée. » chassent les « Le Général réserve et la débris. Cette Le Sous-Lieutenant Frère fut nommé Capitaine pour avoir, avec 80 dragons, chargé 1 200 fantassins retranchés dans Pozzolo. Le lendemain, Brune emporte de vive force le passage du Mincio à Mozzembano ; le Colonel Lebaron a encore l'occasion de se distinguer dans cette affaire à la tête de son régiment ; le Maréchal des Logis Mercier s'y fait particulièrement remarquer. L'année 1801 Pendant que le Général Brune met le siège devant Mantoue, le 13 janvier à Marmirolo, le Chef d'Escadron Rémy repousse une attaque des Autrichiens qui cherchent à s'emparer de ce village. Le 16 un armistice est signé entre Brune et le Général autrichien Bellegarde ; la paix de Lunéville termine cette campagne. Le 6e Dragons reste en Italie, à Savigliano, près de Milan ; en 1802, il tient garnison à Saluces, Fossano, Racconiggi et Savigliano. En 1803, le régiment est rappelé en France ; en septembre les 1er et 2e escadrons sont à Compiègne, les 3e et 4e à Troyes. CHAPITRE CINQUIEME Les campagnes de Napoléon 1er (1804-1815) La campagne de la 3e Coalition : Austerlitz 1805 Napoléon et la 3e Coalition Depuis le mois de mai 1803, les relations entre la France et l'Angleterre sont rompues, celle-ci craignant l'expansion française en Europe. Dès décembre 1803, Bonaparte prépare donc une descente en Angleterre et notre ennemie cherche des alliances sur le continent. La coalition se forme au début de 1805, avec l'Autriche et la Russie mais sans la Prusse qui reste dans l'expectative. Napoléon, à cette date, est en mesure de mener une campagne et la Grande Armée campe au camp de Boulogne. Mais l'échec naval de Trafalgar impose à l'Empereur l'abandon du projet d'invasion de l'Angleterre et lui commande de frapper en Europe. Il est prêt, les routes du Danube ont fait l'objet de reconnaissances d'officiers. L'Autriche dispose de 3 armées : 65 000 hommes à l'Armée du Danube, stationnée au sud du fleuve ; 25 000 hommes à l'Armée du Tyrol et 100 000 hommes à l'Armée d'Italie. Les Russes comptent mettre en ligne 168 000 hommes, répartis en 3 armées d'égale force : Armée de Koutouzov (56 000 hommes), Armée de Duxhovden (56 000 hommes), Armée de Mickelson (également forte de 56 000 hommes). Face à eux, Napoléon dispose de l'Armée d'Italie (45 000 hommes), de 3 corps de réserve (Brune sur l'Escault, Kellermann à Strasbourg et Lefebvre à Mayence) et surtout de la Grande Armée. Elle est divisée en 7 corps, numérotés de 1 à 7 (Bernadotte, Marmont, Davout, Soult, Lannes, Ney et Augereau) ; chacun des corps est composé de 3 divisions d'infanterie et d'une de cavalerie légère. A cela s'ajoutent la réserve de cavalerie de Murat, à 7 divisions, la Garde sous Bessières et les corps auxiliaires. L'ensemble compte 227 000 hommes dont 50 000 cavaliers et 396 pièces de canons. Le 6e Régiment de Dragons, après avoir participé aux fêtes du sacre au cours desquelles il a reçu son aigle, a été affecté à la réserve et compte à la 2e division de Dragons commandée par le Général Walther. Cette division est à 3 brigades : Boussart (13e et 22e Dragons), Roget (10e et 11e Dragons), Sébastiani (3e et 6e Dragons). Le régiment est à 3 escadrons de guerre et comprend 12 officiers et 398 sous-officiers et hommes. Son dépôt est à Chantilly. L'Empereur veut le plus rapidement possible tourner l'aile droite autrichienne afin de profiter de la lenteur des armées russes. La concentration des Corps d'Armée français se fera sur le Danube. A la fin du mois d'août, ordre est donné aux Corps d'Armée de se trouver sur le Rhin de Strasbourg à Mayence entre le 23 et le 27 septembre. De Boulogne à Ulm La marche au Rhin se fait à une allure extraordinaire. Le 6e Régiment de Dragons quitte le camp de Boulogne le 26 août avec la réserve de cavalerie. Le 2 septembre il est à Laon, le 20 il atteint le Rhin dans la région de Strasbourg. C'est à partir du Rhin que Napoléon commence son grand mouvement d'enveloppement de la droite autrichienne. Pour ce faire, les Corps d'Armée progressent à marche forcée vers le Danube de façon à l'atteindre entre Donauwörth et Ingolstadt. Pendant ce temps, la Grande Armée est flanquée vers le sud par la réserve de cavalerie ; celle-ci a déjà assuré la sûreté du franchissement du Rhin en passant en tête le 25 septembre et en occupant le nord de la Forêt Noire dès le 26. Le Régiment passe le fleuve le 25 à Kehl et occupe Wilstätt. Le 27 il est à Oberkirchen et le 28 il s'empare d'Oppenau après avoir repoussé les Autrichiens sur Freudenstadt. Avec le gros de la réserve de cavalerie, il marche vers le Danube. L'itinéraire est le suivant : Stuttgart le 1er octobre, Göppingen le 3, Donauwörth le 7. A part quelques combats initiaux, la marche au Danube ne pose que des problèmes de logistique et de résistance physique : le régiment a parcouru près de 300 kilomètres en 13 jours. En revanche le franchissement du fleuve et les opérations autour d'Ulm vont mettre les Dragons à contribution. En effet Murat doit assurer avec le 4e Corps d'Armée (Soult) le franchissement. Le régiment marche en tête avec la division Walther. Dès le 7, le pont de Münster est atteint et franchi. Les Dragons se dirigent ensuite vers Rain qu'ils occupent, et s'emparent du pont sur le Lech après avoir repoussé une colonne ennemie. Le 8, la division Walther remonte le Lech et charge à la nuit tombante un parti de cavalerie autrichienne à Freidberg. Le lendemain elle est détachée de la réserve au profit du Corps d'Armée Soult (le 4e). L'Armée autrichienne de Mack, repoussée, s'enferme dans Ulm. Après plusieurs sorties qui échouent, celui-ci capitule avec 27 000 hommes le 19 octobre 1805. Pendant ce temps le 6e Dragons, toujoursss avec le Corps de Soult, atteint Landsberg le 11 et Memmingen le 14 après avoir poursuivi et capturé une colonne de 20 canons, avec l'aide du 3e Dragons. Le 15, Ochsenhausen est atteint, le 18 la division prend position sur l'Iller avec le Corps de Marmont (2e). Ce même jour, un parti de cavaliers autrichiens attaque un détachement du 6e et un bataillon d'infanterie. Il est repoussé et poursuivi par les Dragons des Capitaines Combes et Desrivaux qui prennent le convoi ennemi et culbutent également les Dragons de Rosenberg qui tentaient de récupérer leurs voitures. Les deux capitaines furent cités à l'ordre. Vienne Bien que Ulm soit tombé, l'Armée autrichienne n'est pas entièrement détruite et les Russes ne sont pas encore intervenus. L'Empereur espère arriver rapidement à Vienne pour forcer François II à la paix ; pour cela il devra bousculer Koutouzov qui se trouve sur l'Inn. Il y a 720 kilomètres à couvrir. Le 22 octobre, la Grande Armée se remet en route avec 150 000 hommes, pour couvrir en 12 jours les 340 kilomètres qui la séparent de la Traun, soit 28 kilomètres par jour. La progression s'effectue en 3 colonnes éclairées par les divisions de cavalerie, celle du Général Walther dont fait partie le 6e Dragons chevauchant en avant de la colonne centrale. Le 23 octobre le régiment traverse Augsbourg et franchit l'Isar à Munich 3 jours plus tard. Le 2 novembre, les 6e et 13e Dragons s'emparent du pont d'Ebersberg sur le Traun tenu par plus de 400 Austro-Russes. Le 4 novembre Linz est atteint. Alors que Marmont doit effectuer la jonction avec l'Armée d'Italie à Gratz et que Davout doit tenter d'accrocher et détruire le Corps autrichien de Merfeld, l'Empereur continue sur Vienne, flanqué au nord par un corps aux ordres de Mortier et toujoursss éclairé par la division Walther. Le 5 novembre, cette division franchit l'Ems et poursuit l'ennemi sur la route de Vienne. Les Dragons ont en face d'eux les Autrichiens de Kienmayer. Ce même jour, ils font 500 prisonniers, puis entrent le 7 à Moelk. Le 9, ils ont un nouvel engagement et repoussent à nouveau l'ennemi. Le 13 enfin, Walther traverse Vienne. Le régiment continue avec l'avant-garde vers le nord ; il est alors au contact des troupes russes de Koutouzov qui se replie vers la Moravie. Le 16, dans la soirée, il s'engage contre l'arrière-garde ennemie près de Hollabrünn avec les grenadiers d'Oudinot. Après de violents combats qui se poursuivent tard dans la nuit, les Russes battent en retraite. Le 17, le Général Walther continue la poursuite et fait 800 prisonniers. Le 19 la division, toujoursss à l'avant-garde, rencontre 6 000 Russes qui défendent la jonction des routes l'Olmütz et de Brünn. Elle les contient jusqu'à l'arrivée de la division des Cuirassiers d'Hautpoul et de 4 escadrons de la Garde conduits par Bessières en personne. Les Russes sont repoussés après plusieurs charges. Austerlitz Le 20 novembre, l'Empereur arrête la Grande Armée pour la laisser se reposer et attendre la manoeuvre russe. Il adopte un dispositif provisoire autour de Brünn ; il a d'excellents cantonnements et sa ligne de communication est sûre. Koutouzov veut en finir. Le 28 novembre, il se met en marche sur la route d'Olmütz à Brünn. La division Walther est en garde à Wischau. Les Cosaques se heurtent aux Dragons du 6e. Ceux-ci plient sous le nombre mais Walther rallie le régiment qui évacue Wischau tout en laissant une centaine de Dragons aux mains des Russes. Napoléon est alerté. Il rassemble la Grande Armée en avant de Brünn. Bernadotte et Davout reçoivent l'ordre de rejoindre et accourent en marche forcée. Lannes, Soult, la Garde et la Réserve de Cavalerie de Murat sont déjà en place. Pour gagner du temps, Savary mène une négociation avec le Tsar, Soult monte sur le plateau de Pratzen et les cavaliers de Murat tendent un rideau. L'Empereur a calculé que si les Russes attaquent le 30 novembre, il disposera de 64 000 hommes, le 1er décembre de 79 000 hommes, le 2 de 85 000 ; aussi doit-il temporiser au maximum. Il tend un piège aux Austro-Russes : « Si je refuse ma droite et que les Russes abandonnent les hauteurs pour m'envelopper, fussent-ils 300 000 hommes, ils sont pris en flagrant délit et perdus sans ressources. » Il met en place une droite faible formée par les deux seules divisions de Davout arrivées sur les lieux, qui se retranchent dans Telnitz et Sokonitz. Plus au nord, les Corps de Soult, Bernadotte, Lannes, la Garde et la Réserve de Cavalerie doivent enfoncer les colonnes russes qui seront attirées par cette droite faible. A 6 heures, le 2 décembre 1805, premier anniversaire du Sacre, la bataille s'engage. Davout tient et interdit le franchissement du Goldbach. Le reste de l'armée monte sur le plateau de Pratzen ou s'engage sur la route d'Olmütz. La division Walther est au centre de la Réserve de Cavalerie ; en avant d'elle la cavalerie légère de Kellermann, derrière la division de Beaumont, à sa droite les Cuirassiers de Nansouty et d'Hautpoul. Quand le signal est donné, Murat porte sa cavalerie en avant et s'engage contre les colonnes de Bagration. Avec les Hussards et les Chasseurs de Kellermann, les Dragons fondent sur les Uhlans de Liechtenstein venus au secours des Russes. C'est une horrible mêlée. La division Walther mène plusieurs charges, prenant ainsi 8 canons. Murat dit dans son rapport : « La brigade Sébastiani (3e et 6e Dragons), par un changement de front, tombe sur le flanc de l'ennemi qui chargeait nos Chasseurs et nos Hussards, et lui fait éprouver une perte considérable. » La division Walther charge ensuite à plusieurs reprises les 30 escadrons du Général Uvarov qui couvre la retraite de Bagration, puis elle s'engage vers Wischau où met la main sur une partie des convois russes. Les généraux Walther et Sébastiani sont blessés et pendant quelques jours le commandement de la division sera assuré par le Général Roget. Le régiment ne comptait à Austerlitz que 164 Dragons en raison des pertes subies dans les combats préliminaires et des marches forcées des semaines précédentes. Les jours suivants, il continue sur Wischau et le 26, la paix signée à Presbourg met fin à la 3e Coalition. Sous le commandement provisoire du Chef d'Escadron Ludot, le 6e Dragons a pris une part active au sein de la division Walther à tous les événements de la plus prestigieuse des campagnes napoléonienne. Presque tous les officiers du régiment furent cités au cours des trois mois, et nombreux sont ceux qui furent blessés. Bien sûr le Lieutenant Jobert fut encore un des plus brillants : « A signalé sa valeur dans toutes les occasions, particulièrement au combat de cavalerie du 29 Brumaire en avant de Brünn, où il chargea les Cosaques pour dégager deux Dragons du 13e Régiment et reçut un coup de lance au bras. A la bataille d'Austerlitz, il eut un cheval blessé sous lui. » Les campagnes de la 4e Coalition : Iéna 1806, Friedland 1807 La campagne de Prusse Au début de l'année 1806, afin de respecter les clauses de la Paix de Presbourg, Napoléon retire la Grande Armée de l'Autriche vers le Rhin et la Bavière. Le 6e Dragons et la division Walther s'installent dans la région de Fribourg en Forêt Noire. En juin, le Général Walther est nommé au commandement des Grenadiers à cheval de la Garde. Il est remplacé par le Général Grouchy. La division fait toujoursss partie de la Réserve de Cavalerie et a alors l'articulation suivante : – – – Général Roget : 3e et 6e Dragons Général Milet : 10e et 11e Dragons Général Boussart : 15e et 22e Dragons. Le régiment est à 4 escadrons, mais le 4e est en dépôt à Liège. Origines du conflit La Prusse n'était pas intervenue au cours de la 3e Coalition. Elle garde comme la Russie et l'Angleterre une politique d'expectative. L'échec des négociations entre Napoléon et ces deux pays permet au parti de la guerre de prendre le dessus. En août 1806, la Prusse mobilise et envahit la Saxe et la Hesse ; elle dispose de l'alliance avec l'Angleterre et a conclu un accord avec la Russie. Le 1er octobre, le Roi Frédéric-Guillaume lance un ultimatum exigeant l'évacuation de la rive droite du Rhin. C'est la guerre. La marche à l'ennemi Le 19 septembre l'Empereur décide la réunion de la Grande Armée au sud du Frankenwald. Il veut détruire les troupes prussiennes avant l'arrivée des Russes et des Autrichiens. Profitant de la lenteur de Brunswick, il fait accourir ses troupes à marches forcées. Le régiment quitte la Forêt Noire le 20 septembre et se dirige par Anspach et Nuremberg sur Bamberg vers Schleitz et Iéna. Le 9 octobre, le centre de l'armée s'avance sur Schleitz qu'il attaque et enlève après un violent combat. Le 6e Dragons fait partie de la réserve qui est envoyée audelà de Schleitz pour appuyer des Hussards et des Chasseurs. Celle-ci fournit plusieurs charges très brillantes et décide de la journée. L'exploitation de la bataille d'Iéna La division ne participe pas aux victoires d'Iéna et Auerstaedt. Elle est à ce moment à Géra où « elle doit rester jusqu'à l'arrivée d'ordres ultérieurs ». Grouchy s'est plaint amèrement par une lettre au Maréchal Berthier de ne pas avoir été appelé à combattre le 14 octobre. Cependant nos Dragons vont se rattraper avec la poursuite. Murat, avec toute la réserve de Cavalerie, se lance derrière les Prussiens qui se replient vers le nord. Le régiment est le 16 à Langensalza, le 17 à Gundersleben. Le 18, la division franchit la Saale et marche sur Halle et Dessau ; le 21 elle passe l'Elbe et arrive le 24 à Oranienburg, manoeuvrant pour couper sur l'Oder la retraite de Blücher. Le 26 octobre, le Général Lassalle et sa brigade sont au contact des Prussiens de l'arrière-garde de Hohenlohe à Zehdenick. Il réussit à les contenir jusqu'à l'arrivée des Dragons de Grouchy, qui chargent les Dragons prussiens de la Reine. Les deux régiments ennemis sont complètement détruits et de nombreux prisonniers restent entre nos mains, ainsi que l'étendard brodé des mains de la Souveraine. Voici ce qu'en dit Grouchy dans son rapport : « Je ne saurais donner trop d'éloges aux deux brigades de ma division qui ont combattu, et j'ai infiniment à me louer du Général Becker, du Colonel Brézard (ancien Major du 6e) du 3e Dragons, ainsi que du Colonel Lebaron du 6e Dragons. » Le 27 octobre, Murat est averti qu'une brigade ennemie s'apprête à couper du gros de la cavalerie le 13e Chasseurs qui a été dirigé sur Boitzembourg. Aussitôt il fait donner les Dragons de Grouchy. Ceux-ci fondent sur le régiment prussien des Gendarmes du Roi. Les 6e et 10e Dragons les chargent et les bousculent en leur prenant deux guidons, de nombreux prisonniers et quantité de bagages ; après les avoir acculés contre un bois, ils les contraignent à capituler ; 3 officiers et plus de 400 hommes se rendent. Le 28, devant Prentzlow, Grouchy et Lassalle chargent à nouveau les Prussiens et les rejettent dans la ville. Le Prince de Hohenlohe caputile et « défile devant la cavalerie française avec 16 000 hommes d'infanterie de la Garde Royale ou des corps d'élite, 6 régiments de cavalerie, 45 drapeaux et 64 pièces d'artillerie attelées ». Dans cette affaire le Lieutenant Jobert prit un étendard et la Division fut citée à l'ordre de l'Armée. La campagne de Pologne De Berlin à la Prusse Orientale La première armée prussienne battue, Napoléon se retourne contre la deuxième armée qui a appelé les Russes à son secours. La cavalerie française, assez fatiguée, rejoint Varsovie à petites étapes. En passant, elle défile le 21 novembre à Berlin. La Réserve de Cavalerie est à ce moment divisée en deux corps : le 1er sous les ordres directs de Murat et le 2e aux ordres de Bessières ; le Régiment appartient à ce dernier, qui forme avec le corps de Ney l'aile gauche de la Grande Armée. Sans combattre, le Régiment arrive le 19 décembre à Biezun. Le 23, une forte colonne russe approche de la localité. Bessières n'a que quelques fantassins pour garder le pont. Il fait donner la division Grouchy : « J'ai beaucoup à me louer du Général Grouchy, le 6e Dragons s'est couvert de gloire », s'écriera-t-il. En effet, de la part du Régiment il y a accumulation d'exploits. C'est le Dragon Flet qui s'empare d'un étendard, le Maréchal des Logis Jeanson qui charge avec 25 Dragons un escadron de Hussards dont il tue le Commandant, le Maréchal des Logis Lécuyer qui prend avec 4 Dragons deux canons et un obusier. Grouchy continue à avancer vers l'est. Mais les conditions rigoureuses de l'hiver polonais imposent à l'Empereur d'installer son armée dans ses quartiers d'hiver. La division se trouve sur la Vistule entre Osterode et Elbing. Le 1er janvier elle est ramenée vers l'arrière. Le 18 janvier, les Russes reprennent l'offensive. Le 6e Dragons est alors à Lautenbourg, puis le 30 à Willemberg. Il remonte vers le nord où se concentre la Grande Armée. Le 3 février, il se distingue à Bergfried où il charge les Russes en leur causant des pertes sévères. Le 6, nouvel engagement à Hoff : la division est appelée en soutien de la 1ère Division de Dragons et d'une unité d'infanterie. Après avoir mis en déroute les Cosaques et sabré l'infanterie russe, le régiment est placé en soutien. Sur sa position, il arrête le repli de l'infanterie française sous une grêle de balles et de mitraille. 70 Dragons sont tués ou blessés et le régiment perd ce jourlà son Chef de corps, le Colonel Lebaron, tué par une balle. Eylau et l'hiver 1807 Le 8 février, Grouchy arrive à Eylau. La division est engagée derrière le corps d'Augereau qui est chargé de déborder les Russes par la gauche. Elle arrive au moment où, dans la tourmente, nos fantassins qui ont fait une erreur de direction sont repoussés par les Russes. L'infanterie se replie sur le cimetière du village, tristement célèbre. Dès que la brigade de Dragons arrive, elle charge, Grouchy à sa tête. C'est une horrible boucherie ; au fur et à mesure qu'arrivent les escadrons de Murat, ils sont engagés, et ce jusqu'à 80 à la fois. Pendant le reste de la journée, la division restera sous le feu des batteries russes : « l'attitude de ma division a été ferme et fière. » Le Sous-Lieutenant Valentin est tué et le Chef d'Escadron Henriet, les Capitaines Loup, Mercier et Jobert, le Lieutenant Lorin, les Sous-Lieutenants Harang, Lebaron, Duflot et Maroteaux, et les Maréchaux des Logis Montaignac et Demas sont blessés. La poursuite après la bataille n'est qu'esquissée. Les quartiers d'hiver sont repris. La division stationne avec le corps de Ney dans la région de Guttstadt. Tout le monde en a bien besoin : la campagne de l'hiver a été terrible. Outre le fourrage, les chevaux surtout manquent : pour la seule bataille d'Eylau, la division en a perdu plus de 450. Quant aux hommes, ils souffrent du froid. Pourtant le 1er mai la cavalerie offre à nouveau un aspect superbe. L'Empereur la passe en revue à Elbing et la fait manoeuvrer devant lui. La bataille de Friedland Le 5 juin, les Russes reprennent l'offensive ; Grouchy aide Ney à soutenir le choc. Les Russes reculent et Napoléon les poursuit. La Grande Armée est à nouveau concentrée et déloge l'ennemi d'Heilsberg où il s'était retranché. Celui-ci replie alors sur Friedland de part et d'autre de l'Alle. Les divisions Grouchy et Nansouty (Cuirassiers) sont tout d'abord mises à la disposition du corps de Lannes. Elles attirent dans un piège une soixantaine d'escadrons ennemis : « La cavalerie de Grouchy et de Nansouty eut tout le jour à se défendre contre des forces triples des siennes et réussit dans presque toutes ses charges » (rapport de Lannes à l'Empereur). A la fin de la journée, la division Grouchy passe au corps de Mortier. A nouveau elle donne plusieurs charges ; Korsakov est acculé contre l'Alle, mais peut franchir le fleuve, tout en perdant un grand nombre d'hommes noyés ou sabrés par les Dragons. Le 6e Dragons comptait 32 officiers et 446 hommes à la bataille de Friedland, 13 Dragons y furent tués, 2 officiers (le Capitaine Jobert et le Sous-Lieutenant Lemaire) et 22 Dragons y furent blessés. Cette bataille est inscrite sur l'étendard. Après Friedland, la Paix de Tilsitt met fin à la 4e Coalition. Le Régiment se replie sur la Vistule près de laquelle il va demeurer jusqu'à la fin de l'année. Les campagnes d'Espagne et du Portugal (1808-1813) La campagne d'Espagne Depuis le Traité de Lord Metuen, le Portugal subit totalement la domination britannique en matière économique et devient de ce fait un obstacle à l'application du blocus continental. Ceci entraîne l'Empereur à intervenir dans ce pays, puis en Espagne qu'il a l'ambition de conquérir. A la nouvelle de la capitulation de Baylen, et de l'agitation croissante en Espagne, le Régiment est dépêché dans la Péninsule Ibérique. Parti de Poméranie au mois d'août 1808, il est dirigé sur Mayence et sur Bayonne où il arrive le 27 décembre. Il compte à ce moment dans la 2e Division de Dragons commandée par Kellermann et comprenant 2 brigades aux ordres des Généraux Milet (3e et6e Dragons) et Carrie (10e et 11e Dragons). Le 5 janvier 1809, il est à Tolosa. A ce moment, après les victoires de Burgos, de Tudela, de Cardadeu, Napoléon a forcé l'Anglais à se replier sur la Corogne et à réembarquer. Mais le pays reste agité par l'insurrection. Appelé en France par d'autres soucis, l'Empereur laisse le commandement à son frère Joseph. Dans ce cadre, la mission du régiment est d'opérer dans le nord par petits détachements chargés d'escorter les convois, de couvrir les communications et d'éclairer les colonnes mobiles qui parcourent le pays à la poursuite des insurgés. Cette mission fatigeante, dangereuse et peu glorieuse, il va la remplir pendant cinq ans. Mais la guerre a repris avec l'Autriche dans le cadre de la 5e Coalition (Wagram 1809) ; l'Empereur veut tirer parti des 24 régiments de Dragons qui sont en Espagne et pour ce faire il les dédouble presque tous pour créer des Régiments provisoires. C'est ainsi qu'à partir du mois de mars 1809, le 6e Dragons ne compte plus que les 1er et 2e escadrons, soit 25 officiers et 584 hommes. Le 3e escadron est en dépôt à Namur et le 4e au 2e Régiment provisoire, division Beaumont, à Strasbourg. Les escadrons restés en Espagne vont terminer l'année en opérations dans le triangle Salamanque, Zamora, Valladolid. C'est une succession d'accrochages avec de petits partis d'insurgés. Puis à la mi-novembre, les troupes régulières du Duc del Parque, venant du sud, s'emparent par surprise de Salamanque faiblement défendue. Kellermann par de Valladolid le 23 afin de libérer la ville. Le 26 il rencontre l'avant-garde du Duc à Carpio, la brigade Milet est en tête de l'armée. Celle-ci, après une première charge, est refoulée par les Espagnols. Elle se replie en bon ordre sur la division qui, une fois rassemblée, charge à nouveau obligeant l'ennemi à se replier. Le Duc, craignant d'être coupé de Salamanque, retraite sur la ville. Kellermann lance ses Dragons à la poursuite ; il oblige les Espagnols à accepter le combat à Alba-de-Tormès ; le 28 novembre, fixée par l'infanterie française, l'armée du Duc est sabrée toute la journée par nos cavaliers, qui ont tous les honneurs de la victoire. Dans cette affaire, les Espagnols perdent 12 canons, 5 drapeaux, 100 officiers dont un général et 3 000 hommes. Le lendemain les Français entrent à Salamanque. Après cette bataille où il s'est particulièrement distingué, le Régiment reprend les opérations de contre-guérilla. Le 19 janvier 1810, le Capitaine Caulle surprend à San Pedro une bande de guérilleros, en tue 87 et fait prisonnier l'un des grands chefs irréguliers, El Capucino. L'Armée du Portugal 1810 Napoléon envoie en Espagne le 8e Corps aux ordres du Duc d'Abrantès. Avec lui les 3e et 4e escadrons rejoignent le Régiment qui compte alors 33 officiers et 805 hommes. En février la 2e Division de Dragons est affectée au Corps de Ney. En mai l'Empereur ordonne la conquête du Portugal, que les Anglais aux ordres de Wellington occupent à nouveau. Masséna est mis à la tête de l'Armée qui compte 3 corps, plus une réserve de cavalerie légère (division Theilhard) et de Dragons (division Montbrun) ; dans cette dernière, les 3e et 6e Dragons forment la brigade Milet. Après la chute de Ciudad Rodrigo le 9 juillet et d'Almeida le 28 août, Masséna entre au Portugal. Le 27 septembre il ne peut déloger les Anglo-Portugais de Busaco et tourne leurs positions pour continuer sur Lisbonne. Le 1er octobre, il entre à Coimbra. Le 11 Wellington l'arrête à Torres Vedras où il s'est fortement retranché. Pendant cinq mois l'armée du Portugal tente de faire tomber le verrou lui interdisant la route de Lisbonne. Les Dragons sont sans cesse sollicités. Les approvisionnements n'arrivant pas, l'armée est dans une grande misère et elle doit vivre sur le pays qui est en complète insurrection. Au mois de novembre, l'épuisement du pays et la grande misère de l'armée obligent Masséna à rétrograder vers le nord ; la division s'installe à Leiria et Thomar. 1811 Le pays offrant toujoursss aussi peu de ressources, l'armée continue son repli et le Régiment marche sur Pombal. Le 9 mars la cavalerie anglaise attaque nos Dragons qui, compte tenu de l'état d'extrême fatigue de leurs chevaux, les attendent à l'arrêt et le sabre pointé et brisent ainsi leur élan. Le 12, l'arrière-garde, forte de 7 000 hommes et à laquelle appartient le Régiment, s'installe en défense au défilé de Redinha et arrête pendant toute la journée 25 000 Anglais aux ordres de Wellington, permettant ainsi le passage des convois de bagages et de malades. Continuant sa retraite, le Régiment rentre en Espagne au mois d'avril et s'installe entre Salamanque et la frontière portugaise. Au mois de mai, Wellington assiège Almeida. Masséna se porte au secours de la ville. Le 3 la Réserve de Cavalerie se porte sur Fuentes de Onoro où l'Anglais s'est retranché. Le 4, le Régiment reconnaît les abords de la position. Le 5, bien que vainqueur en rase campagne, Masséna ne peut déloger l'ennemi de la place. Dans cette affaire le Régiment fait encore merveille, en particulier la compagnie d'élite. Masséna est remplacé par Marmont qui ramène l'armée dans ses cantonnements de Salamanque. Le Régiment reprend ses opérations de police. 1812 Du fait de la campagne de Russie, Napoléon rappelle les 3e et 4e escadrons et le Régiment se trouve à nouveau réduit ; il comprend à ce moment 23 officiers et 412 hommes et fait toujoursss partie de la 2e division de Dragons qui est commandée par le Général Carrie. N'ayant pu empêcher Wellington de prendre Ciudad Rodrigo, les troupes françaises continuent à battre le pays à la recherche des insurgés. En juin, Salamanque est prise et l'armée du Portugal retraite. Le 16 juillet, malgré tous leurs efforts, les Dragons ne peuvent éviter que le Général Carrie tombe aux mains de l'ennemi. Blessé le 22 juillet au combat des Arapiles, Marmont laisse le commandement au Général Clausel qui évite que la retraite ne se transforme en déroute. A ce moment le Régiment a beaucoup de pertes qui l'affaiblissent terriblement. A la fin de septembre, les Anglais mettent le siège devant Burgos mais Souham qui a succédé à Clausel dégage la ville et oblige Wellington à retraiter vers le sud. La cavalerie poursuit vivement et avec succès l'ennemi et permet ainsi à l'armée du Portugal de s'installer pour l'hiver entre le Tage et le Douro. 1813 Continuant ses opérations de police, le Régiment voit ses effectifs fondre car l'Empereur ponctionne de plus en plus les régiments de Dragons qui ont fait terriblement défaut en Russie ; il ne reste ainsi plus qu'un escadron et demi. A la fin du mois de mai, Wellington reprend l'offensive et passe le Douro pour se porter sur Salamanque. Les Français réduits à 50 000 hommes, retraitent en direction de Burgos et de Vittoria où ils vont livrer leur dernier combat sur le territoire espagnol ; c'est pour nous une sévère défaite ; l'action des Dragons permet cependant à l'armée du Portugal de continuer sa retraite sans être anéantie ; le 23 juin, deux jours après, le Régiment est à Pampelune et le 6 juillet à Dax d'où il est envoyé sur l'Allemagne. La fin de l'Empire (1813-1815) Pendant que se terminent les opérations en Espagne, l'Empereur a profité de la fin de l'hiver 1812-1813 pour regrouper et reformer sa Grande Armée décimée par la campagne de Russie. Il reprend l'offensive au mois d'avril et bat les Coalisés à Lutzen (2 mai) et à Bautzen (20 et 21 mai). Mais ceux-ci ont cependant pu se retirer, sans être détruits, en Pologne et en Bohême. La campagne d'Allemagne Dès le mois de mai 1813, une compagnie du Régiment se trouve en Allemagne. Le reste rejoint le 12 octobre sous les ordres du Colonel Mugnier. Mais déjà nos Dragons ont fait parler d'eux. En effet au mois d'août la compagnie est portée à l'effectif d'un escadron à 16 officiers et 270 hommes. Elle compte dans le 5e Corps de Cavalerie (Général Lhéritier), division Collaert, brigade Quenot ; ce corps est envoyé dans la région de Dresde pour opérer des reconnaissances, puis passe la Mulde pour surveiller Mittweyda et les débouchés possibles de l'Armée de Bohême. Cet escadron du 6e Dragons est encore engagé contre le Duc de Liechenstein à Weckau le 10 octobre. Plusieurs fois les escadrons de Dragons chargent la cavalerie prussienne avec beaucoup d'audace et de vigueur ; ils obtiennent un succès mérité. La bataille de Leipzig (16-18 octobre 1813). Le 12 octobre, les 4 escadrons du Régiment sont enfin réunis sous le commandement du Colonel Mugnier. Ils participent au repli de Murat sur Gossa et Wachau, où ils sont attaqués par la cavalerie russe qu'ils mettent en pièce. Mais cette dernière est secourue par 12 escadrons prussiens qui ramènent nos Dragons dans leurs lignes. Des deux côtés on s'attend à une grande bataille et l'Empereur concentre ses corps autour de Leipzig. Le 5e Corps est mis sur la droite entre Wachau et Markleeberg. La bataille de Leipzig va durer trois jours. Le 16, les Alliés prennent l'offensive et attaquent le secteur de Wachau. Malgré l'action vigoureuse des 4e et 5e Corps de Cavalerie, l'ennemi entame sérieusement l'aile droite française ; à midi Napoléon reprend l'offensive et les Dragons d'Espagne chargent, le Général Pajol à leur tête. Celui-ci est blessé au moment où les Cuirassiers prussiens contre-attaquent et nos Dragons sont à nouveau ramenés dans leurs lignes. Le lendemain le Régiment n'est pas engagé, mais le 18 l'Empereur doit se résoudre à la retraite car l'ennemi a reçu des renforts et bénéficie d'une supériorité écrasante. Les Dragons chargent le matin et se dirigent en fin d'après-midi vers les ponts de Liepzig. Au cours des 3 jours de combat, 11 officiers du Régiment furent blessés, l'importance de leurs blessures témoignent de l'impétuosité de la bataille. Le Sous-Lieutenant Largnier ne reçut pas moins de 17 coups de lance et le Lieutenant Maroteaux 5 coups de sabre et 7 coups de lance. La retraite vers la France. Toute l'armée retraite vers le Rhin. Le 5e Corps reçoit comme mission de couvrir le flanc de l'armée. Le 20 il est avec le 4e Corps de Bertrand à Auerstaedt, le 30 il flanque la droite française pendant la bataille de Hanau. Pendant toute la retraite il est harcelé sans arrêt par les Cosaques. toujoursss subordonné au 4e Corps, il parvient le 5 novembre dans la région de Cassel. Alors que Bertrand reste sur la rive droite du Rhin, le 5e Corps de cavalerie rendre en Alsace sous les ordres de Milhaud. La campagne de France (janvier-mars 1814) Dès son retour en Alsace, le 5e Corps de cavalerie est placé sous les ordres de Victor pour observer le Rhin entre Bâle et Strasbourg. Le Régiment compte à la Brigade Montelegier (2e, 6e et 11e Dragons), Division Collaert. Le 21 décembre, l'ennemi traverse le Rhin dans la région de Bâle et marche sur Colmar. La pénétration ennemie. Au moment où il atteint la ville à Sainte-Croix le 24, Milhaud marche à sa rencontre et lance sur lui la Division Collaert. Nos Dragons font 150 prisonniers dont le Colonel des Cosaques de la Garde et tuent ou blessent 400 hommes. Le 3 janvier le Général Briche prend le commandement de la 1ère Division de Dragons. Le Régiment occupe Wihr et son effectif est de 25 officiers et 296 hommes. Pressé par des forces très supérieures, Milhaud doit se replier en direction de l'ouest sur Baccarat. Le 6 janvier il est à Remiremont où son medecin, le Major Teuleria, est enlevé par les Cosaques. Le 9, la Division charge un parti de 200 Cosaques qu'elle met en fuite. Durant cette retraite les troupes ne reçoivent ni solde ni distributions et vivent sur l'habitant ; les chevaux meurent en grand nombre. Victor duquel dépen le Corps de Milhaud est atteint par le découragement et abandonne les Vosges. Le 16 janvier le 6e Dragons est à Toul, le 21 à Ligny où Victor reçoit l'ordre de tenir sur l'Ornain. L'empereur concentre dans la région de Verdun, Chaumont, Ligny, SaintDizier, les Corps de Mortier, Victor, Marmont et Ney. Après avoir subi un échec à Brienne le 29 janvier, Blücher doit accepter le combat le 1er février à la Rothière. Mais il a reçu du renfort et il oppose 106 000 hommes aux 36 000 Français. Malgré de nombreuses et magnifiques charges de la cavalerie, nos troupes doivent battre en retraite, couvertes par le Corps de Milhaud. Le 4, nos Dragons, en arrière-garde, bousculent les cavaliers autrichiens, en tuent une centaine et en blessent 150. Pendant cette première phase de la bataille de France, Napoléon malgré certains revers, a dispersé les corps ennemis. Il veut maintenant les battre un à un. Les coups d'arrêt de février : Pendant la 2e phase de la bataille, l'Empereur repousse les corps de Blücher puis laisse en couverture au sud l'infanterie de Victor et la cavalerie de Milhaud et d'Oudinot ; avec les corps de Marmont, Mortier et les divisions de Friant et Curial plus la cavalerie de Grouchy, il bat successivement Alsuffief le 10 février à Champaubert, Sacken le 11 à Montmirail, Saken et York le 12 à Château-Thierry, Blücher lui-même le 14 à Vauchamps. Pendant ce temps les troupes en couverture face au sud, dont fait partie le régiment, résistent au corps de Schwartzenberg, en reculant pied à pied et en lui infligeant de lourdes pertes. Blücher et les Coalisés progressant au nord, battent en retraite, Napoléon se retourne vers le sud. Au combat de Mormant, le 17 février, Schwartzenberg est mis en déroute, essentiellement grâce à l'action des corps de cavalerie de Milhaud et Kellermann. Le régiment prend à ce combat une part très active et les 2 généraux eux-mêmes ont chargé avec lui, le premier à la tête d'un peloton, le deuxième à la tête d'un escadron. Ils se sont retrouvés par hasard au milieu d'un carré russe qui s'est rendu à eux. L'Empereur poursuit Schwartzenberg mais sans réussir à le détruire. La troisième phase prend alors fin le 24. La manoeuvre en tenaille de Blücher et Schwartzenberg, mars 1814 : Pour la 4e phase, les mêmes troupes restent en couverture au sud et Napoléon se retourne à nouveau contre Blücher qui s'est reformé au nord. Il ne parvient pas à le détruire, les Prussiens s'accrochant à Craonne et Laon. Leur supériorité numérique est écrasante. Pendant ce temps, accablés sous le nombre, les troupes du sud reculent devant les Autrichiens, eux aussi reformés, les Dragons luttent admirablement mais la marche de Schwartzenberg est irrésistible le long de la Seine, à tel point qu'il menace Paris. La dernière phase va l'opposer à l'Empereur, qui espère le couper de sa ligne de communication et l'obliger à reculer. Aussi marche-t-il sur Saint-Dizier qui est pris le 26 mars. Le 6e Dragons a pris une large part à cette victoire qui demeure inutile, car l'ennemi menace toujoursss Paris, par la vallée de la Seine au sud et par Laon au nord. Napoléon ordonne la retraite qui se fait en très bon ordre. Par Sens à Montereau, le Régiment arrive à Noisy le 3 avril et le 6, il apprend à Malesherbes l'abdication de l'Empereur. La 1re Restauration et les Cent Jours (avril 1814 – juillet 1815) Napoléon à l'île d'Elbe, Louis XVIII sur le trône de France, l'ordonnance royale du 12 mai 1814 prescrit de nombreux changements : le Régiment portant le numéro 6 fut appelé Dragons du Duc de Berry, mais en fait, notre Régiment et des détachements du 21e et du 27e formèrent les Dragons de Monsieur, qui prirent le numéro 4. Il faut cantonné à Epinal jusqu'au retour de l'Empereur auquel il ne semble pas avoir participé. Le Régiment reçoit alors son ancien numéro. Parmi les cadres, le Colonel Mugnier, 2 Chefs d'Escadrons, 9 Capitaines, 5 Lieutenants et 3 Sous-Lieutenants appartenaient au régiment avant le 12 mai. Le 1er juin, il est affecté au Corps d'Armée Gérard (4e), Division Maurin, Brigade Berruyer. L'effectif de cette division de cavalerie est de 1 800 sabres, dont 688 pour le 6e Dragons qui rejoint l'Armée de Metz le 1er juin. La campagne de Belgique (juin 1815) Le 15 juin, tous les corps se mettent en marche. Napoléon veut battre séparément Prussiens et Anglais. Sous les ordres de Grouchy avec 2 corps de cavalerie et 2 corps d'armée plus la Garde, le 6e participe à la bataille de Ligny contre les Prussiens de Blücher le 16 juin. Malgré les nombreuses charges, l'ennemi vaincu arrive à se retirer. Grouchy se lance à sa poursuite le 17. Dans la nuit du 17 au 18 il perd le contact avec Blücher, et le 18, entendant une violente canonnade sur sa gauche, il commet l'erreur de ne pas marcher au canon pour secourir l'Empereur aux prises avec Wellington à Waterloo. Après le désastre, Grouchy retraite vers la France. Le 20 le régiment est à Dinant, le 30 à Paris. Le 1er juillet, il livre le dernier combat de l'Empire à Rocquencourt, sous les ordres du Général Exelmans. Ce combat fut peut-être le plus beau et 2 régiments de Hussards prussiens furent complètement détruits. Une convention signée le 3 juillet donne l'ordre aux troupes de passer sur la rive gauche de la Loire. Le 9, le régiment est à Jargeau, le 15 à Sully et il arrive à Nîmes au mois d'août. C'est là qu'il est licencié : « L'Armée a, sans murmurer, au nom sacré du Roi et de la Patrie, courbé son front sous le joug humiliant du licenciement. » (Macdonald). TROISIEME PARTIE * LA RESTAURATION – LA MONARCHIE DE JUILLET ET LE SECOND EMPIRE 1815 – 1870 VI.La Restauration, la Monarchie de Juillet et la IIe République (1815-1851) VII.Le Second Empire (1851-1870) CHAPITRE SIXIEME Les Dragons de la Loire – Le nouveau 6e de Dragons Réorganisation de l'Armée Royale Le décret du 16 juillet 1815 réduit la cavalerie à 47 régiments, dont seulement 10 de Dragons. Ils sont formés de 4 escadrons, partagés en 2 divisions, chaque escadron comprend 4 pelotons. La compagnie, qui jusque-là a été l'unité administrative, tandis que l'escadron n'était qu'une formation de combat, est remplacée par l'escadron, unité tactique et administrative. L'Etat-Major d'un régiment comprend : 1 Colonel, 1 Lieutenant-Colonel, 2 Chefs d'Escadrons, 1 Major, 2 Adjudants-Majors, 1 Trésorier, 1 Officier d'habillement, 1 Porte-Etendard et 2 Médecins. Chaque escadron compte : 1 Capitaine commandant, 1 Capitaine en second, 2 Lieutenants, 4 Sous-Lieutenants et 118 hommes. Les Dragons de la Loire Les régiments de Dragons prennent un nom de département. Le numéro 6 est porté par les Dragons de la Loire, dont touts les éléments sont nouveaux. Ce corps est organisé à Gray, le 15 décembre 1815, sous les ordres du Colonel Dornier. Les 4 escadrons se recrutèrent dans les départements suivants : Loire, Haute-Loire, Cantal, Nièvre, Puy-de-Dôme et Côte-d'Or et reçurent un grand nombre d'enrôlés volontaires de l'arrondissement de Gray. Jusqu'en 1825, le régiment tient garnison dans les localités suivantes : Nancy : 23 décembre 1816 au 5 mars 1820 ; Charleville : 12 mars 1820 au 9 avril 1821 ; Saint-Omer : 17 avril 1821 au 28 avril 1822 ; Lille : 30 avril 1822 au 10 mai 1824 ; Verdun : 22 mai 1824 au 6 novembre 1825. Le 30 juillet 1823, le Marquis de Podenas est nommé Colonel des Dragons de la Loire en remplacement du Colonel Baron Dornier promu Maréchal de camp. Pendant l'été 1825, le régiment, à l'effectif de 28 officiers et 376 hommes, prend part aux manoeuvres du camp de Lunéville. Il compte à la 2e Division (de France), 1re Brigade (Courtier). Le 6e Régiment de Dragons Une décision royale du 25 août 1825 supprime la dénomination de Dragons de la Loire, et le régiment conserve son seul numéro d'ordre : 6e Dragons. Il occupe les garnisons suivantes : Lyon : du 24 novembre 1825 au 13 novembre 1826 ; Tours : du 7 décembre 1826 au 9 avril 1828 ; Pontivy : du 22 avril 1828 au 3 mai 1830 ; Valenciennes : du 2 juin 1830 au 15 octobre 1830 ; Arras : du 16 octobre 1830 au 9 mars 1831. A Valenciennes, peu après la Révolution de Juillet et l'accession au trône de Louis-Philippe, le Régiment reçoit le Colonel Lacour, nommé le 17 août en remplacement du Colonel de Podenas ; il compte alors 6 escadrons qui, en mars 1831, sont dirigés sur Paris. Le 27 mars, dans une revue au Champ de Mars, le Roi remet à l'Armée son nouvel étendard tricolore. Répression des émeutes (1831-1832) En 1831, le 6e Dragons doit à plusieurs reprises coopérer à la répression des émeutes qui ont lieu dans Paris ; la conduite du régiment dans ces circonstances vaut au Colonel Lacour la dignité de Commandeur de la Légion d'Honneur, et la Croix de Chevalier est accordée au Sous-Lieutenant Langlet, au Brigadier Duhaut et aux Dragons Esnault et Hébert. Le 5 juin 1832, les funérailles du Général Lamarque amènent une nouvelle émeute. Le 6e Dragons est sérieusement engagé : avec 2 escadrons, le Commandant Desolliers prend position sur le quai voisin du pont d'Austerlitz ; dominé par les bätiments du grenier d'abondance, entouré de barricades, ce détachement doit rester immobile sous le feu des émeutiers. Apprenant le danger couru par ces 2 escadrons, le Colonel Lacour veut les secourir avec le reste du Régiment ; en sortant du quartier des Célestins, il essuie un feu très vif ; son cheval est tué et lui-même est blessé. Le Lieutenant-Colonel Grand prend le commandement des 3 escadrons ; mais arrivé sur le boulevard Bourdon, il est accueilli par une fusillade nourrie et doit enlever une barricade pour se dégager. Le Commandant Cholet, désarçonné pendant la charge, est massacré par les émeutiers ; cinq Dragons sont tués et le Lieutenant-Colonel est blesssé, ainsi que deux Capitaines. 13 officiers, sous-officiers et hommes du rang reçurent la Légion d'Honneur à la suite de cette échauffourée. Sous le règne de Louis-Philippe (1832-1848) et la IIe République Le 22 janvier 1833, le 6e Dragons est envoyé à Tours, d'où, le 16 novembre, il dirige 4 escadrons de guerre à l'effectif de 520 hommes sur Dax. Ces escadrons font partie de la Division des Pyrénées-Orientales, placée sous les ordres du LieutenantGénéral Harispe ; ils cantonnent successivement à Mont-de-Marsan, Saint-Sever, Orthez et Pau. En février 1834, le dépôt est transféré à Vendöme, puis à Limoges. Le 16 juin 1834, le Colonel Scherer prend le commandement du régiment en remplacement du Colonel Lacour, promu Maréchal de camp. Le régiment occupe ensuite les garnisons suivantes : Poitiers : du 18 mai 1838 au mois d'août 1839 ; Fontainebleau : d'août 1839 au 12 octobre 1841 ; Sedan : du 25 octobre 1841 au 19 mai 1842 ; Châlons-sur-Marne : du 16 septembre 1842 au 18 septembre 1845 ; Limoges : du 15 octobre 1845 au 27 septembre 1847. Le 22 octobre 1845, le Colonel Beltramin remplace à la tête du Régiment le Colonel Scherer promu Maréchal de camp. Le Régiment occupera ensuite les garnisons de Nantes et Pontivy (18471849), puis de Chartres et Châteaudun (1849-1851), et enfin d'Arras d'où lui parvient la nouvelle du Coup d'Etat du Prince Napoléon. Durant toute cette période, le Régiment envoie quelques effectifs en Algérie pour renforcer les Régiments de Chasseurs d'Afrique. CHAPITRE SEPTIEME Les Dragons du Second Empire Au moment du Coup d'Etat du 2 décembre 1851, le Régiment est en garnison à Toul et à Lunéville et est commandé par le Colonel Beltramin. Le 30 janvier 1852, celui-ci est nommé Général de Brigade et est remplacé par le Colonel Robinet de Plas ; le 10 mars, une députation composée de MM. De Plas (Colonel), Perchet (Capitaine), et de 4 Sous-Officiers, est envoyé à Paris pour y recevoir le nouvel étendard des mains du Prince Napoléon. L'Expédition d'Orient Les préparatifs de la guerre d'Orient trouvent le Régiment à Tarascon où il est en garnison depuis le 14 mai 1853. Cette guerre d'Orient est une occasion pour Napoléon III d'affirmer la prépondérance de la France en Europe. Les Français et les Russes se disputaient la protection des Lieux Saints ; or, en mai 1853, le Prince Mentchikov exige dans un ultimatum au Sultan de Constantinople, que celui-ci reconnaisse le Tsar comme le protecteur de tous les chrétiens de son Empire. Sur le refus du Sultan, le Tsar lui déclare la guerre ; le Sultan réplique en s'alliant à la France et à l'Angleterre. Le 27 février 1854, le 6e Dragons est désigné pour participer à l'Expédition d'Orient avec 4 escadrons de guerre, tandis qu'un 6e est en formation et doit constituer avec le 5e Escadron le dépôt à Tarascon. A son arrivée à Marseille, le Régiment compte 32 officiers, 610 hommes et 544 chevaux. Le 1er mai, le 6e Dragons embarque sur plusieurs voiliers à Marseille : « Très peu de trois-mâts. La flotte à notre service se composait de bricks de 200 à 300 tonnes. Le régiment fut embarqué par de petites fractions. Le brick qui nous échut, I « due Fratelli », Capitaine Casanova, portait pavillon gênois. Il prit 24 hommes et placés à fond de cale, 12 d'un côté et 12 de l'autre, le corps soutenu par de larges sangles de toile. A côté des chevaux ont avait placé les bagages et un lit de camp pour les cavaliers. L'aération se faisait au moyen d'une unique manche à vent. L'officier et le sous-officier partageaient la cabine du capitaine. Le pont était encombré de balles de foin encerclées et de tonneaux contenant notre provision d'eau. » Le 1er juin, le régiment est rassemblé et bivouaque au camp des Moulins sur le plateau dominant Gallipoli, sur le détroit des Dardanelles. Les Balkans (mai – novembre 1854) La première formation de l'armée ne comprenait que 2 brigades de cavalerie, le 6e Dragons appartenait à la seconde, commandée par le Général Cassaignolles, qui elle-même était affectée à la 4e Division, Général Forey, en réserve. Mais on s'aperçoit bientôt que l'on manque de cavalerie et l'on achemine peu à peu de France 10 régiments ; dès juillet, le Maréchal de Saint-Arnaud, qui commande l'expédition forme, sous les ordres du Général Morris, une division à 3 brigades. 1re Brigade : Général d'Allonville (1er et 4e Chasseurs d'Afrique) ; 2e Brigade : Général Cassaignolles (6e et 7e Dragons) ; 3e Brigade : Général d'Elchingen (6e et 9e Cuirassiers). Au moment où le 6e Dragons débarque, les Turcs sont assiégés dans Silistrie, place forte qui interdit le passage du Danube aux Russes. C'est pourquoi le Maréchal de Saint-Arnaud dirige par voie de terre ses troupes vers Andrinople et Varna. Le 13 juin, le régiment part pour Andrinople et y arrive le 21 pour camper sur la rive droite de la Cuncha. Cette marche, en raison de la chaleur et du mauvais état des chemins tracés à travers le sable, est assez dure pour un régiment peu habitué à la vie des bivouacs. La division de cavalerie qui vient de recevoir les 1er et 4e Hussards se porte sur Varna le 30 juin en laissant à Gallipoli les 7e et 9e Dragons. Le 6e Dragons passe par Aïtos et arrive le 9 juillet en vue de Varna. Là encore la marche a été dure, en raison de la route très accidentée. Les convois à escorter sont très lents, formés d'arrabas, sortes de voitures à 4 roues très rudimentaires et traînées par des boeufs. La majeure partie de l'Armée alliée cantonne à Varna, attendant d'être engagée contre les Russes. C'est là que le choléra fait son apparition, parmi des hommes accablés par la chaleur et vivant dans de mauvais gourbis. En un mois, le régiment perd 3 officiers, son médecin-major et 50 cavaliers. Après la désastreuse expédition des Alliés dans la Dobrudja, à laquelle les Dragons du 6e ne participent pas, le régiment va bivouaquer à Patchakeny, tandis que l'épidémie se calme. Mais, le 10 août, l'incendie de Varna, où l'armée avait stocké d'importants approvisionnements, impose à tous de cruelles privations. Le 2 septembre, les troupes sont prêtes à s'embarquer pour l'expédition de Crimée qui vient d'être décidée pour forcer la décision en Russie même. Ce ne sera pourtant que le 17 novembre que le régiment sera appelé en Crimée, le Général Canrobert, successeur du Maréchal de Saint-Arnaud, ayant besoin de cavalerie pour exploiter les victoires de l'Alma et d'Inkermann, les premières de la campagne à faire espérer une heureuse issue à l'engagement franco-anglais. La guerre de Crimée (novembre 1854 – mars 1856) Le bivouac près de Sébastopol et les opérations de l'année 1855 : C'est sous une pluie battante et sur une mer démontée que le régiment embarque sur les vaisseaux anglais « Jason » et le « Simla ». Le 22 novembre le 6e Dragons débarque et va bivouaquer à 3 kilomètres de Sébastopol après s'être frayé un chemin difficile dans une boue très épaisse. Durant tout l'hiver le régiment va bivouaquer sur ce plateau qui n'offre aucun abri contre le vent. Les petites tentesabris sont remplacées par des tentes turques appelées « marabouts », pouvant loger 10 hommes, mais les chevaux entravés au-dehors et constamment dans la boue souffrent beaucoup. Au mois de décembre le régiment reçoit 150 hommes en renfort, mais au bout d'un mois une quinzaine d'entre eux seulement demeurent valides, ces jeunes recrues transportées directement de Tarascon en Crimée, n'étant pas habituées à ce dur hiver au bivouac. Le régiment participe à de nombreuses reconnaissances offensives qui lui fournissent les premières occasions de rencontrer l'ennemi : – Reconnaissance sur Kamara, le 20 décembre : le 6e Dragons, le 42e Ecossais, un bataillon de « Rifles » et un demi-bataillon du 3e Zouaves fouillent le pâté montagneux situé en avant des positions anglaises de Balaklava. Le 4e escadron de notre régiment forme l'avant-garde, aux ordres du Lieutenant-Colonel Ressayre. Les alliés poussent jusqu'à Kamara en refoulant un faible rideau de postes tenus par les Cosaques et d'infanterie légère russe. – Reconnaissance de la vallée de Baïdar, le 30 décembre : le Général Morris avec les 1er et 4e Chasseurs d'Afrique et le 6e Dragons, accompagnés de 6 bataillons, se porte du col de Balaklava sur la vallée du Baïdar en vue de tâter les Russes. La colonne est bientôt en face de 3 « sotnias » (escadrons) de Cosaques ; deux escadrons de Chasseurs d'Afrique les chargent, tandis que l'infanterie est aux prises avec 6 000 Russes. L'ennemi se replie et le Général Morris a le loisir d'observer toute la vallée du Baïdar. Il se retire en fin de journée. Au 1er janvier 1855, l'effectif du régiment est de 29 officiers, 510 hommes et 632 chevaux. Dans le courant du mois, le Colonel Robinet de Plas est remplacé par le Lieutenant-Colonel Ressayre. Celui-ci, voulant rétablir la discipline mise à l'épreuve par la rigueur de la saison et par les privations, donne des ordres sévères pour l'amélioration du bivouac ; en dépit du froid et de la neige, on entreprend toutes sortes de travaux pour protéger les chevaux contre les intempéries. Le pavage est refait, avec une pente suffisante pour l'écoulement des eaux ; « la litière fut entassée au fur et à mesure ; ainsi les chevaux eurent les pieds à sec et purent manger à peu près tout leur foin ». La même sollicitude s'étend sur les hommes. Dans chacune de nos tentes on enlève deux pieds de terre, ce qui permet de s'y tenir debout. Toutes les armes sont disposées en faisceaux autour du pilier central. Chaque matin on relève le couchage et on le soumet avec l'habillement et la sellerie à un paquetage uniforme. Jusqu'au 20 mai, le rôle de la cavalerie est très effacé, la guerre restant dans une phase très statique. Lorsque le Général Pélissier prend le commandement en chef, il modifie la répartition de ses corps ; le 6e Dragons, toujoursss en compagnie du 7e, fait partie de la Brigade du Général de Champeron. Cette brigade, avec celle du Général Walsin-Esterhazy (1er et 4e Hussards), forme la Division du Général d'Allonville. La reconnaissance de Tratkir. Le 24 mai, le Général Pélissier, désirant agrandie son centre d'action, prescrit aux divisions Canrobert et Brunet, ainsi qu'à la cavalerie des Généraux d'Allonville et Morris, de descendre de leurs positions pour franchir la Tchernaïa, avec 5 batteries de la réserve. La cavalerie passe de vive force le pont de Tratkir et se rend maître de la rive droite de la rivière. A la suite de cette opération, le 6e Dragons installe ses bivouacs sur la rive gauche ; son effectif est alors de 36 officiers, de 676 hommes et 700 chevaux. La reconnaissance de Baïdar. Le 3 juin, le 1er et le 4e escadron du régiment mettent à mal un parti de Cosaques, l'obligeant à se retirer. Dans la nuit du 5 au 6 juin, l'escadron du Capitaine de Symony réussit un coup de main contre les avantpostes russes établis sur la rive droite de la Tchernaïa, qu'il sabre et contraint à la retraite. Pour cette action, le Capitaine de Symony et le Maréchal des Logis Leroux furent faits Chevaliers de Légion d'Honneur et le Régiment fut félicité par le Général Pélissier. Du 11 au 16 juin, le régiment bivouaque au village de Miskounia près de Baïdar dont il s'est rendu maître, puis est ramené sur les bord de la Tchernaïa : « Tous les matins nous faisions des reconnaissances vers la haute Tchernaïa, sans voir d'autre ennemi que des Cosaques fuyant à notre approche. Néanmoins ces Cosaques nous rendaient la vie dure : chaque nuit ils nous donnaient des alertes qui nous obligeaient à lever le camp. » Le 7 juillet la Division d'Allonville est envoyée à Baïdar dont les abords découverts permettent un emploi avantageux de la cavalerie ; le 6e Dragons prend part à des escarmouches et à des reconnaissances ; la fin du mois de juillet se passe en reconnaissances et en manoeuvres sur la rive droite de la Tchernaïa. Le 15 août la Brigade de Champeron se porte à nouveau sur la rive gauche où elle établit ses bivouacs. Le 24, le 6e Dragons s'établit dans la plaine de Balaklava, à la hauteur du gué de Tchorgoun où il reste jusqu'à son embarquement pour Eupatoria. L'expédition d'Eupatoria (septembre 1855 – mars 1856) Sur la demande du Généralissime turc, les forces françaises sont réunies aux divisions ottomanes qui occupent Eupatoria ; une base ayant pour but de couper les communications et la retraite de l'armée russe sur Perekop est ainsi établie. Le Général d'Allonville a le commandement en chef de ce corps, et il emmène la Brigade de Champeron au complet. Le 18 septembre, le régiment embarque à Kaniesh sur 3 vapeurs anglais et débarque le 20 à Eupatoria. Il s'établit en 2e ligne au sud-est du camp retranché qui est étroitement bloqué par les Russes. Le Général d'Allonville décide, pour harceler les Russes, de mener d'importantes reconnaissances sur le village de Sack. Reconnaissance de Sack (24 septembre). Le 24, la division monte à cheval à 11 heures du soir et rejoint les Turcs au sortir de la ville ; le Général d'Allonville a sous ses ordres les 6e et 7e Dragons, 2 escadrons de Hussards, la batterie à cheval et 4 bataillons turcs. « Partis à minuit, ils arrivent à 4 heures du matin à l'extrémité de la presqu'île. Les Russes sont surpris dans leurs cantonnements. Les Cosaques se retirent ventre à terre, mais tout-à-coup s'élève un épais brouillard qui ne permet pas de pousser plus avant. » Le village de Sack et les fourrages qu'il contenait sont incendiés ; la division se replie alors sur Eupatoria. Après cette affaire, d'Allonville décide de forcer l'ennemi à abandonner la rive nord du lac Sasik et de le rejeter sur la route de Simphéropol. Combat de Kanghil (29 septembre). Vers 2 heures du matin, 3 colonnes sortent d'Eupatoria. Au centre se trouvent les 6e et 7e Dragons et le 4e Hussards, commandés par d'Allonville et éclairés par des bachi-bouzouks. Cet élément se déploie dans la plaine et marche en direction de Djoltchak en repoussant les vedettes russes. Dans la matinée, 8 escadrons de Uhlans par la droite et 10 par la gauche essaient de manoeuvrer pour couper le Général d'Allonville qui fait face ; l'arrivée sur notre gauche d'Ahmed-Pacha commandant une colonne turque, fait disparaître l'ennemi qui menace ce flanc. Dès lors le Général d'Allonville, se garantissant au nord grâce à l'élément d'Ahmed-Pacha, décide d'envelopper l'ennemi par un mouvement de flanc en direction de Kanghil. Les trois régiments de cavalerie française se portent en direction de l'ennemi par des cheminements, le 4e Hussards en tête. Sur l'ordre d'Allonville, le Général Esterhazy avec le 4e Hussards charge l'ennemi qui, après une mêlée sanglante, est mis en déroute. Mais peu après les Russes se regroupent et malmènent le 4e Hussards dont les chevaux sont fourbus ; aussitôt le Colonel Ressayre se porte en tête avec le 6e Dragons, le Général de Champeron menant la charge. Les Russes hésitent puis tournent bride, s'enfuient. Les Dragons s'acharnent à leur poursuite pendant plus de deux heures et font de nombreux prisonniers. Dans le combat les Russes ont perdu : 110 hommes tués ou blessés parmi lesquels le Colonel Andreosky du 18e Uhlans, 169 prisonniers, 250 chevaux, 3 canons, 3 obusiers, 12 caissons d'artillerie et une forge de campagne. Le 6e Dragons a perdu quant à lui 2 officiers et 4 hommes blessés. Ce glorieux combat vaudra au Régiment d'être cité le 2 octobre 1855 à l'ordre de l'Armée d'Orient, par le Maréchal Pélissier et de porter par la suite dans les plis de son Etendard, le nom de cette victoire. La fin de l'année et les quartiers d'hiver. Le 14 octobre, le corps expéditionnaire est renforcé par la division d'infanterie française du Général de Failly et par la brigade de cavalerie anglaise de Lord Paget. Le 22 octobre, puis le 27, d'Allonville tâte le dispositif de l'ennemi sur différents points mais ne peut le décider à sortir de ses positions fortifiées pour livrer bataille ; le 31 octobre, le Maréchal Pélissier donne l'ordre de suspendre les opérations actives et de prendre les quartiers d'hiver. Cet hiver s'annonce plus rigoureux que celui de l'année précédente, chaque matin de petites reconnaissances sont effectuées mais le nombre d'hommes valides décroit constamment, le choléra et le scorbut faisant à nouveau des ravages. La pénurie de viande fraîche se fait sentir à plusieurs reprises, si bien qu'on va tuer des chevaux pour les manger. Les escadrons sont pour la plupart réduits à une cinquantaine d'hommes lorsque le Général d'Allonville passe le Régiment en revue. Le début de l'année 1856 et l'annonce de la paix. Quelques reconnaissances importantes sur Sack et Djoltchak ont lieu au début de 1865 mais sans issue car les Russes, bien que renforcés, refusent chaque fois le combat. Le 31 mars, la nouvelle de l'armistice arrive au camp et le 3 avril, le Général d'Allonville annonce la signature de la paix à Paris. Par décret du Maréchal Pélissier, furent nommés Chevaliers de la Légion d'Honneur pour leur conduite durant la campagne, 3 officiers et 2 hommes, tandis que 5 sous-officiers et 2 hommes reçurent la Médaille Militaire. Le retour en France et la période 1856-1870 Le 4 mars, la Division d'Allonville quitte Eupatoria ; par Katougan, l'Alma, Inkermann, elle gagne Kaniesh, où elle s'embarque les 8 et 9 mai, l'état-major et le 1er escadron à bord de la « France », les 2e et 3e à bord de l' « Hammonia », le 4e à bord du « Gagliari ». Le débarquement à lieu à Marseille le 24 et 25 mai. A la fin de juin, les six escadrons du 6e Dragons quittent Avignon et se dirigent en trois colonnes sur Clermont-Ferrand, où il arrivent dans les premiers jours de juillet. Le Régiment occupe les garnisons suivantes : Clermont et Billon, de juillet 1856 à septembre 1858 ; Paris, de septembre 1858 à avril 1860 ; Saint-Mihiel et Commercy, d'avril 1860 à avril 1863 ; Le 14 mars 1863, le Colonel Bourboulon est nommé au commandement du régiment en remplacement du Colonel Ressayre, promu Général. Valenciennes et Condé, d'avril 1863 à avril 1865. Lunéville et Toul, d'avril 1865 à avril 1867. Par décret du 15 novembre 1865, le 6e escadron, créé au début de la guerre d'Orient, est supprimé. Belfort et Huningue, d'avril 1867 à septembre 1869 ; Lyon et Chambéry, de septembre 1867 à septembre 1869 ; Libourne et Bordeaux, de septembre 1869 à juillet 1870. Le 1er mai 1869, le Colonel Tillion prend le commandement du régiment. C'est sous ses ordres que le 6e Dragons commence la campagne de 1870 contre la Prusse. La guerre contre la Prusse (1870-1871) La France occupe une puissante position dans le monde et en particulier en Europe, ce qui n'est pas sans inquiéter l'Angleterre, peu soucieuse de voir s'établir une réelle hégémonie française sur le continent. Aussi notre pays se trouve-t-il isolé lorsque Napoléon III veut s'opposer à la Prusse, dont Bismarck désire faire le noyau de l'unité allemande. La guerre éclate l'été 1870 à propos de la succession d'Espagne. La défaite de Sedan Les premiers combats vont se dérouler dans le nord-est, en Lorraine et dans les Ardennes, dans le nord de l'Alsace aussi. Le 15 juillet toutes les troupes reçoivent l'ordre de mobiliser leur portion active. Le 6e Dragons organise 4 escadrons de guerre (les 1er, 2e, 4e et 5e), soit 40 officiers, 541 hommes et 529 chevaux. Le 3e escadron forme dépôt avec 11 officiers, 194 hommes et 120 chevaux. Du 22 au 25 juillet, le régiment est transporté à Lyon. Il fait partie de la division de cavalerie du Général Ameil, mais la brigade qu'il forme avec le 6e Hussards est maintenue à Lyon jusqu'à la fin août, afin de prévenir d'éventuels troubles ; ceci vaudra au régiment de ne pas participer aux premières rencontres avec l'ennemi. Le 24 août, il quitte Lyon pour Paris, puis Reims où il arrive le 2 septembre. Il est affecté à la 1re Division (d'Exea) du 13e Corps (Vinoy). Dans la nuit du 3 au 4 septembre, l'armée prussienne, victorieuse à Sedan, est signalée sur la route de Reims. Pour éviter de se faire tourner, le Général Vinoy ordonne de retraiter sur Soissons et Villers-Cotterêts, le régiment avec deux escadrons escorte l'artillerie et avec deux autres forme l'extrême arrière-garde. Le 3, la division se porte sur Paris, alors que le régiment, inutile pour la défense du camp retranché, est envoyé à Versailles où l'on organise des régiments de marche destinés à l'Armée de la Loire. L'Armée de la Loire (septembre – décembre 1870) Tandis qu'une armée est assiégée dans Metz et que commence le siège de Paris, l'Armée de la Loire va tenter de s'opposer à la poursuite des Prussiens qui débordent Paris par le sud. Les opérations devant Orléans (14 septembre – 11 octobre 1870) Le 14 septembre, la brigade du Général du Coulombier dont fait partie le Régiment part pour Orléans afin d'être affectée au 15e Corps qui s'organise à Bourges. Le 18 au soir, elle s'établit en défensive à Arthenay et y reste jusqu'au 21 septembre. Pressée par les Prussiens, elle se replie alors sur Orléans, mais le 23 au soir, les 1er, 2e et 4e escadrons occupent à nouveau Arthenay, éclairés par le 6e Hussards. Le 1er escadron est envoyé le 24 en observation sur Toury et doit se replier avec les Tirailleurs Algériens établis à Bazoches. Affaire de Lion-en-Beauce (25 septembre). Le régiment prussien des Hussards de la Mort pousse vers Arthenay et l'infanterie française doit évacuer Bazoches, couverte par le 1er escadron. L'ennemi s'étant déployé et ayant dirigé 2 escadrons sur nos Dragons, ceux-ci rompent le démasquent l'infanterie française cachée derrière un pli de terrain. Reçu par un feu nourri, l'ennemi fait demi-tour. Vers midi, canonné par une batterie et poursuivi par les Hussards auxquels se sont joints un régiment de Cuirassiers ennemis, le 1er escadron soutenu par le 4e escadron se replie sur Arthenay où le reste du 6e Dragons et le 6e Hussards sont en position. La poussée des cavaliers ennemis se brise sur les défenses de la ville, et le 25 au soir, la brigade se porte sur Cercottes. Affaire de la Croix Briquet (26 septembre). Le 2e escadron du 6e Dragons est envoyé en reconnaissance avec un escadron du 6e Hussards. En arrivant à la Croix Briquet, deux pelotons de Dragons accrochent un escadron de Uhlans. Très inférieurs en nombre, ils sont bousculés et rejetés. En se portant en soutien, les deux autres pelotons de l'escadron aperçoivent un régiment de Cuirassiers prussiens. Ils s'embusquent derrière une voie ferrée tenue par des mobiles et par un feu nourri fusillent les Cuirassiers qui rétrogradent. Quelques instants plus tard, le reste du régiment de Uhlans sera à son tour violemment pris à parti par notre reconnaissance renforcée des mobiles. Le bilan de l'engagement est lourd, tant pour l'ennemi que pour nos Dragons. Les Prussiens eurent environ 80 hommes hors de combat, alors que notre côté les pertes s'élevèrent à 18 blessés dont 2 officiers, 4 tués et 8 disparus. Jusqu'au 5 octobre, de nombreuses reconnaissances sont effectuées aux environs du village de Cercottes, près duquel s'est déroulée l'affaire de la Croix Briquet. Le Dragon Gusse, déguisé en marchand de bestiaux, découvrira à Janville un bataillon ennemi et à Toury deux bataillons, deux batteries et plusieurs régiments de cavalerie. Affaire de Toury (5 octobre). Une forte reconnaissance, sous les ordres qu Général Reyau, est dirigée sur Toury : la colonne de droite suit la voie ferrée et marche sur Toury ; le centre sous le Général de Longuerue, qui a remplacé le Général de Coulombier à la tête de la brigade, se porte sur Toury par la route de Paris. La gauche quitte Patay pour attaquer Janville. Les deux ailes doivent opérer simultanément et le centre a l'ordre de n'entrer en ligne que lorsque l'attaque des ailes sera prononcée. Lorsque l'attaque est prononcée sur Toury, l'artillerie adverse très supérieure, écrase nos pièces et la panique gagne l'artillerie et l'infanterie française. Le 6e Dragons avrité derrière un mouvement de terrain qui le protège fort heureusement des coups, reste seul exposé pendant près d'une heure. Le Général de Longuerue ayant rallié son infanterie et son artillerie, le Général Reynau fait attaquer à nouveau et les Prussiens sont délogés du village. Le soir les troupes françaises rétrogradent sur Arthenay. Combat d'Arthenay (10 octobre). Un fort parti bavarois se présente devant Arthenay, le 10 octobre vers 9 heures du matin. Signalé par des vedettes du Régiment, la division a pu prendre position en avant du village. Alors que s'engage l'action, l'artillerie allemande couvre les troupes françaises de projectiles. Nos pièces sont impuissantes à soutenir l'action à longue distance et l'infanterie bat en retraite. Vers 11 h 30, deux batteries françaises s'établissent au château d'Auvilliers. Le 1er escadron du 6e Dragons leur est donné en escorte et le reste du régiment se porte sur leur gauche. Voulant tourner la gauche française, l'ennemi porte de ce côté plusieurs régiments ; le 6e Dragons et la brigade Michel qui lui fait suite se déploient, mais le feu nourri des batteries allemandes oblige le Général Reynau à ordonner la retraite. Le mouvement est protégé par la cavalerie et les pièces de canon qui tiennent jusqu'à la dernière extrêmité. Elles ne seront sauvées que grâce au dévouement de l'escorte de Dragons, qui les enlève des mains de l'ennemi. Protégée par une ligne de tirailleurs, la division Reynau peut gagner la forêt d'Orléans sans être poursuivie. Après un dernier accrochage près du village des Ormes, le régiment fait retraite et atteint le matin du 12 octobre La Ferté-Saint-Aubin, point de concentration du 15e Corps, qui a évacué Orléans dans la nuit du 11 au 12. La contre-attaque de novembre sur Orléans (12 octobre – 30 novembre) Outre le commandement du 15e Corps, le Général d'Aurelles se voit confier celui du 16e Corps, dont la formation est encore incomplète. Le 17 octobre, le Général en chef se porte sur Salbris, dont la position lui semble avantageuse pour donner un peu de repos à ses troupes, achever leur organisation et rétablir la discipline. Les Dragons Bouchany et Besnier, blessés à la Croix Briquet, et soignés à l'hôpital d'Orléans, s'échappent lors de l'entrée des Allemands dans la ville et rejoignent le 6e Dragons à Salbris en rapportant de précieux renseignements sur les positions ennemies. Le 25 octobre une conférence réunit les généraux et les représentants du Gouvernement. On y décide une contre-attaque des 15e et 16e Corps sur Orléans par Blois et Mer. Ce plan fut maintenu malgré la nouvelle de la capitulation de Metz, arrivée le 28 octobre. La division Reynau quitte Salbris le 26, atteint Blois le 28, passe la Loire le 29, et le 30 est à Mer où elle demeure jusqu'au 6 novembre. Ce jour-là, le Général de Longuerue, promu divisionnaire, passe le commandement de sa brigade au Colonel Tillion, nommé général de brigade et remplacé par le Lieutenant-Colonel Fombert de Villers à la tête du 6e Dragons. Le 7, la division se porte sur la forêt de Marchenoir. Le canon se fait entendre vers Vallières, où une forte reconnaissance allemande a accroché les positions du 16e Corps (Chanzy). Le 8, après avoir traversé Saint-Laurent des Bois, la brigade Tillion est au contact de l'ennemi à Prénouvellon près d'Ouzouer-le-Marché. Combat de Coulmiers (9 novembre). Le Général Reynau ayant sous ses ordres, pour la journée du 9, dix régiments de cavalerie, six batteries et quelques corps francs, doit chercher à déborder la droite de l'ennemi et flanc-garder l'attaque du 16e Corps en le couvrant à hauteur des routes de Paris et de Châteaudun. Le 15e Corps s'empare de Baccon, tandis que le 16e Corps mène une lutte acharnée contre les Bavarois, devant Coulmiers. A 17 heures, le succès français est assuré. Cependant, le Général Reynau, s'étant écarté des ordres reçus, s'est attaqué en vain au village de Saint-Sigismond et y éprouve des pertes considérables. De plus, par une erreur inconcevable, ses troupes prennent les francs-tireurs pour des ennemis et la confusion est grande. Ses troupes épuisées et décimées, Reynau bat en retraite et laisse libre les routes de Chartres et de Paris par lesquelles les Bavarois, battus, se retirent sans être inquiétés. Malgré la faute du Général Reynau, le succès français force les troupes allemandes à évacuer Orléans. Prise d'un convoi à Saint-Péray (10 novembre). A 4 heures du matin, le 4e escadron se porte sur Saint-Sigismond. Un peloton dispersé en tirailleurs trouve le village de Géminy occupé et apprend qu'un convoi ennemi est en marche sur Patay. L'escadron reçoit l'ordre d'aller l'attaquer et reçoit en renfort deux pelotons du 1er Hussards et un bataillon d'infanterie. Sans les attendre, le Capitaine Cabrol charge le convoi : le commandant du convoi est abattu et les conducteurs sabrés. Un médecin, 21 officiers, 150 hommes, 32 voitures et 120 chevaux tombent entre les mains des Dragons. Dans le même temps, une autre partie du 4e escadron s'empare d'une centaine de traînards et de quelques approvisionnements, dans Géminy. L'Armée de la Loire, qui est rentrée dans Orléans, prend position en avant de la forêt et s'y fortifie. La division de cavalerie est envoyée à Saint-Lyé, qu'elle occupe jusqu'au 24. Fin novembre, les 18e et 20e Corps sont battus à Beaume-la-Rolande. La division ne participe pas à cette bataille, mais reste à cheval toute la journée. Les changements de front de l'Armée de la Loire et les défaites de la fin 1870 Le 30 novembre, une conférence réunit à Orléans les généraux et les représentants du Gouvernement. Ces derniers imposent leur plan, malgré l'avis défavorable du Général d'Aurelles. Ce plan consiste à exécuter un changement de front vers la droite, donc à modifier la position tenue par toutes les grandes unités. Cette fatale décision amène les désastres qui suivent : Combat de Pourpry (2 décembre). La brigade d'Astugue (11e Chasseurs, 6e Dragons) reçoit l'ordre de rejoindre à Arthenay la division Peytavin du 15e Corps. Dès son arrivée, l'action s'engage devant Pourpry fortement tenue par les Prussiens. Deux escadrons du 6e Dragons repoussent un parti de Uhlans qui menacent le flanc de la division, puis la brigade se forme en bataille et, vers la fin de la journée, appuie le mouvement du 16e de ligne qui enlève à la baïonnette le bois de Pourpry. La division couche sur le champ de bataille, mais pendant que la droite remporte ce succès, le 16e Corps et la division de Sonis du 17e sont écrasés à Loigny. L'Armée française retraite à nouveau. Le 3 décembre, la division Peytavin est attaquée et repoussée sur Arthenay et Chevilly, après un combat acharné auquel la cavalerie ne participe pas. Le 4, à la pointe du jour, les troupes allemandes reprennent la poursuite. Le 6e Dragons rétrograde sur Orléans par la Croix Briquet et couvre le passage de la Loire pendant le franchissement du 15e Corps. Le 5, il forme l'arrièregarde avec le 2e Chasseurs jusqu'au bivouac de la Motte-Beuvron. Le 6, les troupes arrivent à Salbris et reprennent les positions qu'elles occupaient en octobre. Affaire de Nouan-le-Fuzelier (7 décembre). Le 5e escadron est ce jour-là en grand'garde sur la route de la Motte-Beuvron. Son poste de gauche chargé par les Hussards de Posen doit se retirer devant la supériorité numérique de l'adversaire : en échangeant des coups de sabre, Dragons et Hussards se dirigent pêle-mêle vers Nouan-le-Fuzelier, où le feu d'un poste de Zouaves arrête les Allemands. Le poste de droite, quant à lui, est surpris par un escadron et doit se jeter dans un bois. Le 5e escadron perdit dans cette affaire 8 hommes et 18 chevaux. Pendant cet engagement, le 15e Corps continue sa retraite et la brigade de cavalerie suit le mouvement en couvrant les arrières du corps d'armée ; le soir, Vierzon est atteint. La fin du mois de décembre se passe en marches et contre-marches aux environs de Vierzon, Mehun, Theillay et Nançais, où le 6e Dragons est cantonné le 1er janvier. Pendant cette période, de continuelles mutations se produisent parmi les officiers, par suite des nouvelles formations et des promotions qu'elles entraînent. L'Armée de l'Est (janvier – février 1871) Le 4 janvier 1871, l'Armée de la Loire subit de nouveaux changements : une partie reste sous les ordres du Général Chanzy et le 15e Corps, auquel est affectée la brigade d'Astugue, doit rejoindre par voie ferrée le Général Bourbaki, dans l'est. Le transport du régiment s'effectue entre le 5 et le 12 janvier. L'encombrement des lignes est tel que les trains restent 5 jours immobiles. Les hommes souffrent cruellement du froid et du manque de vivres. Au 8 janvier, la position des corps français dans l'est est la suivante : le 24e à Cuse, le 20e à Rougemont, le 18e à Montbozon et le 15e commence à débarquer à Clerval-sur-Doubs. Le commandant en chef a l'intention de déborder l'aile gauche du Général de Werder de façon à la couper complètement des troupes qui assiègent Belfort. Le 15 janvier, le 15e Corps commence le mouvement d'attaque contre l'aile gauche de la position allemande sur la Lisaine. Pendant les batailles des 15, 16 et 17 janvier, tandis que les 15e et 23e Corps luttent héroïquement pour dégagé Belfort, la cavalerie reste inactive. « Nos cavaliers, dont les chevaux manquent de clous à glace, sont obligés de les traîner par la bride sur le verglas et restent collés aux colonnes qu'ils escortent péniblement. » Jusqu'au 19 janvier, le 6e Dragons occupe les villages avoisinant l'Isle-sur-le-Doubs. L'échec de Bourbaki contre les positions de l'armée d'investissement de Belfort, la misère et l'épuisement des troupes et la menace de l'armée de Manteuffel, forcent à la retraite. Le régiment est le 20 à Baume-les-Dames, le 23 à Boussières. Les Allemands devenant pressants, ordre est donné de se retirer sur Ornans. La marche est des plus pénibles : la pluie, l'obscurité, le froid, la neige, joints à l'encombrement de la route où les convois sont pêle-mêle avec les troupes, ne permet d'atteindre Ornans qu'à 7 heures du matin. Les Dragons ont parcouru en 30 heures, sans repos, 100 kilomètres. Le 25, le régiment est à Joux, le 26 à SainteColombe, le 28 à l'Aiguillon. Le 29, revenant sur ses pas, il occupe Saint-Laurent avec mission de rallier les convois et de défendre les cols par lesquels l'ennemi peut couper la retraite vers le sud. Affaire des Planches (29 janvier) Le 5e escadron ayant pour mission d'escorter un convoi en difficulté, rencontre au défilé des Planches 2 escadrons de Chasseurs d'Afrique qui y sont établis. Prévenu que l'ennemi occupe Nozeroy, il retrouve le convoi, le ramène au plus vite au village des Planches, suivi de près par un bataillon prussien. Les Dragons mettent pied à terre et tiennent pendant une heure les fantassins ennemis en échec, donnant le temps au convoi de s'éloigner. Débordé de tous côtés, l'escadron rejoindra néanmoins Morez en utilisant des sentiers de montagne rendus peu praticables par la neige. Le 30 arrive la nouvelle de l'armistice, mais les Allemands continuent leurs mouvements en faisant savoir que l'armistice ne s'applique pas aux troupes de l'est. Il faut donc en toute hâte se replier sur Gex, où les Dragons parviennent le 1er février, évitant ainsi l'internement en Suisse. La guerre est terminée ; le 6e Dragons a noblement fait son devoir et tire aux Planches les derniers coups de fusils de la campagne. Il se dirige par Nantua et Bourg vers Chalon-sur-Saône où il reste jusqu'au 26 mars, date à laquelle il est dirigé sur Libourne où il arrive le 17 avril. Réorganisation du régiment A son arrivée, le 6e Dragons compte encore 400 hommes et 360 chevaux. Il reçoit peu après les cadres de 2 escadrons du 5e de cavalerie mixte : 15 officiers, 7 sous-officiers, 8 brigadiers, 10 hommes et 12 chevaux. Le 21 mai, le régiment passe sur le pied de paix : le 3e escadron qui avait constitué le dépôt, puis avait contribué à former le 3e de marche de Dragons, est définitivement versé au 3e Dragons. Le 3e escadron au 3e de marche de Dragons Le 3e escadron part de Libourne le 12 septembre et entre dans la composition du 3e de marche de Dragons, qui est formé à Limoges avec un escadron du 6e, un du 7e, un du 10e et un du 12e Dragons. Ce régiment, parti le 24 septembre de Limoges avec 30 officiers, 505 hommes et 551 chevaux, est dirigé sur Orléans, où il forme avec les 2e et 5e Lanciers la Brigade indépendante du Général Michel. Cette brigade prit part aux mêmes opérations que le 6e Dragons. Le 10 octobre, il couvre les arrières du Corps d'Armée de Cercottes sur Orléans ; le 5 novembre, détaché à la Division Peytavin, il se signale dans un engagement et fait quelques prisonniers. Il assiste le 9 à la bataille de Coulmiers et un de ses pelotons se distingue le 29 novembre, en chargeant un régiment allemand avec 2 escadrons de Chasseurs d'Afrique et en facilitant la retraite d'une batterie. Le 19 décembre, il est à Vierzon, puis il se met en marche pour rejoindre Bourbaki et arrive à Besançon le 5 janvier. Il connaît alors la même inaction que le 6e Dragons, puis les mêmes tribulations qui le conduisent également à Gex. L'ancien 3e escadron du 6e Dragons est définitivement versé dans le 3e Dragons, le 13 mars 1871. Les 6e, 7e, 8e et 9e escadrons Le 1er septembre, un 6e escadron a été créé à Libourne, il sert d'escadron de dépôt. Par la suite sont organisés 3 autres escadrons avec quelques officiers du régiment et les cadres disponibles de l'armée d'active auxquels on ajoute recrues et hommes de la réserve. Les chevaux proviennent de réquisitions et d'achats faits à l'étranger. Le 6e escadron est dirigé sur Besançon le 25 décembre et prend part aux opérations de l'Armée de l'Est, au sein du 13e Régiment mixte de cavalerie. Le 7e rejoint également les armées en opération, mais sa trace n'a pas été retrouvée. Le 8e, formé à Libourne le 1er décembre, est envoyé à Angers, où il entre dans le 8e Régiment de marche de Dragons, à base de Dragons des 5e, 6e et 8e ajoutés aux Dragons de la Garde Impériale. Ils composèrent le 8e Dragons, le 11 avril 1871. Le 6e Régiment de marche de Dragons n'empruntera aucun élément à notre Régiment, aussi son historique n'est-il pas retracé. QUATRIEME PARTIE * LES DRAGONS DE LA REPUBLIQUE 1871-1973 VIII.La Belle Epoque (1871-1914) et La 1re guerre mondiale (1914-1918) IX.L'entre-deux-guerres (1918-1940) X. La 2e guerre mondiale (1939-1940) XI.La Reine Dragons, Régiment de chars (1951-1973) CHAPITRE HUITIEME La Belle Epoque et la première guerre mondiale (1871-1918) La Belle Epoque (1871-1914) Après la capitulation de Sedan (1er septembre 1871), la République est à nouveau proclamée en France. Sous ce régime, elle va vivre une longue période de paix jusqu'en 1914, appelée non sans vérité, « La Belle Epoque ». L'Armée va mettre à profit cette ère de calme pour panser les blessures que lui a infligées la défaite et adapter son organisation aux exigences des combats modernes. Le 6e Dragons quitte Libourne au milieu d'août 1871 et est dirigé sur Lyon, où il reste jusqu'en mai 1872, date à laquelle il est envoyé à Chambéry. Le 27 octobre 1872, un décret supprime le 6e escadron qui, sous le commandement du Capitaine Petit, est dirigé sur Tarascon où s'organise le 26e Dragons. Le 21 février 1876, le Colonel Maréchal prend le commandement du régiment en remplacement du Colonel Fombert de Villiers, admis à la retraite. Les transformations de l'Etendard Avant 1870, l'Etendard du régiment portait fièrement les noms des victoires suivantes : Jemmapes, 1792 Marengo, 1800 Austerlitz, 1805 Friedland, 1807 Fleurus, 1815 Sébastopol, 1855 Kanghil, 1855 en souvenir des plus prestigieuses actions d'éclat du Régiment. De 1870 à 1879, l'étendard glorieux fait place à l'étendard de deuil, sans franges, sur lequel les inscriptions sont cousues en noir. En 1879, une circulaire fixe à 4 le nombre maximum de victoires qui peuvent être inscrites sur les étendards. Sur son nouvel Etendard figureront donc uniquement : Marengo, 1800 Austerlitz, 1805 Friedland, 1807 Kanghil, 1855. Les 7 et 10 juin 1880, le régiment quitte Chambéry en deux colonnes pour aller tenir garnison à Joigny ; il y arrive les 22 et 25 juin et forme avec le 10e Chasseurs stationné à Vendôme, la brigade de cavalerie du 5e Corps d'Armée. En février 1881, le régiment à le très vif regret de perdre son chef, le Colonel Maréchal, qui est remplacé le 22 février par le Colonel Rapp. Les 16 et 17 mars 1886, le 6e Dragons quitte Joigny en deux colonnes et arrive à Evreux les 25 et 26 mars, formant avec le 12e Chasseurs, stationné à Rouen, la brigade de cavalerie du 3e Corps d'Armée. Le 13 février 1887, le Colonel Brossier de Buros remplace le Colonel Rapp, promu général de brigade ; il conserve le commandement du régiment jusqu'au 17 mai 1893 ; à cette date, il est admis à la pension de retraite et remplacé par le Colonel de Lestapis. En janvier 1897, le Lieutenant Maréchal fait don au 6e Dragons des lambeaux de l'Etendard de 1870, restés entre les mains de son père, ancien Colonel du Régiment. On peut encore admirer ce précieux souvenir dans la salle d'honneur de notre unité. En 1898, le Colonel de Sesmaisons prend le commandement du régiment ; il est remplacé l'année suivante par le Colonel Faure. De 1908 à 1912, c'est le Colonel Traffort qui assurera le commandement du 6e Dragons, au sein de la 3e brigade de cavalerie, 4e division de cavalerie, 6e région militaire. Alors que monte la tension internationale et que se prépare la guerre la plus meurtrière de tous les temps, le 6e Dragons appartient à la 2e brigade de cavalerie, 1re division de cavalerie, 3e Corps d'Armée ; il est stationné à Evreux et son nouveau chef de corps, le Colonel Champeaux, a remplacé le Colonel Traffort en 1912. Les prémices de la guerre Dès le début du 20e siècle, de fortes tensions agitent l'Europe : l'Empire Austro-Hongrois s'effrite sous la poussée des nationalismes ; la Russie cherche à s'imposer dans les Balkans ; l'Allemagne s'oppose à la France au sujet de l'AlsaceLorraine et à l'Angleterre pour des raisons de prestige naval, colonial et commercial. Ces graves problèmes aboutissent à la formation de deux blocs ennemis : la Triple Alliance (Allemagne, Autriche-Hongrie et Italie) ; la Triple Entente (France, Angleterre et Russie). C'est la surenchère à l'armement ; à l'aube de 1914, les forces en présence comptent : – 820 000 hommes pour l'Allemagne, 160 000 pour l'Autriche et 100 000 pour l'Italie – 1 420 000 hommes pour le Russie, 750 000 pour la France et 6 divisions et la meilleure flotte à l'Angleterre. La crise éclate le 28 juin 1914, à propos de l'assassinat de Sarajevo. L'Autriche déclare la guerre à la Serbie le 29 juillet ; les Russes voyant leurs intérêts menacés dans les Balkans, mibilisent le 30. Les Allemands et les Français mobilisent le 1er août; L'invasion de la Belgique par l'Allemagne décide les Français et les Anglais à entrer en guerre. La campagne de 1914 Dès le juillet, le 6e Dragons (5e brigade de Dragons, 1re division de cavalerie), en garnison à Vincennes, a reçu à 18 h 45 l'ordre d'embarquer pour aller occuper ses emplacements de couverture. Ses divers éléments embarquent en deux échelons à la gare de la Chapelle. Le 1er août, aussitôt débarqué à Charleville, le 1er escadron, auquel a été adjoint un groupe de cyclistes de la division de cavalerie, est poussé sur la Meuse avec mission d'en garder les passages face à l'est, entre Mouzon et Givet. Par ailleurs, un certain nombre de postes de la force d'un peloton, couvrent le rassemblement de la 1re division le long de la frontière belge. Le 2e échelon ayant débarqué à son tour à Charleville, le 4 août, le Régiment se retrouve au complet à cette date. En Belgique du 5 au 24 août Les troupes allemandes venant de violer la neutralité de la Belgique et du Luxembourg, le 6e Dragons franchit la frontière le 6 août, en avant-garde de la 1re division qui se porte sur Palisseul. L'accueil de la population qui vient d'apprendre l'invasion allemande est impressionnant. Le 7 août, le 6e Dragons cantonne à Han-sur-Lesse et le 8 à Auchain. Au cours de cette journée, la 1re division s'avance à 12 kilomètres de Liège et quelques Uhlans sont faits prisonniers ; certains corps de cavalerie ont parcouru quelques 80 kilomètres en 24 heures. Dans la matinée du 10, les 1er et 2e escadrons sont envoyés en découverte sur Ayvaille en direction de Liège. Ces escadrons ne rejoindront le régiment que le 15 août, à Pondromme, après fait parvenir au commandement de très utiles renseignements. Pendant l'exécution de leur mission, ils eurent avec des éléments ennemis plusieurs engagements heureux mais subirent quelques pertes : c'étaient, pour le 6e Dragons, les premières de la campagne. Dans la soirée du 12, le 4e escadron qui tenait avec un peloton de cyclistes les villages de Ave et Auffe, y est attaqué par un détachement allemand de cavaliers et de cyclistes ; l'ennemi a 5 tués et un certain nombre de blessés ; il lui est fait 5 prisonniers. Le 15, le 6e Dragons quitte la région de Welin et se dirige vers le nord-ouest ; vers 15 heures, le 1er Corps de cavalerie commandé par le Général Sordet passe en entier sur la rive gauche de la Meuse vers Hastière. C'est le jour de la bataille de Dinant. L'offensive française dans les Ardennes belges Tandis que les armées de Moltke entreprennent en Belgique leur vaste débordement (prise de Liège le 17), Joffre lance l'offensive des Ardennes Belges menée par les armées Ruffey et Langles de Cary, chargée de couper l'aile marchante allemande que devront contenir l'armée Lanrezac et les armées britanniques, le Corps de Cavalerie et l'Armée Belge devant assurer la jonction entre le fond de la nasse et les éléments offensifs. Le 18 août, le 1er Corps de Cavalerie se porte à l'attaque de colonnes ennemies signalées à 25 kilomètres de Gembloux. Le 6e Dragons fournit trois reconnaissances soutenues par le 3e escadron. Au cours de l'une d'elles le Lieutenant Grand-d'Esnon trouve une mort glorieuse ; c'est le premier officier du régiment qui a l'honneur de tomber à la tête de ses cavaliers. La 1re Division de Cavalerie s'avance à la rencontre de l'ennemi jusqu'à l'est de Grand-Rozière, canonne sa cavalerie qui se dérobe, mais se trouve bientôt elle- même sous le feu de l'artillerie allemande et subit quelques pertes ; c'est pour le régiment le véritable baptême du feu. Après cette démonstration, ordre est donné à la 1re Division de Cavalerie de revenir pendant la nuit à l'ouest de Gembloux. Pourtant dès le 19 au matin, le Corps de Cavalerie se porte vers le nord-ouest à l'attaque des colonnes ennemies qu'il retarde dans leur progression. L'après-midi, contraint de céder le terrain à des forces très supérieures, il se replie vers le sudouest. La retraite de la 1re Division de Cavalerie est une fois de plus couverte par le 6e Dragons qui occupe les lisières nord-est de Gembloux. Au cours de la nuit, le régiment poursuit sa mission et se replie par la route de Charleroi sur Corroy-leChâteau. Puis, contournant Charleroi par le nord, le 6e Dragons vient tenir, le 22, les passages de la Sambre que la division vient de franchir. Au loin on entend les canons de la bataille de Charleroi. Après la défaite de l'armée de French, à Mons, la bataille des frontières est perdue. Retraite de la Sambre à la Meuse Le 23 au soir arrive l'ordre de repasser la frontière et de rentrer en France. La division doit rejoindre la région de Maubeuge. Joffre décide le 25 août d'échapper à l'étreinte ennemie par un repli général sur la ligne Verdun-Aisne-Laon-Somme et de se renforcer à gauche en y créant l'armée de Maunoury. Le 1er C. C. va donc continuer pendant plusieurs jours en liaison avec l'Armée britannique, à couvrir la retraite vers le sud. Ses chevaux qui, depuis le 5 août, n'avaient pour ainsi dire jamais eu de repos et auxquels il n'avait pas toujoursss été possible de donner une nourriture complète, commençaient à se ressentir très sérieusement du travail intense qui leur avait été imposé depuis le départ. Aussitôt, dès l'après-midi, le C. C. marche sur Cambrai ; le 6e Dragons s'établit en position d'attente face à Noyelles. Le 3e escadron s'installe avec la section de mitrailleuses à la lisière nord de Rumilly pour participer à l'action de la 5e brigade de Dragons, en avant-garde de la 1re D. C. Le mouvement débordant de l'ennemi sur la gauche du 2e corps britannique est arrêté. Pendant ces quelques jours, la première division de cavalerie avait apporté à l'Armée britannique une aide précieuse, en retardant, malgré l'extrême fatigue des hommes et des chevaux, la poursuite de l'ennemi. Dans son ordre du jour en date du 29 août 1914, le Général Commandant le 2e corps britannique pouvait écrire : « Si nos pertes ne furent pas plus grandes le 26 au cours de la retraite des positions de Haucourt, Caudry, Beaumont, le Cateau, cela est dû en grande partie à l'appui qui nous fut donné par le 1er C. C. opérant sur le flanc ouest de nos troupes et nous devons en être reconnaissants à nos braves frères d'armes... » Mais à la suite de ce nouvel effort, le Corps de Cavalerie est épuisé. Pour continuer à couvrir la retraite des Armées française et britannique, on est obligé de constituer avec les éléments les moins fatigués ce que l'on a appelé « la division provisoire », à raison d'un escadron fourni par chaque régiment du C. C. L'escadron de marche formé par le 6e Dragons est placé sous les ordres du Capitaine commandant le 1er escadron, le Capitaine du Riveau. Le 29 août, jour même de la constitution de cette division provisoire, les six escadrons de la 1re D. C. reprennent le contact avec l'ennemi dans la région d'Etalon où ils combattent à pied jusqu'à la nuit. La division provisoire ne cesse de couvrir la retraite, ralentissant la marche ennemie suivant l'axe général L'Echelle-Saint-Aurain, Chalis, Mitry-Mory, Chelles... A partir du 6 septembre, après une semaine entière de combats incessants, la division provisoire est dissoute. Les escadrons qui la composaient, exténués, réduits en moyenne à une cinquantaire de sabres, rejoignent leurs régiments respectifs ; pourtant, l'escadron du 6e Dragons ne rentrera que le 14 septembre après avoir pris part à la bataille de la Marne. Pendant ce temps, le Corps de Cavalerie continuant à couvrir l'extrême flanc ouest des Armées françaises, s'était porté par Beauvais et Mantes sur le sud ouest de Paris. Le 6e Dragons arrive à Dampierre le 14 septembre dans la matinée. La bataille de la Marne Après le repli général jusqu'à la ligne Paris-Verdun, Joffre, avec l'assentiment de ses commandants d'armée, décide une contre-attaque générale : la célèbre bataille de la Marne va durer du 6 au 11 septembre. Appelé à coopérer à cette bataille, le Corps de Cavalerie quitte le 6 septembre ses cantonnements. Dès le lendemain, il prend contact avec l'ennemi dans la région de Levignen entre Nanteuil-le-Haudion et Villers-Cotterêts. Les 2e et 3e escadrons reçoivent alors la mission de couvrir, entre midi et 17 heures, le rassemblement de la 1re D. C. autour de Villers-Saint-Genest dans les directions de l'ouest et du nord-ouest. Arrêtée dans sa marche par l'ennemi au nord de Levignen, elle se rassemble entre ce village et Rouville. Le 6e Dragons s'établit en observation à la lisière sud des bois de Levignen face à Macquelines jusqu'à la nuit. Le 9 septembre, le 2e demi-régiment, envoyé en découverte dans la région située à l'est de Bouillant, y est reçu à coups de fusils. A 17 heures, le C. C. attaque sur le plateau de Rozières une forte colonne allemande, qui sort de Nanteuil et Haudoin et retraite vers le nord ; il lui cause de fortes pertes. A 20 heures, l'artillerie ennemie oblige le corps à évacuer le plateau. Celui-ci se retire alors par Senlis, Mont-l'Evêque et Ermenonville et la 5e B. D. occupe Ermenonville. Le 10 au matin, un bataillon d'infanterie allemande est signalé en marche sur Ermenonville, la 5e B. D. prend aussitôt ses dispositions de combat. Un demirégiment du 6e Dragons et le groupe cycliste s'installent au nord-est de cette localité, l'autre demi-régiment au sud ; le 23e Dragons est en réserve ; mais l'attaque ne se produit pas. On vient d'apprendre qu'une grande victoire a été remportée sur la Marne. A la suite de cette victoire française, Moltke décide de replier l'ensemble des forces allemandes sur l'Aisne, la Vesle et Verdun. Par la suite, les adversaires vont se livrer à des batailles frontales dans l'espoir d'enfoncer le front adverse. Le 3e et 4e escadrons envoués en découverte, donnent, par leurs renseignements, la sensation très nette d'une retraite générale de l'ennemi vers le nord. Aussitôt la 1re D. C. va reprendre sa progression pour le talonner. Dans la soirée, le 6e Dragons arrive à Becquigny, dont les alentours sont infestés d'ennemis. Le 14 septembre, la 1re D. C. continue sa marche dans la direction de Péronne. Ce jour-là, les 2e et 4e escadrons du régiment, détachés à l'escorte du convoi de la 1re D. C. ont à le défendre, à Rosières, contre une attaque d'éléments ennemis. L'attaque est repoussée et 15 Allemands sont mis hors de combat ; de plus cinq officiers et trois hommes sont faits prisonniers. Accrochages dans la région de Péronne A l'approche d'une reconnaissance du régiment sur Péronne, l'ennemi se retire en hâte, laissant entre nos mains une formation sanitaire complète. Le 16, la 1re D. C. tente un coup de main sur Saint-Quentin qui est occupé par l'ennemi. A 15 heures, les batteries de la division ouvrent le feu sur la gare. La 5e brigade, couverte en avant et à gauche par les 2 demi-régiments du 6e Dragons, s'installe sur la côte 123 au sud de Maissemy ; nos batteries sont vivement prises à partie par l'artillerie ennemie et ont quelques peines à décrocher. Dans la soirée, la division rejoint ses cantonnements à l'est de Péronne. Le 17, le Régiment arrive à Poeuilly au moment où l'on y amène le Général Bridoux, commandant le 1er Corps de Cavalerie, qui vient d'être mortellement blessé dans une embuscade à 1 500 mètres au sud-est du village. Le Général Bridoux venait de remplacer le Général Sordet au commandement du 1er Corps de Cavalerie. Les jours suivants, la 1re D. C. se stabilise à l'est de Péronne ; après un repos complet de 24 heures, le 1er escadron du Régiment est poussé le 19 sur Mons-enChaussée avec mission d'appuyer une reconnaissance d'un élément léger sur Sancourt. Cette reconnaissance, surprise par l'ennemi, a quelques peines à se dégager. Tous ces efforts pour enfoncer l'ennemi restent vains ; à partir du 18 septembre commence la lutte pour les flancs dite « course à la mer ». La course à la mer Les prises de contact avec l'ennemi l'avaient montré de plus en plus agressif. Attaquée de toutes parts par des forces très supérieures, la 1re D. C. s'accroche au terrain. Les escadrons du 6e Dragons combattent à pied et défendent avec la plus grande vigueur Driancourt. La pression de l'ennemi s'accentue ; le 6e Dragons résiste à Hautes-Allaines et de Montauban, couvrant l'aile gauche d'un Corps d'Armée français qui vient de débarquer dans la région d'Amiens, et se porte à l'attaque. A partir de ce moment, l'ennemi va s'efforcer de déborder par leur gauche les arméess françaises et de les couper des ports et des bases anglaises. Les distances sont longues ; afin d'amener dans des conditions propices les renforts nécessaires pour s'opposer aux projets de l'ennemi, il faut user du chemin de fer. Il faut, de plus, que les débarquements de troupes soient couverts au loin, cette tâche est confiée à la cavalerie. Cette couverture sera parfaitement assurée : ne bénéficiant d'aucun soutien pour cette mission, supportant à elle seule tout l'effort ennemi, notre cavalerie ne peut compter que sur elle-même ; quand l'infanterie vient la relever, elle va recommencer la couverture un peu plus au nord, et ceci jusqu'au Lys : c'est la course à la mer. Le 27 septembre, la 1re D. C. reçoit l'ordre de se porter sur Avesne-lèsBapaume. Le 1er demi-régiment du 6e Dragons est à l'avant-garde ; au passage de la route Amiens-Bapaume, il est arrêté par une vive fusillade. La division s'établit à l'ouest de Grevillers et ses batteries entrent en action. Le Régiment occupe Grevillers mais, vers le soir, le village est violemment attaqué par l'infanterie ennemie. Tourné des deux côtés, le 6e Dragons reçoit l'ordre de se replier sur les bois situés à l'ouest du village et de rejoindre la brigade. Le lendemain il appuie sur Ablainzevelle une attaque menée par le 23e Dragons sur Courcelles-le-Comte. Le 29, le 3e escadron en reconnaissance atteint, mais ne peut dépasser, Saint-Léger, qui sera tenu par la brigade. Le 30, le Régiment supporte une attaque à Boyelles. Le 1er octobre, des reconnaissances sont effectuées sur Douai, Vitry-enArtois et Noyelles. Le 2 octobre, le Régiment tient, malgré une vive attaque, le village de Beaumont, mais, débordé par le nord par 3 bataillons ennemis, il doit se replier sur Maricourt, qu'il tiendra jusqu'à ce qu'il soit relevé. Le 4 octobre, il supporte à Givenchy une attaque à la baïonnette. Le 8, après avoir franchi le canal de la Bassée, il participe à l'attaque sur Provins, puis le 9 freine la progression allemande vers l'ouest, au village de Don. Le 11, les Allemands forcent la 5e brigade de Dragons à abandonner Quinquerue. Le 16, le Régiment attaque Fromelles, dont il ne peut s'emparer, et le 18 Fournes. Le 23 octobre, le Lieutenant-Colonel de Champvallier succède au Colonel Champeaux, à tête du 6e Dragons. Pendant trois mois, le 6e Dragons a eu à fournir un énorme effort. Dans chaque escadron, il ne reste pas quarante chevaux du début de la campagne ; les pelotons ne comptent plus guère qu'une dizaine de sabres. En vue de sa reconstruction, le 6e Dragons est envoyé pendant un mois à Norrent-Fontès, où il est rattachée à la cavalerie de l'Aire. Le coût en vies et en matériel et l'insuccès de toute manoeuvre de débordement, aboutissent à la formation d'un front continu et stable de la Suisse à la Mer du Nord. L'année 1915 et la guerre des tranchées L'année 1915 va se passer sur un front stable : tandis que les Alliés cherchent la percée par des offensives répétées et fort coûteuses, les Allemands se bornent à la défensive. La guerre des tranchées commence, mais le rôle de la cavalerie n'est pas pour autant terminé : les boues de l'Yser et de la Woëvre, les tranchées de Nieuport et de Champagne entendront le bruit de ses mousquetons et verront agir ses grenadiers. Après avoir passé à Blangermont (sud-ouest de Saint-Pol) la majeure partie du mois de janvier en repos de reconstitution, le 6e Dragons se rend le 26 dans la région de Breteuil, d'où il embarque à destination de Vitry-le-François. A cette date, la 1re D. C. gagne Nixeville où elle s'apprête à prendre part aux opérations de Verdun. La bataille des Combles n'ayant pas donné à la division l'occasion d'intervenir, la 2e brigade de Dragons prend les tranchées à Gussainville à partir du 10 avril et la 5e reste en réserve jusqu'au 16. Le 6e Dragons sera ce jour-là à Ippecourt et il arrive à Sapignicourt le 19. Le 26 avril, le séjour dans l'est est terminé. Embarqué en 4 échelons dans la soirée, le Régiment débarque le 28 au nord de Montdidier et cantonne dans la région de Breteuil-Embranchement. Les séjours dans les tranchées Le 1er mai un détachement de 200 hommes du 6e Dragons part pour les tranchées de Rouvroy-en-Santerre. C'est avec le plus grand entrain que les dragons qui, depuis plusieurs mois, ont perdu le contact immédiat avec l'ennemi mais qui ont conservé leur esprit combattif, accueillent l'ordre de départ. Pendant le courant des mois de mai et juin, à l'occasion des attaques de rupture menées par les armées alliées contre le front ennemi, le 1er C. C. est alerté à plusieurs reprises. A plusieurs reprises le 6e Dragons occupera des positions d'attente sans qu'il ait à intervenir, le front n'ayant pu être percé. Le 3 juillet, le 6e Dragons envoie un détachement de 150 cavaliers aux tranchées du secteur de Wailly au sud d'Arras. Ce détachement est relevé par un autre détachement également fourni par le Régiment. Les 18 et 26 juillet et le 20 août ont lieu de nouvelles relèves dans les mêmes conditions. Le 26 septembre, le Régiment s'installe au bivouac, en position d'attente au sud de Nubigny, en vue de participer aux offensives simultanées d'Artois et de Champagne. A partir du 14 octobre, le 6e Dragons fournit un détachement affecté à la surveillance des voies ferrées : on craint en effet des tentatives ennemies de destruction sur les chemins de fer à l'aide d'avions atterrissant à proximité de certains ouvrages d'art et y amenant le personnel et les moyens matériels nécessaires. Le 31 octobre, le Régiment envoie également un détachement de 150 cavaliers aux tranchées nord de Givenchy-en-Gohelle. Ce détachement rentre le 8 novembre. Son service a été rendu particulièrement pénible par le mauvais temps et par l'activité de l'artillerie ennemie. L'entrain et la belle humeur des Dragons font l'objet d'une lettre très élogieuse du Général de la 46e Division d'Infanterie. Du 17 au 24 novembre, un nouveau détachement prend le service aux tranchées de Basseux, au sud-est d'Arras. Un effort très considérable doit être fourni pour la remise en état et l'entretien de ces tranchées que les pluies continuelles ont à moitié éboulées. Le 8 décembre, le 6e Dragons occupe les tranchées de Bailleulval au sud de Basseux, dans des conditions encore plus défavorables : pas d'abris, des tranchées presque inexistantes, de l'eau jusqu'aux genoux. Le moral des Dragons n'en reste pas moins au-dessus de tout éloge. Le détachement rentre la veille de Noël. Le 31 décembre, le Corps de Cavalerie est envoyé au bord de la mer et le 6e Dragons trouve ses cantonnements à Quend. Ainsi s'achève la campagne de 1915... L'année 1916 : les offensives de Verdun et de la Somme L'année 1916 verra se poursuivre sur le front occidental la guerre de tranchées. Cependant deux grandes offensives verront le jour : l'une menée par les Allemands dans la région de Verdun (février-septembre) et l'autre menée par les Français et les Anglais dans la région de la Somme (juillet-décembre). Pour le Régiment, cette année va se passer entièrement en périodes d'occupation de secteurs défensifs dans les tranchées, coupées par des périodes de repos. Dès le début de l'année, l'instruction des cadres et de la troupe est poussée au 6e Dragons avec vigueur, en vue de l'emploi de la cavalerie au combat à pied. De plus, sont créés des cours de mitrailleuse, de télégraphie, de signalisation. Afin d'augmenter la puissance de feu de la cavalerie, la dotation en mitrailleuses des régiments est augmentée. C'est vers le milieu de janvier que le 6e Dragons reçoit une deuxième section de mitrailleuses. Le Régiment, arrivé le 31 décembre à Quend, y stationne jusqu'au 18 février, fait mouvement le 19, et arrive enfin dans la région de Gancourt où il va séjourner jusqu'au 20 juin. Le 16 avril, le Régiment envoie un détachement aux tranchées de Marquivillers, à l'est de Montdidier, dans un secteur affecté au 1er Corps de Cavalerie. Le Régiment en attente (juin-décembre 1916) La période de service aux tranchées, qui s'étend du 18 avril au 18 juin, est marquée par un coup de main exécuté le 31 mai par les pelotons de grenadiers des 6e et 27e Dragons ainsi que par ceux des 1er et 2e Cuirassiers. Cuirassiers et Dragons arrivèrent jusque dans les premières lignes ennemies que les Allemands abandonnèrent. Pendant le mois d'avril, les escadrons du Régiment sont dotés de « fusilsmitrailleurs » ; l'étude de cette arme nouvelle est activement poussée ; des cours sont ouverts à cet effet. Le 20 juin, la 1re D. C. se rend au camp de Crèvecoeur pour y manoeuvrer pendant une semaine. Le 29, elle se rend dans la région de Poix, le 6e Dragons cantonne à Famechon du 29 juin au 9 septembre. Le 11 septembre, la 1re D. C. se porte en deux étapes sur Sailly-Laurette où elle bivouaque jusqu'au 29. Les régiments sont tenus prêts à monter à cheval au premier signal et à intervenir en cas de ruptures des lignes ennemies. C'est l'époque de l'attaque franco-anglaise sur la Somme. Cependant, malgré l'avance française des lignes de Maurepas à celles de Bouchavesnes, avance qui aura une grande influence sur le recul allemand du printemps suivant, l'occasion d'une opération de cavalerie ne se présente pas. La fin de ce séjour au bivouac est rendue très pénible par le mauvais temps : les chevaux sont dans la boue jusqu'au jarret. Le 30 septembre, le 6e Dragons revient dans la région de Velennes-Frémontiers, où il demeure jusqu'au 10 novembre ; il gagne ensuite la région de Longueil-Sainte-Marie, au sud-ouest de Compiègne, et envoie de ce cantonnement, le 15 novembre, un détachement aux tranchées du sous-secteur de Francport. Ce service durera jusqu'à la fin de l'année. A la fin de l'année, la guerre a peu évolué, et si l'Armée Française s'est épuisée dans ces luttes acharnées et meurtrières, la bataille de la Somme a fortement usé l'armée ennemie et causé de très graves inquiétudes au Commandement Allemand. L'année 1917 : graves problèmes et déceptions chez les Alliés A l'aube de cette année 1917, les Alliés ont prévu une offensive décisive (plan Nivelle) ; cependant les Allemands, de février à avril, décrochent entre Arras et Berry-au-Bac et se replient sur une ligne plus favorable : la ligne Hindenburg. Ce recul allemand va donner au Corps de Cavalerie l'occasion d'effectuer une véritable opération de cavalerie. Après la stabilisation des lignes adverses, il va opérer un rassemblement préparatoire en vue de l'exploitation immédiate du succès de la grande offensive d'avril. Des premiers jours de janvier au 11 mars, le 6e Dragons envoie plusieurs détachements aux tranchées de l'est à Tracy-le-Val. Le 8 février, les éléments restés à l'arrière font mouvement et vont s'installer à Champagne. Le 7 mars, le Corps de Cavalerie quitte définitivement le secteur de Francport et la 1re D. C. se rend au camp de Crèvecoeur où elle manoeuvre pendant quelques jours. C'est à ce moment que l'Armée Allemande, qui occupe le saillant de Noyon, effectue un mouvement de repli sur la ligne Hindenburg préparée à l'avance. La 1re D. C. part du camp de Crèvecoeur avec mission de refouler les arrière-gardes de l'ennemi et de chercher à déterminer les lignes sur lesquelles ses colonnes vont essayer de se stabiliser. Le 19 mars, le 6e Dragons franchit en pleine nuit noire la double ligne des tranchées françaises et allemandes et, après avoir marché toute la journée, il cantonne à Cugny. Les journées du 20 et du 21 s'écoulent en position d'attente au sud de ce village. Le 21 à 9 h 30, le peloton de Montaudovin du 6e Dragons est envoyé en reconnaissance sur Jussy et la région plus au nord, avec mission de rechercher et de conserver le contact avec l'ennemi au nord de la ligne Jussy-GibercourtBerthenicourt. Ce peloton assiste de loin à l'attaque par l'ennemi du village de Montescourt, défendu par les Chasseurs cyclistes de la division. Toute la région est sérieusement bombardée par l'artillerie allemande. Le 22 mars à 3 h 30, le 6e Dragons s'installe à Jussy afin de couvrir le débouché de la 1re D. C. ; le 3e escadron est en avant-garde. Le reste du Régiment est pied à terre dans Jussy rasé par les Allemands avant leur repli. Les Dragons sont soumis à un violent bombardement et ne peuvent s'y maintenir. Au cours de cette journée, le Régiment subit de très lourdes pertes. La situation tendant à se stabiliser les jours suivants, le 6e Dragons va cantonner à Vez, à l'ouest de Villers-Cotterêts. Il y arrive le 27 mars et, pendant les premiers jours d'avril, il se prépare à remplir cette mission de poursuite esquissée en mars et qui, chacun l'espère, doit lui échoir. L'idée du commandement paraît être de faire passer le 1er C. C. dans la plaine située à l'est de Craonne pour changer en désastre la retraite de l'ennemi bousculé par les 5e et 6e Armées Françaises entre l'Aisne et la Serre. Le 14 avril, le Régiment se porte sur Neuilly-Saint-Front et Dole (8 kilomètres au sud-ouest de Fismes) ; le temps est épouvantable et les routes défoncées. Les 5e et 6e Armées attaquent. L'ennemi, sous le choc qui est d'une extrême violence, cède du terrain, abandonne du matériel en quantité, des milliers de prisonniers, mais se cramponne solidement à ses deuxièmes lignes. Ainsi la brêche tant espérée ne se produit pas. Le 16 avril, le Régiment rompt à 6 h 30 et par Fismes se rend à Glennes où il stationne en position d'attente ; de là il est dirigé sur Betz, près de Crépy-en-Valois où il arrive le 28 avril. La grande offensive prévue par les Etats-Majors a donc échoué. La cavalerie voit de ce fait son rôle réduit à des opérations de colmatage de brèches. Du 3 au 27 avril, et du 2 au 13 juin, le Régiment reprend le service des tranchées entre Aisne et Oise. Le 22 juillet, le 6e Dragons revient dans la région de la Fresne, près de Noyon, et forme avec le 23e Dragons un bataillon de cavalerie démontée qui va occuper par périodes les tranchées situées au nord de Coucy-le-Château. Il sera donc encore en ligne le 6 novembre dans le secteur de Folembray, puis du 10 au 28 décembre et du 29 décembre au 5 janvier. La fin de l'année est mauvaise à tous les égards pour les Alliés : leurs offensives n'ont pas réussi à desserer l'étau allemand ; les sous-marins allemands font des ravages dans les eaux des Alliés ; notre allié Russe, secoué par la Révolution, a cessé les hostilités sur le front oriental ; enfin l'Italie qui s'était rangée à nos côtés en 1915, vient de subir une sévère débâcle. Seul réconfort pour les Alliés : les troupes Américaines commencent à affluer en France. L'année 1918 : la victoire des Alliés et l'armistice Jusqu'à la mi-juillet, les Allemands, débarassés en majeure partie du front oriental, vont tenter de forcer la décision en essayant de percer le front occidental en divers endroits : ce sont les offensives de Picardie (21 mars), des Flandres (9 avril), du Chemin des Dames (27 mai), de l'Oise (9 juin) et de Champagne (15 juillet). Mais peu à peu, grâce à Foch nommé Général en chef des Armées alliées en France et à l'apport des divisions Américaines, les Alliés vont reprendre le dessus et obliger en quatre mois l'ennemi à demander l'armistice. Les opérations sur l'Oise (22 mars – 6 avril) Pendant cette période, le 6e Dragons va participer au nord de l'Oise aux opérations alliées visant à s'opposer à l'offensive allemande en Picardie. Durant le 1er trimestre, le Régiment avait été mis à la disposition du Gouvernement militaire de Paris. C'est durant cette période que le Colonel de Champvallier, nommé au commandement de la 3e B. D., passe le commandement du Régiment au Lieutenant-Colonel Joannard. Dès le 22 mars, les régiments de la 1re D. C. sont alertés. Le 6e Dragons quitte ses cantonnements dans la nuit du 22 au 23 mars, laissant derrière lui ses voitures et les chevaux des permissionnaires. Il se dirige sur Caumont. A mi-chemin entre Caumont et Villequier-Aumont, la 5e B. D. met pied à terre et forme un bataillon de cavaliers à pied. La composition de ce bataillon sera la suivante : Chef d'Escadron Sala, du 6e Dragons, commandant le bataillon, – 1re compagnie, Capitaine Moinot-Werly, du 6e Dragons, – 2e compagnie, Capitaine Clouet des Pesruches, du 6e Dragons, – 3e compagnie, Capitaine Rozet, du 23e Dragons, – 4e compagnie, Capitaine d'Auzac, du 23e Dragons, – 1 compagnie de mitrailleuses formée des sections de mitrailleuses du 6e Dragons (Lieutenant de Bellefond) et de celles du 23e Dragons (Lieutenant du Coulombier). Dès le 22 mars à 14 heures, le bataillon est mis à la disposition du Colonel commandant le 113e Régiment d'Infanterie à Noureuil, à qui sont laissées en réserve la 3e compagnie et les sections de mitrailleuses du 23e Dragons. A 16 heures, alors que les trois compagnies du bataillon s'installent aux sorties du village, une attaque allemande d'une vive violence se déclenche. Les Anglais installés à gauche du dispositif se replient, laissant un trou, que ne suffira pas à combler la section de mitrailleuses du Sous-Lieutenant Horin, qui tire jusqu'à épuisement de ses munitions. Sur l'ordre du Colonel commandant le 113e R. I., le bataillon se repliera par échelons successifs, la compagnie Clouet ne quittant le village qu'à la faveur de la nuit. Le bataillon se réinstalle en défensive à l'ouest de la vallée de Noureuil. Le 24 mars à 17 heures, par un brouillard intense, une attaque précédée d'un fort bombardement est prononcée sur ces nouvelles positions. Là encore nos Dragons résistent farouchement. La compagnie Clouet ne décrochera que sur ordre, alors qu'elle était sur le point d'être encerclée. La section de mitrailleuses du Lieutenant de Bellefond se battra ici encore jusqu'à épuisement de munitions. Son chef de section sera mortellement blessé en assurant le repli de ses pièces dans un combat au mousqueton. C'est encore le bataillon qui couvre la retraite du 113e R. I. au poste de Manicourt, le 25 mars. Alors que le bataillon rejoint le Régiment dès le 27, une nouvelle compagnie de Dragons à pied est formée aux ordres du Capitaine de Coligny. Son action du côté de Canny permettra la destruction d'un nid de mitrailleuses et la capture de 34 prisonniers. Le 30, le Régiment met encore sur pied une compagnie de marche, aux ordres du Capitaine Clouet, en plus d'un escadron à cheval à la disposition du Général commandant la 1re Division de Cavalerie. La compagnie Clouet tiendra seule durant toute la matinée le parc du château de Blain, ne se repliant sur ordre que devant une menace d'encerclement complet. Ces brillants faits d'armes vaudront au Régiment d'être cité à l'ordre de l'Armée et de recevoir, le 28 juin, la Croix de guerre avec palme des mains du Général Gouraud, commandant la 4e Armée. Celui-ci en effet passe en revue la 1re Division de Cavalerie, aux environs de la ferme d'Epargneral. C'est au cours de cette cérémonie qu'il épingle à la cravate de l'Etendard la Croix de guerre de 1914 et donne lecture du texte de la citation : « Sous les ordres du Lieutenant-Colonel Joannard, a fait preuve dans les journées du 23 au 31 mars d'une ténacité et d'une énergie combattive admirable, disputant le terrain pied à pied et ne reculant que sur ordre. A apporté à l'infanterie dans un moment difficile le concours le plus complet de ses unités combattant à pied et de ses mitrailleuses. » La magnifique cérémonie se termine par un défilé au galop de la Division devant le Général Gouraud ; cette journée devait laisser au fond du coeur de tous les Dragons du 6e une impression inoubliable. L'offensive allemande en Picardie a eu pour résultat la création d'une poche dans le front français entre Arras et Noyon ; mais grâce à la coordination des armées alliées par Foch, les Allemands piétinent dès le 30 mars. Leur offensive des Flandres visant à s'emparer de Dunkerque viendra buter sur des troupes alliées résolues. Au début de juillet, les Allemands préparent une nouvelle offensive en Champagne. Les opérations sur la Marne (29 mai – 30 juillet) Le 6 avril, la 1re Division de Cavalerie quitte la région de Saint-Just-enChaussée pour se rendre jusqu'au 23 vers Villers-en-Arthies. A partir de cette date, elle fait mouvement à destination de la Champagne. Le Régiment séjourne près de Vitry-le-François, du 7 au 27 mai. Il y est mis en alerte le 27 et deux jours plus tard un bataillon de marche est constitué avec le 23e Dragons. Ce même jour à 19 h 45, ce bataillon occupe des positions au sudouest de Ronchères. Toute la journée, il est soumis à des attaques répétées et ne cède le terrain que pas à pas. Sur le soir, c'est encore grâce au dévouement de la compagnie du Capitaine Clouet des Pesruches que le bataillon parviendra à décrocher, ayant été tourné et attaqué par derrière. Les pertes chez les Dragons sont sévères, mais le moral reste haut. Le lendemain, 30 mai, nos cavaliers se dévouent encore une fois pour ralentir la progression ennemie et couvrir le repli de nos forces. Sur le soir, la ligne est refermée. Le 31 mai, les éléments restant du bataillon s'accrochent à Verneuil, tête de pont, permettant la traversée du ruisseau de la Brandouille ; puis en fin d'après-midi ils reçoivent pour mission de s'opposer au passage de la Marne à Try. Le 2 juin, le bataillon est toujoursss à Try, mais subit quelques pertes à la suite de violents bombardements. Il est relevé dans la nuit du 2 au 3 juin pour se reformer en régiment à Aulnay-sur-Marne. Pendant la première quinzaine de juillet, en prévision d'une attaque allemande imminente sur le front de la 4e Armée française, des reconnaissances sont effectuées par les cadres du bataillon de la 5e B. D. Le terrain sur lequel il pourrait être éventuellement employé est étudié avec soin. Le 14 juillet, le bataillon est alerté à minuit. A ce moment précis, éclate une canonnade terrible qui embrase le ciel de tous côtés. C'est la préparation d'artillerie allemande avant l'attaque attendue dans le cadre de l'offensive de Champagne. Le 6e Dragons monte à cheval le 15 juillet vers 2 heures du matin, et va occuper, vers la Veuve Bouy, les positions reconnues avec deux compagnies de cavaliers à pied. L'attaque allemande se déclenche à 4 heures du matin. A 9 heures, on apprend qu'elle a complètement échoué sur le front de Pompelle – La Main-deMassiges. Le 1er Corps de Cavalerie passe alors en entier à la 4e Armée, opérant sur sa gauche où la situation est moins favorable. La 1re D. C. doit immédiatement se porter dans la zone de Ay, Dizy, Magenta, et s'y rassembler. En arrivant à Condé vers 16 heures, la brigade forme un bataillon de marche qui est poussé à cheval sur Cumières. Le Régiment fournit en outre un escadron à cheval de 60 sabres qui est mis à Cumières à la disposition du Général commandant le Corps d'Armée Colonial. Le 16 au lever du jour, le bataillon est sur ses positions d'attente près de Tincourt. Les positions de combat sont reconnues. A 7 h 30, une violente préparation d'artillerie ennemie faisant prévoir une attaque imminente, ordre est donné au bataillon de rejoindre ses positions de combat ; il est en soutien du 2e bataillon du 53e R. I. C. et de la compagnie de Coligny. Une seconde attaque est aussi enrayée, mais le front ayant fléchi au sud, les compagnies de Coligny et Chaverondier (23e Dragons) sont placées entre la ferme de Savarts et le village de Tincourt où, à peine installées, elles subissent une troisième attaque qui les amène à se replier sur la lisière est du bois de Savarts. A 19 heures, une quatrième attaque est stoppée, en particulier grâce aux tirs ajustés de la section de mitrailleuses du 6e Dragons. Le lendemain, entre 11 heures et 16 heures, attaques et contre-attaques se succèdent. Toute la nuit du 17 au 18, le bataillon subira des bombardements extrêmement violents qui gênent le ravitaillement en vivres et en munitions. Le 18, les Allemands poursuivent leur bombardement, sans toutefois le faire suivre d'attaques. Le 19, le bataillon est mis en réserve et n'aura pas à intervenir. Entre le 16 et le 18, les pertes du bataillon s'élèvent à 6 officiers et 124 gradés et Dragons tués, blessés ou disparus. Le 19 à 20 h 30, le bataillon est relevé, et rejoint avec ses chevaux la 1re D. C. près de l'étang des Centaines. Les attaques ennemies ayant en effet toutes été enrayées, les forces alliées ont repris l'offensive et la 1re D. C. se tient prête à exploiter. Les dernières offensives alliées Dans l'attente de cet ordre, la 1re D. C. va se déplacer de positions en positions, prête à intervenir. C'est ainsi que le 6e Dragons cantonne successivement à Grand-Doucy, du 23 au 26 juillet, au nord de Château-Thierry du 27 au 29 juillet, puis à nouveau à Grand-Doucy. Le 9 septembre, il est à Donnemarie et du 9 au 20 septembre à Villeneuve-les-Bordres. Plusieurs reconnaissances effectuées entre le 25 septembre et le 5 octobre valent à l'escadron Moinot-Werly une lettre de félicitations du Général Le Gouvello. Le 6 octobre, le Régiment bivouaque près de Notre-Dame-des-Champs en vue de participer à l'attaque que doit mener le 11e C. A. Le lendemain, alors qu'il est encore en bivouac, il est soumis à un très violent tir d'artillerie lourde allemande. Le Colonel et le Capitaine Moinot-Werly sont blessés ainsi que 18 Dragons, 36 chevaux sont tués et 73 blessés. L'attaque ayant été enrayée par les Allemands, le 6e Dragons n'aura pas à intervenir groupé. Toutefois dans le cadre du 3e escadron employé en reconnaissance, le Sous-Lieutenant Hamelin se distinguera par la qualité des renseignements recueillis. La 1re Division de Cavalerie rejoint alors la région des Petites Loges ; seul le 6e Dragons est maintenu en avant-garde de la division dans le secteur de NotreDame-aux-Champs, avec mission de fournir les reconnaissances demandées, d'intervenir dans un minimum de temps le cas échéant et d'aiguiller le Corps de Cavalerie si l'occasion se présente. Si les armées alliées refoulent les Allemands au cours de la première quinzaine d'octobre, elles n'obtiennent pas les résultats stratégiques escomptés ; aussi Foch va-t-il donner de nouvelles directives. A partir du 20, le front allemand fléchit partout. Ludendorff démissionne, l'Empereur Charles et certains princes allemands demandent l'armistice. La débâcle allemande et l'armistice (novembre 1918) Pendant cette dernière période, le Régiment n'aura plus à intervenir : le 12 octobre, le Régiment est relevé sans incident par le 27e Dragons. A 11 h 30, il arrive au camp du parc ; il en repart le 13 avec la 5e B. D. et va cantonner à Saint-Brice où il stationne jusqu'au 18 octobre. Ce jour-là il se porte sur Baslieux où il cantonne jusqu'au 24. Le 24, la 5e Brigade de Dragons étant mise à la disposition du G. M. P., le Régiment quitte Baslieux pour arriver le 30 à Maisons-Laffitte. Le 11 novembre, les Alliés sont arrivés sur la ligne Gand, Maubeuge, Sedan, Nomyny. Depuis le 18 juillet, l'armée allemande a perdu 400 000 tués et 350 000 prisonniers ; elle est à bout de ressources. Le 10 novembre, Guillaume II et le Konprinz s'enfuient en Hollande. Le 11 novembre, à Rethondes, l'armistice qui met fin à la guerre est conclu à la demande de l'Allemagne. CHAPITRE NEUVIEME L'entre-deux guerres 1919-1939 La nouvelle de la signature de l'armistice est accueillie dans tout le pays avec une joie délirante. La France en effet, est, de tous les belligérants, celle qui sort la plus meurtrie du conflit, avec le sacrifice d'un million quatre cent mille hommes. Elle aspire à la paix et, très tôt après la guerre, se désintéressera de la « chose militaire ». Mais en cette fin d'année 1918, le pays ne pense encore qu'à acclamer son Armée et ses Alliés. C'est à Paris, devenu un instant capitale du monde, que se traitent tous les pourparlers qui doivent aboutir à la signature du Traité de Paix avec l'Allemagne. La fin de la guerre Le 6e Régiment de Dragons, qui dès la fin des hostilités, a rejoint MaisonsLaffitte, ne séjourne que peu de temps dans ce camp. Il est presque aussitôt détaché à Paris, afin d'assurer les escortes des autorités qui se rendent en visite dans la capitale. C'est ainsi que le 28 novembre 1918 il est de service pour la venue du Roi George V d'Angleterre ; le 5 décembre c'est pour celle du Roi des Belges et le 14 décembre, il rend les honneurs au Président Wilson reçu au Grand Palais. Malgré son allégresse et les réceptions, la France n'oublie pas qu'au cours des quatre années de guerre, elle a perdu un enfant pour vingt-neuf habitants. C'est ce même souvenir qui amène la 5e Brigade de Cavalerie à se recueillir au cours d'un office religieux qui a lieu le 21 décembre, en présence des autorités et des 6e et 23e Régiments de Dragons réunis. Le 2 mai 1919, le Régiment rentre dans ses cantonnements à MaisonsLaffitte, qu'il quitte à nouveau le 6 juin pour effectuer un service d'ordre à Courbevoie et le 28 juin pour assister à la signature du Traité de Paix de Versailles. Enfin le 14 juillet, il participe au grand défilé de la Victoire conduit par les Maréchaux Joffre et Foch. Le 26 août 1919, il part définitivement de Maisons-Laffitte pour s'installer au quartier Carnot à Vincennes où il restera jusqu'à la seconde guerre mondiale. Vincennes : la vie en garnison Désormais la vie du Régiment va être celle que mènent toutes les unités en temps de paix : instruction, manoeuvres, inspections et servitudes. Dès la fin de la guerre, de nombreux contingents sont démobilisés ; puis en 1923 le temps du service militaire est ramené à dix-huit mois, pour en 1928 tomber à un an. Ces différentes mesures entraînent une réduction des effectifs dont les corps souffriront. Pour ne pas conserver des unités squelettiques, le Commandement sera obligé de dissoudre des unités et de modifier fréquemment l'organisation de ses divisions. L'instruction individuelle des hommes du rang et l'école de peloton sont principalement menées au quartier et sur les terrains avoisinant Vincennes. Les exercices de cohésion à l'échelon escadron se déroulent dans les petits camps et les manoeuvres de Régiment dans les grands camps. C'est ainsi que chaque année, le Régiment effectue au moins deux séjours en camps. L'un d'une durée d'une semaine a lieu à Maisons-Laffitte ; il est réservé aux tirs de combat et aux exercices d'escadron. Au cours d'un de ces exercices, le 17 juillet 1934, un obus éclate au centre de plusieurs pelotons, tue dix Dragons et en blesse une vingtaine. La seconde période de camps, d'une durée de trois semaines, se déroule suivant les années soit à Mourmelon, soit à Mailly. L'aller ou le retour, souvent même les deux, s'effectuent à cheval en 6 ou 7 étapes, suivant la distance. Ce séjour groupe tous les éléments de la Division de Cavalerie et comprend un certain nombre d'exercices d'ensemble. C'est ainsi que, par exemple, entre les années 1929 et 1932, le Régiment séjourne : – du 14 avril au 6 mai 1929 à Mourmelon, pour des manoeuvres dans le cadre de la 5e Division de Cavalerie. Il est rattaché à la 2e Brigade, les voyages aller et retour sont exécutés à cheval, – du 8 mars au 22 mars 1930 à Mourmelon dans le cadre de la 2e Division de Cavalerie, 3e Brigade. Seul le retour se fera à cheval en 7 jours, – du 10 au 21 août 1931, encore à Mourmelon mais cette fois-ci le Régiment est rattaché à la 3e Division de Cavalerie, 6e Brigade, auxquelles il restera subordonné jusqu'en mai 1934, pour revenir alors au sein de la 3e Brigade. Aller et retour étant effectués à cheval, l'absence réelle du Régiment hors de sa garnison sera du 4 août au 29 août, – en 1932, le Régiment se rend deux fois en camps : du 11 au 23 mars à Mourmelon et du 10 août au 6 septembre à Mailly. En dehors de ces périodes d'exercices au sein de la Division d'autres manoeuvres montées par le Commandement se déroulent tous les ans. Certaines servent de démonstrations, d'autres sont combinées avec d'autres corps de cavalerie extérieurs à la Brigade ou à la Division. C'est ainsi par exemple que, le 3 septembre 1930, le Régiment coopère à un exercice du 4e Hussards à Satory et que quelques jours plus tard, les 17 et 18 septembre de la même année, il prend part à des manoeuvres à Milly et Egreville ; en 1933 il participe sous forme de reconnaissances aux manoeuvres des 11e Régiment et 4e Régiment de Hussards. En dehors de ces périodes de camp, les inspections, cérémonies militaires et services d'honneurs se succèdent. La perpétuelle réorganisation des brigades et des divisions entraîne dans les corps une multiplication des inspections. En 1935, par exemple, alors que le Régiment appartenait au déébut de l'année à la 2e Division de Cavalerie, 3e Brigade, le 15 avril il passe à la 1re Division, 1re Brigade. De ce fait, il sera inspecté 13 fois durant l'année tant par les généraux commandant les 3e et 1re Brigades que ceux de la 2e ou 3e Division. A ces différentes inspections, il faut ajouter celle du Général Inspecteur de la Cavalerie, du Général Gouverneur de Paris, du Vétérinaire Inspecteur. Ce qui porte à 16 pour une seule année le nombre des inspections. En garnison aux portes de Paris, n'ayant subi aucune modification importante de structures alors que la plupart des régiments de Dragons ou de Cuirassiers abandonnent leurs chevaux pour se motoriser, le Régiment est appelé pour toutes les grandes occasions à fournir des escortes ou des détachements d'honneur. C'est le Régiment qui, tous les 14 juillet, escorte en grande tenue les Présidents du Sénat et de la Chambre des Députés ; il est de tous les défilés ou prises d'armes se déroulant à Paris et participe à toutes les funérailles nationales ou grands enterrements : le 1re décembre 1929 pour Clémenceau, le 7 janvier 1931 pour le Maréchal Joffre, le 10 janvier 1932 pour Maginot, le 7 novembre 1932 pour le Général Moulin, membre du Conseil Supérieur de la Guerre, le 31 août 1933 pour Maurice Bloch, Président de la Cour des Comptes, le 13 octobre 1934 pour Louis Barthou et le 20 octobre 1934 pour le Président Poincaré, etc. Il est en outre fait appel à lui pour de nombreuses autres servitudes : service d'ordre sur les champs de courses, maintien de l'ordre lors d'élections, honneurs lors d'inaugurations de bâtiments publics. A cette époque en effet beaucoup de Français ont adopté des idées pacifistes. Ils ne veulent pas admettre que l'Allemagne se relève plus puissante que jamais, ils pensent et affirment avec force que puisqu'il n'y aura plus de guerre, l'armée ne sert plus qu'à un certain décorum officiel. Aussi lorsqu'en 1936, Hitler fait occuper la Rhénanie démilitarisée par le Traité de Versailles, personne ne bouge. Encouragées par ce premier pas, deux ans plus tard, les troupes allemandes pénètrent en Autriche. Cette fois encore, aucun Etat n'intervient. Il faudra attendre l'annexion de la Tchécoslovaquie pour que le Gouvernement Français réalise que la guerre sera un jour inévitable et songe à augmenter la puissance de son armée. CHAPITRE DIXIEME La Campagne de 1939-1940 En attente de l'engagement Bien que la France et l'Angleterre aient préféré éviter la guerre après l'affaire des Sudètes, la menace reste latente et la sitation s'aggrave avec l'invasion de la Tchécoslovaquie. La guerre devient inévitable lorsque le 31 août 1939 Hitler annexe la ville de Dantzig et envahit la Pologne. Dès le 21 août, le Gouvernement Français donne l'ordre de rappeler les permissionnaires et le lendemain celui de mettre sur pied les échelons A. A minuit, le personnel du 6e Dragons est prêt, non sans difficultés d'ailleurs, mais le matériel ne sera complet, à l'exception des mines antichars, que le 23 août. Le 26 à 6 heures, le Régiment embarque en gare de Pantin, après avoir défilé une dernière fois devant son Etendard et son Chef de Corps, le Colonel Jacottet, qui commande le 6e Dragons depuis 3 ans déjà. Le débarquement a lieu dans la soirée à Donchéry et de nuit il rejoint les emplacements qui lui ont été fixéx : P. C., Escadron hors rang et Escadron de mitrailleuses à Neuville-à-Maire, 1er Escadron à Malmy, 3e Escadron à la Cassine. Les 2e et 4e Escadrons qui font partie de l'échelon B ne rejoindront que dans la nuit du 31 août au 1er septembre, pour s'installer respectivement à Omicourt et Connage. A ce moment, les effectifs du Régiment se monteront à : – 39 officiers – 84 sous-officiers – 160 brigadiers – 832 dragons – 1010 chevaux. Du point de vue matériels, aux 53 camions et camionnettes, il faut ajouter 25 motocyclettes solos ou sides et 4 canons antichars de 25. Jusqu'au 5 septembre, les Dragons sont employés, sous la direction de moniteurs du Génie, à travailler sur la ligne de résistance de la position de Sedan, dans la région de Wadelincourt. C'est là qu'ils apprennent le 3 septembre à 18 heures la déclaration de guerre à l'Allemagne. Le 5 au soir, le Régiment reçoit l'ordre de se préparé à faire mouvement, pour se reporter en plusieurs étapes de nuit dans la région de Kedange et Elsing, où il relève, sur la ligne de couverture, le 2e Bataillon de Dragons Portés. Le 13 septembre, le Colonel prend le commandement du secteur, mais dès le 16, le Régiment est lui même relevé par un régiment de Tirailleurs. Couvrant 54 kilomètres, en deux marches de nuit au cours desquelles la discipline de route est nettement meilleure que lors du premier déplacement, le Régiment s'installe près de la frontière du Luxembourg, à Breitsroff-Roussy Bourg et Basse-Rentgen. Le 6e Dragons reste dans ces cantonnements jusqu'au 25 septembre en vue d'engagements qui ne se produisent pas. Il est alors ramené dans la région de Rochovillers, Ottange, pour participer aux travaux d'organisation du terrain de la position de Longwy et assurer la police routière dans le secteur. Cette situation dure jusqu'au 19 janvier 1940. Plusieurs alertes, en particulier celles du 16 octobre et du 14 janvier, montrent les difficultés à faire occuper les emplacements de combat et à regrouper le personnel pour pouvoir mener une action coordonnée. Le 19 janvier, 3 bataillons du 227e Régiment d'Infanterie relèvent le 6e Dragons qui gagnent ses cantonnements de repos, pour essayer de faire un peu d'instruction ; il y reste jusqu'au 28 février pour venir à nouveau occuper la région de Roussy-Village. Engagement au Luxembourg Cette zone, qui a été pillée par les prédécesseurs, est dans un état de saleté lamentable, aussi les premiers jours sont-ils passés à s'installer et nettoyer. Puis l'instruction et les travaux d'organisation du terrain reprennent. Enfin le 12 avril, l'ordre d'alerte est donné et les groupements, aux ordres du Général Maillard, sont formés pour effectuer un raid au Luxembourg visant à la destruction de voies ferrées, ponts et tunnels au sud de la ville de Luxembourg. Le 6e Dragons, renforcé de deux groupes de reconnaissance de division, doit agir entre le 4e Hussards à gauche et 22e G. R. C. A. (groupe de reconnaissance de Corps d'Armée) à droite. Il se répartit comme suit : – – – – – – – le sous-groupement A, motorisé, composé du G. R. D. I. (groupe de reconnaissance divisionnaire) 63, d'un peloton de chars et d'un peloton de canons de 25, doit se porter aux sorties nord et est de la vallée de Syren, pour la boucler, le sous-groupement B, hippomobile, comprenant le 2e Escadron aux ordres du Capitaine Lévêque, doit tenir Syren, le sous-groupement C, composé des 3e et 4e Escadrons, aux ordres du Capitaine Dones, doit s'installer à Heidingen. Il a à sa charge la liaison sur Dalheim avec le 22e G. R.. C. A., le sous-groupement D, 1er Escadron, aux ordres du Capitaine de Vaulx, doit depuis Contern arrêter tout élément ennemi qui s'infiltrerait à l'ouest de la vallée de Syren, le sous-groupement E ne comprend que la section du Génie chargée des destructions, le sous-groupement F, hippomobile, est formé du G. R. D. I. 63, et est en réserve à partir de Hasselt, le groupement Jacottet doit normalement être devancé par un élément de découverte composé de 2 pelotons d'auto-mitrailleuses et 1 peloton moto. Il bénéficie de l'appui d'un groupe de 105, situé à Dodenhoven. Ce n'est finalement que le 10 mai à 5 h 30, que l'ordre de franchir la frontière est donné. Pendant que les sous-groupements se forment et que le Colonel attend les renforts, en particulier le détachement de découverte qui doit le précéder et se trouve à Aumetz, le Chef d'Escadron de Labouchère se rend à Evrange. Il rend compte que les Allemands ont devancés le groupement sur la frontière et voit des avions allemands débarquer du personnel à Hau. Le groupe de 105 les prend à partie, mais ne dispose d'aucun observateur en place pour ajuster ses tirs. Dès l'arrivée du détachement de découverte, le Colonel donne l'ordre de nettoyer Frisange avec le G. R. D. I. 63. Par contre, sur les ordres du Général Maillard, le groupement se trouve amputé, d'une part de l'Escadron Lévêque, qui doit assurer une liaison avec le 4e Hussards, ce dernier n'ayant pu franchir la frontière, d'autre part de l'Escadron de Vaulx, qui doit servir de réserve à la Brigade. Le nettoyage de Frisange nous rapporte 15 prisonniers, 9 tués et du matériel, mais le G. R. D. I. ne peut déboucher des lisières nord du village. De son côté, le G. R. R. F. 45 s'est emparé d'Hellange et le sous-groupement C, arrivé au nord du bois Seitert, échange des coups de fusils avec des fantassins allemands qui se déplacent sur la route d'Hassel à Weiler-la-Tour. Une action est montée pour faire sauter le bouchon de Hau avec deux pelotons motocyclistes et un peloton de chars H 35 ; l'action réussit et nous procure 10 prisonniers, une quinzaine de tués, un important matériel. Enfin, le D. D. I. atteint Crauthen lorsqu'à 18 heures arrive l'ordre de la Brigade de stopper la progression, le G. R. C. A. n'ayant pu s'emparer d'Aspelt et le 4e Hussards n'ayant pu pénétrer qu'en partie dans Dudenlange. Alors qu'il cherche à maintenir la liaison avec le 4e Hussards, l'Adjudant Lafolie est tué du côté de Burance. A 22 heures, toutes les destructions prévues sur la frontière dans le secteur du Régiment jouent. Devant la poussée de l'infanterie allemande sur la droite de notre dispositif et le manque de liaisons avec le G. R. C. A. 22, le Colonel demande au D. D. I. d'assurer sa flanc-garde à l'est. Le 11 mai à 12 h 30, la Brigade donne l'ordre de repli sur la ligne Zoufftgen – Roussy-Village – Dudenhoven. Le repli sur la France est effectué en bon ordre : tous les chars sont ramenés. Le Colonel donne alors l'ordre de faire jouer les destructions du secteur frontalier français. Le 11 au soir, la situation est la suivante : le G. R. D. I. 63 occupe Dudenhoven et Roussy-Bourg, le 2e Escadron le Buch-Holtz, les 3e et 4e Escadrons sont à Roussy-Village, le G. R. R. F. tient le Herrenholtz, le village de Zoufftgen sur la gauche du dispositif est à la charge du 4e Hussards, mais le 1er Escadron est placé en soutien à Volmerange. Lorsque le 12 vers 14 heures, les Allemands attaquent, certains éléments du 4e Hussards se voient contraints de reculer ; toutefois, grâce à l'action du Capitaine commandant le 1er Escadron, la situation est rétablie. Le 13, à l'exception de quelques tirs d'artillerie la situation est calme. En début de nuit, le Régiment relevé par un bataillon d'infanterie se regroupe en arrière de la ligne Maginot à Anderny. Le 15 mai dans la soirée, il quitte ce village, pour rejoindre son nouveau secteur. Dans la Somme, près d'Aumale, il parcourt en quatorze étapes 550 kilomètres. La Bataille de la Somme A peine arrivé, le Colonel effectue les reconnaissances et donne les ordres de relève du 2e Bataillon de Dragons Portés. Le 1er juin, le dispositif de gauche à droite est le suivant : – le 2e Escadron, deux canons de 25, un mortier, une section de mitrailleuses, tiennent Hengest-sur-Somme et barrent la vallée du Landon, – le 4e Escadron, moins un peloton détaché du P. C. de la Brigade, occupe Crouy, la ferme Quesnot et le bois de la cote 101, – le 1er Escadron renforcé de deux canons de 25, un mortier, une section de mitrailleuses, sont installés dans l'abbaye et le château du Gard et dans une zone boisée, – le 3e Escadron avec trois canons de 25 et deux de 45, doit barrer la vallée du Landon à hauteur de Soues, interdire le carrefour de Cavillon, assurer à Mesge la sécurité du P. C. du Régiment. Comme renforts, le Colonel Jacottet dispose en outre d'un peloton d'autosmitrailleuses qui, embossé à Soues, est en mesure de contre-attaquer, soit dans la vallée du Landon, soit vers la route perpendiculaire à cette vallée. Le 2 juin à 16 h 15, une patrouille allemande qui a franchi la Somme est repoussée à Crouy. A 19 h 20, une trentaine d'Allemands s'efforcent de passer la Somme à Hangest sans y réussir. Le 3 juin, l'activité allemande sur la rive nord de la Somme laisse prévoir une attaque imminente. Le 4 juin, la 5e Brigade de Cavalerie est prévenue qu'elle sera relevée par deux régiments de la 5e D. I. C. Les reconnaissances sont effectuées en fin d'aprèsmidi. Le 44e Régiment de Tirailleurs Sénégalais doit avoir terminé sa relève pour 2 heures du matin. Il est toutefois prévu que deux officiers par escadron et le P. C. du Régiment devront rester accolés aux Coloniaux, pendant tout ou partie de la journée du 5. L'attaque allemande se déclenche le 5 juin à 3 h 30, alors que la relève n'est pas encore entièrement terminée. Les Sénégalais, qui ne connaissent pas le terrain et n'ont pas encore reçu le baptême du feu, sont ébranlés. Le peloton Lejeune de l'Escadron Lévêque, qui est sur l'axe d'attaque, se bat vaillamment, mais doit se replier sur Hangest où le Lieutenant Dulac du 6e Dragons a pris le commandement de la Compagnie de Sénégalais, dont le Capitaine a été grièvement blessé. Toute la journée, Sénégalais et Dragons toujoursss sur place défendent le village avec acharnement contre l'infanterie et les chars allemands. A 16 heures, il ne reste plus qu'une quarantaine de combattants, enfermés dans le P. C. de l'Escadron. A 17 h 45, sous les tirs des chars postés à 45 mètres, ils sont contraints de se rendre, après avoir résisté sans esprit de recul. Pendant ce temps, l'Escadron de Vaulx n'est pas mieux traité. Le Lieutenant Morel est encerclé avec un groupe de Dragons dans l'abbaye ruinée. A 15 heures, ils ne disposent plus que de 20 cartouches, ne peuvent tenter une sortie et se cachent dans les ruines. Le Lieutenant Morel et ses hommes ne seront faits prisonniers que le 7 juin, alors qu'ils tentaient de s'esquiver. Alors qu'il vient d'effectuer la relève du dernier groupe de son peloton à SaintPierre-à-Gouy, le Lieutenant Fresson est encerclé et n'a que le temps de se jeter dans les bois. Il rejoindra son Capitaine dans la journée, avec seulement trois hommes. A 8 heures, le Colonel Jacottet a reçu l'ordre de prendre le commandement du secteur avec son Régiment, renforcé du 44e R. T. S. Il demande au Commandant de La Bouchère d'organiser la résistance à Cavillon. Les Allemands peu à peu investissent ce village par l'est et l'ouest. Les contre-attaques de chars destinées à dégager le village n'aboutissent pas. A 18 heures, le Commandant de La Bouchère décide le repli des éléments restant des 1er et 4e Escadrons sur Oissy. Ce village est tenu par le 3e Escadron. Décrochant en tête pour occuper les boqueteaux situés sur l'itinéraire de repli, le Lieutenant de Balincourt et une partie de son escadron sont violemment pris à partie par un bombardement d'aviation qui tue ou blesse la moitié de l'effectif. Le décrochage des derniers pelotons du 1er et du 4e Escadrons se fait dans des conditions très difficiles. En effet, la progression doit se faire sous le feu d'armes automatiques et en s'infiltrant entre les unités ennemies qui ont maintenant largement dépassé le village. C'est au cours de ce décrochage que le Commandant de La Bouchère est tué d'une rafale de mitraillette. A 20 heures, le Colonel fait le point d'une situation qui se présente de la façon suivante : Soues et Le Mesge sont toujoursss tenus par le 44e R. T. S., Oissy que défend le 3e Escadron est fortement attaqué par les fantassins allemands ; Riencourt dans lequel le 2e Escadron est retranché et à moitié encerclé. La seule voie possible de repli est la route menant en direction de Molliens-Vidame. Très enfoncé, en avant par rapport aux autres unités de la 5e D. I. C., le Colonel Jacottet reçoit l'ordre de replier ses sous-groupements sur la ligne Molliens-VidameBougainville, à tenir à partir du 6 juin matin. Aussitôt, il demande au Lieutenant-Colonel commandant le 44e R. T. S. de regrouper son Régiment à l'Est de Bougainville et aux 2e et 3e Escadrons d'amorcer leur repli sur Bougainville. Durant la journée du 5 juin, les pertes du 6e Dragons se sont élevées à deux officiers tués, quatre blessés et quatre disparus, 25 sousofficiers ou dragons tués, 38 blessés et 28 disparus, soit le quart de l'effectif engagé. Les escadrons s'installent aux lisières de Bougainville pour mettre en défense le village, alors que les Sénégalais sont chargés de tenir le petit bois du Four et de flanct-garder à droite le dispositif. Dès 6 heures du matin, les Allemands attaquent avec la valeur d'un bataillon entre le cimetière et le bois du Four, ils sont une première fois repoussés, mais renouvellent leur attaque ; les Sénégalais qui ont abandonné le bois, y sont ramenés par une contre-attaque des chars du 7e Cuirs. Vers 10 h 15, alors que les Allemands ont débordé le village par l'Est, les reconnaissances envoyées sur Molliens rendent compte que ce village a été abandonné aux chars allemands par les éléments de la 5e D. I. C. et que l'ennemi a atteint Saint-Aubin. Dans le même temps, le groupe de 105, qui a pour mission d'appuyer le groupement demande à décrocher ayant épuisé toutes ses munitions. Ainsi le groupement se trouve isolé, n'ayant pour seul soutien qu'un escadron de chars. Grâce aux contre-attaques menées par celui-ci de décrochage sur Bussy-lesPoix peut être entamé à partir de midi et demi par échelons successifs. Effectué en formations très diluées, ce décrochage s'avère des plus pénibles pour les hommes qui se battent en tous terrains sous les bombardements et un soleil de plomb. Le ravin de Bussy étant tenu par les Allemands, la progression doit être effectuée sur la zone découverte du plateau. Lorsque les 1er et 2e Escadrons arrivent à Bussy, ils apprennent que les chars allemands sont déjà arrivés à Fricamps, village situé à 1 km 500 de Bussy et au terrain d'aviation de Poix. Le Colonel a déjà donné l'ordre d'évacuer les chevaux haut-le-pied sur la Cuillère. Comme le 6e Dragons menace d'être tourné et compte sur ses arrières, il demande alors à ses capitaines de rejoindre les chevaux en contournant Poix par le Sud. Le Sous-Lieutenant de Bord est laissé à Bussy pour transmettre les ordres aux 3e et 4e Escadrons. Peu après le Capitaine de Chezelles arrive à Bussy avec deux pelotons de son Escadron et les canons de 25 aux ordres du Lieutenant de Lamaze. Il y apprend que les deux autres pelotons de son Escadron ont atteint Fresnoy-au-Val et continuent vers le Sud, en direction de Moyencourt. Afin de regrouper son Escadron, le Capitaine repart aussitôt avec les pelotons Fillette et Dejoie, mais au court de cette progression il est attaqué par un mouvement vers l'Est. Un peu plus tard, une rame de camions vides le conduira à Orvillers. De leur côté les deux autres pelotons de l'Escadron sont chargés et encerclés près de Moyencourt par des cavaliers allemands. Grâce au fusil-mitrailleur du Maréchal des Logis Beaudey, ils arrivent à forcer l'étau ennemi. Le 4e Escadron, dès son décrochage de Bougainville, a été soumis à de fortes pressions de la part de l'ennemi ; lorsqu'il arrive à Fresnoy-au-Val il a perdu au cours du repli 11 hommes tués ou disparus. Il évite Bussy mais compte reprendre contact avec le Régiment vers Poix. Vers Croixrault il est fortement pris à partie par des cavaliers et des chars qui l'obligent à se rejeter sur Bergicourt. Désormais, malgré plusieurs tentatives pour rejoindre, les 3e et 4e Escadrons seront coupés du Régiment par l'avance allemande qui se fait le long de l'axe PoixGrandvillers-Beauvais. Tous les efforts déployés par le Colonel pour reprendre contact avec ses différents éléments éclatés restent vains. En cette fin de soirée du 6 juin, il manque au Régiment 23 officiers, 510 sous-officiers ou dragons, presque tout l'armement collectif. Partis de Bussy, le 6 juin vers 16 heures, l'Escadron Lévêque et les restes du 1er Escadron aux ordres du Lieutenant Fresson (le Capitaine de Vaulx ayant été blessé et évacué) progressent de nuit au milieu des chars allemands. Près de Sopplicourt, la colonne reste couchée dans les fossés de la route alors que des chars qui les ont aperçus circulent sur cette même route. Entre Sarcus et SaintThibault, des motocyclistes les découvrent et les obligent à se dissimuler. Vers 5 h 30, à Saint-Thibault, ils n'ont que le temps de s'aplatir le long d'une haie, alors qu'à 3 mètres de l'autre côté de cette haie, une colonne de chars vient stationner durant un moment. La traversée du village de Ménantissard s'effectue pratiquement par bonds entre deux chars qui stationnent dans le village. Enfin, ils arrivent en même temps que les chars allemands le 7 juin à midi au village d'Abancourt, encore défendu par un groupe de reconnaissance. Des camions les conduisent à Villers où ils apprennent que leurs chevaux sont déjà partis. Ils sont alors conduits, à nouveau en camions, à Bosc-Asselin où se trouve le P. C. du Colonel ; leurs véhicules, en cours de route, serviront de cibles mobiles à un régiment de chars allemands ayant percé nos lignes. Une partie de l'Escadron de mitrailleuses et d'engins conduit par les Lieutenants de Lamaze et Bizot-Esiard retraite derrière les 1er et 2e escadrons. Le 6 vers 17 h 45, près de Thieulloy-la-Ville, ils sont pris à partie par des chars allemands. Le Cavalier Launay et le Lieutenant Bizot-Espiard sont grièvement blessés. Ne voulant pas les abandonner, on reprend plus lentement la progression vers Thieulloy où le détachement se repose en attendant d'hypothétiques camions. C'est alors qu'apparaissent les fantassins ennemis qui les mettent en joue et les désarment. Seul le Lieutenant Bizot-Espiard n'est pas découvert et malgré ses blessures arrivera à rejoindre une unité française. Au matin du 7 juin, le Colonel n'a donc avec lui qu'un tiers de ses effectifs, plus un officier, plus d'armes collectives. Dans la journée, 3 canons de 25 et 3 pièces de mitrailleuses rejoignent ainsi que quelques véhicules des trains de combat ; enfin le soir arrive le détachement du Capitaine Lévêque, puis le peloton détaché à la garde du P. C. de Division. Le 8 juin à 1 heure du matin, le Régiment reçoit l'ordre de se porter sur Rebets puis sur Pinterville, le 9 juin à 3 heures, où il arrive après une marche de 70 kilomètres. Dans la matinée deux petits escadrons sont reconstitués avec des éléments regroupés. A 14 heures, le Général Maillard donne l'ordre au Colonel Jacottet d'interdire à l'ennemi de déboucher des Andelys avec le 6e Dragons renforcé sur sa gauche d'un demi-régiment du 4e Hussards. Limite gauche Heudebouville, limite droite le petit Andelys, ces deux points exclus. Les troupes en place passent aux ordres du Colonel commandant le 6e Dragons. Aussitôt le 6e Dragons s'installe à Venables, où sont déjà quelques Anglais et une compagnie de pionniers coloniaux. Le 10 juin, au petit jour les Allemands franchissent la Seine à la faveur d'un épais brouillard et lorsqu'à 5 h 30 celui-ci se lève, les coups de feu claquent de partout. Les mitrailleuses de l'Adjudant-Chef Gigon entrent aussitôt en action en balayant le pont. La riposte ne se fait pas attendre et les obus tombent de plus en plus précis sur le sous-groupement du Capitaine Dones ; malgré cela dès qu'un tireur est touché, le chef de pièce ou un pourvoyeur le remplace et le tir des mitrailleuses continue. A 11 heures, les deux pièces de mitrailleuses sont détruites, tous les servants tués ou blessés. Un peloton d'automitrailleuses cherche à dégager le pont mais deux voitures sont touchées avant d'avoir pu atteindre le pont. A l'Est, Heudebouville a été évacué et les Allemands ont réussi à dépasser par endroits la route Heudebouville-Venables ; l'ordre est alors donné de se replier sur la ligne Ingremare-Ailly. Tandis que le Régiment s'installe sur cette ligne, les derniers Anglais s'évanouissent vers leurs unités et les pionniers disparaissent vers Acquigny. A 19 h 30, arrive l'ordre de reporter le dispositif sur l'Eure pour en défendre le cours. Le Régiment passe la nuit aux Planches en dispositif d'alerte. A 5 heures du matin, il lui est demandé de repassé sur la rive nord de l'Eure pour défendre les débouchés ouest d'Ailly-Saint-Julien. Le 4e Hussards et le G. R. D. I. 15 prenant à leur compte la région de Lacroix-Saint-Leuffroy. Alors que le Capitaine Lévêque et son escadron se dirigent sur le pont de Cailly, seul point de passage, deux colonnes allemandes y convergent aussi. Le Colonel prend aussitôt la décision de défendre le pont. Tout de suite le combat s'engage avec les éléments du P. C., qui sont déjà sur place. Peu à peu de petits groupes ennemis parviennent à s'infiltrer, certains même ayant déjà franchi de nuit avant l'arrivée du Régiment. De son côté le 4e Hussards se voit lui aussi dépassé, l'ordre est alors donné de se replier pour tenir la ligne AcquignyChapelle-du-Bois à laquelle s'accrochent toute la matinée les deux Régiments de la Brigade ; enfin vers 16 heures ils reçoivent l'ordre de rejoindre leurs chevaux à Bergeville-la-Campagne. Dans la nuit du 11 au 12, le Régiment couvre une étape de 60 kilomètres pour aller s'établir à l'ouest de la Risle dans la région de la Mare ; il y passe les journées des 12, 13 et 14 juin, puis est dirigé sur la région d'Alençon en vue d'interdire avec deux pièces de 75 la route de Sées à Alençon. A peine est-il installé, qu'il est placé en réserve d'Armée à Averton. La débâcle de l'Armée l'amène à se retrouver vers 18 heures au contact des Allemands qui se présentent avec des drapeaux blancs en prétendant que l'armistice est signé. Après échange de coups de feu, le Régiment reçoit l'ordre de traverser la Mayenne pour gagner les bois de Noirloup où la Division doit se regrouper. Cette nouvelle étape de 80 kilomètres amène plus fois les cavaliers à s'infiltrer entre les colonnes allemandes. Ne sachant rien de la situation, ne recevant plus que des ordres de déplacements, n'ayant plus les moyens de s'éclairer du fait que chaque homme valide convoye plusieurs chevaux. Le Régiment avec le reste de la Brigade arrive le 20 juin dans la forêt de la Guerche. Bientôt cette forêt est cernée par les troupes allemandes. Du 18 au 2 juillet la situation demeure inchangée. Le 2 juillet, après entente avec les autorités allemandes, le 6e Dragons doit rejoindre Chateaubriand pour, de là, être dirigé par un itinéraire fixé sur la zone libre. Mais dès qu'il atteint Chateaubriand, les officiers sont internés dans le château et les hommes dirigés sur le camp de Savernay. Au moment de la reddition, chaque homme possédait son armement individuel réglementaire, toutes les armes automatiques qui n'avaient pas été détruites au combat étaient en état de fonctionner. Durant cette courte guerre les Dragons ont toujours vaillamment fait leur devoir, ne décrochant toujours qu'en dernière minute sous la contrainte et le nombre. En 38 jours, ils ont parcouru 1 000 kilomètres et accroché à leur Etendard une nouvelle Croix de Guerre. CHAPITRE DIXIEME Le 6e Dragons, Régiment blindé 1951-1973 Sa reconstitution Après un sommeil de onze ans, le 6e Régiment de Dragons est reformé le 1er avril 1951 à Besançon, sous le commandement du Colonel de Soultrait. Il dépend de la 15e Division et compte, en plus de son Etat-Major, un Escadron de Commandement et des Services et 3 Escadrons de combat équipés de chars M24 et M26. Un 4e Escadron est créé en fin d'année, ce qui permet la constitution de deux groupes d'escadrons, l'un à base de chars légers groupant les 1er et 4 Escadrons, l'autre à base de chars moyens : 2e et 3e Escadrons. Mais l'Afrique du Nord commence à s'agiter. Des troubles ont lieu en Tunisie d'abord, puis ensuite au Maroc. L'Armée d'Afrique ne peut à elle seule assurer les missions de maintien de l'ordre qui lui sont confiées et des unités sont activités et envoyées en renfort. Le 24 juin 1954, le 1er Escadron s'embarque avec ses chars M24 à destination de la Tunisie, en vue de former avec une partie de l'Escadron de Commandement, le noyau de base du 18e Régiment de Dragons reconstitué. L'année suivante, c'est au tour du 4e Escadron de partir pour le Maroc. En effet, après les massacres de Oued Zhem un régiment de marche constitué principalement par des éléments du 3e Hussards et du 6e Dragons est envoyé pour pacifier la région. En huit jours, délaissant ses chars, le 4e Escadron perçoit douze automitrailleuses M8 et le 20 août embarque pour rejoindre Oujda.Cet Escadron s'adapte très vite au terrain et à sa mission, puis que le 24 août 1956, il est cité à l'ordre du Régiment : « Ayant le quart de ses effectifs toujours en mission, parcourant 400 kilomètres par jour, il est un exemple pour tous ». A partit du 1er septembre 1956, cet Escadron disparaît du tableau d'effectif du 6e Dragons pour former définitivement le 3e Escadron du 3e Hussards. Réduit à deux Ecadrons de combat le Régiment est un instant renforcé avec des rappelés mais l'importance des effectifs envoyés en Algérie, entraîne un tel sous-effectif, qu'il est envisagé durant un moment de le dissoudre. Le centre d'instruction Heureusement pour lui, en 1960, le 6e Dragons se voit transformé en centre d'instruction. Il reçoit alors pour mission de former des pilotes et des tireurs AMX 13, des cavaliers portés, des conducteurs, des radios et des dépanneurs, pour les unités servant en Algérie. Il comprend en outre un peloton d'élèves Officiers de Réserve et un autre d'élèves gradés. Pour cela il est articulé en deux groupements d'instruction à 14 pelotons chacun. Le 1er novembre 1960, l'organisation du Corps est légèrement modifiée : seul subsiste un groupement d'instruction comptant 24 pelotons. Il assure la même mission que précédemment en ce qui concerne les personnels servant les AMX 13, mais doit en outre former des pilotes et tireurs M 24 et AMM 8, soit au total 350 recrues, au lieu de 250. Les Corps bénéficiaires sont le 6e et le 19e Régiments de Chasseurs à cheval ainsi que le 29e Dragons. En 1961, le total des recrues instruites atteint 360, dont 45 % de cavaliers portés, 15 % d'équipages de chars, 15 % d'élèves gradés, 25 % de spécialistes. A cette lourde charge d'instruction, s'ajoute la responsabilité « d'organe mobilisateur » d'un Régiment d'AMX 13, type division 1954, c'est-à-dire comprenant 3 Escadrons de chars canons et un Escadron de chars missiles. Le matériel est stocké, à l'exclusion de celui des pelotons d'instruction. Le matériel se ressent d'ailleurs de cette utilisation intensive et sous le commandement du LieutenantColonel Jannerod en 1962, 50 % des AMX et des M 24 sont à bout, ce qui entraîne le reversement partiel des AMX 13 en 1963. Le 1er février 1964, le Centre d'Instruction du 6e Dragons est dissous après avoir instruit en quatre ans plus de 7 000 recrues. Le 6e Régiment de Dragons est à nouveau sur le Rhin Glorieux Régiment ayant fait partie du Corps Expéditionnaire Français en Italie et de la 1re Armée Française lors de la Libération de la France, le 3e Régiment de Spahis rentre dans l'Histoire le 1er octobre 1964 pour reformer à la même date le 6e Régiment de Dragons. Ce régiment tient garnison en Allemagne à LachenSpeyerdorf, petite bourgade du Palatinat sise à quelques kilomètres de Neustadt an der Weinstrasse sur la route du vin. Cette nouvelle garnison est distante de 20 kilomètres à peine de Philippsburg, lieu où fut créé le Régiment : c'est un retour aux sources. Rattaché à la 11e Brigade mécanisée, il dépend jusqu'en 1965 de la 3e Division puis, à partir de cette date, de la 1re Division. Le sous-effectif en hommes du rang amène le Chef de Corps, le LieutenantColonel Godard, à transformer à tour de rôle un Escadron en « Escadron de cadres ». L'année 1966 est marquée par le début de l'expérimentation sur l'instruction de nuit, baptisée « Clair de lune ». Durant quelques temps, les Escadrons mènent à tour de rôle leur instruction de nuit et se reposent durant toute la journée. Les activités sportives ne sont pas pour autant délaissées puisque l'équipe de pentathlon du Régiment se classe 3e des Forces Françaises en Allemagne, s'attribuant la Médaille d'or à l'épreuve de tir et celle d'argent au parcours du combattant. En 1967, l'aptitude opérationnelle du Régiment est démontrée, en particulier au cours de l'exercice « Berthier », où tous les équipages blindés parcourent 600 kilomètres en trois jours. Cette même année, la transformation de la 11e Brigade en brigade motorisée, entraîne un changement dans les structures du 6e Dragons qui devient le Régiment de chars de cette brigade, avec deux Escadrons de chars AMX 13 et un Escadron de chars missiles S. S. 11. Les manoeuvres et exercices d'alerte se succèdent rapidement, permettant ainsi le 23 octobre 1970, sous le commandement du Colonel O'Delant, d'avoir acquis l'entraînement suffisant pour se mettre entièrement sur le pied de guerre en 6 heures de délais et effectuer dans la foulée un franchissement du Rhin. Cette aptitude opérationnelle et les brillants résultats d'une inspection technique inopinée des matériels, valent au 6e Dragons l'honneur d'être désigné comme étant le premier Régiment blindé de Brigade motorisée à être équipée de chars AMX 30. Cette transformation sera l'oeuvre du Lieutenant-Colonel Maillard qui après avoir mis au point les nouvelles structures et fait effectuer les modifications d'infrastructures nécessaires à l'accueil de ce nouveau matériel, ne pourra recueillir les fruits de son labeur, car, pour de graves raisons de santé, il doit céder son commandement au Lieutenant-Colonel Carabin. Les cinq premiers chars arrivent au quartier Edon le 5 juillet 1972. Les cadres achèvent de suivre des stages de reconversion ou d'information sur ce matériel, tant au C. I. A. B. C. de Carpiagne qu'au 5e Régiment de Cuirassiers à Kaiserslautern. A la fin de l'année, le 6e de Dragons est complètement équipé. Il compte 41 AMX 30 et 16 véhicules blindés transports de troupes. Il peut désormais être considéré à nouveau comme régiment opérationnel. L'année de son Tricentenaire, le Régiment peut s'enorgueillir d'une filiation pratiquement jamais interrompue, à l'exception de l'après-guerre, et être fier d'être, avec le matériel le plus moderne de l'Armée Française, aux premières lignes de défense de notre pays. ANNEXE 1 CHEFS DE CORPS AYANT COMMANDE LE REGIMENT MESTRES DE CAMP 1673-1675 Chevalier d'HOCQUINCOURT (†) 1675-1685 1685-1692 1692-1704 1704-1731 1731-1734 1734-1740 1740-1748 1748-1762 1762-1780 1780-1784 1784-1788 1788-1791 Vicomte d'ENONVILLE Chevalier de MURCAY (†) Marquis d'HAUTEFEUILLE Marquis d'ORIVAL de RIENCOURT Marquis de THIBOUVILLE Marquis de CHABANNES-PIONSAT Marquis du TERRAIL Comte de MORANT Comte de FLAMARENS Chevalier de COIGNY Duc de GUICHE Vicomte de MACHAULT COLONELS 1791-1792 1792 1792 1792 1792-1793 Colonel de GOUY-d'ARCY Colonel de LA TURMELIERE Colonel DUVAL de HAUTMARET Colonel LELIEVRE de LA GRANGE Colonel de TILLY CHEF DE BRIGADE 1793-1794 1794 1794 1794-1796 1796-1807 Chef de Brigade PELICOT Chef de Brigade JOURDAN Chef de Brigade VINCENT (†) Chef de Brigade FAUCONNET Chef de Brigade LEBARON (†) (†) Mort au Champ d'Honneur COLONELS 1807-1813 1813-1815 1815-1823 1823-1830 1830-1834 1834-1845 1845-1851 1852-1855 Colonel PICQUET Colonel MUGNIER Colonel Baron DORNIER Colonel Marquis de PODENAS Colonel LACOUR Colonel SCHERER Colonel BELTRAMIN Colonel ROBINET des PLAS 1855-1863 1863-1869 1869-1870 1870-1876 1876-1881 1881-1887 1887-1893 1893-1898 1898-1899 1899-1908 1908-1912 1912-1914 1914-1918 1918-1925 1925-1931 1931-1933 1933-1936 1936-1940 1951-1953 1953-1956 1956-1958 1958-1961 1961-1962 1962-1964 1964-1965 1965-1967 1967-1969 1969-1971 1971-1972 1972 Colonel RESSAYRE Colonel BOURBOULON Colonel TILLION Colonel FOMBERT de VILLERS Colonel MARECHAL Colonel RAPP Colonel BROSSIER de BUROS Colonel de LESTAPIS Colonel de SESMAISONS Colonel FAURE Colonel TRAFFORT Colonel CHAMPEAUX Colonel CHAMPVALLIER Colonel JOANNARD Colonel YVART Colonel BARBE Colonel du PERRIER de LARSAN Colonel JACOTTET Colonel de SOULTRAIT Colonel AMEIL Colonel RENOULT Lieutenant-Colonel BONNEFOUS Lieutenant-Colonel BOILEAU Lieutenant-Colonel JEANNEROD Lieutenant-Colonel GODARD Lieutenant-Colonel LE DIBERDER Colonel Luc FOURNIER Lieutenant-Colonel O'DELANT Lieutenant-Colonel MAILLARD Lieutenant-Colonel CARABIN ANNEXE 2 LA TENUE DES DRAGONS 1673 Tenue : La Reine Dragons porte les couleurs de Marie-Thérèse qui sont le rouge et le bleu. L'habit est rouge avec parements, doublure, veste et culotte bleus. Les Dragons sont chaussés de bas blancs recouverts de jambières dites ganaches. La coiffure propre à l'arme est constituée d'une sorte de bonnet de drap rouge terminé par un gland et d'un revers bleu garni d'un galon de laine de livrée de la Reine. Armement : Primitivement les Officiers étaient armés de l'esponton, demipique en usage dans l'Infanterie, les Sergents, de la hallebarde et la troupe, de l'arquebuse à rouet ; mais dès 1676, les Dragons portent accroché sur le porte-crosse de la selle, un petit mousquet appelé mousqueton sur lequel peut s'adapter une baïonnette à manche de buis ; ils disposent en outre d'un pistolet et d'un sabre, ce qui leur permet soit de se battre à l'arme blanche, soit de faire feu à cheval. Pour leur permettre de participer aux sièges, ils sont équipés de tous les outils de pionniers. 1684 Les guidons : L'ordonnance du 7 mars 1684 réglemente le nombre et la façon dont sont constitués des guidons. Chaque Escadron reçoit deux Etendards, appelés guidons, portés par des Cornettes. Ces Etendards sont formés, pour la Reine, d'une pièce de taffetas cramoisi sur laquelle sont brodés en fil d'or, sur le côté droit, un semis de fleurs de lys ayant en son centre les armes de MarieThérèse, sur le revers, la devise de la Reine. Une cravate de taffetas blanc est nouée sous le fer de lance. La hampe, longue de 10 pieds moins un pouce, fer compris, doit au combat être liée par une écharpe au corps de la Cornette pour lui éviter d'être arrachée par l'ennemi. 1750 Tenue : Jusqu'alors la tenue a peu varié ; seul le chapeau à bords plats a été remplacé, en 1680, par le feutre à trois cornes. L'ordonnance du 1er juin 1750 ne précise que des modifications de détails de la tenue. « Habit rouge, doublure, parements et veste bleus, boutonnières et boutons de deux en deux, housse et chaperon rouge bordés d'un galon de laine de la livrée de la Reine (à carreaux bleus et blancs), épaulettes et cordon de sabre de même couleur, bonnet rouge, revers bleu bordé pareillement, culotte de peau à double ceinture. Les Dragons, tant à pied qu'à cheval, auront des bottines de veau passées à l'huile suivant le modèle qui sera envoyé ; les uns et les autres auront aussi des guêtres blanches. » Equipement : L'ordonnance réglemente en outre les pièces d'équipement et d'armement ; c'est ainsi que le fusil doit être de la longueur de ceux de l'Infanterie, la baïonnette par contre est différente de celle de l'Infanterie. L'une des faces de la lame plate est coupante alors que l'autre est à dos. Enfin le sabre est légèrement courbé et attaché au poignet par une courroie dite « dragonne ». A l'arçon de la selle, les Dragons suspendent leur outil individuel : hache, pioche ou bêche et quelquefois aussi leurs bonnets lorsqu'ils mettent le chapeau, puisqu'ils peuvent alternativement porter l'une ou l'autre des deux coiffures. 1763 Tenue : Le 1er mars 1763 tous les Régiments de Dragons prennent l'habit vert, le casque en cuivre des volontaires de Saxe et la culotte de drap chamois. Les marques distinctives propres à la Reine résident dans le collet, les revers et parements qui sont violets, puis deviennent cramoisis en 1768. La poche ordinaire est garnie de trois boutons blancs. La veste est de drap chamois doublée de cadis blanc avec palette violette. La Schabraque rouge continue d'être bordée par un galon de la livrée de la Reine. Guidons : Comme précédemment, le guidon reste en taffetas cramoisi bordé de franges d'or et d'argent ; toutefois la face droite ne comporte plus que les armes de la Reine, alors que le côté revers est constitué d'un semis de fleurs de lys. 1786 Tenue : Le règlement de 1786 donne aux Régiments de Dragons les mêmes effets qu'aux Régiments de Cavalerie, mais leurs habits, gilets, surtouts et bonnets de police sont verts foncés, au lieu de bleu roi. Les couleurs distinctives s'appliquent aux revers, parements, passepoils figurant sur les poches et aux pattes d'épaules ; la couleur des boutons varie aussi suivant les Régiments. En ce qui concerne la Reine Dragons, cette couleur tranchante est écarlate, les boutons blancs ; l'équipage de cheval écarlate, conserve le galon de la livrée de la Reine. Les Dragons portent désormais le casque dont la bombe et le cimier sont en cuivre jaune avec crinière frisée, turban en peau de chien de mer, et visière mobile en cuivre noir. Armement et équipement : Les Officiers, Sous-Officiers et Trompettes ont pour armes offensives un sabre modèle 1784 et un pistolet modèle 1763, les Brigadiers et Dragons disposent de plus d'un fusil à baïonnette modèle 1777. Cette baïonnette s'accroche normalement au ceinturon qui, en fonction du service, peut être porté en bandoulière. Enfin la fonte droite de la selle est remplacée par un étui d'outil et le piquet d'attache du cheval s'accroche le long du porte-crosse. 1791 Le 1er janvier 1791, la Reine Dragons devient 6e Régiment de Dragons, ce qui entraîne quelques modifications dans la tenue. Le casque est légèrement modifié et devient du type à la « Minerve ». Il est en fer avec jugulaire, visière abaissée, crinière flottante, turban, houpette aux couleurs distinctives. Le 6e conserve pour couleur tranchante, l'écarlate. L'équipement de cheval est vert bordé de blanc avec le chiffre 6 en blanc. Empire Cet uniforme variera peu durant l'Empire. En 1812, les Dragons revêtent l'habit veste semblable à celui de l'Infanterie mais de teinte verte. Le 6e Dragons continue à avoir les parements, pattes de parements, collets, revers et retroussis écarlates et les poches en long. L'équipement de cheval (housse et chaperons verts brodés de blanc), est remplacé par la semi-schabraque en mouton blanc orné dun feston écarlate. Enfin comme toutes les Compagnies d'élite, celle du 6e Dragons porte le bonnet d'ourson à plumet et les épaulettes rouges des sapeurs. 1815 Par décret royal du 16 juillet 1815, le 6e Dragons devient « Dragons de la Loire ». Il conserve l'habit vert de l'Empire mais le casque est modifié, son cimier change légèrement de forme et au lieu d'avoir une crinière flottante, il est recouvert d'une chenille. Le pantalon gris s'orne sur le côté d'un liseré écarlate et descent sur la botte. Les Dragons de la Loire se distinguent par des parements verts et des retroussis, collets et pattes de parement aurore. 1828 Si l'habit reste vert foncé, il est modifié quant à sa forme et à ses attributs. Les revers adhérents forment un plastron jonquille, tel que le collet et les pattes de parements, alors que les parements de manches, épaulettes, brides d'épaules et retroussis sont verts. Le pantalon garance à passepoil vert doublé en peau sur les faces internes des jambes, se termine par une petite basane montant à mi-mollet. Le casque en cuivre possède à nouveau une crinière noire en brosse sur le cimier, flottante sur le couvre-nuque. 1859 L'habit est toujours vert clair avec un plastron, les revers de manches et le collet de couleur jonquille. Il est bordé d'un passepoil jonquille sur les parties vertes et inversement. Les Dragons portent les épaulettes de laine à franges écarlates, le pantalon garance à fausses bottes, le casque de cuivre à cimier sur lequel la queue de cheval est à nouveau flottante, un bandeau tigré et un plumet rouge finissent l'ornemantation de ce casque. Les boutons de cuivre portent le numéro du Régiment alors que la plaque de cuivre du ceinturon blanc s'orne d'une grenade. A partir de 1862 les Dragons perdent la couleur distinctive à chaque Régiment et l'habit vert commun à toute l'Arme. En 1869 ils revêtent la tunique bleu foncé à un rang de boutons jaunes avec numéro, le collet blanc à passepoil bleu foncé, les parements de manches bleu foncé avec passepoil et pattes blancs, le pantalon de garance à passepoil bleu foncé. 1898 La tenue est une nouvelle fois modifiée. Les Dragons portent le dolman bleu foncé à trois rangs de boutons blancs et neuf tresses noires. Le col est toujours blanc mais comporte sur le devant des pattes bleu foncé sur lequel le « 6 » se détache en rouge. Le pantalon garance s'orne sur le côté d'un passepoil bleu foncé. Le casque à crinière est désormais sans houpette ni turban. En campagne, ce casque ainsi d'ailleurs que le fourreau du sabre sont revêtus d'un protège-reflets en toile beige. L'armement des cavaliers se compose de la carabine de Cavalerie à répétition modèle 1890 et du sabre droit à poignée de cuivre du modèle 1854. Les Officiers, Sous-Officiers et Trompettes modèle 1892. sont armés du sabre et du révolver 1903 Le dolman à tresses cède la place à une tunique à un rang de boutons ayant la même couleur et les mêmes attributs que précédemment, les autres pièces de l'uniforme n'étant pas modifiées. Par contre, une nouvelle arme dote désormais les Régiments de Dragons : la lance. 1916 Progressivement les Régiments de Dragons sont dotés d'une tenue moins voyante. Le pantalon et la tunique bleu horizon apparaissent. Le casque à la « Minerve » disparaît pour toujours pour être remplacé par le casque « Hadrien » de modèle unique dans l'Armée Française. Le cheval voit son harnachement s'alourdir d'un collier de cartouches et de l'équipement d'Infanterie de son cavalier : outil portatif, musettes de 6 grenades, masque à gaz, panneaux de jalonnement plus deux bissacs. Cet alourdissement du cheval, rend le Dragon moins manoeuvrier dans ses évolutions lorsqu'il est en selle. 1938 Seule la couleur de l'uniforme a changé : la tenue bleu horizon a laissé la place à la tenue kaki. La lance, inutile, a disparu dès la fin de la guerre. Le sabre courbé prend la place du sabre droit. Le mousqueton remplace la carabine, le harnachement du cheval s'allège quelque peu. 1944 Avec la motorisation et la mécanisation de l'Armée la tenue s'uniformise, seuls les insignes de Régiment, les écussons bleu foncé bordés de deux chevrons blancs et le calot de tradition permettent de distinguer les Dragons des autres Militaires de l'Armée Française. En 1962, le calot est remplacé par le béret bleu marine sur lequel s'épingle l'insigne de l'ensemble de l'Arme Blindée Cavalerie. La troupe, quel que soit son Arme d'appartenance, a une tenue uniforme. Modèle 46 puis modèle 58 en tenue de sortie et le treillis ou la combinaison char comme tenue de travail. BIBLIOGRAPHIE Historique du 6e Régiment de Dragons jusqu'en 1898. Librairie Ch. Delagrave Historique du 6e Régiment de Dragons pendant la guerre 1914-1918. Evreux. Imprimerie Hérissey Journal des Marches et Opérations reconstitué par le Colonel du Périer de Larsan de 1929 à 1935. Archives Historiques de l'Armée Journal des Marches et Opérations du 6e Régiment de Dragons pendant la campagne 1939-1940 fait par le Colonel JACOTTET. Bulletins de l'Amicale des Anciens du 6e Régiment de Dragons. CARTES