
« La vulnérabilité des TPE et des PME dans un environnement mondialisé », 11es Journées
scientifiques du Réseau Entrepreneuriat, 27, 28 et 29 mai 2009, INRPME, Trois-Rivières, Canada
La force du local et son entrepreneur 2
Les références au « local » sont aujourd’hui incontournables quand on s’interroge sur les
conditions d’efficacité de l’action entrepreneuriale dans les petites entreprises ou sur les
conditions de réussite d’une politique de développement durable. Les deux problématiques,
de toute évidence, se croisent au niveau du local ce qui nous amène à proposer une réflexion
sur les facteurs qui, dans un espace territorial, permettent de construire les bases du
développement durable et sur ceux qui, au niveau de l’entrepreneur, entrent dans sa capacité
de participer à cette construction. La nécessité de cette réflexion nous semble particulièrement
avérée en considération des problèmes que rencontrent les pays de l’hémisphère Sud où
l’entrepreneuriat passe pour être le meilleur « vaccin contre la pauvreté » (Fortin, 2000) mais
où il peut aussi conduire à des « îlots de richesse dans des océans de misère ».
En Sciences de Gestion, de nombreux travaux ont déjà été consacrés à l’entrepreneur
appréhendé dans ses interactions avec son milieu local. Avec d’un côté des analyses portant
plus particulièrement sur les facteurs qui, dans un espace local donné, sont favorables à
l’épanouissement de l’esprit d’entreprise et à l’action entrepreneuriale (Johannisson, 1984;
Marchesnay et Fourcade, 1996; Gasse, 2003 entre beaucoup d’autres). D’un autre côté, des
représentations de l’entrepreneur qui, par exemple, montrent celui-ci intégrant
l’environnement à travers les mécanismes de la cognition : il est « un organisateur tendant à
forcer la congruence entre l’environnement et sa vision » (Verstraete, 1999) sachant que les
bases de la vision entrepreneuriale sont formées par « les multiples contextes qui entourent
l’entrepreneur et son organisation » dans lesquels il s’agit de se positionner (Verstraete et
Saporta, 2006). La variété des facteurs contextuels locaux et leur articulation se trouvent
particulièrement bien mises en lumière dans un ouvrage récent de Pierre-André Julien où
celui-ci montre comment l’ » entrepreneuriat local » participe, dans une aventure qui est
collective, au développement de l’économie du savoir (Julien, 2008).
En situant notre problématique dans le cadre des pays en développement, il convient
cependant de se poser la question de la validité des modèles de l’entrepreneuriat conçus pour
et élaborés dans un environnement économique, social et culturel bien différent. Le facteur
local garde certes toute son importance en termes d’espace critique et du développement
durable et de l’action entrepreneuriale dans les pays du Sud. Mais la spécificité de leurs
dynamiques territoriales devrait, d’après certains travaux récents, conduire à un
renouvellement de la réflexion dans les approches, en termes de territoire, de la question du
développement global (Ferguène, Ed. 2004). De même dans ces pays, les comportements
entrepreneuriaux ne peuvent pas toujours s'inscrire dans les cadres de référence occidentaux.
Dans la zone de l’Océan Indien, certains dirigeants développent des visions et des ambitions
complexes intégrant une multitude de buts non lucratifs; leur "vision métissée des affaires les
rapprocherait, à certains égards, des organisations sans but lucratif" (Valeau, 2001). En
Papouasie-Nouvelle-Guinée, de nombreuses petites entreprises s’établissent avant tout pour
faciliter l’échange de dons et pour mettre en valeur la position sociale de leurs propriétaires :
la motivation par le profit est subordonnée à ces objectifs (Curry, 2005). Dans les Andes du
Pérou, la dynamique entrepreneuriale se déploie au sein des communautés locales dont le but
principal sera de se prendre en charge pour mieux lutter contre la pauvreté (Peredo, 2006).
Ailleurs encore, dans les Hautes Terres de Madagascar, les structures associatives sont
devenues des acteurs de premier plan de mise en oeuvre des projets de développement et
s’inscrivent dans une culture de la solidarité chère à la société malgache, le « fihavanana »
(Sandron, 2007). En entrepreneuriat aussi, il convient de penser le phénomène entrepreneurial
en le replaçant dans ses contextes et de se donner les moyens conceptuels pour le faire.