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LES LUNDIS du CEVIPOF
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Cycle 2001-2002 :
« Points de vue sur l’élection présidentielle de 2002 »
Archivedu4février2002:
Lepointdevued'unéconomiste:Daniel
Cohen,Professeurd'économieàl'Ecole
NormaleSupérieure.Auteurde:
Nostempsmodernes,Paris,Flammarion,1999
Richessedumonde,pauvretédesnations.
Paris,Flammarion,1997
discutant:ElieCohen
Lestextesdeces"NotesetétudesduCEVIPOFn°7"sontlaversionécritedesinterventionsfaitesdanslecadre
desLundis20012002
C’est évidemment un sujet extrêmement difficile, que de définir le regard de l’économiste sur
l’élection présidentielle. Il y a deux façons de comprendre la question, la première c’est de
demander qu’est-ce que l’économie va nous dire de l’élection présidentielle et la deuxième
c’est de dire qu’est-ce que l’élection présidentielle va nous dire de ce qui peut arriver à
l’économie et éventuellement à tout ce qui s’y associe : la croissance économique, les
inégalités, l’exclusion etc. Je vais commencer brièvement par répondre à la première question,
c’est-à-dire qu’est-ce que la situation économique actuelle peut nous dire de ce que sera la
campagne électorale et ensuite j’essaierai de passer un peu plus de temps à voir les choses
avec le deuxième regard, quels sont les enjeux pour l’économie, pour les questions
économiques de la campagne électorale, de l’élection présidentielle.
Qu’est-ce que l’économie va venir faire dans la campagne présidentielle ? Il me semble que la
façon de saisir ce que la conjoncture économique va nous dire de la campagne présidentielle,
c’est de se situer, il y a un an, à une époque où on pensait que la croissance économique était
forte pour toujours, que le chômage allait décroître vers zéro en raison des dix années à venir,
et qu’au fond on pouvait aborder cette élection présidentielle avec l’idée que les problèmes
économiques fondamentaux qu’on a connus dans les années 90, qu’on traîne depuis, disons, le
début des années 80, étaient derrière nous. Si ça avait été le cas de figure, on aurait pu
imaginer une campagne présidentielle, je vais dire un peu à l’américaine où l’on aurait eu un
partage gauche/droite assez classique sur la manière de redistribuer les fruits de la croissance,
prise comme acquise. La droite aurait proposé le plus vite possible de restituer les fruits de la
croissance aux agents privés donc en baissant les impôts, en stabilisant la part de l’État, enfin
en réduisant la part de l’État et en stabilisant le volume de l’intervention publique, de la même
manière que l’élection présidentielle américaine s’était jouée là-dessus : on a une croissance
forte, comment en profiter ? Réponse de Gore : en multipliant les formules diverses
d’incitation et toutes sortes de choses, réponse de Bush : en baissant les impôts et en rendant
aux Américains les fruits de la croissance. On a un énorme surplus, disait Bush, je ne veux
pas le laisser dans les mains de l’État parce que je me méfie du camp adverse. Deuxième
question liée aux 35 heures, où la droite aurait pu dire : les 35 heures freinent la croissance
économique puisque ça retient les entreprises de faire tout ce qu’elles auraient pu faire pour
profiter de la croissance, donc allégeons les 35 heures. Ca fait, bien entendu, encore partie de
son discours de campagne mais je pense que l’effet va en être un peu étouffé par le
ralentissement. Enfin, par rapport à la question fondamentale qui est celle des retraites, la
droite, comme l’était d’ailleurs Bush au moment de sa campagne présidentielle aurait eu
beaucoup à dire sur le système de retraite par capitalisation puisqu’on était dans une période,
il y’a encore un an pour simplifier, où la bourse avait, même si elle avait un petit peu
décroché au cours de l’année précédente, avait encore, d’une certaine manière, toutes les
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faveurs du public, et donc c’est ce qu’a proposé Bush, dire : il n’y a aucune raison au nom
d’un bureaucratisme plus ou moins dépassé, d’empêcher les gens d’investir leur épargne, s’ils
le souhaitent, dans une bourse qui a multiplié par dix en vingt ans.
Donc par rapport à cette situation très simple, on va dire, binaire, moins d’impôts pour la
droite, et essayer de préserver ce qui peut l’être pour la gauche, je crois que aujourd’hui le
ralentissement économique d’une certaine manière, et peut-être paradoxalement, oblige la
droite à réduire l’ambition de son programme électoral. Si elle dit aujourd’hui, je veux baisser
les impôts, dans la mesure où elle ne peut plus compter, en tout cas de manière crédible sur la
croissance économique profonde, rapide, qu’on aurait pu anticiper l’année prochaine, il faudra
qu’elle se livre à l’exercice compliqué d’expliquer ce qu’elle fait en vis-à-vis de cette baisse
d’impôts, donc qu’est-ce qu’elle fait du point de vue de l’État ? Alors c’est un sujet qu’elle est
prête à affronter, je crois, puisqu’elle a déjà indiqué qu’elle ne comptait pas renouveler les
effectifs de fonctionnaires qui vont venir par plusieurs dizaines de milliers, centaines de
milliers, à la retraite dans les dix prochaines années, mais malgré tout, le terrain s’est un petit
peu déplacé, la gauche a d’une certaine façon la capacité de dire que, à ce programme de
réduction du volume de l’État, elle, elle veut par exemple favoriser un redéploiement des
effectifs de la fonction publique. En disant ça évidemment elle n’est pas sans ouvrir le flan à
la critique qui résulte des échecs d’Allègre ou de Sautter, qui ont montré que ça n’est pas si
facile à faire. Mais malgré tout, le centre de gravité du débat s’est déplacé dans un sens qui lui
est plus favorable, en tout cas qui sera plus équilibré qu’auparavant. De même, le débat sur les
35 heures, le débat sur les retraites change de nature. Commençons par les retraites, bon, la
gauche comme la droite vont forcément proposer un troisième étage au système de retraite où
on pourra en gros généraliser le système Préfon c’est-à-dire bénéficier d’un certain nombre
d’exonérations d’impôts quand on met de l’argent de côté, qu’on vous restituera plus tard sous
une autre forme. Elle rejoint de ce point de vue-là le programme de la droite, mais un
programme de droite qui s’assumerait comme tel, du genre : on va exhumer la loi Thomas,
tout faire jouer sur une retraite par capitalisation forte et triomphante qui serait portée par la
Bourse, là n’est plus crédible aujourd’hui. On voit bien que la Bourse est malmenée et au fond
personne n’a trop envie d’aller y mettre trop d’argent pour y préparer sa retraite et donc à
nouveau la récession, en tout cas les incertitudes économiques obligent, obligeront sans doute
la droite à reculer par rapport à ce qu’elle aurait voulu être, une opposition frontale. De même,
les 35 heures qui, pour la droite, auraient pu être un thème de campagne très offensif, très fort,
si la croissance économique avait démasqué ses limites, si on avait observé un rationnement
de l’offre de travail. Aujourd’hui, à cause du ralentissement, elle devra jouer avec les nuances,
mais c’est justement ça le point de ma démonstration, c’est que elle devra jouer avec les
nuances là où on peut dire que une situation économique meilleure lui aurait permis de front
de remettre en cause et en question les principaux axes de la politique économique de gauche.
La politique économique de la gauche au cours de ces cinq dernières années a été nourrie par
un programme, une réflexion, qui était celui qui a fait surgir les années de crise, la crise des
années 90, au moment de devenir obsolète parce que la croissance économique est au rendez-
vous, curieusement, paradoxalement, le ralentissement de la croissance économique peut
donner à la gauche par rapport à la droite, au fond, le ton qui peut convenir. Bon, je ne dis pas
que les choses vont se jouer aussi simplement que ça, mais le climat économique va peser sur
la campagne d’une manière qui va remettre au fond les choses un peu comme elles se seraient
passées entre 1995 et 1997, 1995 c’était bon pour la droite, 1997 c’est bon pour la gauche, on
est un petit peu entre les deux. Il y a une espèce de situation contradictoire où si la droite
dénonce au fond la récession économique à venir, bien elle ne pourra pas tirer argument de
cette récession économique pour, par exemple, proposer de baisser les impôts tous azimuts si
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par ailleurs le Traité de Maastricht ou le Traité d’Amsterdam aujourd’hui fait obligation de
rester raisonnable donc elle est prise dans un système un peu curieux, et la gauche sera
évidemment dans une situation exactement symétrique c’est-à-dire que, au fond, un petit
climat de crise ne, ne lui fait pas ombrage même si naturellement c’est paradoxal puisqu’on
peut toujours supposer qu’il vaut mieux arriver avec un bon bilan pour être réélu mais bon ça
n’a pas été le cas aux États-Unis et ça pourrait paradoxalement ne pas être le cas maintenant.
Donc, voilà un petit éclairage disons très, très vaste, très, très large sur ce que la situation
économique pourrait fixer comme cadre à la campagne présidentielle.
Essayons à présent de répondre à la deuxième question: quels sont les enjeux pour la
croissance économique française des élections. Comment se situe la France par rapport au
reste de l’Europe et en essayant de comparer la situation française et la situation européenne,
quels sont les points où manifestement il y a un problème français et quels sont les points où,
au contraire, il n’y en a pas et comment éventuellement le partage droite/gauche vient couper
cet angle de problème ? Il y a un sujet à la mode, sur le déclin français, dont on n’a pas mal
parlé. La France était en 1992 le troisième pays européen dans l’ordre de sa richesse par
habitant, elle n’était dépassée que par le Luxembourg et la Belgique, et elle faisait jeu égal
avec l’Allemagne. Elle avait une richesse par habitant qui était à peu près supérieure de dix
points à la moyenne européenne, et aujourd’hui la France est à peu près avant, avant dernier ;
elle n’est plus, elle ne dépasse plus que les trois pays du sud, que sont le Portugal, l’Espagne
et la Grèce. C’est un thème important, à condition qu’on sache de quoi on parle. Première
remarque que tout le monde a déjà faite, je crois, c’est que ce déclin français, cette perte de
position relative de la France par rapport au reste de l’Europe, n’est pas le fait du
gouvernement Jospin, c’est le fait des deux gouvernements qui ont précédé, Balladur, Juppé.
En fait c’est entre Balladur et Juppé que la France est passée au-dessous de la moyenne
européenne. Qu’est-ce que ça doit nous inspirer ? Est-ce que au fond la France, avec toutes
sortes de déséquilibres qu’elle a accumulés au cours du temps, des expériences de politiques
économiques, la retraite à 60 ans, les 35 heures, etc., est-ce que au fond elle s’est ajoutée à
chaque fois un jeu de contraintes qui fait qu’elle perd du terrain ou pas du tout ?
La première chose qu’il faut remarquer c’est qu’évidemment il y a une part d’illusion
statistique derrière ces classements. Je disais tout à l’heure : la France, si l’Europe est en base
cent, est à 99,6, c’est-à-dire qu’elle est à 0,4 point de la moyenne européenne. Les pays qui
font mieux, ce sont les petits pays, le Luxembourg, la Belgique, l’Irlande. qui posent des
problèmes évidemment il faudrait peut-être faire des comparaisons inter régionales pour
parler des petits pays, il faudrait peut-être comparer l’Ile de France à la Belgique. Si l’on
regarde les grands pays, la France fait, en réalité, jeu égal avec l’Italie, l’Angleterre et
l’Allemagne, si la France est à 99,6, l’Angleterre est à 102,5, l’Italie aussi et l’Allemagne est à
104, bon ; en fait, on est très largement dans un périmètre où les erreurs de mesure
l’emportent sur ces écarts statistiques, c’est un point que Jean Gadrey avait fait dans le Monde
qui est tout à fait juste, en réalité selon la base qu’on prend. Si on prenait la base 1995 avec
les prix et le change de cette époque-là, la France serait plus riche que l’Angleterre, en euros
courants la France serait plus riche que l’Italie. Bon, ces chiffres sont des chiffres qui sont
corrigés par les statisticiens pour prendre en compte l’évolution du change, l’évolution des
prix relatifs, donc ce ne sont pas des chiffres bruts. Mieux vaut dire en fait que les quatre gros
pays européens ont exactement la même richesse par habitant, donc il y a une illusion, une
imposture en réalité à parler de déclin français, il vaut mieux dire que les gros pays européens
font la même chose et que les petits se comparent très bien aux grands pays et en fait à tout
prendre, je pense qu’on peut dire en réalité que c’est plutôt une très bonne nouvelle pour
l’Europe que cette statistique, parce que ça veut dire qu’il n’y a plus de dispersion
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significative entre les pays européens. En fait les pays les plus pauvres, par exemple le
Portugal, sont à 30% de la moyenne européenne, ils étaient à 50% vingt ans plus tard, ça veut
dire que le mécanisme de convergence est à l’œuvre et au fond c’est une très bonne chose de
le savoir, et mécaniquement, naturellement tout le monde se rapproche de la moyenne au fur
et à mesure que ce mécanisme de convergence se met à l’œuvre.
Bon, je laisse ça de côté et je continue, qu’est-ce qui, derrière ces moyennes, rapproche la
France et l’éloigne des autres ? En fait, même si le chiffre moyen est exactement le même, il y
a un certain nombre de différences qui sont très intéressantes à signaler entre la France et les
autres pays européens. Très brièvement, lorsqu’on parle de richesse par habitant, en fait il faut
avoir en tête que c’est le résultat, la multiplication de trois types d’index de nature très
différente : la production par heure travaillée, la productivité horaire des Français, il y a
ensuite le nombre d’heures travaillées par chaque Français, c’est-à-dire ce qu’on va appeler la
production par personne employée,. C’est par ce troisième ratio que la France est dans une
situation qui reste pathologique par rapport aux autres pays européens.
Selon le premier ratio, la productivité horaire, la France est d’une certaine façon le pays le
plus performant, non seulement d’Europe mais en fait du monde. Selon certaines statistiques,
la productivité horaire française est en réalité la même que la productivité horaire américaine
et elle est 30 à 40 % supérieure à celle d’un pays comme le Royaume-Uni par exemple, elle
est aussi 30 à 40 % supérieure à l’Allemagne, et elle est 50 % par exemple supérieure au
Portugal. Donc la productivité horaire, qui est en partie le résultat du fait que l’heure travaillée
en France est extrêmement productive parce qu’il y en a peu, est une bonne nouvelle. Est-ce
que les 35 heures font partie du problème qui font que on a une très bonne productivité
horaire mais on travaille très peu d’heures et au-delà des 35 heures, faut-il compter les
vacances que les Français prennent, est-ce que c’est une cause du problème ? Ça l’est
certainement par rapport aux États-Unis, les États-Unis travaillent beaucoup plus d’heures
avec une productivité supérieure, et une grosse moitié de l’écart entre la France et les États-
Unis vient simplement mécaniquement du nombre d’heures travaillées par les Américains par
rapport à nous. Par rapport au reste de l’Europe, par contre, ce n’est pas le cas. La France en
production par personne employée, qui inclut tout, les vacances et les 35 heures, reste au-
dessus de la moyenne européenne, reste 10 % au-dessus de la moyenne européenne, alors
qu’en Allemagne et en Angleterre, cette production par personne employée est en réalité
inférieure à la moyenne européenne. Donc le problème n’est pas même la question des 35
heures puisqu’au cours des deux, trois dernières années, cet index de production par personne
employée a plutôt augmenté que reculé par rapport à la moyenne européenne. La question est
donc le nombre de personnes qui travaillent par rapport à la population totale. Est-ce que c’est
la question du chômage qui expliquerait le résultat ? Ça l’était y’a encore quelques années, en
tout cas, en partie, ça ne l’est plus maintenant. En 2001 quand tous ces chiffres ont été faits, le
chômage français s’élevait à 8,7 % alors qu’en Europe il était à 7,7 %, y’avait un point d’écart
du taux de chômage, je viens de dire que la production par personne employée était 10 %
supérieure, ce n’est pas le point qui explique la différence. Non, la différence vient du fait
qu’il y a peu de personnes employées en France par rapport à la population totale en fait.
D’où est-ce que ça vient ? Ça ne vient pas, par exemple, du comportement des femmes
comparativement en France, comparativement aux autres pays européens. Si l’on regarde les
personnes âgées de 25 à 55 ans, en France, le taux de participation, plus exactement le taux de
personnes employées rapportées à la population correspondante est supérieur en France à ce
qu’elle est dans le reste des autres pays européens. Si il y a un écart, c’est du fait de ce qu’on
appelle communément les deux bouts de l’omelette qui restent et qui continuent de faire crise
en France, que ce soit les 15/24 ans ou que ce soit les 54/64 ans. On a deux groupes de
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population où la question de l’insertion dans la vie professionnelle reste encore très
problématique puisque, si on regarde les 15/24 ans il n’y en a que 28 % en France qui
travaillent alors que en Allemagne il y en a 46 % et qu’en Angleterre il y en a 56 %, donc on a
des écarts de presque 20 points, 30 points avec l’Allemagne et l’Angleterre dans ce domaine,
donc y’a une hypo-activité des jeunes très singulière, très importante. Si on regarde les 55/65
ans il n’y a qu’une personne sur trois qui travaillent en France, entre 55 et 65 ans, alors que,
enfin 30 % exactement, même pas 33, 30% alors qu’en Allemagne ils sont presque 40 % et
que en Angleterre ils sont presque 50 %. La retraite à 60 ans fait partie des problèmes mais
pas seulement. Si on regarde le taux d’activité des 50/60 ans, il est déjà très faible. En fait,
une personne sur deux qui arrive à l’âge de 60 ans est, soit au chômage, soit déjà en
préretraite. Donc ça n’est pas le couperet de 60 ans, même si naturellement les 60 ans jouent
pour beaucoup. Si je continue dans cette veine, on voit que il y a une singularité française, on
travaille beaucoup entre 25 et 55 et très peu autour. Il y a à cet égard une autre particularité à
noter, qui est à mon avis directement liée à celle-ci : quand on regarde les Français qui suivent
un cycle de formation professionnelle au cours de leur vie active, on trouve qu’ils ne sont que
3 % de personnes qui sont engagées dans un cycle de formation professionnelle. Alors qu’ils
sont presque le triple en Allemagne, presque 9 % et presque 20 % en Angleterre.
Il reste en France une pathologie essentielle qui est le legs des années de crise et qui fait qu’en
fait en France on a une vie professionnelle extrêmement déséquilibrée. On rentre dans la vie
active très tard, donc on poursuit ses études le plus longtemps possible. Pourquoi ? Tout se
boucle évidemment : parce que pendant sa vie professionnelle, on n’aura pas de deuxième
chance, il n’y aura pas de remise à niveau, en partie parce que les institutions ne sont pas là,
en partie aussi parce que l’université, elle-même se spécialisant dans la production de
diplômes extrêmement sélectifs, ne peut plus entrer ensuite dans la formation professionnelle
parce qu’elle ne saurait pas faire. Il n’y a donc pas de validation des études professionnelles
en cours de vie, donc ça ne compte pas dans un système où le diplôme est tout. Donc on n’en
fait pas, et, ce faisant, quand on perd son emploi à partir de 50 ans, n’ayant pas été remis à
niveau au cours de sa vie, on est immédiatement disqualifié. Donc là, y’a une discussion
absolument fondamentale qui signe -on ne va pas dire le déclin français- mais qui signe une
particularité française par rapport aux autres pays européens.
Dernier éclairage. Lorsqu’on regarde le taux de pauvreté, en France, par rapport aux autres
pays, on trouve que la France est confrontée à un risque de pauvreté qui est très proche des
autres pays européens. La France a un taux de pauvreté de 12 %, la moyenne européenne est
de 11 %, l’Angleterre c’est 11 %, l’Allemagne c’est 10 %. Donc, s’il y a un problème de
pauvreté en France, celui qu’on associe aux problèmes du RMI en général, elle n’est pas dans
une situation de handicap par rapport aux autres pays. Quand on regarde la distribution des
revenus en France, le rapport entre le revenu moyen des 20 % les plus riches et les 20 % les
plus pauvres, la France, là encore, se situe dans une bonne moyenne européenne puisque le
rapport est de 4,7 en France, il est de 5,4 en Europe dans son ensemble, il est plus élevé
évidemment en Angleterre, 5,7, et il est exactement au niveau français en Allemagne. Donc,
on peut dire que le problème que je viens d’évoquer, celui de la vie professionnelle, celui de
la vie active n’est pas directement lié aux indicateurs habituels de pauvreté et d’inégalité, c’est
quelque chose d’autre, qui vient saisir le travailleur dans sa vie ordinaire, ça n’est pas le
résultat de statistiques qui viendrait du fait que, on a plus de pauvreté qu’ailleurs qui serait
dissimulée dans ces statistiques de faible participation. Je pense que c’est quelque chose qui
devrait intéresser l’élection présidentielle parce que elle parcourt, au fond, une espèce de mal
à s’insérer dans une vie professionnelle qui a des traits spécifiquement français et qui est le
résultat de toutes sortes de déséquilibres qui se sont accumulés au cours du temps, pour les
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