NRP Lycée – Septembre 2012
Corniche Kennedy : un roman réaliste sur les adolescents d’aujourd’hui ?
Séquence 1
re
Par Valérie Monfort
2. Neutralité et pathétique
Proposition de corrigé de la lecture analytique, p.113.
La description des parents commence par la mention d’une fatigue excessive à travers un champ lexical
« dépassés, harassés, travailleurs de nuit, dormant le jour ». Cette description est marquée par la
négation, les formules restrictives « n’ouvrant plus », « ne que » inscrivant cette réalité sociale sous le
signe du manque voire de l’abandon « laissant les petits ». La troisième catégorie est introduite par
l’expression figée « végéter » et cette léthargie physique est précisée par un blason grotesque s’arrêtant
sur les muscles et le ventre. Le laisser aller physique est montré par une image animée par les verbes
« flageoler, ballonner ». La misère physique s’accompagne de misère morale qui est désignée par l’adjectif
« dépressifs », juxtaposé à l’adjectif « brutaux », cette structure montrant un enchaînement logique entre
le déclin physique, puis moral et la violence qui peut se tourner vers les enfants. Enfin, trois compléments
de lieu « dans la violence, en prison, en hôpital psychiatrique » viennent suggérer les difficultés extrêmes
que connaît Mario, ses parents sont enfermés car jugés nocifs pour la société et pour leur fils.
Le narrateur ne prend pas position vis-à-vis de cette misère. Il semble vouloir parvenir à la plus grande
neutralité. Ainsi, la structure énumérative et la répétition de la forme description-tiret-prénom donnent
l’impression que l’auteur dresse une liste. Il enregistre une succession de notations réalistes, et aucun
jugement ne vient interrompre le développement de cette liste. La démarche du narrateur consiste à
classer ces notations réalistes en partant d’une situation difficile lassitude des parents et en allant
jusqu’à une situation intenable violence et enfermement des parents. Toutefois, cette neutralité est
battue en brèche par l’accumulation des notations négatives, dont l’organisation prend la forme d’une
surenchère. Au pathétique des notations, se joint le registre polémique venu de l’impression que ces
catégories sociales ne peuvent se sortir de leurs difficultés, qui ne peuvent qu’empirer.
Le narrateur aborde ensuite le rapport des jeunes à l’école et à l’argent, après avoir examiné la situation
de leurs parents. Cette organisation de l’extrait souligne que c’est à eux que revient le dernier mot. Et il
met en exergue leur volonté par ce verbe « vouloir » privé de son sujet qui commence la phrase « veulent
de la thune » montrant que les jeunes sont tous d’accord, tous des volontés actives. La seconde stratégie
des jeunes gens consiste à sauver la face et la répétition de l’adjectif « bon » dans « bon look, bon gloss »
signale que ce qui compte c’est de ne pas avouer que l’on est pauvre, de montrer que les apparences sont
favorables. L’opposition qui clôt le passage entre « petites choses » et « seigneurs » signale la
contradiction qui divise ces jeunes entre le paraître et l’être. Le mot de la fin est « seigneur » car dans
l’intrigue c’est l’audace, la provocation et l’énergie qui permettent de définir les personnages et non le
handicap social.
Si le récit s’arrête un court instant sur la dimension pathétique et scandaleuse de l’existence de ces
adolescents, c’est pour rappeler ensuite que ces jeunes ne s’en tiennent pas à cette condition, et que, ce
que le récit met aussi en scène, c’est leur volonté, admirable, de ne pas s’arrêter sur ce destin.
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