Corniche Kennedy : un roman réaliste sur les adolescents d’aujourd’hui ? Séquence 1re Par Valérie Monfort 2. Neutralité et pathétique Proposition de corrigé de la lecture analytique, p.113. La description des parents commence par la mention d’une fatigue excessive à travers un champ lexical « dépassés, harassés, travailleurs de nuit, dormant le jour ». Cette description est marquée par la négation, les formules restrictives « n’ouvrant plus », « ne que » inscrivant cette réalité sociale sous le signe du manque voire de l’abandon « laissant les petits ». La troisième catégorie est introduite par l’expression figée « végéter » et cette léthargie physique est précisée par un blason grotesque s’arrêtant sur les muscles et le ventre. Le laisser aller physique est montré par une image animée par les verbes « flageoler, ballonner ». La misère physique s’accompagne de misère morale qui est désignée par l’adjectif « dépressifs », juxtaposé à l’adjectif « brutaux », cette structure montrant un enchaînement logique entre le déclin physique, puis moral et la violence qui peut se tourner vers les enfants. Enfin, trois compléments de lieu « dans la violence, en prison, en hôpital psychiatrique » viennent suggérer les difficultés extrêmes que connaît Mario, ses parents sont enfermés car jugés nocifs pour la société et pour leur fils. Le narrateur ne prend pas position vis-à-vis de cette misère. Il semble vouloir parvenir à la plus grande neutralité. Ainsi, la structure énumérative et la répétition de la forme description-tiret-prénom donnent l’impression que l’auteur dresse une liste. Il enregistre une succession de notations réalistes, et aucun jugement ne vient interrompre le développement de cette liste. La démarche du narrateur consiste à classer ces notations réalistes en partant d’une situation difficile – lassitude des parents – et en allant jusqu’à une situation intenable – violence et enfermement des parents. Toutefois, cette neutralité est battue en brèche par l’accumulation des notations négatives, dont l’organisation prend la forme d’une surenchère. Au pathétique des notations, se joint le registre polémique venu de l’impression que ces catégories sociales ne peuvent se sortir de leurs difficultés, qui ne peuvent qu’empirer. Le narrateur aborde ensuite le rapport des jeunes à l’école et à l’argent, après avoir examiné la situation de leurs parents. Cette organisation de l’extrait souligne que c’est à eux que revient le dernier mot. Et il met en exergue leur volonté par ce verbe « vouloir » privé de son sujet qui commence la phrase « veulent de la thune » montrant que les jeunes sont tous d’accord, tous des volontés actives. La seconde stratégie des jeunes gens consiste à sauver la face et la répétition de l’adjectif « bon » dans « bon look, bon gloss » signale que ce qui compte c’est de ne pas avouer que l’on est pauvre, de montrer que les apparences sont favorables. L’opposition qui clôt le passage entre « petites choses » et « seigneurs » signale la contradiction qui divise ces jeunes entre le paraître et l’être. Le mot de la fin est « seigneur » car dans l’intrigue c’est l’audace, la provocation et l’énergie qui permettent de définir les personnages et non le handicap social. Si le récit s’arrête un court instant sur la dimension pathétique et scandaleuse de l’existence de ces adolescents, c’est pour rappeler ensuite que ces jeunes ne s’en tiennent pas à cette condition, et que, ce que le récit met aussi en scène, c’est leur volonté, admirable, de ne pas s’arrêter sur ce destin. NRP Lycée – Septembre 2012