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tera sa charge en 1906 pour devenir cardinal archevêque de Malines),
et ses collaborateurs Désiré Nys, Maurice de Wulf, Armand Thiery, Si-
mon Deploige.3L’autre innovation fut la création d’une commission spé-
ciale présidée par le cardinal Zigliara, pour une édition des œuvres de
saint Thomas. Progressivement, cette « commission léonine » déborda
le rôle qui lui était affecté en se lançant dans une entreprise de dimen-
sion hautement scientifique d’édition du texte, quitte à aller infiniment
plus lentement que ce que projetait initialement Léon XIII, et à devoir
constamment reprendre, au fil des avancées scientifiques, son ouvrage
(pour l’heure encore loin d’être achevé).4La troisième innovation du
renouveau thomiste fut la réintroduction systématique de cette philoso-
phie et théologie dans le cursus des études cléricales. Cela conduisit à
une complète refonte des programmes et personnels des principales uni-
versités catholiques, scolasticats et centres de formations. Mais Rome ne
fut pas le centre de ces « adaptations ». Il faut plutôt citer les Domini-
cains : Saint-Maximin pour Toulouse, Flavigny puis le Saulchoir de Kain
(à partir de 1903) pour Paris, le scolasticat de Jersey, puis de Fourvière
pour les Jésuites, l’université de Fribourg (Dominicains de Suisse). Il
faut aussi tenir compte des dates de naissance des principales revues qui
vont intervenir dans le débat. La première revue thomiste, Divus Tho-
mas, est créée par les professeurs du séminaire de Plaisance (Piacenza,
Italie, le 7 mars 1880, interrompue en 1906, reprise ensuite en langue
allemande par Fribourg en 1924 après le « départ » de la Revue thomiste
3Les mauvaises langues remarquent que cette fondation fut faite à distance suffi-
sante des grandes universités romaines pour qu’elle puisse disposer d’une réelle au-
tonomie. C’est ainsi que P. Jaccard présente cette fondation. Il écrit « Le pape, qui
était italien, savait que cette Italie arrogante, docile et cléricale, était incapable de
donner une impulsion originale et ferme au renouveau thomiste. C’était au contraire
loin de Rome, là où les préventions contre la scolastique étaient les plus fortes, qu’il
fallait jeter hardiment la semence nouvelle, pour qu’elle fructifiât et se répandît dans
le monde. »Un peu plus loin : « Fribourg [.. . ] un protestantisme trop vivant en était
peut-être trop proche. Louvain, [. . . ] qui fut la première université à condamner Lu-
ther, est aussi la seule université catholique complète. Elle fut restaurée en 1834. Elle
fut d’un traditionalisme borné jusqu’en 1864, date à laquelle elle est même condam-
née. On peut donc établir sur cette table la scolastique nouvelle. [. . . ] Un bref du 25
décembre 1880 demandait aux évêques de Belgique de créer à l’Université de Lou-
vain une chaire spéciale de philosophie thomiste, accessible à tous les étudiants. Pour
faciliter la diffusion de la doctrine, permission spéciale fut donnée d’enseigner en fran-
çais » ; [Jaccard 1927, 140 et 141]. Il faut noter que le futur cardinal Désiré Mercier
eut toujours le souci de parfaire sa culture scientifique et qu’il vint par exemple à Pa-
ris pour suivre les cours de clinique de Charcot. C’est donc un milieu très particulier
qui est choisi comme premier site universitaire pour le « renouveau thomiste ».
4L’histoire de cette commission est édité la (Revue des sciences philosophiques
et théologiques 89 (2005), 5–110) ; Cf. Colloque du “Dipartimento di Filosofia della
Université Cattolica di Milano” du 12-13 septembre 2005. [Oliva (à paraître)]