Oral professionnel 2ème partie – Littérature jeunesse CRPE
3ème partie Etude détaillée de quelques œuvres – TD 26
Sup de Cours – Etablissement d’Enseignement Supérieur Prive RNE 0333 119 L - 73, rue de Marseille 33001 Bordeaux Cedex
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TD n°26
Mamie Ouate en Papoâsie de J. Jouanneau et M.C. Le Pavec
Cette pièce de théâtre porte le sous-titre de « comédie
insulaire » : vous pourrez donc envisager deux pistes d’étude. La première
analysera, sur le plan de la forme, l’écriture comique de l’œuvre, à travers les
personnages, les situations (qui traduisent en outre une certaine ironie), les
répliques. La seconde vous permettra d’aborder la thématique de l’île, déjà
évoquée avec
Macao et Cosmage
(TD n°5) et celle de la métamorphose (TD n°24).
……………………………………….
A travers des situations cocasses, cette pièce de théâtre aborde
des thèmes philosophiques et politiques : le regard sur d’autres cultures, les
images d’Epinal et les stéréotypes (dont mamie Ouate et Kadouma profitent pour
gagner un peu d’argent), la relativité de la pensée (voir à ce sujet la scène n°7
intitulée « la chimère », où Mamie Ouate se livre à une démonstration surréaliste
sur les différences de point de vue, sur l’insuffisance de la rationalité pour
expliquer les différences culturelles…). Les deux personnages de cette histoire,
Mamie Ouate une lilliputienne blanche, âgée, et Kadouma, un jeune homme noir,
dernier rescapé de l’île BlupBlup, cherchent une chimère, le papillon Virginia qui
leur permettra de trouver la fortune et de se gaver de foie gras, de champagne
et de crabe jusqu’à la fin de leurs jours. Comme ils ne le trouvent pas, Mamie
Ouate, qui est en réalité photographe et non spécialiste des insectes (voir scène
n° 3, le mensonge où elle révèle le contrat qui la lie à une agence de voyages) doit
réaliser un reportage sur les habitants de Papoâsie et leurs coutumes. Ce
reportage est destiné à railler les stéréotypes dont se servent les agences
commerciales pour berner leurs clients en leur offrant ce qu’ils veulent voir :
l’exotisme, les guerriers avec un os dans le nez, la sauvagerie et l’aventure, etc.
Le comique prend ici la forme de l’ironie, puisque Mamie Ouate et Kadouma
profitent de la crédulité du « monde civilisé » et des images d’Epinal de la
société occidentale. Ces aspects philosophiques de l’œuvre pourront être
débattus et abordés en éducation civique, où l’on évoquera l’exploitation
commerciale des mythes de l’autre monde et du mythe de l’île déserte (la
robinsonnade).
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1) Mise en scène et personnages :
Comme dans
Les deux bossus
de Demarcy, publié aussi chez Actes Sud-
Papiers, cette œuvre joue sur le double registre de la nouvelle et du théâtre.
Elle est destinée aussi bien à être lue qu’à être jouée. Il est nécessaire
d’envisager cet aspect en classe. La première séance sera consacrée à l’étude du
titre, de la première et la quatrième : « mamie Ouate en Papoâsie » évoque les
romans d’aventure, ou les Bd (« Tintin au Tibet, au Congo… »). Le nom du pays est
imaginaire, chimérique on pourrait dire, étant donné que toute l’œuvre repose sur
des chimères : il se rapproche de la Papouasie et de tous les mythes qui ont été
bâtis sur les papous avec des os dans le nez, les pagnes, les flèches… En même
temps que ces aspects aventuriers, à la recherche d’un pays mythique comme
l’Eldorado, le nom du personnage sonne de manière intéressante, puisqu’il s’agit
d’une vieille dame, une mamie (avec tout le côté maternel de la grand-mère)
aventurière, que l’on imagine un peu originale. Ce nom de « Mamie Ouate », en
outre, rappelle les surnoms que l’on donne en Afrique, aux membres de la même
tribu ou du même peuple, aux amis, même s’ils n’appartiennent pas à la même
lignée familiale, ou au contraire aux étrangers : on leur attribue des
caractéristiques familiales (papa, maman, frère, sœur, dépendant de leur
position sociale). Mamie Ouate qualifie la différence d’âge, en même temps que la
blancheur de la peau. Si l’on regarde l’illustration de couverture, on aperçoit
effectivement un jeune homme noir en train de sourire devant une vieille dame,
plutôt en forme, qui bout dans un chaudron : le mythe parfait des papous
cannibales, sauf que le jeune homme en question ne porte pas le pagne.
La lecture du texte de quatrième de couverture souligne l’aspect comique
de l’œuvre : l’île est nommé par une onomatopée grotesque qui évoque les bulles
des poissons dans l’eau. Sur cette île, liée à la Papoâsie (où l’on reconnaît aussi
l’Asie), vit un seul habitant ce qui est un mystère : pourquoi les autres sont-ils
partis ? Mais il n’est plus seul puisque Mamie Ouate, personnage ambigu (elle
ment avec beaucoup d’aisance), lui tient compagnie et effectivement cette
aventurière est à la recherche du papillon rare, comme les conquistadores à la
recherche de l’or. Cette œuvre semble donc une parodie des aventures du Far-
West, des explorateurs, avec comme héros une vieille dame menteuse et somme
toute assez inoffensive, puisqu’elle bout joyeusement dans sa marmite.
La première didascalie se présente sous forme d’un texte avec verbes
conjugués et phrases complexes. Mais ce qui différencie cette didascalie de
celles habituellement rencontrées dans le théâtre, c’est surtout le point de vue
du narrateur. Une didascalie sert au metteur en scène à interpréter l’œuvre à sa
façon, elle est donc généralement neutre. Ici, comme dans la narration, on
ressent le point de vue de celui qui raconte qui semble interpeller le lecteur :
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« les autres (il dialogue avec un « narrataire » imaginaire), eh bien, ils sont
morts, ou ils sont partis, ou ils se sont effacés dans le paysage, c’est comme on
voudra ! ». Dans cette didascalie, on perçoit donc une double voix, celle du
narrateur qui imagine les questions que pourrait lui poser le lecteur (il se donne
donc une représentation du lecteur, que l’on appelle le narrataire) : « on peut voir
la gueule d’un jeep, et comment cette jeep a pu atterrir là, c’est vraiment sans
importance ». Ce jeu de double voix sans guillemets s’appelle le discours indirect
libre (cf G. Genette1), il induit un effet comique et gouailleur.
Chaque scène porte un titre, comme un chapitre. La première s’intitule
l’élixir, qui provoquera plus tard la mort de mamie Ouate. Elle représente l’image
de Mamie Ouate en train d’accomplir un acte étrange et de réciter une sorte de
poème, ou de chanson pour endormir le contenu de la cuvette. Qu’y a-t-il dans
cette cuvette ? A quoi sert l’élixir ? Que fait Mamie Ouate ? sont les questions
de compréhension qui peuvent se poser. Cette scène dramatique, à la lumière des
phares de la jeep, a un aspect mystérieux à la manière des stéréotypes policiers
d’autant plus que l’élixir de mort est mis en valeur. En même temps, le chant de
mort de mamie Ouate fait de l’opération une scène tragi-comique, grâce à
l’ironie : « On boit un petit coup et on est mort et voilà tout ! » Après lecture à
haute voix du maître, un élève lira la scène, en prenant garde au ton.
On peut procéder de la même manière pour les scènes suivantes où le
contenu de la cuvette est révélé. Pourquoi la seconde scène s’intitule-t-elle « le
mari » étant donné que mamie Ouate est venue seule ? En réalité, il s’agit du mari
de la Virginia si recherchée, que Kadouma a trouvé et qui ne présente aucune
valeur. Le comique de cette seconde scène vient de ce que Mamie Ouate se parle
à elle-même, faisant semblant de s’adresser aux insectes qu’elle récupère et qui
sont déjà morts, puis le dialogue avec Kadouma introduit une cruelle ironie
puisqu’ils se moquent l’un de l’autre à travers leurs caractéristiques individuelles
(Kadouma dit « petite » à mamie Ouate - qui est lilliputienne- et celle-ci lui
réplique « nègre » ce qui exprime le mépris racial de la femme blanche)
La troisième scène permet de dresser le portrait des personnages et de
leur relation. Mamie Ouate semble la plus empreinte de pensée magique, alors
que Kadouma a les pieds sur terre et pense d’abord à récupérer les bénéfices de
son aide à la vieille dame. Leurs relations ne correspondent pas du tout aux
relations coloniales (fréquentes dans Tintin), dont Kadouma se moque :
Kadouma :
Eh bien, envoie-leur ma photo, ça suffira
Mamie Ouate
1G. Genette Figures III. Seuil, Paris, 1972.
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Oh là là ! Surtout pas ! Tu ne les intéresses pas. Ce qu’ils veulent pour leurs
clients, c’est des Noirs comme avant.
Kadouma
Comme dans le temps des « Missié blanc, Missié il est content ? »
Mamie Ouate
Oui, tu ne le crois pas, et pourtant ils les aiment bien comme ça chez moi.
Cette scène doit donner lieu à une discussion au sujet du racisme, et des
stéréotypes. Un stéréotype est une représentation sociale grossière et
réductrice qui sert à appréhender la différence, qui donne une connaissance
biaisée du monde. Les deux protagonistes complices vont exploiter la naïveté de
cette représentation sociale grâce à des mises en scène stéréotypées, sources
de comique. L’ironie naît du double langage : on adopte ces situations
stéréotypées pour s’en moquer « Oh, attends, si je mets un bon gros nonos dans
le nez, il va adorer ton grand bwana blanc » (p16). Le double langage c’est aussi
celui qu’emploie Mamie Ouate qui ment, ce que ne comprend pas toujours
Kadouma. Le mensonge est aussi une vision du monde, une manière culturelle de
manipuler la pensée, comme l’expliquera Mamie Ouate dans la scène 7, voir plus
haut).
La troisième séance sera consacrée à l’étude des scènes 5, 6, 7 :
Les personnages n’ont pas reçu la tribution pour leur reportage, peut-être à
cause de la pensée magique de Mamie Ouate, qui n’a pas mis l’adresse sur son
paquet, espérant qu’il arrivera là où sa pensée le mènera. La scène 6 met en scène
un repas cannibale. Le comique naît du sentiment de la supercherie : on ne croit
pas Kadouma capable de manger Mamie Ouate. En réalité, le personnage n’a rien
du « bon sauvage » que l’on s’attendrait à trouver. Comme mamie Ouate, il est en
proie à la faim, et on ne sait jamais s’il plaisante ou s’il agit inconsciemment,
naïvement « On pourrait faire une dernière photo pour ton bwana blanc. Grand
noir cannibale dévorant vieille femme blanche » (p21). Il verse le contenu de
l’élixir dans la marmite et pleure aussitôt après, comme fou. C’est cette
complexité du personnage qui le rend intéressant et qui suscite le débat.
La quatrième séance sera consacrée aux deux dernières scènes, où la pensée
magique de Kadouma réincarne Mamie Ouate en Virginia, rappelant les mythes
indiens.
Cette pièce peut être utilisée dans une mise en scène lors d’un projet de classe
ou d’école, donnant lieu à un spectacle. Dans ce cas, il faut réduire la complexité
des textes, ou les reformuler pour les rendre plus faciles à représenter par des
élèves de CM1 ou CM2.
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2) Le mythe de l’île déserte :
La mise en réseau permettra d’aborder des œuvres classiques autour de
l’île déserte, comme
Robinson Crusoé
de Daniel Defoe, trad. Petrus Borel,
Gallimard, ou bien
L’île au trésor
de Stevenson (trad. J. Papy). Ces œuvres
abordent les deux facettes de l’île : c’est un refuge où la nature est préservée,
voire même sauvage. D’autre part, l’île est également mystérieuse et contient des
secrets, ainsi que Michel Tournier l’a décrite dans
Vendredi ou les limbes du
Pacifique.
La version enfantine de ce dernier ouvrage,
Vendredi ou la vie sauvage
,
envisage les rapports entre la civilisation et la vie naturelle de vendredi, qui va
faire changer Robinson.
Nous pouvons aussi comparer le traitement des personnages dans
Macao
et Cosmage
avec
Mamie Ouate
. Effectivement, le désir d’exotisme naïf de la fin
du XIX° siècle entraîne une représentation idéalisée des personnages dans leur
milieu naturel, ce qui contraste avec l’ironie de la pièce de théâtre qui se moque
de toutes ces images d’Epinal.
Nous avons déjà évoqué d’autres œuvres auxquelles vous pouvez vous
référer :
Longue vie aux dodos
de King Smith
L’île du monstril de
Y. Pommaux
L’île dans une bassine deau
de Béatrix Beck.
Un autre rapprochement peut se réaliser dans la confrontation de deux mondes,
le monde civilisé et l’île, le monde de la vie et de l’au-delà. On peut donc
rapprocher cette œuvre d’un album d’Isabelle Simon et Olivier Douzou
Les Petits
bonhommes sur le carreau
. De l’autre côté de la fenêtre se trouve la misère.
3) Une animation théâtrale
Il s’agit de sélectionner un personnage dans une œuvre et de préparer
deux fiches à son sujet. Sur la première fiche, les élèves notent les
caractéristiques du personnage qui leur permettront de le jouer (costume,
expressions, gestes…). Sur la seconde fiche, ils notent des répliques
caractéristiques qui serviront de canevas d’improvisation. Chaque élève choisit un
personnage, dans une même œuvre ou dans des œuvres différentes. Ils viennent
ensuite l’interpréter à plusieurs, même si les textes ne coïncident pas forcément
au début, les élèves improviseront une suite commune.
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