CAFOC de Nantes 22, rue de Chateaubriand 44O00 NANTES Tél : 02 40 35 94 10 Fax : 02 40 35 94 11 [email protected] www.cafoc.ac-nantes.fr Siret : 184 409 191 000 30 Dossier suivi par Xavier BLAY [email protected] PLITH LOIRE-ATLANTIQUE Insertion professionnelle des jeunes en situation de handicap Rapport d’étude Septembre 2014 Groupement d'Intérêt Public – EXPERIENCE SIEGE SOCIAL : 8-10 rue Général Margueritte – BP 72616 – 44326 NANTES cedex 03 Tél : 02.51.86.30.33 – Fax : 02.40.20.87.59 Mel : [email protected] Siret : 184 409 191 00014 – Code APE 8559A Sommaire I. PREAMBULE 4 1. ELEMENTS CLES DU CONTEXTE 4 2. DES ELEMENTS GENERAUX DE METHODOLOGIE 4 II. L’ETUDE DOCUMENTAIRE 5 1. LA METHODOLOGIE ADOPTEE 5 2. DIFFICULTE D’INSERTION PROFESSIONNELLE : DES FREINS RECURRENTS 6 2.1. 2.2. 2.3. 2.4. 2.5. UN DEFICIT DE QUALIFICATION PENALISANT CHEZ LES JEUNES EN SITUATION DE HANDICAP LE MANQUE D’INFORMATION, OBSTACLE A L’INSERTION LA QUESTION DE L’ACCEPTATION DU HANDICAP LA RECONNAISSANCE DU STATUT HANDICAPE, VRAI OU FAUX ATOUT ? UNE SEGMENTATION DU TRAITEMENT DE LA PERSONNE HANDICAPEE PREJUDICIABLE A UN PARCOURS LINEAIRE 7 8 9 10 10 3. DES LEVIERS ET PRECONISATIONS IDENTIFIES 11 3.1. UNE NECESSITE D’INFORMATION ADAPTEE 3.2. ACCOMPAGNER LE JEUNE DANS LA CONSTRUCTION D’UN PROJET PROFESSIONNEL COHERENT 3.3. DECLOISONNER POUR GAGNER EN COORDINATION ET EN EFFICACITE 11 12 13 4. EN SYNTHESE 14 III. LE PARCOURS DE JEUNES EN SITUATION DE HANDICAP 15 1. DES ELEMENTS DE METHODOLOGIE 15 2. LES MONOGRAPHIES 15 3. DES RECITS DE PARCOURS QUI VIENNENT CONFORTER L’ETUDE DOCUMENTAIRE 39 RAPPEL DES PRINCIPAUX FACTEURS DE RUPTURES A L’ISSUE DE L’ETUDE DOCUMENTAIRE : RAPPEL DES PRINCIPAUX LEVIERS ET PRECONISATIONS IDENTIFIEES A L’ISSUE DE L’ETUDE DOCUMENTAIRE : 39 42 4. EN SYNTHESE 44 IV. LE REGARD DES AUTRES ACTEURS DE L’INSERTION PROFESSIONNELLE DES JEUNES HANDICAPES 45 2 PLITH 44 – CAFOC de Nantes – Parcours d’insertion professionnelle des jeunes en situation de handicap – Septembre 2014 1. LES ACTEURS CONSULTES 45 2. FACTEURS DE RUPTURES ET LEVIERS A MOBILISER : LES PRINCIPAUX CONSTATS 47 2.1. 2.2. 2.3. 2.4. 47 49 54 58 DU POINT DE VUE DES RESEAUX ET DES STRUCTURES INSTITUTIONNELLES DU POINT DE VUE DES STRUCTURES EDUCATIVES, DE FORMATION ET D’ACCOMPAGNEMENT DU POINT DE VUE DES ENTREPRISES DU POINT DE VUE DES FAMILLES 3. EN SYNTHESE : DES ACTEURS LOCAUX CLAIRVOYANTS 58 V. AXES DE TRAVAIL 60 1. AXE 1 : LA CONNAISSANCE DE L’ENTREPRISE ET DES METIERS POUR UNE MEILLEURE ADEQUATION POSTE / HANDICAP 62 2. AXE 2 : LA COORDINATION DES DIFFERENTS ACTEURS DANS L’ACCOMPAGNEMENT 63 3. AXE 3 : LA LISIBILITE DES INFORMATIONS (DISPOSITIFS, ACTEURS, HANDICAP, …) 64 GLOSSAIRE 65 3 PLITH 44 – CAFOC de Nantes – Parcours d’insertion professionnelle des jeunes en situation de handicap – Septembre 2014 I. PREAMBULE 1. Eléments clés du contexte « (…) Il faut garder à l’esprit que les jeunes travailleurs handicapés sont d’abord des jeunes, de sorte que les difficultés d’accès à l’emploi rencontrées par les jeunes handicapés sont identiques à celles de tous les jeunes, accrues par le handicap »1. Le comité de pilotage du PLITH en Loire Atlantique a souhaité porter une attention toute particulière à cette population, en étant notamment attentif à 3 points : - Les causes particulières de rupture dans les parcours d’insertion professionnelle des jeunes (16-30 ans) en situation de handicap ; - Les leviers sur lesquels il est possible de s’appuyer ou les bonnes pratiques à noter ; - Les axes de travail à privilégier avec un souci très opérationnel de repérage d’expérimentations concrètes à conduire. Soucieux d’appréhender au mieux la question de l’insertion professionnelle des jeunes en situation de handicap, le comité de pilotage du PLITH 44 a chargé le CAFOC de Nantes de réaliser une étude axée précisément sur ces trois points et se concluant par des propositions pratiques à expérimenter sur les territoires du département. La pluralité des points de vue ayant été recherchée dans cette étude, elle a été de fait conduite en 5 étapes successives ou concomitantes permettant divers niveaux de consultation : Etape 1 : réalisation d’une étude documentaire ; Etape 2 : réalisation de monographies portant sur des parcours d’insertion professionnelle de jeunes en situation de handicap ; Etape 3 : consultation de réseaux et de structures institutionnelles ; Etape 4 : consultation de structures éducatives, de formation et d’accompagnement ; Etape 5 : consultation d’employeurs. 2. Des éléments généraux de méthodologie Cette étude conduite de décembre 2013 à juin 2014 privilégie le recueil des points de vue de différents acteurs de l’orientation, de l’éducation, de la formation et de l’insertion professionnelle des jeunes, qui ont tous un rôle à jouer dans la prévention des ruptures de parcours d’insertion professionnelle des jeunes en situation de handicap. Après la réalisation d’une étude documentaire apportant un premier niveau d’informations sur cette question, plus d’une trentaine d’entretiens de type semi-directifs ont été réalisés au niveau départemental. C’est l’analyse de ces regards croisés qui doit permettre d’identifier des axes de travail à privilégier à des fins de sécurisation des parcours d’insertion de ces jeunes. 1 Rapport du groupe de travail dirigé par le Député Lachaud - Favoriser l’insertion professionnelle des jeunes handicapés – Février 2006 - page 8 L II. ’ETUDE DOCUMENTAIRE Cette étude documentaire a été le point de départ de ce travail d’étude. L’objectif de cette étape était d’enrichir les connaissances de la problématique de rupture de parcours d’insertion en capitalisant sur des études, des rapports ou des écrits déjà réalisés, et des expériences déjà menées afin de pouvoir ensuite confronter les constats effectués au niveau national aux points de vue des acteurs locaux. Réaliser une étude documentaire a ainsi permis d’effectuer un premier relevé des freins identifiés et des leviers mobilisables pour l’insertion professionnelle des jeunes en situation de handicap, de repérer les orientations et pistes d’amélioration régulièrement évoquées, et enfin de relever des hypothèses pouvant être testées à l’échelle de la Loire-Atlantique. 1. La méthodologie adoptée Un premier recensement a pu être effectué en s’appuyant essentiellement sur des recherches Internet et sur des revues et ouvrages issus de la base de données du centre de ressources pédagogiques hébergé par le CAFOC de Nantes. Si de nombreux écrits traitent de la question du handicap, peu ciblent spécifiquement les jeunes en situation de handicap, et rares sont ceux qui traitent des causes de ruptures dans les parcours d’insertion professionnelle. Dans un souci de cohérence avec le public ciblé, c’est-à-dire les jeunes, le choix a été fait de privilégier des sources traitant du public jeune, des sources assez récentes et autant que possible postérieures à la loi du 11 février 20052. L’étude documentaire repose sur les travaux régionaux et nationaux suivants : ETUDES / OUVRAGES / PUBLICATIONS Echelle régionale - Pays de la Loire Plan régional d’insertion des travailleurs handicapés des Pays de la Loire - Tableau de bord Schéma régional des jeunesses 2011 / 2016 - Région Pays de la Loire Agenda 22 handicap de la Région Pays de la Loire Echelle nationale Les jeunes diplômés handicapés face à l’insertion professionnelle - N°2013-75 L’insertion scolaire et professionnelle des jeunes handicapés Rapport Lachaud – Groupe de travail - « Favoriser l’insertion professionnelle des jeunes handicapés » Rapport d’information n° 635 – « Loi handicap : des DATE Décembre 2012 Version complétée (04/2013) Décembre 2011 Février 2013 ORIGINE /REDACTEUR / EDITEUR / AUTEUR / Practhis Diversea Conseil Région PDL – Dir° de la prospective, des schémas et de l’Agenda 21 Région PDL – Dir° des Solidarités + Amnyos Septembre 2013 APEC Janvier 2012 Etude Ifop pour la FNASEPH Février 2006 Yvan Lachaud Juillet 2012 Claire-Lise Campion et 2 Loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées 5 PLITH 44 – CAFOC de Nantes – Parcours d’insertion professionnelle des jeunes en situation de handicap – Septembre 2014 avancées réelles, une application encore insuffisante » L’accès à l’emploi des personnes handicapées en 2011 – N°066 Les parcours professionnels des personnes ayant une reconnaissance administrative de leur handicap – N°041 Handicap, projet et réinsertion Octobre 2013 Isabelle Debré, Sénatrices DARES Juin 2011 DARES 2012 Bernard Gourmelen L’Harmattan UNAPEI Livre Blanc « Travail et handicap : une équation multiforme » Trajectoires professionnelles de jeunes adultes en situation de handicap Handicap : l’école, et après…? Ruptures et continuité des parcours Novembre 2011 Etude régionale sur l’analyse des contrats d’apprentissage et de professionnalisation jeunes rompus : « Rupture des contrats en alternance : des causes récurrentes » Rapport du groupe de travail "Professionnaliser les accompagnants pour la réussite des enfants et adolescents en situation de handicap" - État des lieux Pour le Ministère de l’éducation nationale & Ministère des affaires sociales et de la santé Décembre 2010 Juin 2013 Préconisations Pénélope Komites L’emploi : un droit à faire vivre pour tous. Evaluer la situation des personnes handicapées au regard de l’emploi, prévenir la désinsertion socioprofessionnelle Décembre 2009 La documentation française 2009 3ème trimestre 2013 Audrey Parron - Lien social et politiques Marie-Hélène Jacques Jacques Bouchand Hervé Benoit Editions INS HEA en partenariat avec Champ social Editions Efigip 2. Difficulté d’insertion professionnelle : des freins récurrents En introduction, 2 définitions de l’insertion professionnelle, parmi d’autres, sont proposées ci-dessous : - « Processus qui permet à un individu, ou à un groupe d'individus, d'entrer sur le marché du travail dans des conditions favorables à l'obtention d'un emploi ». (Larousse) - « L'insertion professionnelle c’est le cheminement d’un jeune ou d’un adulte vers un emploi ou une activité au plus près de son projet et de la réalité du marché de l'emploi3 ». La lecture et l’étude des documents et ouvrages précités ont permis de relever des éléments qui sont présentés comme des freins à l’insertion, voire comme des causes potentielles de ruptures. Ce sont les facteurs les plus cités et ceux décrits comme fortement impactant dans la sécurisation des parcours qui ont été retenus pour cette première partie d’étude. 3 Conférence des directeurs de Service Universitaire de Formation Continue – Jean-Marie Filloque - Nantes, 23 juin 2010 6 PLITH 44 – CAFOC de Nantes – Parcours d’insertion professionnelle des jeunes en situation de handicap – Septembre 2014 2.1. Un déficit de qualification pénalisant chez les jeunes en situation de handicap A la lecture de différents documents, le manque ou la faible qualification sont perçus comme étant des obstacles majeurs à l’accès et au maintien dans l’emploi des personnes en situation de handicap et notamment des jeunes. Plusieurs hypothèses sont avancées pour expliquer cette situation, le non accès à la formation, les problématiques de santé et le déficit d’information étant les plus fréquemment cités. Un groupe de travail conduit par Yvan Lachaud en 20064, rapporte qu’une partie trop importante de jeunes handicapés, n’ayant pas accès aux filières classiques de scolarité, est pénalisée dans ses apprentissages, et ce, en dépit de la loi du 11 février 2005 qui prône la scolarisation des enfants handicapés en milieu ordinaire. Il ajoute en outre, qu’une autre partie de ces jeunes a des parcours chaotiques du fait de problèmes de santé et d’un parcours ponctué d’hospitalisations. De même, un rapport d’information enregistré par le Sénat en 2012 précise : « Les jeunes handicapés, qui accèdent au marché du travail, sont confrontés à une « double peine » : leur handicap et leur manque de qualification. Pour les jeunes ayant été scolarisés en milieu ordinaire, ce faible niveau de qualification s’explique par des ruptures dans le parcours de scolarisation - surtout à partir du second degré -, par un accès limité à l’enseignement supérieur, par une mauvaise orientation, par une renonciation à la poursuite des études en raison d’un profond sentiment de découragement .»5 Un constat comparable est fait par Claudine Colas Couleau6 : « … En effet, ce public cumule, en tout ou partie, les difficultés suivantes : bas niveau de formation initiale et professionnelle, périodes prolongées d’inactivités, obligation de changer d’emploi à la suite d’un accident ou d’une maladie. » Dans un rapport de juin 20137, un groupe de travail constate que « Malgré sa progression rapide, le nombre de jeunes en situation de handicap scolarisés en lycée demeure très modeste : 12 837 en 2010/2011, 13 969 en 2011/2012 soit 9%. Les jeunes en situation de handicap devraient être désormais, aux yeux de tous, des lycéens de plein droit. Cependant ils ne représentent encore qu’une très faible part des lycéens (2 132 413), soit 0,60 %. Et cette part est encore plus faible en lycée d’enseignement général et technologique (0,40%).» (Source : Rapport sur « La mise en œuvre de la loi du 11 février 2005 dans l’Education nationale » Martine Caraglio et Jean-Pierre Delaubier ; juillet 2012). Il note également qu’ « Une augmentation constante du nombre d'étudiants en situation de handicap est relevée dans l'ensemble des établissements. Ce nombre est passé de 6 015 en 2003/2004 à 9 291 en 2010/2011. L’accès des élèves en situation de handicap de terminale à l’enseignement supérieur serait proche de celui de la moyenne de la population scolarisée en terminale. En revanche, la répartition des étudiants en situation de handicap dans chacune des années du cursus universitaire est différente de celle de l’ensemble de la population étudiante. Elle se caractérise par un abandon plus important en 1° année que dans l’ensemble de la population étudiante. La difficulté d’adaptation rencontrée par l’ensemble des étudiants à l’arrivée à l’université est sans doute plus sensible pour les étudiants en situation de handicap. L’accueil est encore à améliorer pour ces jeunes et c’est notamment le rôle dévolu aux structures handicap des universités. » Une étude intitulée « Le handicap et l’entreprise » menée par l’APEC en novembre 2009 explique que seules 15% des personnes handicapées en recherche d’emploi possèdent un niveau égal ou supérieur au 4 Rapport « Favoriser l’insertion professionnelle des jeunes handicapés - Yvan Lachaud - Député du Gard - Février 2006 Rapport d’intervention enregistré à la Présidence du Sénat le 4 juillet 2012- Claire-Lise Campion et Isabelle Debré – Sénatrices. 6 Actualité de la formation permanente - n°185 - Juillet Août 2013- Handicap et formation - p 29 - Centre inffo - Claudine ColasCouteau : chargée de mission pour la formation professionnelle des personnes handicapées à la DGEFP 7 Rapport du groupe de travail "Professionnaliser les accompagnants pour la réussite des enfants et adolescents en situation de handicap" - juin 2013 - Pour le Ministère de l’Education Nationale et le Ministère des affaires sociales et de la santé 5 7 PLITH 44 – CAFOC de Nantes – Parcours d’insertion professionnelle des jeunes en situation de handicap – Septembre 2014 Bac. Or, « les entreprises ne font pas du social » dit le rapport Lachaud, elles ont besoin de compétences. Sous-entendu, on ne peut pas demander aux entreprises d’embaucher une personne titulaire d’un diplôme niveau IV sous prétexte qu’elle est handicapée quand le besoin porte sur un niveau II. En revanche à compétences égales, il y a égalité de chances. Autrement dit, au sujet de l’insertion professionnelle, il ne faut pas seulement raisonner en termes de handicap mais aussi en termes de compétences. Et c’est là que le bât semble blesser, aux yeux de nombreux observateurs. Malgré la contrainte légale et financière que représente la loi d'obligation d'emploi des travailleurs handicapés du 10 juillet 1987 8 qui incite les entreprises à embaucher des travailleurs handicapés, de nombreux observateurs soulignent la non adéquation entre le niveau des jeunes handicapés et les besoins des entreprises. Les entreprises peinent à trouver les profils qu’elles recherchent du fait de cette sous-qualification. A contrario, l’APEC relève que le nombre de candidats handicapés de formation supérieure sur le marché demeure nettement inférieur à la demande et que le handicap associé à un bon niveau d’étude et de qualification constitue un véritable atout pour le recrutement. 2.2. Le manque d’information, obstacle à l’insertion On évoque fréquemment la question de la méconnaissance des handicaps et de leurs conséquences par les différents acteurs de l’insertion professionnelle qui est à l’origine de représentations et de stéréotypes pouvant nuire à l’intégration des personnes handicapées que ce soit dans leurs parcours de formation ou dans leurs parcours professionnel. Les grandes entreprises ou les centres de formation ont bien souvent des services dédiés, voire des « missions handicap » et sont informés sur les obligations, les droits, les avantages mais aussi les aides possibles en termes d’aménagement, de compensation, d’accompagnement. Ce n’est pas toujours le cas pour les petites structures qui peuvent se trouver démunies et avoir des appréhensions quant à la gestion du handicap. Révélatrice de ce déficit d’information des acteurs, une étude de l’IFOP9 réalisée auprès d’un échantillon de 1002 personnes via un questionnaire en ligne révèle que 46% des personnes interrogées pensent que la 2nde priorité pour améliorer l’insertion professionnelle des jeunes (après l’amélioration de leur formation pour 51%) serait une meilleure sensibilisation des entreprises. On pointe moins souvent le manque d’information des personnes en situation de handicap elles-mêmes (en termes de droits, d’orientation, de lieux d’informations, des acteurs à solliciter, de connaissance des métiers, de leur handicap et de leurs capacités et compétences, etc.) qui peut aussi se révéler facteur potentiel de difficultés voire de rupture. Par exemple, dans les documents étudiés, sont citées les ruptures de parcours pouvant trouver leur origine dans le fait que nombre de jeunes en situation de handicap ont une vision distordue du monde du travail ; les acteurs et observateurs citent plusieurs causes à cette désinformation pouvant engendrer une idéalisation de la situation ou au contraire un phénomène d’autocensure : Certains jeunes ont évolué dans un environnement sécurisant, dans des conditions d’un certain point de vue « protégées » (famille, établissements spécialisés) et n’ont de ce fait pas toujours une vision objective des contraintes liées au milieu ordinaire (horaires à respecter, rythmes, mobilisation nécessaire). Le rapport Lachaud (p12) souligne que « beaucoup de jeunes handicapés – comme d’ailleurs beaucoup de jeunes – n’ont pas conscience des étapes nécessaires à la construction d’un parcours solide. » Une autonomie physique restreinte, des capacités intellectuelles déficientes, des carences éducatives ou encore un déficit d’accompagnement peuvent aussi être à l’origine de ce manque d’information. 8 Toutes les entreprises de 20 salariés et plus ont obligation d'employer (à temps plein ou à temps partiel) des travailleurs handicapés et autres bénéficiaires de l'obligation d'emploi dans la proportion de 6% de l'effectif total de leurs salariés. 9 L’insertion scolaire et professionnelle des jeunes handicapés – janvier 2012 – IFOP pour FNASEPH 8 PLITH 44 – CAFOC de Nantes – Parcours d’insertion professionnelle des jeunes en situation de handicap – Septembre 2014 Certains jeunes n’ayant pas encore accepté, compris ou pris conscience de leur handicap et de ses conséquences, peuvent être démotivés par un cumul d’échecs et cultivent le sentiment de ne pas être à la hauteur. Un autre constat de déficit d’information, ou plutôt de manque de lisibilité des informations, est exprimé par des associations : Pour trouver un dispositif, c'est un vrai parcours du combattant, témoigne Jean-Louis Vigneau, trésorier de l'Association pour adultes et jeunes handicapés. Comment s'y retrouver dans cette constellation d'intervenants – régions, Association pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), organismes collecteurs (OPCA), sans compter l'Agefiph, qui propose son propre catalogue ? Cette dispersion des moyens nuit à la construction de parcours de formation cohérents et longs, nécessaires à une reconversion."10 Toutefois, il est à noter que ce manque d’information semble être moindre dans le cas des jeunes diplômés en situation de handicap. Dans son étude de septembre 201311, l’APEC rapporte que « l’ensemble des jeunes diplômés en situation de handicap rencontrés dans le cadre de l’étude sont particulièrement conscients des réalités du marché de l’emploi. […] Ils entreprennent le plus souvent conjointement des démarches de recherche d’emploi et, plus largement, de recherche d’information sur le handicap, l’organisation de leur vie, leurs droits (si cela n’a pas déjà été fait).» Enfin les sujets du transport et de l’accessibilité reviennent dans plusieurs documents comme pouvant être un frein à l’insertion, voire cause de rupture. La question peut alors se poser s’il s’agit d’un réel problème ou si là encore il peut y avoir déficit d’information quant aux possibilités existantes en termes de réseaux mais aussi d’aides, de droits et d’obligation. 2.3. La question de l’acceptation du handicap L’étape d’acceptation du handicap par le jeune, bien que ce ne soit pas le seul, est un facteur essentiel à la réussite d’un parcours d’insertion. La non acceptation de son handicap, si elle peut d’une part conduire à une non reconnaissance administrative, induit en outre une absence de prise de conscience de ses propres limites, capacités et atouts, un regard erroné sur la réalité et peut donc représenter un frein à l’insertion. Par exemple, une étude faite auprès d’apprentis en région Franche Comté12 révèle qu’une des causes de rupture pendant le contrat d’apprentissage peut être « l ‘incompatibilité physique de l’apprenti avec le métier : allergies, fatigue… conditions de travail difficiles intrinsèques au métier. » Si ce type de rupture, pouvant survenir à différents moments du parcours de tout jeune que ce soit sur des temps de travail ou de formation, semble relever d’une erreur d’orientation, dans le cas d’un jeune en situation de handicap l’origine peut se trouver dans le degré d’acceptation ou de conscience du handicap. En effet, les jeunes ou leur famille dans leur désir de vouloir échapper au statut stigmatisant d’handicapé peuvent être confrontés à chaque palier de l’orientation, à la difficulté de faire le choix entre approche réaliste des capacités et envie de choisir, et de faire valoir l’égalité des chances. En outre, la loi de 2005 incite à l’insertion en milieu ordinaire et ce processus d’inclusion est acté par de nombreux acteurs y compris les entreprises. « Cinq ans après sa mise en application effective, la loi du 11 février 2005 a permis une augmentation significative de la scolarisation des enfants handicapés en milieu ordinaire, tant dans les dispositifs collectifs adaptés tels les Clis et les Ulis, que dans les classes ordinaires avec accompagnement par un auxiliaire de vie scolaire. »13 Du fait de leur parcours intégratif en amont, les jeunes sont demandeurs d’accès au droit commun et d’insertion en milieu ordinaire de travail. Or, selon le handicap (par exemple les handicaps intellectuels et 10 La formation, l’autre handicap – Nathalie Queruel - Le Monde économie – 15 novembre 2010 Les études de l’emploi cadre – n° 2013 – 75 – Les jeunes diplômés handicapés face à l’insertion professionnelle - APEC 12 «Etude EFIGIP : « Ruptures des contrats en alternance : des causes récurrentes » - Décembre 2010 13 Rapport d’intervention enregistré à la Présidence du Sénat le 4 juillet 2012 – Mmes Claire-Lise Campion et Isabelle Debré – Sénatrices. 11 9 PLITH 44 – CAFOC de Nantes – Parcours d’insertion professionnelle des jeunes en situation de handicap – Septembre 2014 psychiques), le parcours peut alors se complexifier, et la déception mal gérée par le jeune (voire la famille) peut conduire à une rupture. 2.4. La reconnaissance du statut handicapé, vrai ou faux atout ? Cette question, dans les écrits consultés, se pose en termes de communication que l’on fait de ce statut administratif et plus particulièrement dans le cadre de recherche ou de maintien dans l’emploi. « Le projet professionnel se construit en outre, avec une double ambiguïté. La sécurité apportée par la reconnaissance du statut de travailleur handicapé (emploi en milieu protégé, aides financières et suivi social éventuels) engage la personne à adopter une position contraire aux aspirations d’évolution professionnelle. Le travailleur est alors susceptible de mettre en place un comportement d’évitement, parallèle à son désir d’intégrer le milieu ordinaire.»14 A cela s’ajoute parfois une volonté de normalité qui peut s’avérer pénalisante dans le parcours d’insertion professionnelle. L’APEC dans son étude rapporte que la majorité des jeunes interrogés ont passé la phase de l’acceptation de leur handicap, ont fait une demande RQTH et n’ont aucun problème à en parler. Cependant, « Si le handicap est facilement évoqué, il est moins une composante identitaire qu’une difficulté personnelle à dépasser. On note sur ce point un fort consensus autour de la volonté de ces jeunes en situation de handicap d’être reconnus pour leurs qualités, leurs compétences, leur personnalité, et non pas en fonction de leur seul handicap. » Or, les professionnels soulignent les risques que comporte la non information sur le handicap d’un candidat ou d’un salarié. Les handicaps non visibles sont souvent compliqués à identifier pour des non spécialistes. Ne pas connaître le statut de handicapé revient à ne pas tenir compte des contraintes, à ne pas mettre en œuvre les compensations ou adaptations nécessaires, et même si les compétences sont là, à risquer la rupture de parcours qui sera pénalisante pour les deux parties. 2.5. Une segmentation du traitement de la personne handicapée préjudiciable à un parcours linéaire « Toute rupture de parcours, toute absence de sécurisation cohérente, peut mettre alors à mal, au cours de cette période (16-25 ans), la réussite de l’insertion future de ce jeune »15. S’il est un point sur lequel s’accordent les observateurs comme étant facteur de difficultés voire de rupture, c’est celui du manque de concertation et de coordination entre les différents acteurs et entre les différentes étapes des parcours, et ce malgré l’implication et la volonté de chacun des acteurs à leur niveau pour favoriser l’insertion professionnelle des jeunes et la qualité de leur parcours. Ce manque de coordination impacte particulièrement l’insertion aux étapes du repérage du handicap lorsqu’il n’est pas visible, des transitions entre les milieux ordinaires et les milieux spécialisés et vice et versa, de l’élaboration du projet professionnel et de la continuité du parcours entre les structures de l’Education nationale et les professionnels de l’insertion des jeunes handicapés. Pour exemple, dans le rapport au Sénat de 2012, il est indiqué que la « forte dispersion des compétences institutionnelles dans le domaine de la formation professionnelle de personnes handicapées (état, conseils régionaux, Pôle emploi, Agefiph, FIPHFP, Cap emploi…) et l’absence de réel partenariat entre les différents acteurs demeurent un obstacle majeur à l’accès à la formation. » 14 Actualité de la formation permanente – n°185 - Juillet Août 2013- Handicap et formation – p 42 – Centre inffo Handicap : l’école et après…? Ruptures et continuité des parcours – Rémy Leblanc - La nouvelle revue de l’adaptation et de la scolarisation – Numéro 63 – INS HEA 15 10 PLITH 44 – CAFOC de Nantes – Parcours d’insertion professionnelle des jeunes en situation de handicap – Septembre 2014 De même, à l’aune de cas concrets, Nelly Blouet s’interroge sur l’orientation de jeunes de plus de 16 ans à la sortie d’un ULIS : « Comment améliorer la synergie à l’échelon local afin d’éviter le cloisonnement entre les niveaux éducatifs et améliorer la coopération entre les services d’accompagnement, entre les services extérieurs des différents ministères ? »16 3. Des leviers et préconisations identifiés « La loi « Handicap » du 11 février 2005 consacre un changement radical de philosophie : … l’objectif est désormais de partir de l’évaluation de ses capacités. Dans cette approche, le projet professionnel de la personne handicapée est considéré comme un élément central de son projet de vie »17 Si cette notion de projet de vie, défini comme « l’expression libre des attentes, besoins, souhaits de la personne et sur lequel doivent se fonder l’évaluation des besoins de compensation et la préconisation de réponses », semble clairement intégrée par chacun des acteurs, la mise en œuvre en est plus complexe de par les différents freins que nous avons cités précédemment et de par le caractère spécifique de chaque situation. Au regard de ces freins, les observateurs ont identifié des leviers d’amélioration et préconisent des actions. Nous avons identifié les axes d’amélioration qui sont les plus fréquemment cités et les avons regroupés sous trois catégories : l’information, l’accompagnement et la coordination. 3.1. Une nécessité d’information adaptée Ce besoin d’être informé concerne l’ensemble des acteurs impliqués dans l’insertion du jeune, parmi lesquels : Le jeune lui-même : dans une démarche d’autonomisation, il semble important qu’il connaisse ses droits, les réseaux spécialisés et aides existants, qui fait quoi, les règles et obligations en termes d’emploi et la réalité du travail en milieu ordinaire ou protégé, etc… Il est essentiel que cette information lui soit accessible en termes de langage au regard de son âge et de ses capacités de compréhension. Les familles : elles seront mieux à même d’aider le jeune dans son orientation si elles connaissent au même titre que lui les droits, les réseaux spécialisés et les aides auxquels recourir, et les différentes filières d’orientation proposées. Les accompagnateurs (enseignants, formateurs, MDPH, etc.) : pour une action efficace et afin de tendre vers une meilleure coordination, il semble nécessaire de connaître les tenants et aboutissants de la loi 2005, identifier les réseaux et les interlocuteurs et comprendre le rôle de chacun, les possibilités de compensation, les options d’orientation, mieux connaître les handicaps, etc. Les prescripteurs : pour eux, il s’agit de connaître les tenants et aboutissants de la loi 2005, d’identifier les réseaux et les interlocuteurs, de distinguer les différentes possibilités de compensation, les options d’orientation, de mieux connaître les handicaps, etc. Les entreprises : la démarche d’accueillir dans ses équipes un(e) jeune handicapé(e) serait peutêtre facilitée si les entreprises avaient plus d’informations concernant la loi 2005, les réseaux et les aides à disposition, mais aussi des indications relatives aux différentes natures de handicap, aux capacités et besoins de la personne accueillie, et aux possibilités de compensation. 16 Handicap : l’école et après…? Ruptures et continuité des parcours - Nelly Blouet - La nouvelle revue de l’adaptation et de la scolarisation – Numéro 63 – INS HEA 17 Rapport d’intervention enregistré à la Présidence du Sénat le 4 juillet 2012 – Mmes Claire-Lise Campion et Isabelle Debré – Sénatrices. 11 PLITH 44 – CAFOC de Nantes – Parcours d’insertion professionnelle des jeunes en situation de handicap – Septembre 2014 3.2. Accompagner le jeune dans la construction d’un projet professionnel cohérent « Cette notion de « projet de vie » […] amène aujourd’hui les textes officiels à substituer la notion d’inclusion à celle d’intégration : […] cette nouvelle conception fait dire à Eric Plaisance (2009) que les personnes handicapées sont « autrement capables ». Suivant cette nouvelle approche, les professionnels du handicap doivent désormais se représenter la personne handicapée comme « actrice de son projet de vie », et l’accompagner, non plus sur le critère de ses déficiences, mais bien sur la base de ses capacités. »18 La cohérence et la réussite du projet professionnel repose sur l’association de plusieurs facteurs. Quatre d’entre eux reviennent plus particulièrement dans les écrits et témoignages consultés. Travailler sur l’acceptation du handicap « Ce travail d’appropriation du handicap par le jeune, du fait de l’autonomisation qu’il représente, facilite grandement son insertion professionnelle »19. C’est une étape essentielle à dépasser pour assurer la continuité du parcours. C’est une étape qui peut s’avérer d’autant plus difficile pour un jeune en pleine construction identitaire. Le handicap, quelles que soient les contraintes qu’il impose, est un obstacle complémentaire sur le chemin de la maturité. Le processus d’acceptation passe par une réflexion et un travail avec le jeune et peut nécessiter l’intervention d’une équipe pluridisciplinaire, un partenariat entre acteurs de l’insertion et du secteur médico-psychologique. Ce qui ramène à la question de la coordination et du décloisonnement entre les différents services. Relever le niveau de qualification des personnes handicapées Pour cela, il faut rendre plus aisé pour les jeunes en situation de handicap l’accès aux études secondaires et supérieures ou à la formation professionnelle lorsque c’est cohérent avec leurs capacités et leur projet. Cela passe par bien sûr par une accessibilité « physique » aux lieux de formation, mais aussi par une meilleure information des orientations possibles, par la validation médicale du projet de formation, par la mise en place des compensations nécessaires et par l’intégration par tous de la notion de temps dans les parcours. Pour pouvoir franchir les paliers et passer d’une étape à une autre, l’accompagnement joue un rôle essentiel. La question clé de l’accompagnement L’accompagnement est reconnu comme étant primordial dans le processus professionnel, et ce, tout au long du parcours de formation. Outre l’accompagnement médical dont peut bénéficier le jeune en situation de handicap et qui sera propre à chaque individu, il s’agit pour les acteurs de l’insertion professionnelle de prendre conscience de l’importance de suivre et accompagner ce public dans toutes les étapes de la construction de son projet : acceptation du handicap, transition identitaire, élaboration, validation et mise en œuvre du projet. Différents dispositifs et outils peuvent être mis en place et les observateurs ne remettent pas en question la qualité de l’accompagnement. Toutefois, l’important serait d’encourager les différents acteurs de l’accompagnement dans l’insertion professionnelle à travailler à la mise en place d’outils communs de suivi de parcours afin d’apporter une meilleure lisibilité de ce parcours, de formaliser les étapes franchies 18 Handicap : l’école et après…? Ruptures et continuité des parcours – Marie-Hélène Jacques - La nouvelle revue de l’adaptation et de la scolarisation – Numéro 63 – INS HEA 19 Rapport « Favoriser l’insertion professionnelle des jeunes handicapés » p12 – Yvan Lachaud – Député du Gard 12 PLITH 44 – CAFOC de Nantes – Parcours d’insertion professionnelle des jeunes en situation de handicap – Septembre 2014 ou restant à franchir, d’identifier les actions déjà mises en place et d’éviter ainsi les répétitions, les oublis ou les orientations contradictoires. La coproduction et l’usage d’outils communs permettraient en outre d’inciter les différents acteurs à collaborer et d’être impliqués dans une construction cohérente des parcours des jeunes. L’accompagnement aux formateurs n’est pas à négliger non plus. Tous ne sont pas armés pour intégrer en milieu ordinaire un jeune en situation de handicap. Les sensibiliser au handicap, leur apporter des ressources, les accompagner dans la réflexion pédagogique et dans l’adaptation des outils et aménagements sont des facteurs de réussite pour le formateur et donc pour le jeune. C’est le rôle que tient par exemple le coordinateur départemental handicap pour les CFA. L’accompagnement ne doit pas s’arrêter au parcours de formation. Il doit se prolonger dans le cadre de l’insertion professionnelle. Que ce soit dans le cadre de stages ou de l’emploi, il est préconisé de « systématiser le recours à un tuteur, formé, pour accompagner les jeunes travailleurs handicapés »20. Ce qui pose aussi la question de l’accompagnement des entreprises, tant en termes de connaissance du jeune, de compensations à mettre en place, de démarches administratives, de formation de tuteurs que d’appui financier. Les accompagnateurs de l’insertion doivent aller au-delà d’une simple mise en relation, ils doivent soutenir l’entreprise dans sa démarche. L’intervention de différents acteurs peut être requise, d’où, là encore l’importance de la coordination des professionnels, thème qui sera développé ultérieurement. Enfin l’accompagnement social a également son importance auprès de ce public et de son entourage. L’accès à la formation ou à l’emploi implique parfois un éloignement de la cellule familiale ou de l’institution dans laquelle le jeune évolue et auxquels tous ne sont pas préparés ; Les services de l’accompagnement à la vie sociale ont alors leur rôle à jouer, encore faut-il qu’ils aient connaissance du besoin et qu’ils aient une bonne visibilité du parcours. Par ailleurs, l’accompagnement des parents peut parfois aussi participer à sécuriser le parcours. En effet, « on constate que nombre d’entre eux, après avoir été des fervents défenseurs du processus intégratif à l’école primaire, au collège, peuvent, face à cette étape de vie, aux risques engendrés par une vie d’adulte insérée, gêner le parcours de leur enfant alors même que celui-ci en est avidement désireux ». Face à ce constat il est préconisé d’associer les parents au cheminement en les tenant informés des évolutions chez leur enfant. Leur permettre de partager leur vécu avec d’autres familles peut également les aider à dépasser cette phase de transition qu’est le passage au statut d’adulte de leur enfant. Améliorer la connaissance de l’entreprise et des métiers Une recommandation que l’on retrouve à plusieurs reprises bien qu’elle soit formulée différemment selon les rapporteurs serait de développer les relations avec les entreprises et de créer une dynamique inclusive entre les jeunes handicapés et les entreprises pour permettre une meilleure adéquation de l’offre et de la demande, mais aussi pour permettre aux jeunes de mieux se connaître en termes de capacités et d’aptitude, d’intégrer leurs limites, de découvrir la réalité d’un métier, et donc de valider leur projet professionnel. Le développement de dispositifs incluant l’alternance est prôné. Le stage, de par son caractère encadré dans le temps, est une modalité jugée très porteuse pour le stagiaire et pour l’entreprise. Cette mise en situation professionnelle va permettre à chacun de prendre conscience des possibilités, des besoins, des axes de progrès et de la pertinence du projet. Une expérience professionnelle réussie, c’est aussi un gain de confiance. 3.3. Décloisonner pour gagner en coordination et en efficacité 20 Rapport « Favoriser l’insertion professionnelle des jeunes handicapés » – Yvan Lachaud – Député du Gard 13 PLITH 44 – CAFOC de Nantes – Parcours d’insertion professionnelle des jeunes en situation de handicap – Septembre 2014 « Il est évident que, plus la jonction sera opérée tôt entre le monde scolaire et celui de la formation professionnelle, plus le parcours de formation des jeunes handicapés sera cohérent ». « Tout jeune handicapé, au terme de son parcours scolaire, doit avoir bénéficié d’une orientation validée par une mise en situation professionnelle (particulièrement un parcours en entreprise). Il ne doit plus y avoir de rupture entre la sortie de l’école et l’entrée dans le monde du travail »21. Globalement, l’axe d’amélioration porte sur le besoin d’une meilleure coordination des différents acteurs qui œuvrent pour l’insertion des jeunes en situation de handicap. Les actions et les structures se relaient, l’articulation n’étant pas toujours coordonnée. Il s’agirait de renforcer les partenariats et l’articulation entre les différents opérateurs, qu’ils soient services de droits communs ou services médicaux, sociaux, enseignement secondaire ou enseignement supérieur, opérateurs de formation professionnelle, prescripteurs, MDPH, etc.). La mise en place des MDPH, comme guichet unique pour la personne en situation de handicap est une réelle avancée. La mise en place de SROMS22, de CPRDFP23, de Com24 apprentissage vont aussi dans le sens d’une meilleure coordination des acteurs. Les SESSAD composés d’équipes pluridisciplinaires ont une approche globale et jouent un rôle d’interface mais seulement jusqu’à l’âge de 20 ans. Le rapport Lachaud suggère la nomination d’un opérateur référent unique appuyé par des opérateurs complémentaires, ainsi que l’accès à un guichet unique d’information pour les entreprises. 4. En synthèse Un ensemble de freins et de leviers qui apparaissent « habituels » ont été identifiés dans la littérature. En synthèse, nous pouvons retenir qu’il n’y a pas un seul frein à l’insertion ou une cause unique de rupture. Elles peuvent être multiples et diverses selon la nature du handicap, selon l’environnement de la personne concernée, selon son degré d’autonomie, et c’est l’addition de différents facteurs qui peut mener à une rupture. Cependant, au-delà des problématiques de santé qui ponctuent les parcours de ces jeunes, l’accent est mis sur 4 points qui semblent constituer l’essentiel des freins, voire être cause de rupture dans les parcours professionnels des jeunes adultes en situation de handicap : une faible qualification ou une qualification qui ne répond pas aux besoins des entreprises qui embauchent ; des orientations subies ou inadaptées au handicap ou au marché du travail ; un déficit d’information des différents acteurs ; une articulation défaillante dans la continuité des parcours, de la scolarité à l’insertion professionnelle. On retiendra des écrits consultés qu’une insertion professionnelle réussie, bien que de multiples facteurs y concourent, semble reposer pour beaucoup sur un accompagnement multidimensionnel, continu et coordonné, sur la sécurisation des différentes étapes de transition et sur une inclusion progressive et encadrée dans le monde du travail. Ces freins et leviers identifiés constituent autant d’hypothèses à vérifier et au moins à confronter aux réalités départementales. C’est l’objet des étapes suivantes de l’étude, à savoir les entretiens menés avec divers acteurs locaux de l’insertion professionnelle des jeunes en situation de handicap. 21 Rapport « Favoriser l’insertion professionnelle des jeunes handicapés » – Yvan Lachaud – Député du Gard Schéma Régional d’Organisation de Médico-Social 23 Le Contrat de Plan Régional de Développement des Formations Professionnelles 24 Contrat d’objectifs et de Moyens Apprentissage -L’objectif général du contrat d’objectifs et de moyens est de promouvoir l’apprentissage dans la Région des Pays de la Loire. Cet objectif sera poursuivi selon les modalités suivantes : - Amélioration qualitative de l’apprentissage en vue de réduire le nombre de ruptures de contrats - Priorité à l’embauche des jeunes inscrits comme demandeur d’emploi - Priorité à l’accroissement du nombre de jeunes au sein de sections correspondant à des secteurs en difficulté de recrutement - Maintien de l’équilibre nécessaire entre les voies de l’apprentissage et de l’enseignement professionnel public sous statut scolaire en réponse à la diversité des situations. 22 14 PLITH 44 – CAFOC de Nantes – Parcours d’insertion professionnelle des jeunes en situation de handicap – Septembre 2014 L III. E PARCOURS DE JEUNES EN SITUATION DE HANDICAP Recueillir le point de vue de jeunes en situation de handicap sur leur parcours d’insertion professionnelle est apparu un élément d’analyse essentiel, une des hypothèses étant que les jeunes n’avaient peut-être pas la même perception ni le même regard que celui porté par les observateurs. Leur donner la parole devait permettre de pouvoir confronter leurs regards à celui de ces observateurs et des différents acteurs pouvant intervenir au cours d’un parcours. 1. Des éléments de méthodologie Le choix des jeunes s’est fait selon des critères prédéfinis en comité de pilotage : On entend ici par public jeune les 16/30 ans. Les jeunes ciblés ont une RQTH (ou une reconnaissance administrative de leur situation de handicap pour les plus jeunes). Les jeunes peuvent avoir tout niveau d’étude d’infra V à formation supérieure. Les jeunes ont (ou ont eu) un projet d’insertion dans l’entreprise. Ils sont soit en formation, soit salariés, soit demandeurs d’emploi. Parmi les salariés, il est jugé pertinent de rencontrer au moins une personne salariée en entreprise privée et une en structure publique. Autant que possible, pour les monographies, il s’agit de choisir des parcours différents, réussis ou non. Le type de handicap n’est pas un critère déterminant. Pour pouvoir entrer en contact avec des jeunes correspondant aux critères, des prescripteurs, des organismes de formation, l’association Handisup et le Centre de Gestion 44 ont été sollicités. Leur intervention a permis de recueillir une liste de jeunes prêts à entendre notre sollicitation. Tous n’ont finalement pas accepté de nous rencontrer pour différentes raisons (pas d’intérêt pour la thématique, pas le temps, changement de situation,…). Au total, sur les 8 prévus initialement, 9 jeunes ont été interrogés. Les entretiens ont été réalisés en face à face à l’exception d’une personne qui ne pouvait se déplacer et pour laquelle l’échange s’est fait par téléphone. 2. Les monographies Les parcours, restitués sous forme de monographies présentées par ordre alphabétique des prénoms dans ce rapport, le sont le plus fidèlement possible, respectant le mode d’expression de chaque jeune ; chaque retranscription de récit, hors titre et analyse située en marge droite, a été envoyée pour relecture et remarques à son narrateur. Le handicap mentionné l’est tel qu’il a été présenté par le jeune. Les questions portaient sur leur parcours professionnel. Toutefois, certains ont jugé nécessaire de retracer le récit de leur parcours scolaire quand pour eux le lien est fort ou explique leur situation actuelle. 15 PLITH 44 – CAFOC de Nantes – Parcours d’insertion professionnelle des jeunes en situation de handicap – Septembre 2014 Le questionnement était organisé selon la progression suivante : La personne • Âge • Statut actuel • Handicap, incapacités, compensations nécessaires Son parcours d'insertion professionnelle • • • Formation Période en entreprise Autres périodes • Freins / causes de rupture identifiées • Leviers / facteurs positifs • Projet ? • Niveau d'information • Accompagnement • Ce qui aurait pu faciliter son parcours ? 16 PLITH 44 – CAFOC de Nantes – Parcours d’insertion professionnelle des jeunes en situation de handicap – Septembre 2014 Adeline – 27 ANS CAP cuisine CFA : CIFAM à Ste Luce sur Loire – Entreprise : COMPASS France à Nantes Handicap : mental Préambule Adeline que nous avons rencontrée pour notre entretien dans les locaux du Cifam de Ste Luce où elle prépare un CAP, explique son handicap comme étant une dysphasie pouvant entraîner des difficultés de compréhension et des troubles du langage. Le parcours d’Adeline Adeline intègre un cursus CAP Services en Milieu Rural en 2005 au Lycée Saint Martin à Machecoul, diplôme qu’elle obtient. Son souhait est alors de devenir aide-soignante avec les personnes âgées. Pendant cette période elle effectue 3 stages de 3 semaines en maison de retraite pour découvrir le métier et l’environnement. « J’ai réalisé au fil du temps que ce n’était pas pour moi, c’était trop difficile » « en plus ça s’est mal passé avec la directrice, il y a eu beaucoup de prises de tête. La directrice n’avait aucune considération et elle n’était pas capable de gérer. Elle disait que j’avais réponse à tout ; je lui ai dit ses quatre vérités en face. ». Adeline prépare ensuite le BEP pendant un an en MFR mais le niveau est trop élevé, elle ne l’obtient pas. Elle cherche une autre orientation. Elle fait alors un stage de 3 semaines en qualité de serveuse à l’aéroport de Nantes. Ce métier lui plait. Un second stage de 1 mois au Baobab à Planète Sauvage lui permet de confirmer son choix de s’orienter vers les métiers de la restauration. Elle décide donc de suivre un CAP CaféBrasserie en apprentissage au CIFAM qu’elle obtiendra en 3 ans. Pendant cette période, elle travaille comme apprentie les deux premières années dans un restaurant ouvrier de Pornic puis 1 an dans un bar-brasserie à Préfailles. Ça se passe bien, son patron 17 lui propose un contrat d’un an supplémentaire. «Je n’ai pas eu de problème pour m’adapter, le courant passait bien ; Le patron me disait : « on dirait plus qu’un employé » ». « Au départ j’étais très timide, ce métier m’a appris à parler. Je suis trop bavarde maintenant, il faut bien que je me rattrape ». Adeline raconte avoir décidé de quitter l’entreprise car elle voulait voir d’autres environnements de travail pour acquérir de nouvelles compétences. Pendant un an et demi, Adeline va chercher du travail sans succès. Elle trouve juste un poste saisonnier de deux mois au Puy du Fou comme employée polyvalente en restauration collective qui lui permet de découvrir une autre façon de travailler et de se sentir plus à l’aise. A cette période, elle est accompagnée par Pôle Emploi puis Cap Emploi dans ses recherches d’emploi. Adeline dit avoir fait beaucoup de demandes et de relances, avoir eu des entretiens d’embauche mais sans succès. « C’était agaçant, le mot est faible, mais on ne peut pas savoir si les personnes sont bien ou non si on ne leur donne pas leur chance ». Adeline ne sait pas expliquer pourquoi ses recherches n’ont pas abouti, elle raconte ne pas avoir eu d’explications des employeurs. Les étapes majeures du parcours d’Adeline CAP Services en Milieu Rural en milieu ordinaire CAP CaféBrasserie en apprentissage en milieu ordinaire en 3 ans CAP Cuisine en apprentissage en cours « Etre inscrite à Cap Emploi ne m’a pas vraiment aidée » déclare Adeline. Ces parents la soutiennent mais cette PLITH 44 – CAFOC de Nantes – Parcours d’insertion professionnelle des jeunes en situation de handicap – Septembre 2014 recherche d’emploi cause des tensions en famille. « Je n’aime pas me tourner les pouces alors parfois ça m’énerve d’attendre». Ne trouvant toujours pas de travail comme serveuse, Adeline sur les conseils de ses parents décide en 2012 de suivre un apprentissage en cuisine avec pour objectif l’obtention d’un CAP. Elle suit les cours au CIFAM et est actuellement apprentie en restauration collective pour le groupe Compass. Elle est sur un temps complet. Adeline raconte que parfois elle comprend à l’envers les consignes, et qu’elle reçoit alors des remarques. Selon elle, elle n’a pas de tuteur dans le cadre de son apprentissage. Elle va terminer son apprentissage en cuisine, mais aimerait trouver de nouveau un emploi de serveuse. Adeline est reconnue Travailleur handicapé depuis son entrée en CAP Café – Brasserie ; Cette reconnaissance a permis de mettre en place des aménagements spécifiques sur le plan pédagogique. Ayant des difficultés à suivre le rythme des cours collectifs, elle est accompagnée au CDR du CIFAM ce qui, dit-elle, lui permet de mieux comprendre. Par le passé, au Collège ou au Lycée professionnel, Adeline dit ne pas avoir bénéficié d’accompagnement spécifique mis à part un suivi en orthophonie : « je ne pense pas que ça m’ait servi à grandchose», commente Adeline. Adeline exprime des attentes importantes de Cap Emploi : « Je voudrais qu’ils m’aident à rencontrer des entreprises et qu’ils m’accompagnent aux entretiens d’embauche. S’ils l’avaient fait, ça m’aurait aidé à trouver du travail ». 18 Comment Adeline envisage-t-elle son avenir professionnel ? Elle raconte vouloir rechercher un emploi à temps plein comme serveuse, dans lequel elle puisse s’épanouir et progresser. « J’aimerais pouvoir prouver à l’employeur que je peux le faire, lui montrer mes capacités et même donner mes propres idées de comment faire. Voire faire plus ou mieux ». Des facteurs de rupture Une mobilité réduite Des difficultés relationnelles et comportementales dont elle ne prend pas conscience Des difficultés de compréhension orale Une vision idéalisée de ses capacités et compétences Des attentes pas toujours en réalisables Une remise en question régulière de son projet professionnel Des leviers mobilisés Des aménagements pédagogiques De l’aplomb et de la volonté Un soutien familial Des compétences PLITH 44 – CAFOC de Nantes – Parcours d’insertion professionnelle des jeunes en situation de handicap – Septembre 2014 Christopher– 24 ANS Sans qualification En CDI, agent de service hospitalier en maison de retraite Handicap : polyhandicaps Préambule Christopher a souhaité que l’entretien se déroule dans les locaux du CAFOC à Nantes. Le handicap de Christopher est très récent, son parcours d’insertion professionnelle en qualité de travailleur handicapé porte de ce fait sur les derniers 6 mois. Le parcours de Christopher En 2013, Christopher est victime d’un incendie dans son véhicule, accident lui ayant provoqué de graves brûlures et ayant nécessité d’importantes greffes. Après un temps de rééducation, il peut reprendre le cours de sa vie. Le parcours professionnel de Christopher avant son accident est émaillé de petits « boulots » dans la restauration et le maraîchage et de périodes de chômage assez longues. Sans formation qualifiante, il peine à trouver un emploi stable et de longues périodes de chômage altèrent sa motivation. Suite à cet accident, dès que son état de santé le lui permet, Christopher s’adresse à la Mission Locale pour trouver un emploi. Les deux expériences qu’il peut alors valoriser sont devenues incompatibles avec son état : travailler dans le secteur espaces verts implique d’être exposé aux UV, ce qui lui est catégoriquement interdit. Un travail en restauration ou dans le secteur agroalimentaire peut l’amener à être exposé soit à la chaleur soit au froid ce qui lui est aussi interdit. Les greffes importantes aux jambes sont source de problèmes de circulation sanguine et obligent Christopher à changer fréquemment de position, une position debout ou immobile prolongée pouvant engendrer des complications. Courant 2012, il a eu une petite expérience 19 d’agent de soins hospitalier en foyer de personnes âgées. Ça semble être une piste possible à exploiter. La Mission Locale lui conseille alors de s’inscrire sur une action d’orientation de 3 mois avec le CFP Presqu’île afin d’élaborer et valider un projet qui soit compatible avec ses nouvelles incapacités. Christopher intègre la formation en décembre 2013. Il s’intéresse d’abord à une formation qualifiante sur 9 mois en mécanique mais cette option s’avère trop risquée pour ses greffes dans les trois années à venir. Dès janvier, il effectue un stage comme agent de soins qui se passe très bien. Après s’être assuré de la compatibilité du métier avec son handicap sur le plan sanitaire, il est embauché en CDI à temps partiel (26h hebdomadaires) dés la fin de sa formation. Aujourd’hui, Christopher analyse la situation. Les leviers de cette reconversion « éclair » sont divers : Une prise de conscience : « Quand on sort de ce type d’accident et après des semaines de coma, c’est ème comme une 2 vie, on profite de chaque moment présent et on ne s’apitoie pas sur son sort ». L’action d’orientation : « ça m’a été très utile. C’est un soutien moral, ça m’a permis de reprendre un rythme, de créer un nouveau réseau social et professionnel et d’obtenir des Les étapes majeures du parcours de Christopher Pas de qualification Des emplois précaires Une action d’orientation Un CDI comme agent de service hospitalier en maison de retraite PLITH 44 – CAFOC de Nantes – Parcours d’insertion professionnelle des jeunes en situation de handicap – Septembre 2014 informations sur les acteurs du handicap ». Un suivi psychologique pour évacuer l’accident et accepter le statut de Travailleur Handicapé. « Au début c’est dur d’être dans une case ». Christopher dit que le fait que son handicap soit peu visible (le visage n’a pas été touché), « c’est un avantage car on n’a pas à supporter le regard des autres. » La prescription par la Mission Locale, même si ensuite il n’a plus eu de nouvelles. L’équipe de l’organisation dans laquelle il a réalisé son stage. « Les personnels de maison de retraite de par l’environnement et le public accueilli sont déjà sensibilisés au handicap, c’est important. Et j’ai moi-même expliqué la situation aux collègues et aux résidents qui se posaient des questions sur mes bandages aux mains et mes gants de protection ». Selon Christopher, certaines situations ou éléments auraient pu être un frein voire une cause de rupture dans son parcours de réinsertion professionnelle : Une période trop longue sans projet. Un manque de mobilité car Christopher se déplace aujourd’hui en transports en commun. Un projet mal préparé et non adapté à ses incapacités qui aurait pu être un nouvel échec et source de démotivation. Christopher reconnaît que la RQTH lui donne des avantages comme un complément financier à son salaire à temps partiel par le biais de l’AAH. En revanche, il dit rencontrer des gens qui selon lui abusent des droits que donne le statut de TH et ne voudrait pas y être associé. « On peut en abuser, ça me dérange ». Aujourd’hui, Christopher n’exclut pas de se former dans son nouveau métier pour 20 se qualifier et pour devenir plus tard aide-soignant, voire infirmier. Des facteurs de rupture Un nouveau statut de personne handicapée Le regard des autres Une mobilité réduite L’absence de qualification Un projet professionnel à construire Des leviers mobilisés Un accompagnement professionnel dans la construction de son projet Une volonté et un optimisme décuplés par les circonstances Une entreprise et des collègues à l’écoute PLITH 44 – CAFOC de Nantes – Parcours d’insertion professionnelle des jeunes en situation de handicap – Septembre 2014 Marianne – 20 ANS Etudiante en BTS - Lycée Sacré Cœur - Nantes Handicap : moteur, suite à une lésion cérébrale de naissance. Préambule L’entretien avec Marianne s’est déroulé par téléphone pour des raisons de mobilité et d’agenda. Les contraintes liées au handicap de Marianne sont essentiellement du champ de l’accessibilité et de l’écriture manuscrite. La prise de notes informatique ne lui pose en revanche pas de problème particulier. Le parcours de Marianne Marianne a suivi une scolarité en intégration totale en école ordinaire jusqu’à la fin du primaire. Elle intègre un établissement adapté (La Durantière) au Collège afin de bénéficier des aménagements nécessaires et de suivre un cursus approprié, le niveau et le rythme en milieu ordinaire devenant difficiles à suivre par Marianne du fait de son handicap. En fin de cycle elle intègre le Lycée des Bourdonnières qui a la particularité de permettre à des jeunes en situation de handicap de suivre leur scolarité tout en disposant d’un centre de soins et de rééducation sur site. Elle est donc intégrée dans une classe ordinaire avec une structure adaptée accolée. « On avait le même emploi du temps que les autres élèves de la classe ». En seconde, Marianne bénéficie d’une AVS sur place qui lui prend les notes manuscrites. Ensuite, Marianne s’est débrouillée avec les copies de cours de ses copines. « Je pensais que ça suffirait, et ça a fonctionné». Pour les contrôles, elle pouvait compter sur un bon accompagnement qui consistait en une AVS secrétaire et d’un ordinateur mis à disposition dans une salle au centre de soins. Après concertation avec ses parents, Marianne opte pour un BTS STG. Les métiers de bureau sont compatibles avec les contraintes liées au handicap. L’arrivée au Sacré Cœur en BTS STG en 21 intégration totale se révèle beaucoup plus compliquée particulièrement sur le plan logistique : portes non automatiques, « il y a des portes qui s’ouvrent en tirant vers soi, et il y a des escaliers juste derrière, alors avec le fauteuil c’est pas évident.. », pas de mise à disposition de poste informatique en cours, … Selon Marianne, l’encadrement du Lycée n’est pas suffisamment à l’écoute de ses besoins. « J’avais connu Handisup et leurs services car ils étaient venus faire de la sensibilisation aux Bourdonnières ». Marianne leur fait appel pour l’obtention d’une AVS qui l’aide dans les actes de la vie quotidienne (Aller en cours, déplacements, toilettes..) mais pas pour les cours. « Je pensais ne pas en avoir besoin pour les cours car je croyais pouvoir avoir un ordinateur mis à disposition par l’établissement». Le fait qu’on ne puisse pas mobiliser un ordinateur pour elle est un vrai problème puisqu’elle manque d’autonomie dans l’écriture manuscrite. Ça signifie qu’elle ne peut travailler seule. « Parfois je passe le temps sans pouvoir rien faire en cours ». « J’ai été souvent en larmes car je n’en pouvais plus ». « La première année je me suis beaucoup reposée sur mes collègues, mais l’entraide ça va un moment, je sens que ça commence à peser ». Marianne ressent une forme d’exaspération de certains enseignants. Elle analyse : « Ce serait plus simple je pense s’il y avait une meilleure sensibilisation des enseignants au Les étapes majeures du parcours de Marianne Primaire en milieu ordinaire Ecole et instituts adaptés jusqu’au Bac Stages en association et entreprise BTS STG en milieu ordinaire PLITH 44 – CAFOC de Nantes – Parcours d’insertion professionnelle des jeunes en situation de handicap – Septembre 2014 handicap et à mes besoins spécifiques ». Au vu des difficultés rencontrées la première année, Marianne a un rendezvous avec la Direction et sa référente Handisup avant l’entrée en 2nde année. Marianne constate qu’il n’y a pas eu de passation d’information ni de concertation entre Les Bourdonnières et le Sacré Cœur, mais ne peut l’expliquer : « Si ça avait été fait, ça aurait peut-être permis que les profs comprennent mes difficultés à la prise de notes. Je me suis adaptée autant que possible et du coup, quand j’ai un problème, les profs tombent des nues ». Ce qui relève du bon sens pour Marianne ne l’est pas toujours pour les services pédagogiques et administratifs. Pour les examens à venir, elle doit aller visiter la salle d’examens dans un autre établissement avec Handisup pour voir si c’est accessible et dans le cas contraire demander une dérogation pour le passer ailleurs. « Après le BTS, je compte arrêter, je sature au niveau des études avec les contraintes. Il est temps que ça se termine » . Dans le cadre de sa formation, Marianne réalise 2 stages. Un chez Handisup pendant 6 semaines, « … j’ai fait des démarches de recherches de stage mais comme je n’avais toujours rien, Handisup m’a proposé un stage ». Elle réalise son second stage au Comité d’Entreprise d’Airbus à Nantes pendant 2 mois. Elle a en charge des missions d’organisation d’évènements, la gestion des déplacements, la gestion des agendas et de la bureautique. Une AVS intervient sur son lieu de stage pour les actes de vie quotidienne et pour son transport. « Ça s’est bien passé, je n’ai pas de besoins particuliers mis à part l’accessibilité et l’ordinateur ». Marianne souligne l’importance de l’accompagnement et la mise en confiance apportés par l’équipe dans laquelle elle était. Concernant la recherche d’emploi, elle considère que mettre en avant sa RQTH peut être un frein à l’embauche. Au vu de la lourdeur du handicap, Marianne pense que les postes qui pourraient lui être proposés ne seraient pas cohérents avec ses compétences et ses capacités. 22 Des facteurs de rupture Un rythme et un environnement de formation inadaptés à ses capacités Une difficulté d’intégration en milieu ordinaire sous-évaluée Un défaut d’aménagement approprié Le manque de communication Un découragement face aux difficultés rencontrées Des leviers mobilisés Des structures éducatives adaptées Une aide humaine au quotidien Le groupe ou l’équipe La mobilité Le recours à l’accompagnement par une structure dédiée comme Handisup PLITH 44 – CAFOC de Nantes – Parcours d’insertion professionnelle des jeunes en situation de handicap – Septembre 2014 Mégane– 21 ANS Demandeur d’emploi Handicap : moteur, maladie génétique évolutive Préambule Mégane a souhaité que l’entretien soit réalisé dans les locaux de la Mission Locale de Derval pour des critères de proximité et de facilité d’accès. Les conséquences de sa maladie sont des troubles des réflexes, une fatigabilité plus importante, des déplacements limités. Mégane utilise aujourd’hui un déambulateur dans ses déplacements et ne peut conduire sur de longues distances ni dans des environnements avec trop de circulation. Le parcours de Mégane nde Mégane suit une 2 générale puis elle s’oriente en bac STG Gestion des Ressources Humaines à Châteaubriant. Dans la continuité, elle suit un cursus BTS Assistante de gestion dans le même établissement. Mégane raconte avoir fait elle-même le choix de sa formation et de son orientation bien qu’elle ait dû faire le deuil de certaines professions au regard des restrictions imposées par son handicap : « je l’ai choisie, mais parce qu’il y avait le handicap, sinon je n’aurais jamais fait cette voie-là. […] « A la base, je visais deux métiers, c’était avocate ou policière; Policière j’ai tiré un trait, et pour avocate, j’étais restreinte aussi entre le rythme, les cadences et les années d’études, c’était compliqué ». Elle fait son cheminement et son choix seule avec l’appui et les conseils de ses parents. « Si j’avais été seule, je ne sais pas si j’aurais continué. La raison me disait de continuer pour avoir un bagage, er mais après le 1 stage en entreprise en 1ère année, je n’avais plus envie de retourner en cours, je préférais le concret de l’entreprise ». Les contraintes et problèmes liés au handicap commencent à apparaître ère réellement en 1 et terminale. Mégane choisit ce BTS de nouveau parce que le métier reste compatible avec les contraintes liées à son handicap, ne lui déplait pas et lui permet de rester à 23 Châteaubriant dans un environnement qu’elle maîtrise, avec des enseignants qui la connaissent, et ce, même si les locaux ne sont pas adaptés. « C’était que des escaliers, c’était juste une horreur ». Ses collègues l’aident à circuler notamment dans les escaliers. « Actuellement, des travaux sont en cours pour la mise en conformité » précise Mégane. A l’époque elle préfère cette situation que de devoir aller dans un établissement accessible à Nantes. « A la base je devais aller au Sacré Cœur à Nantes où tout était adapté, et j’ai eu la trouille de partir […] j’avais du mal à quitter mes parents et mes amis à ce moment-là ». Dans le cadre de cette formation BTS, Mégane doit faire plusieurs stages représentant 3 mois dispersés sur 2 ans. Elle fait ses recherches elle-même et réalise tous ses stages dans la même entreprise qui commercialise des vérandas et des fenêtres. La première année elle travaille essentiellement sur des missions d’assistanat commercial, la seconde année sur des missions liées à la sécurité au travail. Au sein de l’entreprise où Mégane fait son stage, son caractère, son dynamisme font la différence. C’est aussi la relation avec la responsable qui joue lors du recrutement : « Elle a apprécié le fait que j’ai du caractère et que je sois souriante. Pour la relation clients, c’est important. C’est avec moi qu’elle a eu le meilleur « feeling », elle me l’a dit après, et ça a fait la différence parce qu’on était trois ; Elle a évoqué mon handicap et comme Les étapes majeures du parcours de Mégane Une scolarité en milieu ordinaire Un Bac STG puis un BTS PME/PMI Des stages en entreprise PLITH 44 – CAFOC de Nantes – Parcours d’insertion professionnelle des jeunes en situation de handicap – Septembre 2014 elle voyait que ça ne me gênait pas d’en parler, c’est moi qui ai eu le poste ». Elle ne souhaite pas faire de licence car les expériences en entreprise lui ont bien plu et elle en a « marre » de la partie théorique. Pendant cette période de BTS, Mégane loge seule en appartement à Châteaubriant. Aujourd’hui elle est revenue sur Derval et vit toujours en autonomie en appartement. Il n’y a pas eu de réelle rupture dans le parcours d’insertion professionnelle de Mégane selon ses dires, si ce n’est depuis qu’elle a terminé ses études. Dès l’obtention de son BTS, elle se met en quête d’un emploi seule dans un premier temps en allant sur internet. Ne trouvant rien, elle s’inscrit ensuite à Pôle Emploi à compter de septembre 2013 ; « ça n’a pas changé grand-chose en fait, j’étais inscrite, c’est tout. » La Mission Locale de Derval la contacte alors pour assurer son accompagnement dans sa recherche d’emploi en tant qu’Assistante administrative/secrétaire ou assistante commerciale. Elle fait aussi des candidatures libres. En octobre dernier elle reçoit une proposition pour un contrat aidé pour l’Education Nationale, comprenant des tâches administratives et une partie de travail auprès des enfants. Elle décline l’offre car elle pense pouvoir obtenir au même moment un autre poste plus intéressant d’assistante administrative à temps complet qu’elle n’obtient finalement pas. « Le contrat aidé, c’était bien, mais l’autre poste m’intéressait plus et au final l’autre poste, ça ne s’est pas fait, je n’ai pas eu de suite, et je me suis retrouvée sans rien ». Mégane cherche depuis 6 mois un emploi et trouve ça trop long. « … J’ai postulé beaucoup en candidature spontanée, parce qu’il n’y a pas trop d’annonces comme assistante administrative dans notre secteur géographique, et je cherche aussi dans un périmètre restreint parce que je ne peux pas conduire longtemps, ça n’avantage pas non plus...». Elle exprime qu’une trop grosse coupure entre la fin de ses études et l’entrée en poste peut être source de baisse de moral. « Moi j’étais dans l’optique de trouver idéalement sous les quatre mois […] les 24 journées sont longues quand on recherche et qu’on ne trouve pas ». Elle envisage depuis peu de rechercher sur Nantes, « … ça m’a redonné le sourire, je regarde les annonces tous les jours ». Elle voit plus de postes sur des durées plus longues, à partir de 28h hebdomadaires. « Par ici, dès que c’est pour un handicap, c’est dans les 20 heures, ce n’est pas assez et à Nantes ils acceptent des débutants et pour des postes beaucoup plus intéressants que par ici […] Je ne sais pas si ça va aider, mais pour le moral c’est mieux de voir qu’il y a des offres plus intéressantes ». Elle serait prête à déménager car elle pourrait bénéficier des services de ProxiTan pour ses déplacements. Aujourd’hui, Mégane précise que ce qui freine ses recherches sur Nantes, ce sont les contraintes organisationnelles : « Ce qui restreint aussi, c’est que Pôle Emploi ne met pas les dates d’embauche, mais comme moi j’envisagerais de déménager, j’aimerais bien connaitre les dates d’embauche pour pouvoir m’organiser». Ce sont aussi les délais d’attente pour l’obtention de la carte d’invalidité délivrée par la MDPH (qu’elle estime à 4 mois environ). En effet, selon elle, sans cette carte, Mégane ne pourra pas bénéficier des services de ProxiTan et aurait donc un souci de mobilité. Elle dit préférer attendre d’avoir la carte pour chercher du travail afin de pouvoir déménager rapidement si un travail se présente et pouvoir être autonome dans ses déplacements. Elle ne l’avait pas demandée plus tôt car elle ne savait pas à quoi ça pouvait lui servir. Avant ses 20 ans, c’était sa maman qui s’occupait de tout ; elle n’avait ni reconnaissance TH, ni d’informations sur la MDPH ou l’Agefiph. C’est par le biais d’une amie handicapée, de ses visites au CHU ou de son kinésithérapeute qu’elle a appris qu’elle pouvait faire ces démarches de demande de reconnaissance et qu’elle a entendu parler de l’Agefiph « mais ça reste flou pour moi ». Aujourd’hui c’est Mégane qui s’informe petit à petit. La Mission Locale accompagne Mégane dans sa recherche d’emploi et la consolidation de son parcours. Mais Mégane n’y a pas trop recours, elle dit aimer se débrouiller seule. « Je n’aime Des facteurs de rupture La non accessibilité des locaux Une mobilité réduite Des freins organisationnels à dépasser Une vision idéalisée de son employabilité en matière de compétences Une faible connaissance et une appréhension du milieu de l’entreprise Le manque d’expérience PLITH 44 – CAFOC de Nantes – Parcours d’insertion professionnelle des jeunes en situation de handicap – Septembre 2014 pas trop qu’on soit derrière moi, qu’on me surveille, je suis autonome dans mes recherches ». La conseillère qui l’accompagne lui propose d’envisager de faire une formation en attendant afin de renforcer ses compétences en comptabilité et développer son employabilité sur son secteur géographique. Mais vu qu’elle envisage de postuler sur Nantes, les postes étant moins polyvalents qu’en milieu rural, Mégane s’interroge sur la pertinence de faire cette formation. « Sur Nantes, ils recherchent beaucoup moins l’aspect compta pour les postes de secrétaire, ils ne mélangent pas tout, alors le problème ne se pose plus vraiment et puis il y a aussi une question de budget. Je dois voir s’il y a un financement possible ». Mégane dit aujourd’hui que son expérience professionnelle est trop faible. « A chaque fois, ils demandent un an minimum, donc je réponds à chaque fois mais je n’ai pas assez d’expérience, donc je ne suis pas retenue ». Elle pense qu’une formation en alternance aurait été mieux adaptée et permettrait une meilleure employabilité. Mais elle le rappelle, à l’époque où son choix s’est fait, « il aurait fallu partir à Nantes et je n’étais pas prête à partir dans un environnement nouveau. » Mégane évoque d’autres facteurs qui selon elle contribuent à la difficulté de trouver un emploi comme la conjoncture économique ou la politique handicap des entreprises : « C’est aussi une question de période, j’en connais plein de mon BTS qui sont sans emploi. Il y a peut-être aussi le problème de l’accessibilité des entreprises, quand ils voient que je suis handicapée en fauteuil, ils se disent que ce n’est pas la peine ». « L’appréhension que certains ne comprennent pas le handicap ou qu’ils aient des à priori… ». « Le mieux c’est de côtoyer déjà un handicapé […] Certains sont « coincés » à la vue d’un handicapé, ils n’osent pas rigoler de peur que la personne interprète mal quelque chose … ». Jusqu’à présent Mégane mentionnait son handicap dans ses recherches d’emploi car de toutes façons, « j’ai un handicap qui se voit donc rien ne sert de le dissimuler » dit-elle. N’ayant aucune réponse positive, elle commence à 25 envoyer des candidatures sans préciser la nature de son handicap, « … mais ça ne change pas grand-chose » dit-elle. Selon elle, notifier sa RQTH n’est ni un frein, ni un atout, ça dépend des personnes et des entreprises, « …ça peut-être tout l’un ou tout l’autre ». Son inquiétude porte aussi sur l’intégration dans une nouvelle entreprise du fait de son handicap. « En stage ça s’était bien passé, mais c’était une entreprise familiale, on était trois, donc ce n’est pas pareil, et elles étaient jeunes. Sur Nantes je ne connais pas du tout l’esprit entreprise et ce sont plus de grosses structures que je vise, je ne sais pas du tout comment ça se passe ». Parmi les facteurs facilitant l’insertion professionnelle, Mégane souligne l’importance de bénéficier du soutien de sa famille qui l’accompagne dans ses démarches et réflexions, l’aide dans la recherche d’alternatives, mais lui laisse son autonomie. Quant à un accompagnement spécifique du fait de son handicap, Mégane raconte ne pas en avoir eu (hors médical) pendant son parcours de formation, elle n’en voyait pas la valeur ajoutée. Elle précise : « Je suis un peu tête de mule, on me l’a proposé mais je l’ai refusé ; Au Lycée j’ai rencontré un médecin scolaire, avec qui ça s’est très mal passé alors après, j’ai dit « niet » à tout ce qu’on me proposait, je ne voulais plus en entendre parler.[…] En début de BTS, j’ai rencontré une infirmière scolaire qui m’a demandé comment faciliter ma vie au Lycée, sauf que les travaux d’accessibilité ont commencé à ce moment-là, il n’y avait pas grand-chose à faire. » […] ; « Au CHU il y a des psychologues, mais je n’ai jamais accepté d’en rencontrer un ». Pour Mégane elle aura réussi son insertion professionnelle si elle trouve la « bonne » entreprise avec une bonne ambiance et qu’elle évolue dans un environnement personnel rassurant. « Entreprise, logement, transport, il faut que tout soit réuni ». Les autres leviers de réussites cités par Mégane sont : L’adaptation des locaux, leur accessibilité. Des leviers mobilisés Un optimisme et une détermination débordante Une acceptation affichée de son handicap Les compensations Un environnement familial autonomisant PLITH 44 – CAFOC de Nantes – Parcours d’insertion professionnelle des jeunes en situation de handicap – Septembre 2014 Un projet professionnel qui tienne compte des contraintes de la personne. L’entreprise et sa politique d’insertion des personnes handicapées est importante. « La méconnaissance du handicap peut faire peur et freiner l’intégration de personnes handicapées dans les équipes. Le fait de devoir adapter un poste de travail peut aussi faire peur aux entreprises ». Le facteur temps et l’inactivité : « si la recherche d’emploi est trop longue, on peut vite avoir des baisses de moral et se décourager ». 26 PLITH 44 – CAFOC de Nantes – Parcours d’insertion professionnelle des jeunes en situation de handicap – Septembre 2014 Pierre – 25 ANS Demandeur d’emploi Handicap : auditif Préambule L’entretien avec Pierre s’est déroulé le 17 Mars. A sa demande, nous nous sommes rencontrés dans les locaux de Cap Emploi, lieu au sein duquel il a ses repères. Pierre est malentendant appareillé ce qui a permis une communication aisée. L’entretien n’a pas été enregistré. Le parcours de Pierre Pierre, du fait de sa surdité, a suivi une partie de sa scolarité primaire en école spécialisée accueillant de jeunes déficients auditifs. Cette étape lui a permis d’aller à son rythme en termes d’apprentissage, de bénéficier d’un enseignement individualisé et d’apprendre la langue des signes. A l’issue du cycle primaire, sa scolarité suivant son cours, il intègre un collège en milieu ordinaire. Il se retrouve alors dans une classe de 25 personnes sans attention particulière et se retrouve confronté à un problème de compréhension ; Il doit redoubler sa ème 6 . Il intègre alors un institut spécialisé géré par l’APAJH, La Durantière qui propose une pédagogie individualisée. Les petits effectifs par classe vont lui ème permettre d’atteindre le niveau 3 . En 2006 il intègre l’établissement Leloup Bouhier et obtient son brevet des collèges. De 2006 à 2008, Pierre prépare un CAP agent de maintenance en bâtiment et collectivités au Lycée la Baugerie à Saint Sébastien sur Loire. Etant dans une classe à petit effectif, il obtient son CAP puis réalise des missions intérimaires de petits travaux d’électricité. Il décide ensuite de se perfectionner et de passer un CAP installateur sanitaire en alternance. Son apprentissage se passe sans encombre mais les travaux qu’il effectue au sein de l’entreprise dans laquelle il poursuit son apprentissage ne 27 sont pas en cohérence avec le référentiel du CAP. Il ne l’obtient pas. Il s’inscrit alors comme demandeur d’emploi en septembre 2010. 2 mois plus tard, il est embauché pour un remplacement de 3 semaines dans une maison de retraite pour des travaux de maintenance. Cette mission se passe bien. Il doit attendre mars 2011 pour retrouver un poste dans un chantier d’insertion « Réagir ensemble » comme agent polyvalent du bâtiment. Il y restera 12 mois. Là aussi, Pierre raconte s’être bien intégré. Il est de nouveau sur le marché de l’emploi en mars 2012 et accepte pour 3 mois un poste d’ouvrier de production à la Saprena, entreprise adaptée. Le travail de montage de rolls pour le secteur agroalimentaire ne correspond pas vraiment à ses compétences. Parallèlement il continue à postuler à divers emplois. Il est alors reçu par le Club Med qui lui propose un poste pour 4 mois dans le club d’Avoriaz pour assurer l’entretien, la petite maintenance et les travaux de peinture sur le village. Pierre parle avec enthousiasme de cette expérience. L’équipe est jeune, il est parfaitement intégré. A l’issue des 4 mois on lui propose un autre contrat de 10 mois sur le Village d’Opio dans le sud de la France. Pierre accepte. Aujourd’hui il est demandeur d’emploi depuis fin octobre et trouve la période d’inactivité un peu longue. Il passe toutes les semaines chez Cap Emploi pour voir les offres d’emploi. Il ne peut postuler sur les contrats du type Emploi Les étapes majeures du parcours de Pierre Ecole et instituts spécialisés pour jeunes déficients auditifs Collège en milieu ordinaire CAP agent de maintenance en bâtiment et collectivités Niveau CAP installateur sanitaire Depuis 2010, alternance d’emplois comme agent de maintenance et agent de production en industrie en chantier d’insertion, en entreprise adaptée ou en milieu ordinaire de travail. PLITH 44 – CAFOC de Nantes – Parcours d’insertion professionnelle des jeunes en situation de handicap – Septembre 2014 d’avenir car il n’a pas encore 6 mois de chômage. Il attend une réponse de la part du Club Med qui aurait peut-être un poste à lui proposer sur La Plagne pendant la période estivale. Même s’il n’est pas facile de quitter sa famille, son club de sport et son environnement, l’esprit du Club Med lui convient car le travail correspond à ses compétences, l’ambiance est bonne et il apprécie de voyager et de découvrir de nouveaux environnements. Pierre considère qu’il n’a pas vécu de rupture compliquée lors de son parcours ; il espère juste que la période de chômage qu’il traverse actuellement ne durera pas trop. Pierre a toujours eu un soutien de sa famille. Il considère l’accompagnement qu’il a reçu comme étant un facteur de sa réussite, que ce soit l’accompagnement familial, médicosocial ou professionnel. Il cite pour exemple le fait d’avoir été suivi par le même orthophoniste depuis la maternelle pendant des années, cette personne assurant un lien entre les différentes structures où Pierre a évolué. Il reconnait aussi que s’il avait été maintenu dans des classes ordinaires à effectif supérieur à 15 personnes, il aurait eu des difficultés à suivre. Les aménagements pédagogiques et accompagnements spécifiques dont il a bénéficié pendant toute sa formation ont contribué à la réussite de son parcours. Aujourd’hui il s’appuie aussi beaucoup sur l’accompagnement de Cap Emploi. Selon Pierre il faut oser expliquer son handicap et les contraintes si on veut que son intégration se passe bien. Il sait que les personnes doivent lui parler lentement et clairement pour qu’il les comprenne, il le dit dès le départ. A la question sur le rôle de la RQTH qu’il a obtenue en 2006, Pierre considère que c’est un plus de l’avoir car il est conscient qu’il peut bénéficier de conditions particulières du fait de sa reconnaissance (ex : droit au CUI) et que les entreprises peuvent avoir intérêt à recruter une personne bénéficiant de la RQTH. 28 Des facteurs de rupture Un rythme et un environnement de formation inadapté à ses capacités Une difficulté d’intégration en milieu ordinaire sous-évaluée Une durée d’inactivité trop longue Des leviers mobilisés Des effectifs réduits et l’individualisation pédagogique L’alternance La mobilité L’accompagnement professionnel et familial Une bonne connaissance des contraintes liées à son handicap en milieu professionnel PLITH 44 – CAFOC de Nantes – Parcours d’insertion professionnelle des jeunes en situation de handicap – Septembre 2014 Pierre-Yves – 20 ANS Demandeur d’emploi Handicap : mental – De naissance Préambule La rencontre avec Pierre-Yves s’est faite au sein de l’organisme de formation CFP Presqu’île, structure dans laquelle il a suivi sa dernière formation avec l’objectif de valider un projet professionnel. Pierre-Yves parle de son handicap avec quelques difficultés, il dit ne pas l’accepter. Ce handicap selon lui se traduit par une lenteur dans l’accomplissement des tâches et une compréhension parfois erronée des consignes. Le Parcours de PierreYves Pierre-Yves entre en 6ème au Collège de Pont Rousseau à Rezé. Dès la classe de 5ème, il commence à effectuer des stages courts pour découvrir des métiers. Il fait des stages d’1 semaine chacun dans un établissement de toilettage pour animaux, dans une bibliothèque puis dans une boulangeriepâtisserie. Il fait de nouveau des stages de découverte en 4ème : en boulangerie/pâtisserie, en médiathèque et un mini stage d’une journée à l’école d’imprimerie de Nantes. Ces stages lui permettent de découvrir des métiers, mais tous les milieux professionnels découverts lui plaisant il n’arrive pas à décider d’une orientation. C’est à cette époque que la demande de reconnaissance du handicap est faite à l’initiative de sa famille. « Ils m’ont dit que ça m’ouvrirait des portes ». Accepter d’être reconnu personne handicapée a été et reste très difficile pour PierreYves. « Jusqu’à mes années de Collège, je ne me considérais pas comme ayant un handicap ; Quand on l’apprend comme ça à 16 ans, on a un peu de mal à l’accepter… et d’ailleurs j’ai encore du mal à l’accepter ; c’est jamais facile, surtout quand on en est conscient ». Aujourd’hui, il se dit résigné mais supporte mal le regard que certains portent sur lui. « Aujourd’hui, si je ne l’avais pas ou si je ne savais pas que je 29 l’avais, je m’en porterais mieux je pense ». A cette époque il semble qu’il ne bénéficie d’aucun accompagnement, «on ne m’a jamais proposé » affirme-t-il. Orienté en 3ème prépa-pro au lycée Jean-Jacques Goussier, il continue à faire des stages. 25 26 En 2010, il intègre la MGI de l’EREA Rivière à Nantes à l’issue de laquelle il obtient son DNB et décide de s’orienter vers une formation qualifiante. Dans ce cadre, il fait quelques stages d’une semaine dans le secteur espaces verts : fleuriste, horticulteur. Puis il réalise un stage en espaces verts à la Mairie de Rezé qui débouchera sur un contrat d’apprentissage ; « C’est ça qui a confirmé mon projet ; j’ai fait mon stage au mois de juin, et je décrochais mon contrat d’apprentissage en septembre. Je n’ai pas trainé, quand j’ai vu que c’était ce qu’il me fallait, j’ai foncé ». Il entame un CAP de travaux paysagers au CFA Rieffel pour deux ans. Il n’obtient pas son CAP de peu ; Il passe avec succès les épreuves des matières générales mais échoue à la pratique du fait d’une trop grande lenteur associée à un stress important. « C’est surtout le stress je pense, parce que l’examinatrice tournait sans cesse autour de mon terrain, elle était là à marcher dessus… Je n’ai pas pu finir. C’était au niveau du rythme et du stress que ça n’allait pas. Et je me suis Les étapes majeures du parcours de Pierre-Yves Scolarité primaire et partie du secondaire en milieu ordinaire MGi en Etablissement adapté Cursus CAP travaux paysagers en apprentissage Stage en EA En recherche d’emploi 25 MGI : Mission Générale d’Insertion ; Objectif : permettre à tous les jeunes d’accéder une formation qualifiante. 26 EREA : Etablissement Régional d’Enseignement Adapté PLITH 44 – CAFOC de Nantes – Parcours d’insertion professionnelle des jeunes en situation de handicap – septembre 2014 aussi bien raté aux épreuves de sport ; je n’étais pas capable de tenir l’endurance, c’était une épreuve éliminatoire… » ; Pierre-Yves pense qu’il lui aurait fallu une année de plus pour apprendre le métier et atteindre les objectifs de l’examen. « C’est bien trop court pour apprendre un métier comme ça où c’est très technique ». Il ne souhaite pas refaire une année entière car cela implique de recommencer intégralement l’année en alternance, et suivre même les matières générales alors qu’il les a obtenues. Il est en apprentissage à la mairie de Rezé pendant 2 ans. A la question, ce stage s’est–il bien passé, Pierre-Yves répond « non » puis « enfin oui et non, j’ai réussi à m’intégrer, ça se passait bien en dehors des chantiers ». Il dit avoir souffert des moqueries de ses collègues et que son maître d’apprentissage bien que professionnel et sympathique ne prend pas toujours en compte les difficultés liées à son handicap « … mais il s’énervait souvent, il me disait que je n’allais pas assez vite … ou il pétait les plombs quand je laissais des trous lors des plantations », et lui dit qu’il doit dépasser ces difficultés. « oui,… mais non, si je n’étais pas handicapé, je pourrais les dépasser, c’est ce que j’essayais de leur faire comprendre, mais… » ; Pierre–Yves ne garde pas un excellent souvenir de cette période, ayant par moments eu envie de lâcher du fait de l’ambiance et des remarques. En fin de contrat en août 2014, PierreYves raconte qu’il a envisagé de repasser son CAP en continu au Grand Blottereau, mais sa candidature n’est alors pas retenue. «Je devais le faire d’ailleurs au Grand Blottereau, sauf qu’ils ne m’ont jamais renvoyé le dossier ; Pendant l’entretien que j’ai eu avec le directeur, ça s’est très mal passé, parce qu’en fait, … on va dire que ce n’est pas forcément quelqu’un de très aimable ; Et du coup ça ne s’est pas fait. » Parallèlement, sa famille l’a inscrit à Pôle emploi sans l’en informer. Sur le coup, il le prend mal. Il est orienté vers Cap Emploi qui lui propose de faire une formation spécifique pour valider son projet professionnel. « Ils m’avaient inscrit à Pôle emploi sans m’en parler, comme si je n’étais pas concerné ; ce 30 n’est pas la première fois qu’ils me font des trucs comme ça. Ça m’énerve, c’est moi que ça regarde en premier lieu, donc sur le coup je l’ai mal vécu, mais finalement comme je n’ai pas été pris au Grand Blottereau, il ne me restait qu’à chercher du travail. » De décembre 2013 à février 2014, il suit une formation avec le CFP Presqu’île pour valider un projet professionnel. Il s’y trouve bien, sans « préjugés » de la part des autres. « Franchement, ça a été la meilleure période, je n’aurais pas pu rêver plus bénéfique » raconte PierreYves en riant. C’est dans ce cadre qu’il fait un stage de 3 semaines dans une entreprise adaptée, la Saprena, dans laquelle il a le sentiment d’avoir trouvé sa place : le travail en lui-même est le même que lors de son contrat précédent mais l’ambiance est très bonne. Il ne reçoit aucune remarque négative de qui que ce soit, on l’accepte tel qu’il est. « C’est là que j’ai senti la différence ». De plus chacun peut aller à son rythme. Cette expérience permet à Pierre-Yves de reprendre confiance en lui. Depuis, Pierre-Yves a postulé dans cette entreprise adaptée, espérant décrocher un contrat de travail. Toutefois, la période hivernale pendant laquelle Pierre-Yves a effectué son stage ne lui a pas permis de démontrer toutes ses compétences. L’entreprise souhaiterait que Pierre-Yves puisse faire un autre stage peut-être plus long sur la période du printemps afin de valider ses compétences. « Eux ils sont prêts à me prendre en contrat, seulement ils m’ont dit que le stage de trois semaines c’est trop court, qu’il faudrait refaire un stage de trois semaines ». Pierre-Yves n’exclut pas la possibilité d’un contrat de professionnalisation. Il a conscience des exigences d’une entreprise ordinaire envers des salariés : avoir de l’expérience, être titulaire d’un diplôme le plus souvent, être productif et respecter un certain rythme, faire preuve de savoir-être et connaître et respecter les règles de sécurité. A ce jour il n’envisage plus de travailler dans une entreprise en milieu ordinaire non adaptée. « Ce n’est pas tant le travail qui est gênant puisque c’est le même, c’est juste le regard qu’on porte sur nous ». Des facteurs de rupture Une vision idéalisée de ses capacités au départ. L’image que lui renvoie le regard des autres, dont la famille. Ses propres représentations du handicap. Le travail en équipe, la dimension relationnelle dans le travail. La faible mobilité géographique. PLITH 44 – CAFOC de Nantes – Parcours d’insertion professionnelle des jeunes en situation de handicap – septembre 2014 « … Parce c’est vrai qu’à la mairie, je commençais à y aller à reculons, j’avais peur […]. J’avais même envisagé d’abandonner l’apprentissage. Je n'ai pas démissionné car, si désagréables et blessantes qu’aient pu être les remarques reçues je me suis dit que je n'avais pas le droit d'abandonner, mais qu’il fallait que je me batte pour réussir. De plus, mis à part le fait que ma période d'essai était terminée depuis longtemps et que je n'avais pas la possibilité de quitter l'entreprise du jour au lendemain, le fait de démissionner voulait dire pour moi choisir la facilité, fuir les problèmes au lieu de les affronter et... donner dans ce cas raison aux personnes qui me critiquaient, il en était évidemment hors de question ». Pierre-Yves dit n’avoir jamais reçu d’accompagnement spécifique pendant son parcours d’insertion, ni au collège ni au CFA. Il déclare n’avoir jamais rencontré de référent handicap mais ça ne semble pas lui poser de problème. En revanche il a bénéficié de soutien scolaire et rencontré la médecine du travail dans le cadre de son contrat d’apprentissage. Un soutien familial lui parait important s’il est positif. « Je pense que si ma bellemère n’avait pas fait la démarche de demander la reconnaissance de travailleur handicapé, bien que je n’accepte pas mon handicap, je ne sais pas où je serais aujourd’hui, vu que ma mère n’avait rien fait. La famille ça compte ! ». Concernant la RQTH, Pierre-Yves est partagé ; d’un côté c’est positif de l’avoir car ça ouvre des droits, d’un autre côté ça lui rappelle qu’il est en situation de handicap et ça rend visible son handicap aux yeux des autres. « Quand dans ma famille, on me présente comme un jeune handicapé, je n’ai qu’une envie, c’est de disparaître. Les autres ils n’ont pas besoin de savoir, c’est moi que ça regarde. » En matière de recherche d’emploi, Pierre-Yves est aujourd’hui accompagné par Cap Emploi. Il sait qu’il peut obtenir des informations auprès de cette structure en cas de besoin. Il rencontre son conseiller chaque semaine. « Je précise toujours sur mes lettres de motivation ou pendant l’entretien que 31 j’ai une reconnaissance quand je cherche du travail car ça a tendance à faire peur aux entreprises, donc mieux vaut préciser tout de suite ; En plus ils peuvent obtenir des aides ». Aujourd’hui, Pierre-Yves n’a pas le permis de conduire et au-delà du financement, il ne pense pas pouvoir obtenir la conduite du fait de ses soucis de lenteur et de réflexes. La conduite d’un deux roues lui apparait aussi très dangereuse. Il n’envisage donc pas de postuler à un emploi qui soit trop loin de son domicile familial à Pont St Martin. Bien qu’il revendique une certaine autonomie, il dit ne pas avoir envisagé encore de s’installer seul si un emploi se présente ailleurs que sur sa zone géographique. Pour Pierre-Yves, une insertion professionnelle réussie, c’est un projet validé, un métier qui lui convienne avec un rythme adapté et dans lequel il s’épanouisse. « … C’est ce que je dis à ceux qui se plaignent au travail ; Si t’y vas à reculons, à quoi ça sert de rester ?». Pierre-Yves considère la question du salaire en 2nde position. Pour le moment, Pierre-Yves dit vivre plutôt bien la période de « creux » qu’il traverse. Il a pris la décision de privilégier les recherches en entreprise adaptée et est en attente d’une réponse de la Saprena. « L’avantage c’est qu’eux, ils demandent un niveau mais pas forcément de diplôme ». Des leviers mobilisés La définition d’un projet professionnel cohérent La découverte des métiers et l’alternance Le choix d’un milieu professionnel adapté aux capacités L’entourage familial PLITH 44 – CAFOC de Nantes – Parcours d’insertion professionnelle des jeunes en situation de handicap – septembre 2014 Sébastien – 28 ANS En contrat d’avenir pour la Mairie de La Montagne Handicap : mental Préambule A la demande de Sébastien, l’entretien s’est déroulé le 11 avril dans les locaux de Cap Emploi à Nantes. Son handicap se traduit par une lenteur de rythme et de compréhension. Sébastien est un jeune homme très discret et peu loquace ; malgré tout il a accepté de venir raconter son parcours et pour ce faire, il est venu sur un jour de congé. Le parcours de Sébastien ème 27 Sébastien a suivi une 4 SEGPA à Dijon, année pendant laquelle des heures sont dédiées à l’élaboration d’un projet personnel et professionnel. Sébastien souhaitait faire de la plomberie. Il envisage de passer un CAP Plomberie en alternance avec un CFA. Il réalise alors 2 mois d’essais dans une entreprise de plomberie. « Mais ça n’a pas fonctionné, il y avait trop de choses à intégrer ». A l’issue de cette expérience non aboutie, en 2004 Sébastien intègre un dispositif d’orientation professionnelle proposé par le CESAM, centre de formation dijonnais. Ce dispositif propose une remise à niveau et une construction de projet. Dans ce cadre, Sébastien visite différents CFA et assiste à des ateliers pour découvrir différents métiers. Il découvre alors le monde de l’horticulture et après une préqualification de 6 mois au CFA Olivier de Serres de Dijon, il intègre un chantier d’insertion « les jardins du cœur » comme maraîcher. Etant venu rendre visite à des amis installés en Vendée, Sébastien décide de poser ses valises à Nantes. Il est alors accompagné par la Mission Locale. Il trouve en 2005 et pour 2 ans un contrat d’insertion comme Agent Forestier au 27 Section d'Enseignement Général Préprofessionnel Adapté 32 CFE Rieffel à Saint Herblain. « J’étais bûcheron et j’entretenais les espaces verts, ça me convenait ». Dès la fin de son contrat en septembre 2007, la Mission Locale lui propose de suivre une formation avec le CFP Presqu’île. Au cours de ces 6 mois dédiés à la construction d’un projet professionnel et à la remise à niveau, il rencontre une entreprise de ménage industriel ; « ils sont venus présenter leurs métiers, il y avait des postes, j’ai essayé et j’ai été pris ». Il devient alors agent d’entretien en CDI dès sa sortie de formation en mai 2008. Son travail consiste à faire le ménage dans un cinéma. « Je travaillais de nuit et je n’avais qu’un jour de congés par semaine et pour un petit salaire, alors comme en plus le travail n’était pas très intéressant, j’ai fini par me lasser ». Après 2 ans, une rupture conventionnelle est signée et Sébastien recherche un autre emploi. Cap Emploi qui le suit alors, lui propose de suivre une formation qualifiante et Sébastien décide de tenter un CAP travaux paysagers au CFA Rieffel à Saint Herblain. Il est embauché comme apprenti à la Saprena, entreprise adaptée à Bouaye. A l’issue de ces 2 années, il rate de peu son CAP et refait une année avec la Mairie de SaintSébastien pour employeur. « J’ai eu de la chance, je suis tombé sur les pavages au tirage au sort, j’avais déjà fait alors j’ai eu mon CAP ». Etant au chômage, il accepte des missions intérimaires en attendant de trouver un emploi dans son secteur d’activité. Il est alors pris en contrat Les étapes majeures du parcours de Sébastien Primaire en milieu ordinaire 4ème SEGPA Cursus de CAP Plomberie stoppé au bout de 2 mois. Dispositifs d’orientation professionnelle et pre-qualification Chantier d’insertion : maraîchage Contrat Agent Forestier Contrat Agent d’entretien CAP Travaux Paysagers en apprentissage Agent d’entretien des espaces verts en contrat d’avenir PLITH 44 – CAFOC de Nantes – Parcours d’insertion professionnelle des jeunes en situation de handicap – septembre 2014 d’avenir à la mairie de la Montagne comme agent d’entretien des espaces verts. Cette option lui convient bien. Il a les compétences requises, le rythme est adapté, et les horaires lui permettent de concilier vie professionnelle et vie sportive. Sébastien pratique intensivement la course à pied et le cross-country (médaille de bronze au championnat national) et vise les JO paralympiques. Il est licencié à la Fédération Française de sport adapté et à la Fédération Française d’athlétisme. Quand on lui demande ce qui lui a posé le plus de problème dans son parcours d’insertion professionnelle Sébastien avance deux points : Des entretiens d’embauche pendant lesquels tout ne lui paraissait pas clair, il ne comprenait pas ce qu’on lui demandait ou disait et il n’obtenait pas le poste car il ne savait pas quoi répondre. Le manque de mobilité : il n’a pas le permis, ça le limite dans les recherches d’emploi. Concernant ceux qui ont selon lui contribué à faciliter son parcours, Sébastien évoque : Le suivi mensuel à la mairie de St Sébastien par les services d’accompagnement des apprentis. Le service d’accompagnement à la vie sociale (AVS) dont a bénéficié Sébastien par l’association ETAPE ; il y a reçu un appui pour trouver et gérer son logement, des conseils, des temps d’échanges. Il rencontre un intervenant de l’association tous les 15 jours. « Gérer tout tout seul, je ne le sentais pas» dit-il. Quant à la reconnaissance il la voit comme un atout et un facilitateur pour la recherche d’emploi ; « sans la RQTH, je n’aurais pas pu bénéficier d’un contrat d’avenir car j’ai plus de 26 ans ». 33 Des facteurs de rupture Un projet professionnel de départ irréaliste Des difficultés de compréhension Une autonomie fragile et un environnement social précaire Une mobilité géographique réduite Des leviers mobilisés Découverte de différents métiers L’apprentissage en alternance La conscience et l’acceptation de ses capacités Le recours à des structures d’accompagnem ent social et professionnel Le handisport PLITH 44 – CAFOC de Nantes – Parcours d’insertion professionnelle des jeunes en situation de handicap – septembre 2014 Sleevie – 29 ANS BTS comptabilité en alternance CFA : CIFAM à Ste Luce sur Loire – Entreprise : ARMOR à Nantes Handicap : moteur, de naissance Préambule La rencontre avec Sleevie s’est déroulée le 21 mars dans les locaux du CIFAM de Ste Luce. Le handicap de Sleevie se traduit essentiellement par des difficultés de motricité ; Il se déplace en fauteuil roulant et peine à écrire. Le parcours de Sleevie Sleevie suit une scolarité qu’il décrit comme « normale entre guillemets » jusqu’en CM2. Il est ensuite orienté vers un centre de rééducation fonctionnelle (Kerpape) qui permet de suivre une scolarité adaptée en parallèle à la rééducation. A cette époque, il est dit que Sleevie n’ira pas plus loin au vu de ses capacités. « Ils avaient décrété que je ferais un bon bénévole dans une association » raconte Sleevie. « Je n’ai rien contre les gens qui font ça, mais si on peut faire mieux… ». Il s’agit d’une classe de niveau hétérogène, où chacun évolue à son rythme. Selon Sleevie cela s’apparentait plus à un maintien d’un certain niveau scolaire sur le champ de la lecture et l’écriture, mais sans passage en classe supérieure. A la sortie de Kerpape, il entre à la Clarté à Redon avec l’objectif de chercher une orientation professionnelle. Le niveau de la classe ne lui convient pas, il s’ennuie. Il passe sans problème le CFG (Certificat de formation générale) et c’est alors, que finalement on lui dit qu’il a des capacités scolaires et qu’il serait profitable de travailler à son projet professionnel. Il aime l’ordinateur ; la comptabilité est un travail assis et donc compatible avec son handicap. Sleevie intègre alors en 2003 l’IEM-FP La Grillonnais à Basse-Goulaine pour une année d’observation professionnelle (OOPS : Observation Orientation Professionnelle et Sociale). Dans ce 34 contexte, il fait des stages en comptabilité, ce qui lui plait. Cette remise en question et remise à niveau lui demandent beaucoup de volonté et d’efforts. « Je galère un peu » dit-il. L’accompagnement est indispensable. Au regard de son handicap et de ses capacités, il décide de suivre une formation en comptabilité et suis le cursus BEP puis Bac Pro compta au Lycée professionnel Leloup Bouhier en section accueillant des handicapés : rythme de formation plus long, cours moins rapides, plus de temps pour assimiler. Il obtient ses 2 diplômes en 5 ans et se met en quête d’un emploi. Il fera des demandes pendant 2 ans, période ponctuée de quelques entretiens, sans succès. Son manque d’expérience représente alors selon lui le plus grand frein. Parallèlement à sa recherche d’emploi, il cherche une formation en alternance lui permettant d’acquérir plus d’expérience. Il prend alors la décision de suivre une formation afin d’obtenir un BTS et une expérience supplémentaire. Il fait une candidature spontanée et après une période de stage de 3 semaines, il signe un contrat chez ARMOR à Chantenay au service comptabilité fournisseurs. Son plus gros atout à l’époque ? « Ma motivation !» dit-il. Les clés du succès ? Les aménagements indispensables sont mis en place tant en matière de poste et de matériel, d’aide humaine (une assistante de vie scolaire prend les notes pour Sleevie), qu’en termes d’emploi du temps de la formation ou d’aménagement des Les étapes majeures du parcours de Sleevie Une scolarité primaire en milieu ordinaire Des instituts spécialisés Un BEP puis un Bac pro Comptabilité Une formation BTS comptabilité en alternance PLITH 44 – CAFOC de Nantes – Parcours d’insertion professionnelle des jeunes en situation de handicap – septembre 2014 examens. Sleevie fera son apprentissage en trois ans, ce qui lui permet de prendre son temps, d’avoir un rythme adapté et d’avoir de fait moins de pression. « Ça a été un facteur essentiel pour reprendre confiance ». Par ailleurs Sleevie suit les cours de matières générales (éco, droit, français, maths) avec les autres apprentis, à l’exception de l’anglais pour lequel il a un soutien par un enseignant au CDR. Avant d’arriver en BEP à l’âge de 19 ans il n’a jamais fait d’Anglais. En première année, il intégre le CFA avec des personnes valides. « Je me suis un peu pris mon handicap en pleine figure ! » dit-il. Ça va trop vite pour lui et il n’ose rien dire, et les enseignants ne savent pas comment gérer la situation. « Je pense qu’ils n’avaient jamais eu quelqu’un avec un handicap comme le mien. C’était inconcevable pour eux au départ de faire un cursus BTS sans pouvoir prendre de notes ». Sleevie a suivi jusqu’alors un cursus avec d’autres personnes handicapées, il sort d’un environnement protégé et il est surpris par la grande différence avec un environnement de « tous valides ». Il essaye de compenser en travaillant plus mais il en résulte une grande fatigue et une perte de moral. « Un échange approfondi en amont aurait peut-être permis d’éviter ça, je connaissais mes besoins ». C’est grâce à l’intervention d’un professeur d’Anglais qui ose lui dire qu’il ne peut pas continuer comme ça qu’une réflexion est lancée et qu’un accompagnement spécifique est mis en place. La 2eme année, en concertation avec les profs, il décide de valider en priorité les matières professionnelles + mémoire + oral + management. A l’issue de sa 3ème année, il devra repasser la comptabilité et la gestion et valider les matières générales. En parallèle, un avenant d’un an est signé par l’entreprise. Selon Sleevie les éléments qui ont permis de relever un tel défi et ont participé à la sécurisation de son parcours d’insertion professionnelle sont : • Beaucoup de volonté, beaucoup d’efforts : « Vu le retard que j’avais après mon cursus de départ, je galère un peu, mais j’arrive quand même à m’en sortir 35 avec beaucoup de volonté et d’efforts, j’espère que je vais avoir l’examen final, comme ça j’irai les voir et je leur montrerai là où je suis arrivé ». • « Croire à ce que m’avait dit mon professeur à la Clarté : que j’étais capable de suivre une formation. Si elle l’a dit, c’est qu’elle y croyait. Elle avait l’habitude des jeunes en situation de handicap ». « Dès que j’ai eu des notes correctes qui confirmaient ce qu’elle avait dit au départ, j’y ai cru et je me suis accroché et j’ai réussi à devenir ce que je suis aujourd’hui. J’ai repris confiance. » • L’accompagnement spécifique et le soutien en centre de formation. « Avoir des « tuyaux » par les organismes de formation pour trouver des stages ». • La prise en compte par les organismes de formation des contraintes liées aux difficultés propres à chaque individu et à son handicap, et leur capacité à adapter les moyens mis à disposition. • L’expérience professionnelle : « L’alternance, ça m’a permis d’acquérir de vraies compétences professionnelles et de mieux connaitre mes limites et mes capacités. C’est plus dur qu’une formation classique car on a les mêmes cours plus le travail, mais c’est plus formateur ». La présence d’un maître d’apprentissage est essentielle. Il est important d’être soutenu sans pour autant être trop assisté, « on est capable de se débrouiller ». • La compréhension et l’acceptation par l’entreprise des contraintes liées au handicap de Sleevie et d’une productivité inférieure à l’attendu en temps normal que Sleevie compense par une qualité de travail. « Bien faire mon travail du premier coup permet de compenser ma lenteur ». En outre l’entreprise déploie des moyens pour permettre à Sleevie de bénéficier des mêmes services que ses collègues. Par exemple, après une période pendant laquelle ses collègues se relaient pour lui apporter son déjeuner, ses repas lui sont aujourd’hui livrés car le restaurant d’entreprise n’est pas accessible pour Sleevie. L’entreprise prend à sa charge le surcoût du repas. Une salle conviviale de pause avec microondes que chacun peut utiliser est créée. Du coup, ça profite aussi aux autres salariés. « Même s’il y a eu des couacs et un temps d’adaptation, Des facteurs de rupture Les représentations Un rythme trop rapide Un décalage mal évalué entre milieu protégé et milieu ordinaire Le manque d’expérience opérationnelle PLITH 44 – CAFOC de Nantes – Parcours d’insertion professionnelle des jeunes en situation de handicap – septembre 2014 comme je voyais que l’entreprise faisait des efforts et que c’était nouveau pour tout le monde, ça ne m’a pas posé de problème. » • La mobilité est essentielle aussi. Sleevie est autonome dans son quotidien mais ne peut conduire. Il utilise les services de Proxitan ou le bus. Au-delà de la formation, le choix de s’installer à Nantes est motivé par la question de la mobilité. « Nantes est une ville très accessible pour les personnes à mobilité réduite (ce n’est pas le cas partout), ce qui me permet de me sentir autonome et de le rester dans mes déplacements ». • Pendant une période de transition et de doute, une formation complémentaire pour dynamiser sa recherche d’emploi lui redonne confiance et le remotive. Les échanges avec les autres stagiaires sont alors précieux car ça lui permet d’accepter la situation et de voir qu’il y a toujours pire que soi. « Sans cette formation, je ne sais pas si j’aurais décroché mon contrat en alternance ». • Un aménagement des examens en temps et en aide humaine. Sleevie bénéficie d’une assistante de vie scolaire qui écrit pour lui. C’est un gain de temps et ça lui permet de se concentrer sur les questions posées. « Moi je suis le cerveau et elle la main » dit-il en plaisantant. A la question sur la RQTH et son impact, Sleevie répond : « La RQTH, ça me permet de travailler, c’est administratif ; Ça me dépasse un peu. » Il souligne que lors de ses recherches d’emploi il a noté que les entreprises font de plus en plus d’efforts pour faciliter l’accueil de personnes en situation de handicap. Il existe de nombreux forums dédiés qui permettent aux candidats et aux entreprises de se rencontrer. Il a également relevé que certaines entreprises sont peu informées de leurs droits et obligations en matière de recrutement de personnes handicapées. Des leviers mobilisés Le facteur temps L’alternance L’individualisation des apprentissages Les compensations La mobilité La mobilisation de l’équipe Des efforts partagés En revanche au cours de son parcours Sleevie rencontre quelques freins qui auraient pu être source de rupture sans sa volonté et l’accompagnement dont il bénéficie : • Le manque d’une expérience significative. • La perte de confiance quand on cherche du travail pendant 2 ans. • La fatigabilité mais il est tellement content de travailler qu’il surmonte cette difficulté. Il travaille 35h par semaine et organise ses soins de kiné et ses activités sportives (rugby fauteuil) en fonction de son travail. • Le rythme quand il n’est pas adapté en formation. • L’intégration totale avec les valides après des années en milieu adapté. 36 PLITH 44 – CAFOC de Nantes – Parcours d’insertion professionnelle des jeunes en situation de handicap – septembre 2014 Steeve – 26 ANS CDI opérateur en EA Handicap exprimé : auditif Préambule Steeve a souhaité que l’entretien se déroule à son domicile en dehors de ses heures de travail. Il annonce son handicap comme résultant de crises d’épilepsie dans son enfance et ayant pour conséquence une déficience auditive et une lenteur excessive. Il dit aussi avoir des problèmes de dos. Le parcours de Steeve Après une scolarité en milieu ordinaire sans accompagnement spécifique et sans que personne ne remarque son déficit ème auditif, Steeve est orienté vers une 3 SEGPA dans un EREA afin de bénéficier d’un enseignement adapté. A 16 ans, comme il aime beaucoup la cuisine, il choisit de suivre une formation afin d’obtenir un CAP restauration. Il intègre l’établissement Daniel Brottier (Apprentis d’Auteuil) qui propose ce CAP et dispose d’un internat éducatif et scolaire (IES) dans lequel Steeve est hébergé en semi-autonomie et bénéficie d’un accompagnement individualisé avec un éducateur référent. Il commence par la cuisine puis évolue vers le métier de serveur. La première année se déroule bien. En deuxième année, Steeve raconte : « l’organisation proposée sur mon lieu de stage était incohérente, c’était incompatible avec les horaires de cours, ça s’est mal passé ; J’étais démotivé et j’ai renoncé. » Il termine son cursus à 18 ans sans passer son CAP. A cette époque, Steeve est suivi par l’ASE. Il reprend alors une formation en restauration au CEFRES avec objectif d’obtenir son CAP. « Mis à part un mois d’absence, ça se passait bien ». Lors des stages en entreprise, on reproche à Steeve ses problèmes de lenteur. Il passe son CAP mais ne l’obtient pas de peu de points. Steeve reste alors un an sans savoir quoi faire. 37 Il enchaîne des petits contrats de déménageur avec l’association Partage 44, puis décroche en 2012 un travail saisonnier en restauration. « Mais je n’avais pas confiance en moi et le rythme était trop dur, ça ne s’est pas bien passé ». Fin 2012 il est orienté par la mission locale vers une action d’orientation avec l’organisme Motiv’action. Pendant 9 mois il travaille son projet professionnel. Steeve raconte que ce temps de formation lui a appris beaucoup sur lui. Il avait perdu pied et ce travail lui a permis de redresser la barre. « Au début j’étais très méfiant ; le temps d’adaptation au groupe a été long, ils ont été patients mais j’ai repris confiance». Au cours de ces 9 mois, il travaille les matières générales, le savoir-être, la confiance en soi et la découverte de métiers. Steeve raconte que ce qui l’a le plus aidé à reprendre confiance ce sont les discours des formateurs des ateliers annexes sur lesquels s’appuie la formation : la photographie, l’ULM, la charpente marine. Il réalise aussi des stages en entreprise adaptée (EA) dans différents environnements : Un stage en entreprise adaptée dans le secteur des espaces verts/pépinière. Ce stage n’est pas concluant ; Le travail n’est pas adapté, le rythme est trop rapide, les plantes sont à même le sol, le bilan de stage se fait sans Steeve. Les étapes majeures du parcours de Steeve Primaire et collège en milieu ordinaire 3ème SEGPA Cursus CAP Restauration stoppé en 2ème année Alternance de chômage et de travaux saisonniers Action d’orientation spécifique TH Stage puis emploi en EA PLITH 44 – CAFOC de Nantes – Parcours d’insertion professionnelle des jeunes en situation de handicap – septembre 2014 Un stage en production, chez un prestataire de l’EA ASI Production, où son travail consiste à monter des siphons. Après 2 CDD, il vient de décrocher un CDI avec ASI Production. « Ce n’est pas ce dont je rêve mais ça me permet de gagner un peu d’argent ». Ce dont Steeve dit avoir le plus souffert, « c’est le mépris des autres, depuis tout petit. Et l’indifférence. Je voyais bien que quelque chose n’allait pas, j’aurais aimé qu’on réponde à mes appels au secours ». Il est assez critique envers la Mission Locale. « Ce sont eux qui m’ont proposé de faire une démarche pour obtenir un RQTH. Mais moi, je ne sens pas handicapé, je suis plus lent, c’est tout. La RQTH, à par le boulot par l’entreprise adaptée, ça ne m’apporte rien. Je n’en voulais pas ». Steeve a l’impression qu’avoir une RQTH, ça exacerbe le handicap. Aujourd’hui, Steeve complète son activité par de la vente de produits de beauté et bien-être à domicile. « Avec mon père et ma sœur, on fait des portes ouvertes. La vente, je n’en vis pas encore mais je m’éclate ». Il aimerait un jour être son propre patron en restauration. Des facteurs de rupture Un rythme et un environnement de travail inadapté à ses capacités Une forme de déni du handicap Une idéalisation de ses capacités et une incompréhension des exigences d’une entreprise Un environnement social fragile Des leviers mobilisés 38 Un accompagnement individualisé Le temps L’entreprise adaptée PLITH 44 – CAFOC de Nantes – Parcours d’insertion professionnelle des jeunes en situation de handicap – septembre 2014 3. Des récits de parcours qui viennent conforter l’étude documentaire L’analyse des récits de pacours d’insertion professionnelle des jeunes rencontrés doit permettre de voir en quoi les causes de ruptures, les freins à l’insertion professionnelle et les leviers rejoignent ou non les constats identifiés lors de l’étude documentaire. Rappel des principaux facteurs de ruptures à l’issue de l’étude documentaire : Facteurs de rupture selon étude documentaire Un niveau de qualification insuffisant Une non adéquation entre le niveau et les compétences des jeunes, et les attentes des entreprises Un manque d’information Une méconnaissance ou connaissance insuffisante du handicap par certains acteurs Une méconnaissance ou vision erronée du monde du travail par les jeunes Le déni partiel ou total du handicap par les jeunes et/ou les familles Un défaut de coordination et de concertation entre les acteurs des différentes étapes des parcours Parmi les facteurs de ruptures identifiés lors des entretiens avec les jeunes, certains sont communs à ceux relevés dans le cadre de l’étude documentaire et viennent donc corroborer les observations faites au niveau national. Rapprochons-les : 39 PLITH 44 – CAFOC de Nantes – Parcours d’insertion professionnelle des jeunes en situation de handicap – septembre 2014 Etude documentaire Un niveau de qualification insuffisant Jeunes Plus qu’un niveau de qualification insuffisant, ce qui ressort des entretiens, c’est la difficulté à atteindre une qualification selon le type de handicap de chaque jeune. Tous ont tenté ou envisagent de se qualifier, mais les facteurs temps et accompagnement restent essentiels dans l’atteinte de tels objectifs. Un point fréquemment relevé est l’impact que peuvent avoir un rythme et un environnement de formation inadaptés aux capacités du jeune. Par ailleurs, le « diplôme » reste « la » référence pour ces jeunes ; certains se sentent obligés de justifier le pourquoi d’un échec à l’examen, toujours de « très peu de points ». La notion de compétences professionnelles quand elle a été évoquée, ne semblait pas revêtir la même valeur pour eux que celle du diplôme. Une non adéquation entre le niveau et les compétences des jeunes, et les attentes des entreprises Ce décalage est évoqué dans plusieurs récits : il s’agit soit d’une inadéquation entre les travaux réalisés pendant les périodes en entreprise et le référentiel CAP, soit de formations pendant lesquelles l’expérience en entreprise fait défaut ou est trop faible selon eux pour être un atout à l’heure de trouver un emploi. Certains évoquent leur regret de ne pas avoir opté pour un dispositif en alternance ; d’autres ont fait ce choix via l’apprentissage, même tardivement, conscients qu’acquérir et pouvoir valoriser des compétences et une expérience serait un plus à l’heure de trouver un emploi. Un manque d’information Ce sujet est peu évoqué par les jeunes, et jamais sous un angle négatif ; A cette question, la plupart disent s’être appuyés sur leur entourage familial ou leurs accompagnateurs qui ont souvent été les relais d’information. Ils semblent savoir à qui s’adresser en cas de besoin. Une méconnaissance ou connaissance insuffisante du handicap par certains acteurs Lorsque ce facteur est évoqué par les jeunes interrogés comme ayant été un frein voire une cause potentielle de rupture, il vise essentiellement des enseignants du milieu ordinaire ou des entreprises : des enseignants ou formateurs ne sachant comment réagir face aux difficultés des jeunes ou n’en prenant pas la juste mesure ; des collègues ne tenant pas compte des difficultés ou s’en amusant, des taux de rendement demandés non compatibles avec les capacités. C’est le regard que portent ces jeunes sur leur vécu. Une méconnaissance ou une vision erronée du 40 Parmi les jeunes interrogés, plusieurs ont un regard sévère à l’égard des entreprises. Il ressort de leurs propos que certains ne sont pas PLITH 44 – CAFOC de Nantes – Parcours d’insertion professionnelle des jeunes en situation de handicap – septembre 2014 monde du travail par les jeunes conscients des enjeux économiques d’une entreprise ni qu’à un poste doivent correspondre des compétences. En outre, certains jeunes ont une vision idéalisée de leur employabilité en matière de compétences. C’est souvent en lien direct avec le niveau d’acceptation et de conscience du handicap qu’ils ont. Le déni partiel ou total du handicap C’est une réalité plus ou moins exprimée par les personnes ellesmêmes. Il y a ceux pour qui le statut handicapé a été ou reste difficile à accepter car il s’agit d’un handicap reconnu au cours de leur parcours. Puis il y a ceux qui sont dans le déni des contraintes liées à ce handicap et qui de fait construisent un projet professionnel non adapté et qui tôt ou tard génère déception et frustration. Ils sont confrontés au regard des autres mais aussi à leurs propres représentations. Un défaut de coordination et de concertation entre les acteurs des différentes étapes des parcours Nous l’avons lu, plusieurs jeunes racontent avoir mal vécu le passage en milieu ordinaire, car mal préparés, ou idéalisant la situation. Il est rarement précisé que cela est dû à un manque de coordination entre les acteurs, mais la question se pose de savoir pourquoi ces transitions se passent souvent mal. Certains ont la capacité d’analyser qu’une meilleure concertation aurait pu éviter des situations problématiques. Trois points de vigilance complémentaires soulevés par les jeunes méritent d’être rappelés et considérés dans cette étude de par leur caractère récurrent et impactant : Autres causes de ruptures évoquées par les jeunes Le manque de mobilité : on entend par là, la mobilité géographique qui peut s’avérer complexe pour des raisons logistiques, mais aussi la capacité ou non de mobiliser la mobilité. Une période d’inactivité trop longue entre deux étapes : cela apparaît comme étant un facteur important de fragilisation du parcours qui génère perte de confiance, démobilisation, dévalorisation. Les problématiques périphériques : environnement social, logement, … 41 PLITH 44 – CAFOC de Nantes – Parcours d’insertion professionnelle des jeunes en situation de handicap – septembre 2014 Rappel des principaux leviers et préconisations identifiées à l’issue de l’étude documentaire : Leviers selon étude documentaire Diffuser une information adaptée Assurer un accompagnement multidimensionnel visant à la construction d’un projet professionnel cohérent: • • • • • • Travail sur l’acceptation du handicap Relever le niveau de qualification Accompagner dans toutes les étapes du parcours Améliorer la connaissance de l’entreprise et des métiers Développer des outils communs de lisibilité du parcours Accompagner les formateurs en les formant Décloisonner et coordonner les actions Et du point de vue des jeunes ? Les jeunes ont facilement raconté leur parcours et identifié des freins et des facteurs de ruptures. En revanche, il leur est plus compliqué d’analyser quels leviers ils ont actionnés pour dépasser les difficultés rencontrées, ou encore quelles actions ou quels facteurs auraient pu améliorer et/ou sécuriser leur parcours plus tôt. Nous avons donc fait une lecture des leviers actionnés à travers leurs récits : Etude documentaire Diffuser une information adaptée Jeunes Les acteurs les plus cités en matière de source d’information sollicitée par les jeunes interrogés sont la famille et encore plus souvent les prescripteurs et les relais d’accompagnement : Mission Locale, Cap emploi, Handisup, le référent handicap du centre de formation… C’est clairement vers ces interlocuteurs que les jeunes se tournent et en qui ils ont confiance en matière d’information. La MDPH n’est pas un lieu d’information identifié en tant que tel. Elle est considérée comme l’organisme qui attribue les reconnaissances et autres autorisations administratives. Par ailleurs, à la lecture des récits, nous pouvons cerner 42 PLITH 44 – CAFOC de Nantes – Parcours d’insertion professionnelle des jeunes en situation de handicap – septembre 2014 l’importance, quand ils existent, de l’information et de l’accompagnement apportés aux entreprises accueillant de jeunes apprentis, pouvant permettre à celles-ci de mettre en place les compensations adaptées et de sensibiliser les équipes au handicap et ses conséquences afin de les mobiliser et de favoriser ainsi l’intégration du jeune handicapé. A la lecture des différents récits, l’accompagnement aux différentes étapes du parcours apparaît effectivement comme un élément déterminant de la construction et de la sécurisation des parcours d’insertion professionnelle de ces jeunes en situation de handicap. Parmi les leviers identifiés, citons : Assurer un accompagnement multidimensionnel visant à la construction d’un projet professionnel cohérent : • Travailler à l’acceptation du handicap • Relever le niveau de qualification • Accompagner dans toutes les étapes du parcours • Améliorer la connaissance de l’entreprise et des métiers • Accompagner les formateurs en les formant • L’inclusion en milieu ordinaire sous condition d’effectifs réduits, rythme et durée souples et individualisation pédagogique. • Le recours à des structures d’accompagnement social et professionnel. • L’importance d’accompagner à l’acceptation du handicap pour que le jeune fasse le choix d’un projet professionnel cohérent et d’un milieu professionnel adapté à ses capacités. • La découverte des métiers qui peut favoriser l’acceptation des déficiences et permettre d’identifier ses aptitudes et compétences. • L ‘entourage familial quand il est source de soutien et favorise l’autonomie. • L’alternance est une modalité plébiscitée pour ce qu’elle apporte en matière de connaissance de l’entreprise, des métiers et des capacités nécessaires, des exigences, des rythmes, mais aussi en termes de valorisation des compétences. • Bien que ce ne soit pas exprimé aussi clairement, la nécessité de former certains acteurs de la formation et certains prescripteurs au handicap est sous-jacente dans plusieurs récits. Décloisonner et coordonner les actions La question de la coordination a été effleurée lors de ces échanges mais pour la majorité, les jeunes n’ont pas cette vision Développer des outils communs globale de leur parcours qui pourrait leur permettre d’analyser de lisibilité du parcours cette problématique. 43 PLITH 44 – CAFOC de Nantes – Parcours d’insertion professionnelle des jeunes en situation de handicap – septembre 2014 Autres leviers actionnés par les jeunes La mobilité : certains ont intégré cet élément comme facteur de réussite professionnelle. Soit pour pouvoir être autonome dans leurs déplacements, notamment lorsqu’il s’agit de handicap moteur, soit pour se rapprocher d’une zone d’emploi plus porteuse dans leur métier. Les cas d’intégration en milieu professionnel les plus aboutis font état d’une reconnaissance du jeune envers l’entreprise qui l’ accueille, conscient qu’il a sa part d’efforts à faire pour s’intégrer et que parler des contraintes de son handicap et de ses compétences permet bien souvent de débloquer des situations et d’éviter des obtacles pouvant mener à la rupture. Parmi les jeunes rencontrés, un point frappant est pour la grande majorité leur volonté et leur détermination à s’intégrer. La fragilité de leur parcours en est d’autant renforcée lorsqu’ils ne sont pas pleinement conscients de leurs capacités et incapacités ; la déception risque alors d’être encore plus forte. 4. En synthèse Plusieurs points méritent d’être soulignés : Malgré quelques nuances, des observations menées au niveau local qui confortent pour beaucoup les positions prises dans les rapports et études à portée nationale. Une mise en œuvre de dispositifs ou d’accompagnements spécifiques efficace, bien que parfois tardive, avec pour l’essentiel des pédagogies adaptées, une adaptation des rythmes, un accompagnement pédagogique renforcé. Des sujets sur lesquels il semble important de se centrer pour sécuriser des parcours parfois fragiles : • La question de l’accompagnement à l’acceptation du handicap. • L’anticipation et la gestion des transitions du milieu protégé au milieu ordinaire, de l’accompagnement renforcé à l’autonomie, du milieu éducatif au milieu professionnel. • La question de la connaissance du monde professionnel, des métiers et des capacités requises afin de construire un projet professionnel cohérent et pérenne. 44 PLITH 44 – CAFOC de Nantes – Parcours d’insertion professionnelle des jeunes en situation de handicap – septembre 2014 IV. LE REGARD DES AUTRES ACTEURS DE L’INSERTION PROFESSIONNELLE DES JEUNES HANDICAPES Interroger des acteurs qui interviennent dans les parcours d’insertion professionnelle des jeunes en situation de handicap est apparu pertinent à plusieurs titres car ces échanges devaient permettre : • De confronter l’information collectée dans le cadre de l’étude documentaire et des monographies au point de vue des différents interlocuteurs. • D’identifier des bonnes pratiques et des conditions nécessaires à une intégration réussie dans le monde du travail. • D’évaluer les attentes éventuelles de chacun des interlocuteurs partenaires les uns vis à vis des autres. Pour chaque interlocuteur interrogé, les entretiens de type semi-directif menés ont été structurés à partir de 3 principales thématiques : • Les causes de rupture dans les parcours, • Les leviers qui peuvent être facilitateurs ou doivent être mobilisés, • Les actions qui pourraient être conduites localement et à titre expérimental dans une logique de progrès. 1. Les acteurs consultés Il s’agissait bien de recueillir des points de vue différents et non de réaliser une étude statistique à grande échelle, d’où un panel restreint mais qui est apparu représentatif en termes de typologie d’acteurs et de rôle dans le panorama de l’insertion professionnelle de jeunes en situation de handicap en Loire Atlantique. Le choix des institutions, structures, entreprises, s’est fait dans le cadre des divers comités de pilotage qui ont jalonné l’étude. Chaque organisation contactée par courrier puis par téléphone a ensuite désigné un représentant à rencontrer. Les organisations qu’il nous a été donné de rencontrer ou d’entendre sont les suivantes : Pour les réseaux et structures institutionnelles : Organisation CG 44 – Chef du service Personnes Handicapées EDUCATION NATIONALE - Inspectrice ASH & Conseiller ASH - Loire Atlantique MDPH - Référent Insertion Professionnelle ARS - Référente ARS Personne handicapée Conseil Régional - Direction emploi et formation professionnelle Conseil Régional - Direction des lycées Conseil Général - Service solidarité et accès aux droits 45 PLITH 44 – CAFOC de Nantes – Parcours d’insertion professionnelle des jeunes en situation de handicap – septembre 2014 Pour les structures éducatives, de formation et d’accompagnement : Organisation CAP EMPLOI CFA CIFAM HANDISUP MISSION LOCALE Atlantique Nord – Agences de Blain et Derval CFP PRESQU’ILE MOTIV’ACTION CRF CRP La Tourmaline ULIS LP Bougainville APAJH 44 – SAVS ITEP La Papotière Pour les employeurs : Organisation Entreprise ARMOR – Nantes Entreprise adaptée ASI PRODUCTION – Ste Luce sur Loire Entreprise CHARIER TP – Montoir de Bretagne Entreprise EURIAL - Nantes Mairie de la Montagne Jardiland - St Herblain Alliance Healthcare - Nantes Pour les associations de familles : Cette étape n’était pas prévue initialement. Il a été décidé au cours de l’étude de rencontrer des représentants d’associations de familles de jeunes en situation de handicap. En effet, les entretiens avec les jeunes et avec les premiers interlocuteurs de structures de formation et d’accompagnement ont mis en exergue le poids que pouvait avoir l’environnement familial sur le parcours d’insertion de ces jeunes. Un temps d’échange collectif a été organisé. Trois associations ont été représentées : ADAPEI APAJH UNAFAM 46 PLITH 44 – CAFOC de Nantes – Parcours d’insertion professionnelle des jeunes en situation de handicap – septembre 2014 2. Facteurs de ruptures et leviers à mobiliser : les principaux constats 2.1. Du point de vue des réseaux et des structures institutionnelles Des facteurs de ruptures Un « découpage » de la prise en charge dissonant avec la notion de « parcours » En France, la logique administrative, financière et politique est telle qu’il existe des clivages et des rapports de force entre les différentes institutions. « On découpe la personne en tranches, on ne prend pas assez en compte son projet de vie ». En effet, chaque structure rencontrée a une mission et un rôle défini dans le champ du handicap et contribue à des financements précis. Chacun a des enjeux distincts à défendre et il n’existe pas toujours de concertation entre les différentes organisations ni même entre les différents services d’une même institution sur la question de l’insertion professionnelle. Cela peut rendre complexe la lecture du système d’une part et la sécurisation du parcours sur le plan financier d’autre part. En d’autres termes, il a été exprimé par certains un sentiment d’absence de notion de « parcours » chez les jeunes en situation de handicap. Pour d’autres en revanche il y a bien une intention de parcours, puisqu’ont été créé des Ulis en Collège et des Ulis Pro. Une évolution de la société mal évaluée : « Il y a quelques années les trajectoires des jeunes handicapés étaient tracées : ils passaient de l’IME à une institution pour adultes. » Aujourd’hui, l’inclusion scolaire et sociale avec la mise en œuvre des Clis et Ulis a créé de nouveaux besoins. En termes d’hébergement, de plus en plus de jeunes ne souhaitent pas être en structure collective même s’ils conviennent avoir besoin d’un accompagnement. En matière d’orientation, de plus en plus de jeunes et leurs familles ont espoir d’évoluer ou de voir leur enfant évoluer en milieu ordinaire. Or, cela induit d’avoir un accompagnement qui se prolonge dans le temps et à travers les étapes du parcours. La continuité des parcours repose souvent sur la réunion de ces conditions. La transition secteur enfant/secteur adulte et milieu protégé/milieu ordinaire. Une des difficultés relevée comme pouvant être source de rupture est le passage du secteur enfants au secteur adultes. En effet mis à part les jeunes qui relèvent de l’amendement CRETON28, après l’âge de 20 ans, les jeunes en situation de handicap passent dans le système adulte et ne peuvent rester en établissement d’éducation spéciale du type IME, ITEP, IMpro ou INJS/INJA. 28 Amendement Creton : il s’agit d’un dispositif législatif permettant le maintien temporaire de jeunes adultes de plus de 20 ans en établissements d’éducation spéciale dans l’attente d’une place dans un établissement pour adulte (EA, ESAT,..). 47 PLITH 44 – CAFOC de Nantes – Parcours d’insertion professionnelle des jeunes en situation de handicap – septembre 2014 C’est souvent seulement en prévision de ce moment-là qu’il est décidé de l’orientation du jeune : formation ou emploi en milieu ordinaire, ou ESAT, ou établissement spécialisé pour adulte (ex : HEBAC, Foyer de vie, Foyer d’accueil médicalisé, Maison d’accueil spécialisé). Une des problématiques rencontrées est le défaut de places en ESAT ou établissement d’accueil adulte ; ce n’est pas l’objet de l’étude, mais cela peut impacter partiellement les orientations. En effet, à défaut de places en milieu protégé, on oriente des jeunes qui semblent en avoir les capacités en milieu ordinaire. Il existe alors un écart important en matière d’accompagnement et cela peut rapidement se révéler un obstacle difficile à surmonter par les jeunes s’ils ne sont pas suffisamment préparés. Des projets professionnels pas toujours réalistes Constat est fait que certains jeunes subissent une orientation qui n’est pas toujours en rapport avec leurs capacités ou en lien avec la réalité du marché du travail. A ce constat plusieurs explications sont données par les interlocuteurs : Un écart préjudiciable entre le milieu éducatif et le milieu professionnel Le constat est fait qu’il existe un écart important entre l’approche professionnelle du système éducatif et la réalité du système professionnel. Selon les professionnels rencontrés, hors organismes de formation professionnelle, c’est la conséquence d’une méconnaissance du secteur professionnel et des métiers, d’une absence de vision stratégique des acteurs de l’orientation professionnelle (EN, instituts médicaux-sociaux, référents scolaires MDPH) ; Ils ne savent pas toujours faire et font avec les moyens dont ils disposent. Le déni du handicap Il existe chez le jeune mais aussi dans les familles. Certaines familles n’acceptent pas ou n’ont pas conscience des capacités de leur enfant. Elle pousse le système à des orientations inadéquates. Les jeunes qui sortent du médico-social vers le milieu ordinaire de formation ont souvent un soutien (SESSAD, AVS, ..) qui permet l’atteinte d’objectifs (ex : CAP) si le projet est réaliste et l’approche de la famille juste. Mais d’autres jeunes échouent au diplôme ou iront ensuite en ESAT et non en milieu ordinaire. La culture du diplôme C’est culturel et un objectif en soi pour les parents et les jeunes, mais aussi pour les enseignants des Ulis Pro, et ce, même si les jeunes n’en ont pas la capacité. Parfois au détriment du réel besoin des entreprises. Une question se pose aussi dans le cadre de la formation professionnelle qualifiante : si les personnes ne sont pas prêtes à bouger, les emplois proposés sur leur territoire exigent-ils ou sont-ils en cohérence avec les qualifications suivies ? Ces réflexions amènent ces interlocuteurs à se poser différentes questions : Faut-il continuer à former des jeunes en situation de handicap à des métiers pour lesquels les débouchés sont restreints localement, sous prétexte que ces CAPs seraient plus accessibles ? Faut-il à tout prix un diplôme pour travailler ? N’y a-t-il pas un autre moyen d’attester des compétences des personnes ? Certaines des personnes en charge de l’orientation professionnelle ne doivent-elles pas être formées et/ou pilotées différemment ? 48 PLITH 44 – CAFOC de Nantes – Parcours d’insertion professionnelle des jeunes en situation de handicap – septembre 2014 Les problèmes périphériques qui fragilisent les parcours Les professionnels rencontrés soulignent qu’il existe de plus en plus de difficultés sociales qui s’ajoutent à la question du handicap et qui engendrent des ruptures. La précarité du fait de soucis financiers, à laquelle s’ajoutent parfois des troubles du comportement en nombre croissant, nuisent à la sécurisation des parcours. Le problème de mobilité est une réalité qui peut aussi être source de rupture. Aujourd’hui, la formation professionnelle vient au plus près des territoires et des stagiaires, qu’il s’agisse d’actions d’orientation ou d’actions qualifiantes ; Or les statistiques de suite de parcours ne sont pas toujours celles attendues. Cela interroge les interlocuteurs de la formation professionnelle : Ne faut-il pas trouver un équilibre entre lieu de formation et potentiel d’emploi vu que les personnes seront amenées à bouger pour trouver un travail ? Le déficit d’informations ou de leur transmission Il est souligné un déficit d’information des jeunes sur le panorama des acteurs et une mauvaise appréhension de l’enjeu de l’insertion professionnelle. Est aussi posée la question de la transmission des informations d’un dispositif à un autre et de quelles informations on donne ou on est en droit de donner. Il est précisé qu’il existe parfois des murs infranchissables entre les différents dispositifs, par exemple entre le milieu médical de la psychologie et le secteur social. Un autre point de vigilance est la désinformation des familles. Quand il s’agit d’un handicap physique, la prise de conscience est immédiate et le jeune a souvent un suivi et un parcours adapté. C’est plus compliqué pour d’autres handicaps, notamment la déficience intellectuelle et psychique. La MDPH reçoit des familles démunies quand les jeunes sortent du système. Ils ne savent pas vers qui se tourner, l’accès à l’information leur est compliqué. C’est le rôle de la MDPH d’informer, mais a-t-elle les bonnes informations ? Quels moyens a la MDPH de déterminer les compétences d’un jeune pour mieux l’orienter quand il n’existe aucun CV, aucune expérience professionnelle tracée ? Des leviers Les institutionnels et réseaux s’accordent à dire que le levier majeur est l’accompagnement du jeune en situation de handicap qui doit être pris dans sa globalité : logement, transport, médical, formation, emploi... Autant de paramètres à prendre en compte dans l’accompagnement de l’insertion professionnelle. Ce qui implique et sous-entend la nécessité d’une meilleure coordination entre les acteurs et qu’ils doivent s’efforcer de travailler ensemble. Enfin, une prise de conscience collective existe autour de la nécessité de rapprocher les mondes éducatifs et professionnels dans un souci d’amélioration et de cohérence des projets professionnels. 2.2. Du point de vue des structures éducatives, de formation et d’accompagnement Ces différentes organisations interviennent à diverses étapes du parcours, avec des objectifs multiples et selon des modes distincts auprès du public de jeunes en situation de handicap. Elles ont toutefois une mission en commun, l’accompagnement des jeunes vers l’insertion professionnelle. Leurs représentants sont tous en contact direct avec les jeunes. Leurs constats reposent sur des réalités vécues sur le terrain. 49 PLITH 44 – CAFOC de Nantes – Parcours d’insertion professionnelle des jeunes en situation de handicap – septembre 2014 Des facteurs de rupture Les causes de rupture peuvent être variées, chaque rupture étant une histoire. Toutefois selon nos interlocuteurs, certains facteurs y contribuent de façon plus récurrente que d’autres : Le déni du handicap et de ses conséquences. Certains jeunes ne sont pas toujours conscients de leurs limites, surtout quand ils n’ont jamais travaillé. A l’exception de ceux qui sont suivis, ou l’ont été, en institut spécialisé, d’autres jeunes n’ont pas envie d’entendre leurs limites ni de les accepter, surtout lorsqu’il s’agit de handicap physique ou psychique non visible. Chez les jeunes présentant des troubles de comportement, le problème est que la personne elle-même n’a pas conscience de son handicap. C’est le regard des autres qui lui renvoie sa situation de handicap. Cela peut générer entre autres des problèmes relationnels. En outre, des jeunes qui n’ont pas fait leur deuil avant, vont développer des problèmes d’identité – c’est encore plus net chez des adolescents de 15/16 ans qui sont déjà par nature en recherche d’identité. En formation, s’il n’y a pas eu anticipation des besoins de la personne (compensations,..) par ignorance du prescripteur et de l’organisme d’accueil du fait que le jeune n’ait pas informé de son handicap et des besoins liés, ça peut engendrer de sérieux freins. Il en est de même pour les périodes en entreprise, si rien n’a été anticipé, ça peut poser de sérieux problèmes d’intégration, voire de sécurité. Au vu des délais entre le recrutement et l’entrée en formation, ou si la personne est déjà en entreprise lorsque le constat est fait des besoins de compensation, il n’y a pas toujours le temps de faire jouer les actions PPS29 ou de mettre en place les outils adéquats. Ce délai peut être suffisant pour que le jeune renonce. L’usage du statut de travailleur handicapé C’est un constat qui peut surprendre, mais certains jeunes pensent que leur statut de TH leur ouvre toutes les portes et peut excuser tous les écarts. Cela peut créer des tensions au sein des groupes ou des équipes, des incompréhensions et des frustrations. De même, il arrive que certains jeunes, s’ils se sentent trop bien intégrés en entreprise au point où tout fonctionne parfaitement et que leur statut TH devient alors totalement invisible et banalisé, peuvent penser qu’ils ne sont plus suffisamment considérés et vont jusqu’à la démission. Une perception erronée du monde du travail et des exigences des métiers, un projet professionnel insuffisamment préparé Certains jeunes handicapés, soit parce qu’ils sortent d’un environnement protégé, soit parce qu’ils ont bénéficié d’un accompagnement sécurisant, ou encore parce que leurs enseignants ou accompagnateurs ont eux-mêmes une connaissance insuffisante du monde de l’entreprise, sont 29 PPS : Prestation Ponctuelle Spécifique - Une expertise apportée par un spécialiste du handicap (visuel, auditif, moteur ou psychique) afin notamment d’apprécier les incidences du handicap sur l’emploi et les actions à mettre en œuvre pour le compenser - (Source www.Agefiph.fr). 50 PLITH 44 – CAFOC de Nantes – Parcours d’insertion professionnelle des jeunes en situation de handicap – septembre 2014 tellement éloignés des réalités et exigences de l’entreprise que la confrontation au monde du travail peut conduire à une rupture. C’est particulièrement vrai dans le cas de formations en alternance où le temps en entreprise est important, mais aussi dans le cas de handicap psychique. Les raisons peuvent être multiples de l’avis des professionnels : Une méconnaissance des exigences du métier. (ex : le métier de boulanger. Si le jeune n’est pas conscient des contraintes - métier solitaire, à contre-courant de tous en termes de rythme…) - ça peut conduire à une rupture. Un manque de stages en amont du contrat ; Le vécu est important pour mieux connaître les exigences du métier choisi et les limites du jeune. Une méconnaissance ou une perte des valeurs travail. Un manque d’information sur le diplôme et ses exigences. Une orientation subie. Au quotidien en entreprise, cela peut se traduire par : Une incapacité à suivre le rythme trop fatigant ou trop rapide. Un désinvestissement. Des absences, des retards. Une mauvaise entente avec le personnel, le maître d’apprentissage ou le tuteur. Les équipes n’ont pas toujours les bonnes attitudes ni la bonne analyse pédagogique. Ils n’ont pas toujours non plus les bonnes informations. Des délits (vols, violence..). Un constat d’incompétence qui peut conduire à une perte de manque de confiance en soi et à une démotivation pour le métier choisi. Un autre phénomène cité peut être facteur de rupture : un examen « facilité » par compassion et qui va générer de l’incompréhension et de la frustration chez le jeune s’il n’a pas les compétences et capacités nécessaires soit pour continuer ses études soit pour trouver et conserver un emploi. Le rôle des formateurs, enseignants et des structures d’accueil est bien de compenser leur handicap autant que ce peut et non d’avantager les jeunes en situation de handicap. Cette question du projet professionnel est en lien direct avec la réflexion à avoir sur les orientations « spécifiques » vers lesquelles sont encore trop souvent orientés les jeunes en situation de handicap et qui ne débouchent pas sur des emplois car le marché a changé, les métiers évoluent. Une durée et un rythme inadaptés Beaucoup des professionnels rencontrés s’accordent à dire que la maturité professionnelle s’acquiert plus lentement chez les jeunes en situation de handicap. Le temps et le rythme sont cités comme étant des facteurs essentiels à la réussite des parcours d’insertion. C’est vrai en formation mais aussi en entreprise. Il suffit parfois d’un aménagement de rythme et d’objectifs pour que ça fonctionne. 51 PLITH 44 – CAFOC de Nantes – Parcours d’insertion professionnelle des jeunes en situation de handicap – septembre 2014 Des problèmes périphériques Un contexte familial défavorisant ; L’impact familial peut être soit un vrai atout soit au contraire un frein à l’insertion. Soucis de logement. Autonomie limitée. Santé et fatigabilité. Soucis de mobilité. Des addictions et déconnexions avec la réalité (jeu, drogue,..). Des soucis personnels (financiers, affectifs…). Un défaut d’accompagnement extérieur faute d’information et de connaissances des possibles. Des problèmes internes au centre de formation : certains jeunes vont s’épanouir et s’intégrer en entreprise mais auront des difficultés en centre. Un cloisonnement entre les structures et les réseaux A chaque fois qu’un jeune quitte un réseau pour un autre, la question se pose de quelles informations vont suivre ou ont suivi. Il y a un constat commun de perte de temps et d’efficacité énorme du fait de ce déficit de communication des informations de parcours. Tout repose sur du déclaratif. Il n’existe aucun partenaire, ni même un outil partagé qui permette la traçabilité des parcours. C’est aussi comme ça que des personnes multiplient les formations et les dispositifs sans pour autant atteindre une stabilité professionnelle. C’est un constat commun aux acteurs interrogés, ce cloisonnement est particulièrement prégnant entre l’Education Nationale (formation initiale) et le Ministère du travail (formation professionnelle) ; Il s’agit d’une réalité structurelle. Cela fragilise d’autant plus les parcours des jeunes handicapés que ce public a des besoins plus importants en matière de préparation, d’anticipation et de compensation. Les étapes de transitions sont celles qui peuvent être de réelles causes de rupture et particulièrement : A la sortie des Ulis ou Ulis Pro par défaut de coordination avec les autres réseaux Lors du passage entre le lycée et l’enseignement supérieur. On change de dispositif. Un déficit d’information La complexité des mécaniques financières et institutionnelles, la complexité des structures et services proposés, le peu de lisibilité des informations, peuvent provoquer une réelle usure chez le jeune et ses proches. Des leviers Accepter le handicap 52 PLITH 44 – CAFOC de Nantes – Parcours d’insertion professionnelle des jeunes en situation de handicap – septembre 2014 L’importance de l’acceptation de sa situation pour ne pas aller à l’échec est reconnue par tous. Il est nécessaire d’aider le jeune à intégrer ses propres limites, se centrer sur ses compétences, savoir et oser en parler. Développer les temps d’expérience en entreprise C’est le moyen préconisé et mis en œuvre par tous sous différents formats pour évaluer les aptitudes (intégration dans l’équipe, exigences du travail, aptitudes physiques et psychiques, découverte du monde professionnel) et les compétences du jeune. Accompagner les entreprises dans l’intégration des jeunes Bien que ce soit de plus en plus complexe, les professionnels s’appuient sur un réseau d’entreprises qui acceptent d’accueillir des jeunes en stage et période de découverte. C’est moins le handicap que le côté « jeune en insertion » qui peut bloquer les entreprises. Toutefois, c’est viable si l’entreprise et ses équipes sont accompagnées dans l’adaptation des outils et la connaissance du jeune et des contraintes liés au handicap. Accompagner le jeune en entreprise pour une première rencontre est aussi une pratique courante et qui a fait ses preuves. Le rôle du tuteur en entreprise est essentiel. Le former et l’informer est indispensable. Un autre levier est de pouvoir faire preuve de souplesse dans les actions, d’être capable d’adapter le format de la formation en fonction des profils (décaler un stage, essayer de rattraper quelqu’un qui lâche sans prévenir,..). Des formateurs, enseignants, accompagnateurs, éducateurs sensibilisés au fonctionnement des entreprises et aux métiers. Les organismes de formation professionnelle rencontrés s’appuient sur des équipes de formateurs qui connaissent le milieu de l’entreprise, les métiers, les exigences : ils disent que c’est essentiel pour accompagner le jeune dans la définition d’un projet professionnel cohérent et pour être crédible auprès des interlocuteurs entreprise. Prendre le jeune dans sa globalité Tous sont convaincus de cette nécessité d’une prise en charge globale. Certains en ont les moyens avec des équipes pluridisciplinaires en place (CRP par exemple). Les autres essaient de développer et maintenir un réseau de partenaires techniques très proches : éducateurs, conseillers Mission Locale, spécialistes en fonction de la problématique observée, pluralité de profils chez les formateurs (psy..). Toutefois, les moyens et le temps impartis ainsi que la mission définie ne leur permettent pas toujours d’aller aussi loin qu’ils le souhaiteraient dans l’accompagnement. Là encore la perte de temps liée au défaut d’information pose problème. Un réseau d’acteurs coordonné pour une meilleure communication des informations Ce serait un levier certain pour assurer une qualité et une continuité dans l’accompagnement. En effet, recueillir les informations concernant les contre-indications liées au handicap, les compétences 53 PLITH 44 – CAFOC de Nantes – Parcours d’insertion professionnelle des jeunes en situation de handicap – septembre 2014 déjà développées, l’accompagnement mis en place le cas échéant, etc., est une étape qui peut prendre beaucoup de temps et pénaliser la préparation du projet professionnel. Un premier pallier est de bien identifier les différents acteurs du territoire. Il semble que la coordination des acteurs sur un territoire soit perçue comme moins complexe en milieu rural qu’en milieu urbain. Le temps, les aménagements Le temps est cité comme facteur clé dans l’accompagnement du jeune en situation de handicap : il est nécessaire pour accompagner la personne dans toutes les dimensions professionnelles et de projet de vie. L’un ne va pas sans l’autre. Il est tout aussi important que les aménagements, qui eux, sont assez systématiquement mis en place : Individualisation pédagogique, possibilité de passer un CAP en 3 ans ou de repasser un second CAP pour acquérir une meilleure maturité professionnelle, compensations diverses selon le handicap. Travailler la mobilité C’est un point à ne pas négliger et qui participe à solidifier un parcours : lever les freins et travailler sur la mobilité sur son bassin d’emploi. 2.3. Du point de vue des entreprises Les entreprises interrogées sont de taille et de secteur d’activité distincts. Certaines ont des politiques Handicap bien définies, avec une ou plusieurs personnes dédiées, sous accord d’entreprise ou convention Agefiph ; d’autres accueillent et embauchent des salariés handicapés, mettent en œuvre des actions d’intégration, sans avoir pour autant une politique formalisée ; Une d’entre elles est une EA (entreprise adaptée) qui de fait développe une politique handicap. Elle tient cependant à souligner qu’elle a les mêmes contraintes organisationnelles, juridiques et préoccupations économiques que n’importe quelle entreprise. S’agissant des entreprises rencontrées les plus importantes (+ 1000 salariés), le plus souvent, le choix d’engager un travail sur la question du handicap a été initialement motivé par un souci de maintien dans l’emploi. Une telle démarche nécessite la mobilisation de différents acteurs et représente un travail de longue haleine. Mettre en place une politique Handicap qui soit efficiente et répondant aux objectifs de départ leur a pris selon les cas entre 2 et 3 ans. Pour les structures interrogées, il a s’agit par exemple de créer des groupes de travail multi pluridisciplinaires du type « comités handicap » (regroupant infirmier ou médecin du travail, ergothérapeute, RH, managers, ..) afin de fédérer l’ensemble des acteurs autour d’un tel projet, de sensibiliser et former les équipes RH et les managers au handicap, et de communiquer auprès des équipes. Les facteurs de ruptures Parmi les freins et causes éventuelles de rupture de parcours évoqués par les entreprises et collectivités interrogées, on trouve : 54 PLITH 44 – CAFOC de Nantes – Parcours d’insertion professionnelle des jeunes en situation de handicap – septembre 2014 Emploi : un décalage entre les attentes et la réalité Une nouvelle fois, cet écart entre les attentes des jeunes et celles des entreprises est pointé. Les professionnels, s’appuyant sur des exemples concrets, attribuent ce phénomène à différents facteurs : Une méconnaissance des métiers par les jeunes et, sous-jacent, par les personnes qui les ont accompagnés dans leur projet professionnel. Ça se traduit souvent par une idéalisation des métiers et donc par des déceptions. Exemple : Un jeune sorti d’une EA pour intégration en milieu ordinaire. L’équipe avait été sensibilisée, un aménagement des temps de travail avait été mis en place. Il n’a pas tenu une semaine. Il n’était pas prêt. Un projet mal identifié ou mal défini. Un projet mal défini se traduit par une disconcordance entre les compétences et les capacités du salarié et celles requises par le poste. Exemple : Un jeune TH avec déficience mentale qui veut devenir magasinier. Durant la formation théorique, cette difficulté n’est pas apparue. Il n’arrive pas à se repérer dans l’entrepôt, ne peut lire les références, n’arrive pas à s’organiser. Il voudrait conduire des chariots, mais ne peut passer le CACES. Il y a un problème de sécurité et d’efficacité. En milieu ordinaire, ses capacités ne lui permettent pas de valider ce projet. Autre exemple cité : Un jeune bègue qui postule pour un poste en communication. Une orientation subie Parfois le choix se fait par défaut ou par décision d’un tiers. Exemple : Embauche d’un jeune handicapé moteur en fauteuil, avec contraintes de mobilité et déficience musculaire et titulaire d’un BTS comptabilité en alternance. Il avait les compétences requises et malgré le poste et les tâches adaptés à son handicap, la formation des équipes avec le Girpeh30 (Groupement Interprofessionnel Régional de Promotion de L’Emploi et du Handicap) de la Région des Pays de la Loire et la présence d’un tuteur, il a abandonné au bout de deux mois. Il s’agissait là d’un problème d’orientation, ce métier ne lui plaisait pas, c’était le choix de son entourage. Lui voulait travailler dans l’évènementiel. La méconnaissance des codes de l’entreprise Il s’agit là d’un problème de savoir-être essentiellement. Ce n’est pas spécifique aux jeunes travailleurs handicapés mais ils n’y échappent pas. Etre handicapé ne doit pas exonérer du savoirêtre. Certains ne comprennent pas qu’il y ait des objectifs, de la discipline et des contraintes dans toute entreprise, qu’elle soit ordinaire ou adaptée. Cela se traduit par des retards aux entretiens ou au poste, des comportements incorrects vis-à-vis des équipes et génère des tensions parfois irréversibles. 30 Ce groupement est expert de l’accompagnement vers l’emploi des personnes en situation de handicap depuis trente ans. Les équipes sont au service d’une société faite de diversité et vous propose des solutions adaptées à l’entreprise et aux personnes en situation de handicap et/ou issues de la diversité pour une intégration dans l’emploi réussie – (source www.girpeh-asso.fr). 55 PLITH 44 – CAFOC de Nantes – Parcours d’insertion professionnelle des jeunes en situation de handicap – septembre 2014 La non adhésion des équipes L’intégration d’une personne handicapée, selon le profil, repose sur l’adhésion de tous. Les collègues et le manager doivent être contributeurs. Dans le cas contraire, l’intégration se révèle souvent compliquée. Le manque de qualification ou le décalage entre les formations proposées et suivies et les besoins des entreprises Le constat est fait, comme pour l’ensemble des jeunes d’ailleurs, que les formations tertiaires sont privilégiées au détriment des formations aux métiers de production dans les basses qualifications. Par ailleurs, les entreprises soulignent qu’elles ont peu de candidats qualifiés sur des fonctions cadres (ex : ingénieurs). Des problèmes périphériques surtout quand ils n’ont pas été anticipés. Les entreprises sont conscientes que si le salarié n’a pas réglé les problèmes périphériques (financiers, transports), il peut être vite submergé et ne peut se concentrer pleinement sur sa mission. Les préoccupations personnelles passent alors en priorité. Ça se traduit par différents comportements peu compatibles sur du long terme avec le monde de l’entreprise ordinaire, dont des absences injustifiées et des retards, voire des abandons de poste. Handicap psychique Aujourd’hui, ce handicap est un vrai frein à l’embauche pour les entreprises, elles ne savent pas comment gérer par méconnaissance de ce handicap, des profils et des contre-indications associés. Un manque d’information Les jeunes ne parlent pas toujours de leur handicap ni des compensations nécessaires de peur du regard des autres ou encore par crainte que leur embauche ou leur évolution ne soit compromise ou altérée. Par ailleurs, il est relevé que parfois les informations dont disposent les entreprises en termes de contre-indication sont insuffisantes par rapport aux réels besoins. Les leviers Les entreprises mettent en place un certain nombre d’actions afin d’améliorer l’intégration des jeunes en situation de handicap. Elles ont tout intérêt que ça fonctionne, toute embauche étant un investissement de temps, d’énergie et d’argent que toutes souhaitent rentabiliser au mieux. Elles se rejoignent dans leurs pratiques ou leur vision des leviers à actionner pour tendre vers une intégration réussie. Les facteurs principaux sont : 56 PLITH 44 – CAFOC de Nantes – Parcours d’insertion professionnelle des jeunes en situation de handicap – septembre 2014 La communication Il apparait essentiel de lever les représentations, de « vulgariser » la question du handicap afin de fédérer l’ensemble des acteurs impliqués dans un projet d’intégration d’un jeune TH. Un des moyens efficaces reste la communication. Auprès des équipes : En les associant au projet d’embauche, voire aux entretiens, en particulier les tuteurs. Par des actions de sensibilisation : réunions d’information, temps de formation, guide pratique, affiches. Parmi celles qui ont été citées, il peut s’agir de formations au handicap, au tutorat ou encore à la gestion du stress. Il est important le cas échéant d’avoir des RH et des responsables de services très moteurs car les opérationnels ne sont pas toujours disposés à accueillir des personnes reconnues handicapées ; ils ont beaucoup de préoccupations et accueillir un jeune, de surcroît handicapé, peut leur faire peur. Certains sont plus disposés à accueillir des jeunes en observation et découverte métier que des salariés. Auprès des jeunes : En leur présentant l’entreprise ou la collectivité à l’arrivée. En organisant des points associant le jeune, les RH, le tuteur, voire le centre de formation ou d’apprentissage et/ou le prescripteur quand il s’agit d’une personne en stage ou suivant une formation en alternance. Afin de faire entendre et comprendre aux personnes concernées que parler de son handicap est autorisé et non synonyme de licenciement. C’est d’autant plus facile lorsqu’il y a une politique Handicap affichée par l’entreprise. C’est aux jeunes d’informer les entreprises, ils doivent inciter l’employeur à s’intéresser aux compétences et aux conséquences du handicap plutôt qu’au handicap lui-même et à l’effet « affectif ». Auprès des partenaires : Ecoles, CFA, experts handicap (Sameth, Girpeh, Agefiph,..), médecine du travail, assistantes sociales, … Il est par exemple perçu utile que les centres de formation qui envoient des stagiaires viennent expliquer les handicaps et les contraintes qui en découlent. Par ailleurs des structures spécialisées peuvent intervenir pour informer et former au sein des entreprises. L’expérience en l’entreprise Tous s’accordent à dire qu’un temps en entreprise sous forme de stage, est essentiel pour bien définir et affiner son projet professionnel et permettre au jeune et à l’entreprise de valider le projet et d’anticiper sur des adaptations le cas échéant. Identifier et anticiper les actions et compensations à mettre en œuvre. Cela ne peut se faire sans connaître le handicap et les contraintes qui y sont liées afin de pouvoir ajuster. Certaines entreprises, pour pallier au peu d’informations dont elles disposent et pour ne pas retarder un recrutement du fait du manque de médecins du travail, disposent de leur propre service de médecine du travail intégré à l’entreprise. Cela permet de faciliter les actions de prévention (visite médicale systématique pour les stagiaires et les nouveaux entrants) et de faciliter le dialogue avec les 57 PLITH 44 – CAFOC de Nantes – Parcours d’insertion professionnelle des jeunes en situation de handicap – septembre 2014 personnes concernées. Ce qu’elles n’oseraient pas dire à un responsable, elle ose le dire au médecin. Le médecin du travail est alors un relais d’information important. 2.4. Du point de vue des familles La rencontre s’est déroulée sous forme de témoignages et d’échanges. Les points soulevés comme pouvant être des causes de ruptures de parcours ou des freins à l’insertion se rapprochent pour beaucoup des constats et témoignages précédents : Des pathologies spécifiques du handicap psychique qui font que le milieu du travail a du mal à intégrer ces profils (bipolarité, schizophrénie, troubles relationnels,…). La méconnaissance du handicap par les entreprises : le handicap psychique fait peur. Le lien familial : certaines situations créent des tensions importantes. Un projet qui n’est pas celui du jeune mais celui de la famille ; ça peut provoquer du stress et déclencher des troubles. Un temps de formation trop court pour certains. Le rythme de travail : les entreprises adaptées seraient de plus en plus exigeantes en matière de productivité. Parfois malgré la motivation, le jeune ne peut suivre le rythme sur du long terme ; il se donne à fond au début et fatigue vite. Le déni du handicap par le jeune ou sa famille. Un manque de perception des exigences du milieu ordinaire par certains acteurs (des jeunes, des éducateurs par exemples). Un manque de coordination entre les différents interlocuteurs. Un manque d’information des parents et des enseignants : « on a toujours l’impression de défricher.» Le caractère fermé de certaines structures : « Quand on entre dans un milieu médicoéducatif, en tant que parents il faut se battre. » Des carences du point de vue éducatif dans certains IME. Un certain fatalisme des familles : « Certains baissent les bras et se contentent de l’AAH. » 3. En synthèse : des acteurs locaux clairvoyants A la lecture des différents éléments commentés par les acteurs interrogés, on ne peut que constater que les problématiques de parcours d’insertion professionnelle, bien qu’elles se traduisent différemment selon les types et degrés de handicap et en fonction des environnements et situations dans lesquels évoluent les jeunes, semblent avoir des sources et des conséquences semblables que ce soit sur le plan local ou national. Les acteurs et observateurs locaux interrogés sont conscients des facteurs de rupture dans les parcours de jeunes en situation de handicap. Ils sont tout aussi lucides quant aux leviers mobilisables à défaut d’être mobilisés, mais aussi sur les enjeux d’en créer ou solliciter de nouveaux. Ces moyens d’action identifiés sont proches de ceux cités précédemment dans le cadre de l’étude documentaire. 58 PLITH 44 – CAFOC de Nantes – Parcours d’insertion professionnelle des jeunes en situation de handicap – septembre 2014 Nous retiendrons les principaux : Facteurs de rupture cités comme étant les plus impactants Des qualifications, des compétences et des comportements pas toujours conformes aux attentes des entreprises Une méconnaissance ou une vision trop souvent éloignée du monde du travail par les jeunes en situation de handicap et par certains acteurs de l’accompagnement à la construction de leur projet professionnel Une méconnaissance ou connaissance insuffisante du handicap de certains acteurs Les problématiques périphériques : environnement social, logement, mobilité, situation financière… Le déni partiel ou total du handicap Un défaut de coordination et de concertation entre les acteurs des différentes étapes des parcours qui génère un déficit d’informations et impacte la cohérence des projets professionnels, la continuité dans les parcours et par conséquent la sécurisation des parcours. Leviers à mobiliser ou à mettre en place Assurer un accompagnement multidimensionnel dans toutes les étapes du parcours visant à la construction d’un projet professionnel cohérent : • Travailler sur l’acceptation du handicap • Relever le niveau de qualification ou valoriser les compétences des jeunes • Accompagner les entreprises dans leur appréhension du handicap et dans leur communication • Sensibiliser les jeunes et les accompagnateurs au projet professionnel au fonctionnement et attentes de l’entreprise et favoriser la connaissance des métiers • Développer des outils communs de lisibilité du parcours • Accompagner les formateurs en les formant Décloisonner et coordonner les actions Diffuser une information adaptée Une fois ces constats établis, une série de questions est posée : quelles actions mettre en œuvre à échelle locale pour participer à l’amélioration de la sécurisation des parcours d’insertion professionnelle des jeunes ligériens en situation de handicap ? Quelles solutions apporter ? Par qui ? 59 PLITH 44 – CAFOC de Nantes – Parcours d’insertion professionnelle des jeunes en situation de handicap – septembre 2014 V. Axes de travail Au regard des analyses précédentes, le lecteur peut avoir la réaction légitime de penser que les causes de rupture de parcours et les leviers proposés ne sont pas spécifiques au public handicapé mais bien récurrents chez le public jeune. De même, les solutions d’amélioration à trouver pourraient être communes. C’est d’ailleurs déjà le cas pour certains aspects. Mais ce serait une conclusion hâtive car les observateurs, les accompagnants et les jeunes euxmêmes s’accordent tous à dire que toute difficulté est exacerbée dans le cas d’une personne en situation de handicap, que ce soit pour le jeune lui-même ou pour les individus ou organisations fonctionnant en interaction avec lui. Rappelons les 2 définitions de l’insertion professionnelle, citées en début de ce rapport d’étude et qui s’applique à tout public : - « Processus qui permet à un individu, ou à un groupe d'individus, d'entrer sur le marché du travail dans des conditions favorables à l'obtention d'un emploi ». (Larousse) - « L'insertion professionnelle c’est le cheminement d’un jeune ou d’un adulte vers un emploi ou une activité au plus près de son projet et de la réalité du marché de l'emploi31 ». Afin de sécuriser l’insertion professionnelle d’un jeune en situation de handicap, la prise en compte du jeune dans sa globalité constitue un enjeu essentiel. Cependant, il ressort de cette étude que trois grandes thématiques se détachent comme étant des facteurs majeurs à prendre en considération dans cet accompagnement multidimensionnel : La connaissance des entreprises, par les jeunes d’une part et, d’autre part, les professionnels qui les accompagnent sur la construction de leur projet professionnel : leur fonctionnement, les métiers et les compétences nécessaires pour répondre aux attentes, leurs exigences, leurs besoins en matière d’accompagnement. Un besoin de coordination des différents acteurs dans l’accompagnement qui devrait être multidimensionnel. La lisibilité des informations (dispositifs, acteurs, handicap, …) afin de favoriser leur mobilisation du fait d’une meilleure compréhension des familles et des différents opérateurs. Ce sont ces enjeux sur lesquels il semble important de réfléchir et pour lesquels des solutions d’amélioration seraient à trouver. Des actions et expérimentations participant à répondre à ces enjeux sont déjà mises en œuvre en Loire-Atlantique. De même, soulignons que chaque opérateur du projet professionnel s’applique à son niveau à tendre vers une consolidation des parcours, chacun avec les moyens et les directives dont il dispose, chaque organisation, chaque réseau, nous l’avons déjà précisé, ayant ses propres orientations et fonctionnement. L’objectif n’est pas de recréer des dispositifs identiques à ceux qui fonctionnent déjà mais bien de renforcer l’existant d’une part, et de proposer des actions complémentaires d’autre part tout en ayant la préoccupation d’en développer la coordination. 31 Conférence des directeurs de Service Universitaire de Formation Continue – Jean-Marie Filloque - Nantes, 23 juin 2010 60 PLITH 44 – CAFOC de Nantes – Parcours d’insertion professionnelle des jeunes en situation de handicap – septembre 2014 Citons quelques exemples d’expériences menées, cette liste n’étant pas exhaustive mais donnant à voir qu’un certain nombre d’actions, qu’il pourrait être utile de recenser, sont déjà menées localement : APICs (Agir Pour l’Insertion Citoyenne et Solidaire). DIAPSAH (Dispositif d’Appui Professionnel et Social des Apprentis Handicapés). Dispositifs Région tel que la PEO - Prestations d’Evaluation et d’Orientation ; Actions Agefiph / Cap Emploi : Un jour un métier en action (convention Agefiph – Cap emploi) La pratique d’intégration progressive, en différentes étapes, de l’Entreprise Adaptée rencontrée, ASI Production. La Matinale Handicap, organisée chaque année par la CGPME + Maison de l’emploi du Pays de Châteaubriant (antenne de Nozay) en partenariat avec des entreprises. Diagnostic de pré-orientation en prévision d’expérimentation par le CRP La Tourmaline. Au regard des axes de travail déterminés et des attentes et idées énoncées par certains des interlocuteurs, des suggestions d’actions sont développées ci-après. Ces propositions devront constituer une base de travail et de réflexion sur les actions pertinentes et possibles à mettre en œuvre dans le cadre d’une expérimentation en territoire. 61 PLITH 44 – CAFOC de Nantes – Parcours d’insertion professionnelle des jeunes en situation de handicap – septembre 2014 1. AXE 1 : La connaissance de l’entreprise et des métiers pour une meilleure adéquation poste / handicap Objectifs : Sensibiliser de façon ciblée les jeunes en situation de handicap et les professionnels qui les accompagnent : au fonctionnement des entreprises en général et aux caractéristiques des métiers proposés par bassin d’emploi, à l’évaluation de l’adéquation entre leurs capacités et leurs compétences et celles nécessaires pour répondre aux attentes des entreprises, à la valorisation de ces compétences, à l’accompagnement des entreprises en matière d’accueil de jeunes en situation de handicap. Proposition d’actions : Renforcement en formation de la découverte et la connaissance des métiers pour analyser au mieux les possibles de chaque jeune en situation de handicap (s’appuyer sur des outils existants type Kit MEDEF : http://www.onisep.fr/Mes-infosregionales/Pays-de-la-Loire/Dossiers/A-la-decouverte-des-entreprises-de-LoireAtlantique) Diversifier les secteurs de périodes en entreprise des jeunes en situation de handicap pour optimiser la découverte de métiers et des possibles Amélioration de l’expression des attentes et besoins par les entreprises, sur un métier donné, en termes d’aptitudes, capacités et compétences Travail en partenariat avec des entreprises et les prescripteurs du secteur défini Rapprochement des mondes éducatifs et professionnels sur un territoire défini et pour un nombre restreint de branches professionnelles Visites d’entreprises et analyses de postes par les acteurs éducation et formation concernés par l’insertion des jeunes en situation de handicap Visites de structures éducatives par les interlocuteurs d’entreprises Valorisation des compétences des jeunes en situation de handicap Actions de mise en situation de recrutement du Type « Matinale Handicap » (MDE Pays de Châteaubriant + CGPME) 62 Mutualisation et mise à disposition de ressources innovantes spécifiques handicap en matière de découverte des métiers Recensement de ressources innovantes (au niveau local, national, international) traitant spécifiquement de la question de l’intégration en entreprise de jeunes en situation de handicap Inscrire ces ressources dans des progressions pédagogiques Développer des ressources (ex : vidéos illustrant des adaptations et compensations possibles en entreprises, vidéos de témoignages de jeunes TH sur leur métier, etc.) PLITH 44 – CAFOC de Nantes – Parcours d’insertion professionnelle des jeunes en situation de handicap – septembre 2014 2. AXE 2 : La coordination des différents acteurs dans l’accompagnement Objectifs : Décloisonner et coordonner les actions Développer la lisibilité des parcours Tenir compte des questions périphériques au parcours d’insertion professionnelle dans l’accompagnement du jeune (environnement social, logement, mobilité, situation financière …) Proposition d’actions : Développement d’un outil numérique de traçabilité de parcours et de compétences Outil personnel à accès individuel codifié (dans le respect de la loi informatique et liberté) mais dont l’existence serait connue des structures de formation et des prescripteurs, ce qui leur permettrait d’accompagner les jeunes dans l‘utilisation de cet outil Développement d’un lieu ou de modalités d’échanges dédiés aux opérateurs de l’insertion professionnelle des jeunes en situation de handicap Des espaces temps d’échanges de pratiques basés sur des cas réels en vue d’identifier et de comprendre les différentes étapes et obstacles et de trouver des axes de progression, voire de modéliser 63 PLITH 44 – CAFOC de Nantes – Parcours d’insertion professionnelle des jeunes en situation de handicap – septembre 2014 3. AXE 3 : La lisibilité des informations (dispositifs, acteurs, handicap, …) Objectifs : Rendre l’offre de services lisible Faciliter l’accès à l’information aux jeunes en situation de handicap, à leurs familles, aux accompagnateurs de leurs projets professionnels, aux entreprises Proposition d’actions : Recensement de sources d’information des sites permettant d’avoir accès à l’information (ONISEP, CARIF OREF, AGEFIPH, MDPH…) des guides existant sur le thème du handicap, de l’accompagnement, etc. Développement d’un outil d’informations hiérarchisées par catégorie d’acteurs Vous êtes professionnel en Mission Locale Vous êtes enseignant Vous êtes formateur Vous êtes un jeune en situation de handicap Vous êtes une entreprise … 64 PLITH 44 – CAFOC de Nantes – Parcours d’insertion professionnelle des jeunes en situation de handicap – septembre 2014 Glossaire AVS : Auxiliaire de Vie Scolaire – L’AVS est une aide à la vie quotidienne dans l'établissement, qui intervient pour permettre à l'enfant handicapé d'accomplir des gestes qu'il ne peut faire seul, travaille en collaboration avec l'enseignant, facilite le contact entre l'élève et ses camarades de classe, tout en veillant à l'encourager dans ses progrès en autonomie. CPRDFP : Contrat de Plan Régional de Développement des Formations Professionnelles. Il est l’instrument central de coordination des politiques régionales. CLIS : Classe pour l'Inclusion Scolaire – C’est une classe de l'école et son projet est inscrit dans le projet d'école. Elle a pour mission d'accueillir de façon différenciée dans certaines écoles élémentaires ou exceptionnellement maternelles, des élèves (12 au maximum) en situation de handicap afin de leur permettre de suivre totalement ou partiellement un cursus scolaire ordinaire. CRP : Centre de Rééducation Professionnelle – Ils proposent des dispositifs de formation spécifiquement dédiés aux personnes en situation de handicap et ont pour mission de faciliter la réinsertion sociale et professionnelle des travailleurs handicapés. ESAT : Etablissements et Services d'Aide par le Travail – Ils permettent à une personne handicapée d'exercer une activité dans un milieu protégé si elle n'a pas acquis assez d’autonomie pour travailler en milieu ordinaire. EA : Entreprise Adaptée – C’est une entreprise à part entière, qui permet à des personnes reconnues travailleurs handicapés orientés par la Commission des Droits à l’Autonomie des Personnes Handicapées (CDAPH) « marché du travail » d’exercer une activité professionnelle salariée dans des conditions adaptées à leurs besoins. IME : Institut Médico-Educatif – Ce sont des établissements médico-éducatifs qui accueillent des enfants et adolescents atteints de déficience intellectuelle. IMpro : Institut médico-professionnel - Ils accueillent des jeunes âgés de 14 à 20 ans présentant des déficiences mentales. Ils assurent une prise en charge éducative et pédagogique et visent l'apprentissage professionnel. Ils préparent ainsi à une future insertion sociale et professionnelle en milieu ordinaire ou protégé. INJA : Institut National des Jeunes Aveugles INJS : Institut National des Jeunes Sourds ITEP : Institut Thérapeutique, Educatif et Pédagogique – Ce sont des établissements médico-éducatifs qui ont pour vocation d’accueillir des enfants ou des adolescents présentant des troubles du comportement importants, sans pathologie psychotique ni déficience intellectuelle. PPS : Projet Personnalisé de Scolarisation - Il définit les modalités de déroulement de la scolarité et les actions pédagogiques, psychologiques, éducatives, sociales, médicales et paramédicales répondant aux besoins particuliers des élèves présentant un handicap. SESSAD : Service d'Education Spéciale et de Soins A Domicile – C’est un service de soins destiné aux élèves en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire ou dans un dispositif d'intégration collective (CLIS, ULIS). ULIS : Unité Localisée pour l'Inclusion Scolaire – Elles permettent l'accueil dans un collège, un lycée général et technologique, ou un lycée professionnel d'un petit groupe d'élèves présentant le même type de handicap. 65 PLITH 44 – CAFOC de Nantes – Parcours d’insertion professionnelle des jeunes en situation de handicap – septembre 2014