Freud en affirmant, par exemple, que la question de la médecine dans sa
globalité, avec tout ce qui lui fait cortège du côté d'un déni du transfert,
voire le cas échéant de sa banalisation, et d'une mise hors jeu de la sexua-
lité,
ne serait plus au cœur de la question de l'analyse profane.
Formulation brutale et comme telle provocatrice qui n'est là que pour
introduire à ce que j'oserai appeler une thèse : à savoir que la question de
l'analyse profane demeure centrée sur le rapport à la chose médicale, non
seulement dans l'œuvre de Freud tout entière, de la
Traumdeutung
au Moïse
mais aujourd'hui encore, derrière les masques trompeurs de l'actualité,
celui de la psychologie notamment.
Dans la célèbre postface à son essai sur l'analyse profane qu'il écrivit
dans le frayage du débat1 qui fit suite à la première édition de cet essai,
Freud effectue une mise au point importante qui a récemment été reprise
par divers auteurs précisément soucieux de cerner quelques aspects de la
crise contemporaine de la psychanalyse, à commencer par ceux qui
s'expriment par le biais d'une certaine confusion d'appellation2 :
« Pour des raisons pratiques, écrit Freud, nous avons même dans nos publications,
pris l'habitude de distinguer une analyse médicale des applications de l'analyse.
Cela n'est pas correct. En réalité, la ligne de démarcation se situe entre la psycha-
nalyse scientifique et ses applications dans les domaines médical et non médical. »3
La prise en compte de cette « ligne de démarcation », conduit à distin-
guer entre les formes, parentes mais non identiques, d'existence concrète
de la psychanalyse profane dans trois registres.
Les deux derniers registres constituent les applications de la psychana-
lyse,
applications médicales, dites encore thérapeutiques, d'une part, appli-
cations non médicales d'autre part.
Dans le cadre limité de cette réflexion, je laisserai très largement de
côté ce registre des applications médicales, si ce n'est pour dire que je crois
utile d'y distinguer deux versants. Le versant de la pratique thérapeutique
d'une part, qui inclut ce que l'on appelle la « technique », versant où la
question de la spécificité de la psychanalyse peut être notamment illustrée
par le débat qui opposa Freud à Ferenczi à propos de la « technique
active » mais aussi bien par celui, contemporain, concernant la différence
de la psychanalyse avec les diverses formes de psychothérapies4. Le versant
de
l'exercice
de la psychanalyse d'autre part, versant qui est plus concerné
par la dimension professionnelle, sociale et juridique de la pratique psy-
chanalytique : viennent s'inscrire là les questions concernant le fait d'être
ou non médecin, celle des diplômes en général, celle du pouvoir médical,
1.
Cf. Le Coq-Héron, 1998, n° 150, op. cit.
2.
Cf. B. Lemérer et al., op. cit., 1999. Jacqueline Poulain-Colombier, Changements dans la
psychanalyse et politiques éditoriales, Le
mouvement
psychanalytique, 1998, I, 1, p. 11-45; Michel
Plon, A face oculta da analise leiga, Agora, 1999, II, 1, p. 91-108.
3.
Sigmund Freud, op. cit., 1985, p. 152-153.
4.
Cf. Brigitte Lemérer et al., op. cit., 1999.