DIFFUSION GÉNÉRALE OCDE/GD(93)49 MIGRATIONS ET COOPÉRATION INTERNATIONALE : LES ENJEUX POUR LES PAYS DE L’OCDE CONFÉRENCE ORGANISÉE PAR L’OCDE, LE CANADA ET L’ESPAGNE Madrid, 29-31 mars 1993 BILAN DE L’ÉMIGRATION IRLANDAISE, DE SES CAUSES ET DE SES CONSÉQUENCES par Jerry SEXTON ORGANISATION DE COOPÉRATION ET DE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUES Paris 1993 > POUR RAISONS TECHNIQUES, GRAPHIQUES/TABLEAUX/FACSIMILÉS INDISPONIBLES SUR OLIS Le rapport ci-joint a été établi par Mr. Jerry Sexton, The Economic and Social Research Institute, Dublin. Il fait partie des documents de référence qui seront examinés au cours de la deuxième session, point C. sur "Les politiques migratoires : leurs effets sur le développement des pays de départ Migrations et développement des pays de départ". Les vues exprimées sont celles de l’auteur et n’engagent ni l’Organisation, ni les autorités nationales concernées. Ce rapport est publié sous la responsabilité du Secrétaire général. Copyright OCDE, 1993 RÉSUMÉ Jusqu’à une date relativement récente de son histoire, l’Irlande a constitué un cas unique du point de vue démographique au sein des pays européens dans la mesure où elle a enregistré, du fait de l’émigration, une baisse presque continue de sa population. On a enregistré des évolutions importantes dans le temps en ce qui concerne les destinations choisies par les émigrants irlandais. A la fin du siècle dernier et au début du XXème siècle, une grande partie de ces émigrants se dirige vers l’Amérique du nord, et en particulier, vers les Etats-Unis. L’émigration irlandaise récente s’explique avant tout par le fait que le pays n’a pas été en mesure d’assurer une croissance économique suffisante pour que le marché de l’emploi puisse faire face à l’augmentation démographique. S’y ajoute cependant le fait que les Irlandais ont bénéficié traditionnellement d’un accès relativement aisé à des marchés extérieurs bien structurés qui, dans la plupart des cas, offraient de larges possibilités d’emploi. Les études économétriques fournissent des résultats relativement stables d’une année à l’autre. Elles tendent à réaffirmer le caractère contrecyclique de l’émigration irlandaise, qui augmente quand le marché national du travail est relativement déprimé et qui décroît, voire cède la place à un excédent net d’entrants, en période d’activité économique relativement soutenue en Irlande. Elles montrent en outre que l’émigration réagit aux évolutions du marché du travail, le solde net d’émigration progressant en même temps que le différentiel de salaire entre l’Irlande et le Royaume-Uni et/ou le taux de chômage en Irlande croissant en même temps que le taux de chômage au Royaume-Uni. Le simple désir d’accéder à un emploi n’est pas la motivation exclusive, ni même la motivation dominante de ceux qui émigrent : la décision peut être également motivée par une insatisfaction vis-à-vis de l’emploi exercé ou par des aspirations professionnelles qui ne peuvent être satisfaites localement. La peur d’être victimes en Irlande d’une mobilité économique descendante représentait un élément important de la décision pour les personnes ayant terminé le premier cycle du secondaire, dont beaucoup avaient accepté des tâches manuelles ou des emplois mal rémunérés avant de quitter le pays et dont une proportion notable bénéficiait d’une mobilité économique ascendante au moment du départ. Sur le plan économique, on est en droit de se demander si l’émigration n’a pas constitué pour la population une issue trop commode, ce qui expliquerait qu’on n’a pas vu se manifester chez elle le besoin impérieux de développer rapidement et résolument les ressources, réaction qui se serait sans doute produite si la pression démographique avait eu pour effet de forcer le rythme du développement. En réalité, la solution commode qu’offrait l’émigration a permis à la population restée au pays de bénéficier d’un niveau de vie acceptable et c’est ce qui explique qu’on se satisfasse de conditions qui sont des conditions de sous-développement, alors que des améliorations considérables seraient possibles. Cependant, l’émigration n’a pas été forcément dommageable pour l’économie dans le long terme car, même aux périodes de forte émigration l’offre d’emploi en Irlande se situait souvent à un très bon niveau. Cette opinion ne tient pas compte du fait que l’émigration peut être très mal vécue au niveau personnel. Toutefois, certaines caractéristiques des flux migratoires récents inspirent quelque inquiétude, en particulier le fait qu’ils touchent un nombre excessif de jeunes qualifiés. A long terme, les effets ne sont pas forcément négatifs, car il est prouvé que les émigrants qualifiés reviennent au pays quand la situation économique s’améliore. Cette évolution est cependant préoccupante dans la mesure où elle s’inscrit dans un contexte communautaire marqué par une tendance à l’intégration économique, ce qui peut conduire à une plus grande concentration de l’activité économique dans les zones européennes les plus développées et les plus novatrices. Les modifications du régime fiscal pourraient avoir joué un rôle incitatif pour les salariés du haut de l’échelle envisageant de s’expatrier. Dans cette hypothèse, l’économie irlandaise pourrait bien se trouver confrontée à un double problème : l’ exode plus marqué de jeunes de talent et la diminution chez ces mêmes personnes de la propension à rentrer. Cette situation pourrait jouer contre l’objectif de la croissance économique. L’émigration et le chômage sont dans une certaine mesure des conséquences interchangeables, puisqu’elles dépendent l’une et l’autre de la situation relative de l’Irlande par rapport aux marchés extérieurs. La question est de savoir si c’est là le produit d’une croissance démographique élevée ou bien si le pays n’a pas fait l’effort nécessaire pour atteindre des objectifs raisonnables de croissance, ce qui aurait permis d’augmenter le rythme des créations d’emplois. REMERCIEMENTS Une partie importante de ce travail est issue du Rapport 1991 du {National Economic and Social Council} (NESC) -- Les implications économiques et sociales de l’émigration, auquel l’auteur a participé. Mais je tiens à remercier pour leur contribution les professeurs B.M. Walsh du University College de Dublin, le professeur D. Hannan de l’Institut de Recherche Economique et Sociale et Mlle D. McMahon, de Nuffield College, Oxford. TABLE DES MATIERES I. Le cadre historique••••• 7 II. Caractéristiques des migrants•••• 9 III. Les causes••••••11 IV. Les effets de la migration••••15 V. Problèmes politiques ; perspectives à moyen terme•18 Bibliographie•••••••24 Tableaux•••••••25 BILAN DE L’ÉMIGRATION IRLANDAISE, DE SES CAUSES ET DE SES CONSÉQUENCES Jerry Sexton I. Le cadre historique {Tendances démographiques et migratoires générales} Nous voudrions commencer par une brève analyse historique des développements démographiques en Irlande depuis le milieu du siècle dernier. Une telle analyse est indispensable du fait que les évolutions démographiques on eu une toute autre logique en Irlande que dans les autres pays de l’hémisphère nord. En outre, les événements et les comportements observés de nos jours s’expliquent parfois par des évolutions qui remontent à une lointaine époque. Les tableaux 1 et 2 donnent les statistiques correspondantes. Le premier indique les effectifs globaux de la population entre 1841 et 1991 ; le deuxième indique l’évolution des facteurs démographiques (accroissement naturel et migration extérieure nette) pour les périodes intercensitaires, de 1871 à 19911. Jusqu’à une date relativement récente de son histoire, l’Irlande a constitué un cas unique du point de vue démographique au sein des pays européens dans la mesure où elle a enregistré, du fait de l’émigration, une baisse presque continue de sa population. Le tableau 1 montre que l’actuel territoire de la République d’Irlande comptait 6.5 millions d’habitants en 1841. A la suite des flux de sortie et des décès consécutifs à la Grande Famine de 1847, la population baisse et n’atteint plus qu’un peu plus de 5 millions. Au début du siècle, elle se situe à 3.25 millions environ. La baisse se poursuit ensuite, mais à un rythme beaucoup plus lent. Au moment de l’indépendance en 1921, la population n’est plus de que de 3 millions et elle va se stabiliser à ce niveau, ou lègèrement au-dessous, jusqu’au début des années 5O. La période 1951-1961 se caractérise à nouveau par un fort mouvement d’émigration qui provoque une nouvelle baisse marquée de la population ; l’étiage absolu sera atteint en 1961, avec une population de 2 818 000 habitants. Le rythme de l’émigration va connaître une décélération dans les années 1960 avec l’arrivée d’une croissance économique plus forte. Au cours de la décennie, le flux net d’émigration baisse et reste en-dessous de l’accroissement naturel (voir tableau 2). La décennie suivante, celle des années 70, est encore plus caractéristique, dans la mesure où le jeu combiné d’événements économiques et sociaux2 provoque une inversion du schéma traditionnel de l’émigration. On enregistre un recul notable du flux d’émigration et on assiste au retour d’un nombre important d’émigrants, avec leur famille. Il en résulte un excédent net d’entrées. Cet excédent se combine avec l’accroissement naturel pour aboutir à une augmentation rapide de la population. En 1981, la population totale s’établit à 3 443 000 habitants, soit une progression de près d’un demi-million (près de 16 pour cent) par rapport au niveau de la décennie antérieure. A cet instant, la population irlandaise a retrouvé l’effectif qui était le sien au début des années 1890. La récession du début des années 1980 relance l’émigration, d’abord progressivement, puis à une plus large échelle au fur et à mesure que l’on avance dans la décennie. Pour l’ensemble de la décennie, on enregistre un flux de sortie moyen de 21 000 par an (soit plus de 6 pour mille) ; bien que compensé en partie par l’accroissement naturel, ce phénomène provoque une chute du rythme de la croissance démographique. En 1991, l’effectif global n’a progressé que de 80 000 habitants par rapport à son niveau de 1981 ; il s’établit à 3 523 000, soit une progression de 2.5 pour cent. Il est intéressant d’examiner de plus près le schéma migratoire des dernières années, qui indique des changements notables. La dernière colonne du tableau 3 donne les chiffres des flux migratoires nets pour la période comprise entre 1971 et 1992. On remarque tout d’abord l’exécedent net des entrées de migrants durant la période de relance des années 1970. Le mouvement d’émigration se manifeste à nouveau dans les années 80 et se renforce petit à petit au cours de la décennie pour atteindre un niveau très élevé ; la perte nette de population s’établit à 45 000 en 1988/89 (soit près de 13 pour mille de la population totale). Toutefois, on assiste au cours des dernières années à un renversement de tendance ; la dernière estimation annuelle pour 1991/92 indique un excédent net d’entrants. Il y a là une série d’évolutions remarquables dont les causes méritent véritablement d’être analysées : c’est à quoi s’attache le chapitre III. {Les destinations des émigrants irlandais} {; et la typologie des retours } On a enregistré des évolutions importantes dans le temps en ce qui concerne les destinations choisies par les émigrants irlandais. A la fin du siècle dernier et au début du XXème siècle, une grande partie de ces émigrants se dirige vers l’Amérique du nord. Les chiffres concernant les sorties pour la période 1881-1931 montrent que près de 90 pour cent de ces émigrants ont comme destination les Etats-Unis. Toutefois, le flux s’arrête brutalement dans les années 1930 du fait de la grande dépression entraînée par le crash boursier de 1929. Les sources d’emplois se tarissent et on assiste à la fois à l’arrêt du mouvement d’émigration et au retour d’anciens émigrants. A partir de cet instant, la plupart des émigrants irlandais vont choisir comme destination le Royaume-Uni. Le flux va s’accélérer au moment de la Seconde guerre mondiale : l’effort de guerre britannique aboutit à des créations d’emplois qui attirent les immigrants irlandais (essentiellement de sexe masculin). On peut dire globalement que la situation n’a guère évolué depuis. Les estimations fournies par l’étude du Conseil Economique et Social (NESC) de 1991 montrent qu’à la fin des années 80 près de 70 pour cent des émigrants irlandais se rendent au Royaume-Uni3, 14 pour cent environ aux Etats-Unis, 5 pour cent dans un pays de la CE (autre que le Royaume-Uni) et 12 pour cent dans d’autres pays. Au cours des périodes antérieures, l’émigration avait pour la plupart des intéressés un caractère définitif. En raison des difficultés et des coûts liés à un voyage par bateau, les chances d’un retour au pays, même temporaire, étaient faibles. La plupart des émigrants pouvaient espérer, dans le meilleur des cas, revoir le pays une fois dans leur vie. La situation a considérablement évolué au cours du temps. La rapidité, le confort et le caractère relativement peu onéreux des déplacements aériens ont fait de l’émigrant moderne une personne très mobile qui tend à revenir en Irlande de manière assez régulière, soit pour ses vacances, soit pour ses loisirs, ou encore pour une période temporaire d’activité professionnelle. Cette augmentation de la mobilité a eu pour conséquence une progression du tourisme "ethnique". Nous y reviendrons. II. Les caractéristiques des émigrants {Sexe et âge } Une analyse dans le long terme des flux d’émigration irlandais ne fait pas apparaître de gros écarts entre les hommes et les femmes, bien qu’on puisse noter parfois des variations. C’est ainsi qu’au cours des annés 1980, le mouvement d’émigration affecte majoritairement les hommes, ce qui s’explique essentiellement par le fait que pendant cette période les perspectives d’emploi sur le marché irlandais sont bien meilleures pour les femmes que pour les hommes. Mais il se trouve inversement que les femmes sont majoritaires dans les flux d’émigration des années 1960. En ce qui concerne l’âge, on note que l’émigration concerne plutôt les jeunes, même si, en période de difficultés économiques particulièrement graves en Irlande, le mouvement tend à affecter également les groupes plus âgés. Le tableau 4, où figure une ventilation par âges du flux migratoire brut pour la période allant d’avril 1987 à avril 1988, montre que pour ces douze mois près de 70 pour cent des émigrants avaient entre 15 et 24 ans, et 27 pour cent entre 25 et 44 ans. L’émigration de personnes plus âgées est rare. La conclusion la plus intéressante concernant la structure par âge de l’émigration irlandaise (et donc la perte de population qu’elle entraîne) peut être tirée de l’analyse des taux de survie intercensitaires des tranches d’âge les plus jeunes (pour lesquelles le taux de mortalité est pratiquement négligeable, ce qui veut dire que les évolutions sont provoquées uniquement par l’évolution du flux migratoire net). Le tableau 5 donne ces taux de survie par tranches quinquenales pour les âges compris entre 10 et 29 ans sur des intervalles intercensitaires de dix ans couvrant l’ensemble de la période 1841-1991. Si l’on s’intéresse aux groupes d’âge des 15-19 ans et des 20-24 ans et à leur taux de survie, on voit qu’au milieu du siècle précédent la moitié environ de ces cohortes disparaissait du fait de la migration à chaque décennie. Le taux de déperdition diminue quelque peu au début des années 1900 (pour atteindre 30 pour cent environ), puis il recule encore (pour osciller entre 20 et 25 pour cent) au cours de la première moitié de ce siècle. On notera toutefois le pic des années 1950 qui coïncide avec une progression importante de l’émigration. Au cours des années 60, le déficit de population baisse à nouveau. Dans les années 1970, il atteint son niveau le plus bas pour la tranche d’âge des 15-19 ans ; le taux est alors supérieur à un pour la tranche des 20-24 ans en raison d’un excédent net d’entrées enregistré au cours de cette période. Au cours des années 1980, marquées par une reprise de l’émigration, le taux de déperdition dans la tranche d’âge des 15-19 ans passe à 30 pour cent (ce qui le situe à un niveau comparable à celui du début du siècle), la déperdition étant en revanche beaucoup plus faible dans la tranche d’âge des 15-24 ans, où elle se situe entre 10 et 15 pour cent environ. {Emplois et qualifications des émigrants} L’image traditionnelle de l’émigrant irlandais est celle d’un actif à peu près dépourvu de toute qualification ou maîtrisant des savoir-faire manuels rudimentaires. L’information dont on dispose semble confirmer ce point de vue. Les statistiques utilisées dans le rapport de 1984 de la Commission de l’Emigration montrent que pour la période comprise entre le début des années 20 et 1950 plus de 70 pour cent des émigrants de sexe masculin étaient non qualifiés ou issus de milieux agricoles. Près de 90 pour cent des émigrantes étaient classées comme exerçant une activité ménagère ou hôtelière, bien qu’avec le temps on trouve un nombre croissant de femmes migrantes qui exercent des professions à faible niveau de qualification, telles la profession d’aide-soignante. A partir des années 1960, marquées par une amélioration de la situation économique en Irlande, l’émigration change totalement de nature, du fait que la liberté de choix est plus importante. Cette évolution est attestée par le fait que le flux d’émigrants est désormais composé majoritairement de femmes. On ne dispose malheureusement pas pour les années 1960 et 1970 de données concernant l’emploi des émigrants ; il faut se reporter au milieu des années 1980 pour avoir des informations chiffrées ; celles-ci proviennent des estimations des flux d’émigration bruts fournis par les récentes Enquêtes sur la main d’oeuvre. Ces données elles-mêmes ne permettent pas de se faire une idée très précise, car elles ne donnent pas d’indications sur l’emploi exercé par les personnes qui ont quitté le territoire. On peut toutefois se faire une idée globale du niveau de formation de ces émigrés récents en considérant la catégorie sociale à laquelle appartenait le chef de famille au moment du départ (la corrélation entre la catégorie sociale et l’emploi étant généralement assez bonne). Cette méthode est sans doute préférable, dans la mesure où beaucoup d’émigrants sont trop jeunes pour avoir connu avant le départ une longue période d’activité professionnelle (certains n’étant même pas encore entrés dans la vie active), si bien qu’une ventilation par type d’emploi occupé initialement ne serait pas très éclairante. Le tableau 6 donne les chiffres correspondants, présentés sous forme de taux de migration par milliers d’habitants pour l’année qui se termine en avril 1988. On peut en conclure que le flux d’émigration est en gros représentatif de la structure de la société irlandaise. Aucun groupe ne bénéficie d’une représentation exceptionnelle, ou du moins les écarts sont beaucoup moins marqués que pour les périodes antérieures. On note toutefois une faible tendance à la surreprésentation des professions libérales et des non manuels, et, assez curieusement, à une sous-représentation des actifs issus de milieux agricoles. Les statistiques font apparaître une répartition par groupe social plus homogène chez les hommes que chez les femmes, avec chez celles-ci, une plus faible propension à émigrer lorsque le contexte familial est manuel ou non-qualifié. {L’émigration des actifs très qualifiés} D’autre statistiques viennent corroborer l’hypothèse d’une plus forte propension à émigrer dans les catégories sociales supérieures. Les chiffres concernant la fréquentation d’un troisième cycle chez les titulaires d’un diplôme universitaire du second cycle irlandais font apparaître chez ces derniers une incidence plus marquée du mouvement d’émigration pour l’ensemble de la décennie 1980. Le tableau 7 qui donne des statistiques concernant la situation sur le marché de l’emploi des diplômés neuf mois environ après l’obtention du diplôme, indique que le taux d’émigration dans cette catégorie est passé de 8 pour cent en 1980 à 30 pour cent en fin de décennie. Pendant la même période, le taux d’insertion professionnelle en Irlande même passe de 80 pour cent à 65 pour cent environ. On notera en particulier "l’interaction" entre le chômage et l’émigration au fur et à mesure que l’on avance dans la décennie. L’effectif des émigrés de cette catégorie est resté en réalité assez bas jusqu’au milieu des années 1980 (date à laquelle le marché de l’emploi commence à connaître une évolution différente en Irlande et au Royaume-Uni). A partir de ce moment, le taux de chômage des diplômés commence à baisser en Irlande à mesure que l’option de l’émigration progresse4. L’incidence, très élevée en Irlande, de l’émigration parmi les actifs hautement qualifiés est une question controversée et souvent évoquée. Il n’en demeure pas moins qu’en réalité la plupart des émigrants irlandais n’appartiennent pas à cette catégorie. En dépit des évolutions constatées dans la composition des flux migratoires, les mouvements récents d’émigration ont affecté un nombre significatif de personnes à faible qualification, particulièrement mal préparées à affronter les difficultés liées à leur situation nouvelle. Le phénomène est très sensible dans la seconde moitié de la décennie 1980, où de très jeunes émigrants irlandais peu qualifiés se heurtent à l’étranger aux mêmes difficultés que sur le marché de l’emploi intérieur. Beaucoup d’entre eux seront pris en charge, dans le pays d’accueil, par l’aide sociale ou par des organismes de secours, notamment dans les grandes agglomérations du Royaume-Uni. Il s’agit là d’un problème qui se pose, plus largement, dans l’ensemble de la Communauté. Nous y reviendrons. III. Les causes On peut dire en gros que l’émigration irlandaise récente s’explique avant tout par le fait que le pays n’a pas été en mesurer d’assurer une croissance économique suffisante pour que le marché de l’emploi puisse faire face à l’augmentation démographique5. S’y ajoute cependant le fait que les Irlandais ont bénéficié traditionnellement d’un accès relativement aisé à des marchés extérieurs bien structurés qui, dans la plupart des cas, offraient de larges possibilités d’emplois. Il y a donc eu un effet de "push-pull" (choix négatif/choix positif). Vers le milieu du siècle dernier, l’Irlande était l’un des pays d’Europe où la densité de population était la plus forte. Cela s’explique en partie par le fait que la pomme de terre constituait la base de l’alimentation et qu’en raison des conditions climatiques on pouvait atteindre des volumes de production importants sur des parcelles relativement réduites. Mais on se dit rétrospectivement que la Grande Famine de la fin des années 1840, famine due à la destruction des récoltes par le mildiou de la pomme de terre, était une catastrophe prévisible compte tenu de cette dépendance par rapport à une source alimentaire unique. C’est cet événement qui a déclenché la vague d’émigration et c’est le contexte socio-économique de la période suivante qui en a assuré la pérennité. L’Irlande est restée largement à l’écart de la révolution industrielle, d’une part parce qu’elle est géographiquement excentrée, d’autre part parce que, contrairement à d’autres régions du Royaume-Uni ou de l’Europe du nord, elle ne disposait pratiquement d’aucune des ressources naturelles (charbon par exemple) alors indispensables au développement économique. Le pays est resté largement agricole, ce qui a restreint les possibilités de développement de l’emploi. Ce facteur s’ajoutant au taux de fécondité élevé a abouti à la poursuite du mouvement d’émigration. Un autre facteur a cependant joué : il s’agit de l’abaissement du coût des transports. Comme le font remarquer O. Grada et Walsh (1992), le coût du voyage en Amérique était tel avant et pendant la Grande Famine que les couches les plus pauvres de la population ne pouvaient pas espérer s’échapper du pays. L’apparition du paquebot à vapeur, la chute du prix de la traversée atlantique, ainsi que l’afflux de sommes d’argent adressées d’Amérique aux proches restés au pays pour les aider à émigrer ont eu pour effet de réduire cette contrainte. Au début du XXème siècle, la communauté irlandaise émigrée s’était considérablement étoffée un peu partout dans le monde, notamment dans les pays anglophones, et plus particulièrement aux Etats-Unis. Les estimations pour l’année 1991 que l’on trouve dans le rapport de la Commission de l’Emigration (1954) et qui s’appuient sur certaines données du recensement, font apparaître qu’à cette date 2.1 millions d’Irlandais vivaient à l’extérieur du pays, dont près de 1.5 millions aux Etats-Unis6. L’existence d’un réseau aussi ample se traduisait par le fait qu’à leur arrivée dans le pays d’accueil les émigrants étaient assurés de bénéficier d’une assistance, c’est-à-dire d’un emploi et/ou d’un logement, et que de manière générale l’intégration dans les pays concernés se trouvait facilitée. Il y avait là un facteur incitatif puissant, indépendamment de la situation économique en Irlande, et c’est ce facteur qui a donné naissance à l’émigration irlandaise "traditionnelle"7. La structure de l’économie irlandaise n’a guère évolué avant la fin des années 1950. A cette date, la mise en place d’une planification (dont le développement du tissu industriel par l’incitation à l’investissement intérieur constituait un élément central) s’est traduite par une forte poussée de la croissance économique et de l’emploi. Les flux de sortie ont commencé à se réduire et au début des années 70 le solde migratoire net était tombé à zéro. Fait significatif, on a vu apparaître un excédent net d’entrants, constitué essentiellement d’anciens émigrés qui revenaient avec leur famille. D’autres facteurs que la croissance économique expliquent une telle évolution. L’adhésion à la Communauté Européenne en 1973 a eu, elle aussi, un effet de stimulation sur l’économie, notamment, dans les quelques années qui ont suivi l’adhésion, sur le secteur agricole. Au cours des années 1970, on a en outre enregistré des avancées significatives dans le domaine social, avec l’alignement du système du sécurité sociale sur celui d’autres pays européens. A la fin des années 1970, le taux d’activité progressait à un rythme très élevé (voir tableau 3). Cette amélioration de nos conditions d’existence n’était toutefois pas exempte d’une certaine fragilité : le problème était en effet non seulement d’atteindre un bon taux de croissance, mais aussi de le maintenir si l’on voulait être en mesure d’offrir un emploi à une population en pleine expansion. La récession globale consécutive au deuxième choc pétrolier au cours de la décennie 1970/80 mit fin brutalement à l’expansion économique. La récession du début des années 1980 frappa l’Irlande de plein fouet, non seulement par sa gravité, mais surtout par sa durée. Elle n’était pas due uniquement à des facteurs externes : la politique maladroite adoptée à la fin des années 70 en matière de fiscalité et de dépenses publiques en était également largement responsable8. L’économie irlandaise se retrouvait confrontée à une dette publique hypertrophique et les tentatives faites pour corriger cette situation se sont traduites par une stagnation qui s’est prolongée pendant une bonne partie de la décennie 1980, alors que d’autres pays européens retrouvaient nettement plus vite le chemin de la croissance et parvenaient à améliorer la situation sur leur marché de l’emploi. Le tableau 3 indique que le nombre des actifs a chuté de 80 000 (soit près de 7 pour cent) entre 1980 et 1985, ce qui annule les progrès enregistrés à la fin des années 1970. Du coup, l’écart s’est creusé brutalement entre la situation de l’emploi en Irlande et la situation de l’emploi dans d’autres pays, notamment au Royaume-Uni, ce qui a induit une reprise de l’émigration. La tendance n’a fait que s’esquisser au début, dans la mesure où l’on considérait souvent que ces difficultés économiques ne seraient que passagères. Dès l’instant où la perspective d’une relance rapide s’est estompée et où on a enregistré une détente sur le marché du travail au Royaume-Uni, cette tendance a pris un caractère plus marqué. On a vu que le solde net de l’émigration avait atteint le chiffre de 45 000 en 1988/89, (soit 13 pour mille de la population) et qu’on retrouvait ainsi les niveaux d’émigration les plus élevés des périodes antérieures. L’économie irlandaise a finalement entamé sa convalescence après 1987. Entre 1987 et 1990, le PNB a connu une progression de plus de 14 pour cent en termes réels et le nombre des actifs pourvus d’en emploi a progressé de 50 000. Combiné au flux d’émigration net (qui se maintenait en raison de la bonne situation économique du Royaume-Uni), ce phénomène s’est traduit par une chute marquée du taux de chômage, qui est passé de 17.7 pour cent à 13.7 pour cent. Mais la récession mondiale de 1990 a mis fin à cette relance (malheureusement fort brève) de l’économie irlandaise. Au cours des deux années écoulées, le taux de croissance annuel moyen du PNB est passé de 3 à 2 pour cent et les chiffres de l’emploi n’ont pas évolué. L’option de l’émigration a toutefois perdu de son attrait du fait des tensions qui existent sur les marchés de l’emploi étrangers, et la pression exercée par l’excédent de main d’oeuvre disponible s’est traduite par une progression du chômage. Selon les estimations les plus récentes, qui datent d’avril 1992, le taux de chômage est passé à 16.7 pour cent et en extrapolant à partir des chiffres disponibles pour les mois suivants on peut inférer qu’on en est actuellement à près de 18 pour cent. La situation a été compliquée par le retour d’un nombre important d’anciens émigrants, généralement en provenance du Royaume-Uni, pays particulièrement touché par la récession actuelle. Alors que les dernières années de la décennie 1980 étaient marquées par un solde d’émigration largement positif, les dernières estimations sur les flux migratoires nets pour l’année qui se termine en avril 1992 font apparaître un faible excédent d’entrants. {Etudes économiques agrégées} Les tendances évoquées dans les paragraphes précédents ont incité les économistes à essayer d’établir ou d’estimer les rapports quantitatifs entre l’émigration irlandaise et la situation relative du marché du travail en Irlande et à l’étranger (notamment au Royaume-Uni). Il s’agit la plupart du temps d’équations de régression utilisant comme variable endogène le solde migratoire net de l’Irlande et comme variables explicatives des indicateurs comparatifs de taux de chômage en Irlande et au Royaume-Uni ou des niveaux de salaires. On trouvera des comptes-rendus récents de ce type de travail dans NESC (Conseil Economique et Social National) (1991) et O. Grada et Walsh (1992). On connaît les réserves que suscitent les méthodes de régression , qu’elles fassent appel à une équation unique ou qu’elles s’inscrivent dans le cadre d’un modèle économétrique complet. Pourtant elles fournissent des résultats relativement stables d’une année à l’autre, et ces résultats peuvent être considérés comme largement compatibles avec l’évolution historique esquissée au chapitre précédent. Ils tendent bien à réaffirmer le caractère contrecyclique de l’émigration irlandaise, qui augmente quand le marché national du travail est relativement déprimé et qui décroît, voire cède la place à un excédent net d’entrants, en période d’activité économique relativement soutenue en Irlande. Ils montrent en outre que l’émigration réagit aux évolutions du marché du travail, le solde net d’émigration progressant en même temps que le différentiel de salaire entre l’Irlande et le Royaume-Uni et/ou le taux de chômage en Irlande croissant en même temps que le taux de chômage au Royaume-Uni. Voici une estimation utilisant la méthode qui vient d’être évoquée. Elle provient d’une étude de 1991 du Conseil Economique et Social National consacrée à l’émigration irlandaise et son intérêt particulier réside dans le fait qu’elle va au-delà des travaux précédents en pondérant les revenus irlandais et britanniques, de manière à prendre en compte le jeu de l’impôt sur le revenu et des taux de change. Ces estimations s’appuient sur des statistiques annuelles couvrant la période 1953-1987. Variable endogène• Coefficient• Valeur de t Constante•• 1.783•• 1.42 Rapport entre les revenus nets•• -2.334•• -2.6O Taux de chômage•• 1.2O1•• 1.97 RSQ = O.819•• Rho = O.831 (8.72)• DW = 2.288 La variable de revenu et la variable de chômage ont l’une et l’autre le signe attendu, ce qui montre qu’une amélioration comparative du marché du travail britannique par rapport au marché du travail irlandais induit une augmentation de l’effectif net des sortants. Les deux variables sont également statistiquement significatives, quoiqu’à un niveau relativement modeste. La relation implique que l’émigration est sensible aux conditions économiques : l’élasticité du taux de migration net est de 3 environ par rapport au revenu relatif9 et de 2 environ par rapport au chômage. {Micro-analyses} A côté des travaux économétriques utilisant des données agrégées, des études ont également été réalisées dans un micro-contexte sur les facteurs susceptibles de déclencher la décision d’émigrer (Hannan, 1971) ; O Grada, 1985 et NESC, 1991). La dernière de ces études, qui s’appuie sur des fiches biographiques relatives à un échantillon de 2 000 personnes ayant quitté le système scolaire en 1982, fiches qui couvrent cinq années de leur vie, est aussi la plus complète. On peut en tirer la conclusion que dans leur grande majorité les émigrants ne quittent le pays qu’après y avoir travaillé pendant une période assez longue. 42 pour cent environ des émigrants avaient un emploi avant le départ et plus de trois-quarts de ces actifs avaient un emploi permanent à plein temps. Une proportion un peu moins forte, 40 pour cent environ selon les estimations, n’avait pas d’emploi avant le départ. 12 pour cent seulement de ces émigrants avaient quitté le pays dès la fin de leur scolarité sans jamais exercer une activité professionnelle sur place et il s’agissait en général de personnes ayant des qualifications du niveau du second cycle universitaire. Commentant ces résultats, O Grada et Walsh (1992) résument la situation en estimant que le simple désir d’accéder à un emploi n’est donc pas la motivation exclusive, ni même la motivation dominante de ceux qui émigrent : la décision peut être également motivée par une insatisfaction vis-à-vis de l’emploi exercé ou par des aspirations professionnelles qui ne peuvent être satisfaites localement. La peur d’être victimes en Irlande d’une mobilité économique descendante représentait un élément important de la décision pour les personnes ayant terminé le premier cycle du secondaire, dont beaucoup avaient accepté des tâches manuelles ou des emplois mal rémunérés avant de quitter le pays et dont une proportion notable bénéficiait d’une mobilité économique ascendante au moment du départ. Globalement, les facteurs économiques relevant du "push", du choix négatif, semblent dicter leur décision aux personnes ayant un faible niveau de formation, alors que pour les personnes de la classe moyenne, mieux formées, c’est le statut professionnel et les facteurs allant dans le sens du "pull", du choix positif, qui jouent le rôle prépondérant. L’importance de cet effet de "push" apparaît clairement dans une étude par cohortes de 1982 qui montre qu’une très forte proportion d’émigrants à faible niveau de qualification ou sans qualifications quittent le pays sans s’y être vraiment préparés. Cette étude montre également que les réseaux de migrants dans le pays étranger jouent un rôle important : les actifs comptant parmi leurs proches ou leurs amis des personnes ayant émigré ont une plus forte propension à s’expatrier. IV. Les effets de l’émigration {Conséquences économiques } Atteindre un taux zéro ou un faible taux d’émigration, tel a toujours été l’un des objectifs prioritaires de la politique sociale et économique de l’Irlande. Mais il existe d’autres priorités, notamment le maintien ou l’élévation du niveau de vie de la population, ce qui implique des arbitrages. Nous connaissons mal l’ampleur des interactions entre les facteurs, mais il est bien clair qu’à court terme l’émigration résout une partie du problème du chômage et aide à maintenir ou à faire progresser le chiffre du revenu par habitant. L’émigration ne peut être certes considérée que comme un palliatif face aux difficultés créées par la croissance virtuelle rapide de la population irlandaise, mais il faut souligner qu’en période de récession elle a facilité les choses en évitant que ne se constitue dans le pays une réserve de plus en plus nombreuse de jeunes sans emploi. Quand on dit "faciliter les choses", on se place naturellement du point de vue de ceux qui restent ; car il est impossible d’échapper au coût social global de l’émigration qui frappe très lourdement les personnes contraintes au départ. Les effets à plus long terme de l’émigration sur une large échelle sont moins évidents. Dans ce contexte, on s’est souvent demandé comment aurait évolué la situation économique et sociale en Irlande si l’émigration n’avait pas été une solution aussi pratique. Evoquant cette question, le rapport de 1954 de la Commission de l’émigration dit ceci : On est en droit de se demander si l’émigration n’a pas constitué pour la population une issue trop commode, ce qui expliquerait qu’on n’a pas vu se manifester chez elle le besoin impérieux de développer rapidement et résolument les ressources, réaction qui se serait sans doute produite si la pression démographique avait eu pour effet de forcer le rythme du développement. Privé de cette perspective, le pays aurait été contraint de recourir au développement intensif. En réalité, la solution commode qu’offrait l’émigration a permis à la population restée au pays de bénéficier d’un niveau de vie acceptable et c’est ce qui explique qu’on se satisfasse de conditions qui sont des conditions de sous-développement, alors que des améliorations considérables seraient possibles. Nonobstant ces considérations, la Commission pense que l’émigration n’a pas été forcément dommageable pour l’économie dans le long terme. Tout en reconnaissant que le pays serait parfaitement capable d’augmenter sa production et, par voie de conséquence, d’améliorer la situation de l’emploi et de faire baisser le flux d’émigration, elle note que même aux périodes de forte émigration l’offre d’emploi en Irlande se situait souvent à un très bon niveau. La commission ne pense pas non plus que les flux d’émigration, qui, au cours de ces périodes, affectaient pour l’essentiel des personnels non qualifiés, aient privé le pays de ses élites10. Au coeur d’une telle argumentation, qui a été largement reprise dans le rapport 1991 du NESC, on trouve l’idée qu’en dépit de ses retombées négatives sur le plan économique et social, l’émigration ne semble pas avoir privé le pays du potentiel ou des capacités nécessaires pour impulser l’effort économique. A la suite de périodes de forte émigration, le pays s’est montré capable de retenir les ressources notamment humaines indispensables pour atteindre ensuite une croissance économique soutenue11. C’est ainsi qu’après la récession de la fin des années 1950 la reprise a été soutenue et durable en dépit de l’exode massif de jeunes enregistré dans le pays. Toutefois, certaines caractéristiques des flux migratoires récents inspirent quelque inquiétude, en particulier le fait qu’ils touchent un nombre excessif de jeunes qualifiés. Il s’agit d’une évolution notable par rapport aux périodes antérieures, même si l’on tient compte des modifications intervenues dans la société irlandaise. A long terme, les effets ne sont pas forcément négatifs, car il est prouvé que les émigrants qualifiés reviennent au pays quand la situation économique s’améliore. Cette évolution est cependant préoccupante dans la mesure où elle s’inscrit dans un contexte communautaire marqué par une tendance à l’intégration économique, ce qui peut conduire à une plus grande concentration de l’activité économique dans les zones les plus développées et les plus novatrices. Si l’on ajoute à cela l’hypothèse formulée par O Grada et Walsh (1992) selon laquelle les modifications du régime fiscal pourraient avoir joué un rôle incitatif pour les salariés du haut de l’échelle envisageant de s’expatrier, on voit que l’économie irlandaise pourrait bien se trouver confrontée à un double problème : l’ exode plus marqué de jeunes de talent et la diminution chez ces mêmes personnes de la propension à rentrer. Cette situation pourrait jouer contre l’objectif de la croissance économique. Il faut également reconnaître que les pays de forte émigration tirent de cette émigration des bénéfices tangibles et mesurables. Les émigrants transfèrent des fonds dans leur pays d’origine et leur retour périodique crée un tourisme "ethnique". Le premier de ces facteurs (donc l’envoi de fonds) a joué un rôle non négligeable dans l’économie irlandaise. Mais avec le déclin de l’émigration au cours des années 1960 et 1970, l’élévation du niveau de vie et l’amélioration de la couverture sociale, ce facteur a perdu de son importance au point de devenir négligeable. La reprise des mouvements migratoires dans les années 1980 ne s’est pas réellement traduite au niveau des transferts de fonds, mais elle s’est accompagnée, on l’a vu plus haut, de retours périodiques relativement fréquents au pays induisant un important tourisme ethnique. C’est ce que révèlent les statistiques annuelles du tourisme qui montrent, pour la rubrique "visites aux proches", une progression marquée sur toute la décennie, le pourcentage par rapport au nombre total de visiteurs passant de 27 pour cent en 1980 à 33 pour cent en 1989. {Dimension sociale} Si l’on se place dans une perspective sociale et psychologique plus large, on est obligé de convenir que l’émigration peut être très mal vécue au niveau personnel. Bien qu’elle ne s’accompagne plus d’une rupture aussi longue que par le passé avec les parents et les amis, elle n’en constitue pas moins pour beaucoup de jeunes un traumatisme. Même si l’Europe parvient au cours de la décennie 1990 à une plus forte intégration économique et sociale, il est évident que des différences culturelles et sociales considérables eixsteront toujours entre les différents Etats Membres et que les migrants (qu’ils soient Irlandais ou d’une autre nationalité) continueront à avoir d’importantes difficultés d’adaptation. Cela est vrai plus particulièrement des émigrants peu qualifiés privés de l’aide matérielle ou sociale indispensable. C’est la raison pour laquelle on ne saurait ignorer la gravité des problèmes personnels qui se dissimulent derrière les statistiques, ni considérer que dans le contexte de la Communauté la question ne se pose plus (du moins en ce qui concerne les mouvements migratoires intracommunautaires). {Conséquences démographiques} Une émigration à large échelle persistante influe sur la structure par âge de la population en créant un déficit au niveau des "jeunes actifs" (15-19 ans) et en accroissant la part relative des personnes âgées dépendantes. Pour les dernières années, l’effet combiné d’un taux de natalité et d’un taux d’émigration élevés a abouti en Irlande à une progression de la part relative des jeunes dépendants (moins de 15 ans) et des personnes âgées dépendantes (plus de 64 ans). Une telle situation entraîne évidemment une charge considérable pour les finances publiques qui doivent assurer les soins de santé, l’éducation, etc. Cette structure par âge inhabituelle est cependant en train de se modifier en raison de la forte chute du taux de natalité à partir de 1980. {Effets sur l’état d’esprit} Du point de vue socio-économique global, l’émigration a également un effet inhibant sur l’état d’esprit général. La déperdition permanente d’effectifs importants de jeunes peut entraîner une prudence et un conservatisme excessif en matière économique et sociale. Le problème se pose non seulement du fait des pertes réelles de population impliquant des jeunes, mais à long terme du fait du déséquilibre qui se crée au niveau de la pyramide des âges. L’effet est sans doute d’autant plus marqué que l’émigration effectue une ponction sur les cohortes sucessives de jeunes au moment où celles-ci pourraient commencer à mettre leurs capacités au service de la communauté. Cet effet pervers s’auto-entretient dans la mesure où les jeunes montrent une propension d’autant plus forte à émigrer qu’ils ont l’impression que l’état d’esprit national n’est pas en phase avec les tendances qui se manifestent dans le groupe plus large que constitue la communauté internationale. V. Problemes politiques ; perspectives a moyen terme {Questions générales} Si l’on envisage les mesures politiques à prendre pour lutter contre l’émigration, on ne doit pas perdre de vue que le phénomène ne fait que refléter des déséquilibres structurels de l’économie irlandaise. L’émigration mérite d’être considérée fondamentalement dans le même perspective que le chômage ; on a vu que les deux phénomènes sont dans une certaine mesure interchangeables, puisqu’ils dépendent l’un et l’autre de la situation relative de l’Irlande par rapport aux marchés extérieurs. La première question qu’il convient de se poser dans le cadre d’une réflexion politique sur l’émigration est celle de savoir si celle-ci est liée essentiellement à une forte croissance démographique (ce qui voudrait dire que le nombre des actifs se présentant sur le marché du travail est tel qu’il impossible ou extrêmement difficile de satisfaire toutes les demandes) ou bien si le pays n’a pas fait l’effort nécessaire pour atteindre des objectifs raisonnables de croissance, ce qui aurait permis d’augmenter le rythme des créations d’emplois. Si la première hypothèse est la bonne, l’intervention politique doit se situer avant tout au niveau de l’offre et donc adopter par exemple des mesures de contrôle de la démographie. Les taux de natalité extrêmement élevés enregistrés en Irlande dans le passé rendaient une telle approche plausible. Mais ce n’est pas celle qui a été adoptée. Et cela s’explique avant tout par le fait qu’elle aurait été politiquement suicidaire, étant donné la mentalité sociale et religieuse dominante et l’influence que l’Eglise catholique est capable d’exercer. Dans la plupart des cas, les tentatives faites pour endiguer l’émigration se sont traduites par de vastes programmes de croissance à objectifs multiples visant à améliorer l’emploi. Il faut reconnaître que ces interventions ont eu parfois une certaine efficacité. Les études évoquées plus haut montrent les résultats obtenus au cours des années 1960 et 1970, avec dans un premier temps une réduction puis une annulation au moins temporaire des flux nets d’émigration. Toutefois des facteurs cycliques et la forte dépendance de la petite économie irlandaise (qui est une économie ouverte) par rapport au niveau d’activité mondial font qu’il est pratiquement impossible de maintenir pendant de longues périodes des taux élevés de croissance, alors que d’un autre côté la pression démographique se maintient jusqu’ici. {Perspectives à moyen terme} Il est peu probable que l’on enregistre une détente au cours des années à venir de la décennie. La structure par âge de la population est ainsi faite actuellement qu’en l’absence d’émigration nette le potentiel de main-d’oeuvre est susceptible de croître notablement. Le nombre des naissances a progressé de manière significative dans les années 1970 (avec un pic en 1980) et les effets s’en font désormais sentir sur l’emploi avec l’arrivée sur le marché, sortant du système scolaire, d’effectifs très largement supérieurs aux pertes nettes liées à d’autres facteurs (retraite par exemple). Dans le contexte actuel, la main d’oeuvre irlandaise est susceptible de s’accroître annuellement de 20 000 ou de 25 000 personnes (soit de 1.5 à 2 pour cent) et le phénomène persistera jusqu’à la fin de la décennie (voir tableau 8). Le fait est corroboré par les chiffres donnés dans le tableau 3 qui font apparaître une augmentation rapide de la main-d’oeuvre après l’arrêt de l’émigration en 1991. Il convient donc de se fixer, en matière de création annuelle d’emploi, un objectif qui soit du même ordre de grandeur que cet accroissement si l’on veut simplement maintenir le chômage à son niveau actuel. La tâche est formidable, le pari pratiquement impossible à tenir, surtout dans la durée12. Si l’on n’atteint pas les taux de croissance correspondants, ce qui est un véritable travail d’Hercule, le marché irlandais du travail sera encore caractérisé dans le reste de la décennie par des taux de chômage et d’émigration élevés. La situation évoluera cependant notablement en début de siècle, au moment où la chute marquée du nombre des naissances, qui a débuté en 1980, se répercutera au niveau des flux d’entrants sur le marché du travail. {Politique spécifique de l’émigration} Etant donné les forts taux d’émigration enregistrés par le passé, on peut se demander pourquoi les pouvoirs publics n’ont pas adopté une politique axée plus spécifiquement sur l’émigration. On peut dire qu’on trouve une amorce de ce type de politique dans certains plans de développement antérieurs visant certains secteurs géographiques sous-développés à fort taux d’émigration (et de chômage). Il convient cependant de se rappeler (on l’a vu plus haut) que le phénomène de l’émigration est inextricablement mêlé à d’autres phénomènes socio-économiques et qu’il est difficile de concevoir des mesures spécifiques de ce type qui n’entraîneraient pas d’effets pervers pour d’autres secteurs de l’économie. On a dit par exemple qu’un allègement fiscal en faveur des jeunes contribuerait à endiguer le flux d’émigrants. Mais cette mesure représenterait pour les finances publiques une perte de recettes et une charge importantes. Elle créerait par ailleurs une situation d’inégalité par rapport aux salariés plus âgés ayant des charges familiales. On peut se demander en outre quelle serait son incidence réelle sur l’emploi. Il existe cependant un certain nombre de secteurs dans lesquels des mesures spécifiques pourraient être adoptées. On a évoqué le problème de l’aide que les pays d’émigration pourraient offrir sous une forme ou sous une autre à leurs ressortissants. Il y a là un domaine, où, en dépit des forts effectifs de migrants enregistrés dans le passé, les gouvernements irlandais successifs n’ont rien fait, en partie parce qu’ils craignaient qu’une mesure de ce type ne soit interprétée, sur le plan politique, comme un aveu d’échec13. La différence est évidente avec la politique suivie dans d’autres pays d’émigration (comme la Turquie ou l’ancienne Yougoslavie) qui se sont montrés disposés à coopérer avec les pays d’accueil pour essayer de canaliser les flux et de faciliter l’installation des nouveaux arrivants. On pourrait faire beaucoup dans ce domaine. L’expérience prouve certes que les émigrants irlandais de fraîche date sont souvent plus qualifiés (et donc mieux capables de maîtriser les problèmes de la migration), mais qu’il existe également un flux non négligeable de jeunes moins bien doués qui s’expatrient sans avoir une connaissance suffisante des conditions de vie dans le pays de destination. On note cependant les signes d’une évolution. Le gouvernement irlandais a effectivement pris un certain nombre de mesures, modestes, pour aider les émigrants irlandais les moins favorisés partis pour le Royaume-Uni au cours des années 1980, notamment en accordant un financement à des agences bénévoles. L’Agence irlandaise pour la formation et l’emploi a annoncé récemment la mise en place d’un plan de coopération aux termes duquel 10 000 jeunes Irlandais vont être mis en apprentissage ou inscrits dans une autre formation en Allemagne et aux Pays-Bas dans les années à venir. Il y a là une démarche qui semble raisonnable compte tenu du contexte communautaire qui garantit la libre circulation et les droits de la main-d’oeuvre quel que soit le pays de la Communauté choisi. Mais dans la pratique, la récession qui frappe toutes les économies, les problèmes de la réunification en Allemagne et l’afflux de migrants des pays de l’est pourraient bien compromettre la réalisation de ce programme. {Questions posées par le départ de migrants hautement qualifiés} L’existence d’un fort taux d’émigration parmi les actifs qualifiés, en particulier parmi les diplômés d’établissements universitaires de second cycle, soulève des problèmes bien différents de ceux abordés au chapitre précédent. On peut se demander tout d’abord s’il convient de maintenir à son niveau actuel l’offre de formation de second cycle dès l’instant où un nombre significatif de diplômés quittent le pays. Ici pourtant, les pouvoirs publics ont décidé de répondre à la demande "sociale" latente. Le débat a donc tendance à tourner autour de la répartition des coûts liés à l’éducation et à la formation entre les bénéficiaires et les contribuables. Le financement par les contribuables (qui se pratique actuellement) pose question en raison du fort taux d’émigration des diplômés, même si le phénomène est atténué par le fait que certains d’entre eux finiront par rentrer au pays. Il existe plusieurs approches possibles du problème. Une solution consisterait à faire en sorte que les coûts de formation en Irlande soient assumés en partie par les contribuables du pays dans lesquels les diplômés choisissent d’aller travailler. On peut dire que cette formule commence à se traduire dans les faits puisque la Communauté européenne accorde des financements de plus en plus importants aux formations de second cycle en Irlande et qu’un nombre croissant d’étudiants irlandais s’inscrivent dans une formation de second cycle au Royaume-Uni, même si le phénomène n’est pas encore très marqué. La CE fait actuellement dépendre le financement du contenu des programmes en accordant la priorité aux filières axées sur le marché du travail (études économiques, etc..). On peut cependant envisager de modifier ou d’élargir les critères d’attribution : la Communauté pourrrait alors financer des formations techniques complètes, car il semble qu’il existe une forte demande de ce type de formation dans toute la communauté. Ce financement intéresserait l’ingéniérie et autres formations professionnelles de type technique. Une autre solution envisageable consisterait à supprimer le financement par l’impôt et à le remplacer par une formule de prêt : les versements effectués au titre du remboursement de ce prêt seraient alors déductibles du revenu pour l’imposition en Irlande. Cette formule pose certes un certain nombre de problèmes techniques, mais cela ne devrait pas inciter à ne pas la prendre sérieusement en considération. NOTES 1. Il est impossible d’évaluer le rôle des facteurs d’évolution démographique pour des périodes antérieures dans la mesure où les naissances et les décès n’ont pas été enregistrés en Irlande avant 1864. 2. Ces événements sont abordés de manière détaillée au chapitre III. 3. Il semble qu’il y ait eu un mouvement d’émigration important d’Irlandais jeunes vers les Etats-Unis au début des années 1980, époque à laquelle la situation économique se détériore en Irlande. Il s’agit souvent d’immigrants clandestins qui ne sont pas enregistrés officiellement sur le marché du travail. Ce flux s’est réduit dès l’instant où les Etats-Unis ont rendus plus strictes les conditions d’entrée dans le pays et adopté une réglementation plus sévère concernant l’emploi d’immigrants. 4. On notera toutefois une réduction du flux d’émigrants en 1989/90 (et l’augmentation parallèle du taux de chômage) au moment où la situation de l’emploi se dégrade sur les marchés extérieurs. 5. Il convient de prendre ici en compte la croissance démographique virtuelle, c’est-à-dire l’augmentation des effectifs de la population qui se produirait en l’absence d’une émigration nette. 6. Certains de ces émigrants venaient d’Irlande du nord. 7. On se souvient que,même pendant les années 70, période d’effervescence économique marquée par un solde positif des flux d’entrants, 165 000 personnes ont quitté le pays, selon les estimations. Garvey (1985) montre qu’il y a eu une perte nette de population entre 1971 et 1981 dans le groupe d’âge des moins de 35 ans nés en Irlande et que cette perte atteint le chiffre considérable de 60 000 ; mais le phénomène a été plus que compensé par l’entrée de personnes nées en dehors de l’Irlande, notamment d’enfants (fils d’anciens émigrés) de moins de 15 ans. 8. Avec notamment des baisses d’impôts et une augmentation importante des dépenses publiques et des recrutements dans le secteur public. 9. Des études comparables ont été réalisées sur le marché du travail des pays nordiques. Voir, par exemple Lundborg (1991), qui analyse les mouvements migratoires entre les pays scandinaves et les provinces suédoises. Dans cette étude l’émigration finlandaise en direction de la Suède (qui a été très importante historiquement) se trouve expliquée dans une large mesure par les écarts de salaire en termes réels. La taille des groupes expatriés dans les différentes régions suédoises se révèle être également un facteur important. 10. La thèse selon laquelle l’Irlande n’aurait pas souffert sur le plan intellectuel ou économique de la "fuite des cerveaux" a provoqué des réactions. Lynn (1968) a fait scandale en comparant l’exode migratoire des diplômés d’université "à ce qui se passerait dans un troupeau de bétail si l’on exportait systématiquement les plus beaux spécimens et si l’on comblait les vides en faisant se reproduire entre eux les médiocres sujets restants". 11. On peut naturellement faire valoir qu’en termes strictement économiques ou monétaires la "cure d’amincissement" facilite ensuite la relance économique. Les coûts, humains et sociaux, en sont supportés par ceux qui émigrent et ces coûts ne sont pas tangibles dans le pays même. 12. On escompte pour les années 1990 une amélioration des performances économiques de l’Irlande par rapport aux années 1980 ( période particulièrement critique), aussi bien en termes de production qu’en termes d’emploi. Toutefois l’amélioration que l’on peut raisonnablement espérer ne couvrirait qu’en partie les objectifs de croissance indispensables pour faire progresser l’emploi de 2 à 2.5 pour cent par an. L’expérience montre que ce chiffre implique une progression annuelle du PNB de 6 à 7 pour cent en termes réels. 13. Les choses peuvent cependant changer si les propositions actuelles visant à permettre aux ressortissants irlandais expatriés de voter en Irlande sont acceptées. BIBLIOGRAPHIE CENTRAL STATISTICS OFFICE (1984). Census of Population, 1981, Vol II. Ages and Marital Status. Dublin. CENTRAL STATISTICS OFFICE (1987). Census of Population, 1986. Volume I. Areas Dublin. CENTRAL STATISTICS OFFICE (1988). The Trend of Employment and Unemployment 1979-85. Dublin. CENTRAL STATISTICS OFFICE (1989). 1988 Labour Force Survey. Dublin. CENTRAL STATISTICS OFFICE (1990). Economic Series, August 1990, Dublin. CENTRAL STATISTICS OFFICE (1991). Census of Population, 1991. Preliminary Report, Areas. Dublin. CENTRAL STATISTICS OFFICE (1991). The Trend of Employment and Unemployment 1986-88. Dublin. CENTRAL STATISTICS OFFICE (1992). 1991 Labour Force Survey. Dublin. CENTRAL STATISTICS OFFICE (1992). 1992 Labour Force Survey. Preliminary Estimates. Dublin. GARVEY, D. (1985). The History of Migration Flows in the Republic of Ireland. Population Trends, No. 39. 1985. London. HANNAN, D. (1970). Rural Exodus. Geoffrey Chapman, London. HIGHER EDUCATION AUTHORITY (1990). The First Destination of Award Recipients in Higher Education (1990). Dublin. NATIONAL ECONOMIC AND SOCIAL COUNCIL (1991). The Economic and Social Implications of Emigration. Dublin. (Prepared for the Council by J.J. Sexton, B.M. Walsh, D.F. Hannan and D. McMahon). LYNN, R. (1968). 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Tableau 1 Population de la République irlandaise depuis 1841 Année••• Population (en milliers) _______________________________________________________________________________ 18411•••• 18511•••• 1861•••• 1871•••• 1881•••• 1891•••• 1901•••• 1911•••• 1926•••• 1936•••• 1946•••• 1951•••• 1961•••• 1971•••• 1981•••• 1986•••• 1987•••• 1988•••• 1989•••• 1990•••• 1991•••• 1. 6 529 5 112••• 4 402••• 4 053••• 3 870 3 469 3 222••• 3 140 2 972 2 968 2 955 2 961 2 818 2 978 3 443 3 541 3 543 3 538 3 515 3 503 3 523 Forces armées non comprises. {Sources} : Recensement de la population 1986, volume 1. Economic Series, août 1990. Recensement de la population de l’Irlande 1991. Rapport préliminaire. Régions. Tableau 2 Eléments de l’évolution démographique 1981-1991 _______________________________________________________________________________ Période• Evolution Accroissement• •• intercensitaire• • naturel (naissances Migration nette •••• moins décès) •••_______________________________________________________ •••• Moyennes annuelles _______________________________________________________________________________ 1871-1881• 1881-1891• 1891-1901• 1901-1911• 1911-1926• 1926-1936• 1936-1946• 1946-1951• 1951-1961• 1961-1971• 1971-1981• 1981-1991• 18 40 24 8 11 1 + 1 14 +15 +46 + 8 317• 133• 688• 214• 180• 357• 331• 119• 226• 991• 516• 000• +31 +19 +14 +17 +15 +16 +17 +25 +26 +29 +36 +28 855••50 600••59 954••39 940••26 822••27 318••16 380••18 503••24 652••40 442••13 127• 837••20 172 733 642 154 002 675 711 384 877 451 +10 389 837 Taux par milliers d’habitants sur une moyenne de population 1871-1881• 4.6• + 8.0•• 12.7 1881-1891• 10.9• + 5.3•• 16.3 1891-1901• 7.4• + 4.5•• 11.9 1901-1911• 2.6• + 5.6•• 8.2 1911-1926• 3.7• + 5.2•• 8.8 1926-1936• 0.1• + 5.5•• 5.6 1936-1946• 0.4• + 5.9•• 6.3• 1946-1951• + 0.4• + 8.6•• 8.2 1951-1961• 4.9• + 9.2•• 14.1• 1961-1971• + 5.5• +10.2•• 4.6• 1971-1981• +14.5• +11.3•• + 3.2• 1981-1991• + 2.4• + 8.6•• 6.2 _______________________________________________________________________________ {Sources} {:} Rapports de la Commission de l’émigration (1954). Recensement de la population de l’Irlande 1991. Rapport préliminaire. Régions. Tableau 3 Estimations annuelles des actifs au travail, des chômeurs et de la migration nette _______________________________________________________________________________ Année • Effectif au• Chômeurs• Main-d’oeuvre1• Migration2 •• travail• •• •• extérieure •• •• •• •• nette _______________________________________________________________________________ •• •• (en milliers) 1971• 1 049• 61• 1 110• -5 1972• 1 052• 69• 1 121• +11 1973• 1 067• 64• 1 132• +13 1974• 1 082• 62• 1 144• +16 1975• 1 073• 85• 1 158• +20 1976• 1 064• 105• 1 169• +16 1977• 1 083• 105• 1 188• +10 1978• 1 110• 99• 1 209• +7 1979• 1 145• 88• 1 233• +16 1980• 1 156• 91• 1 247• -8 1981• 1 146• 126• 1 272• +2 1982• 1 146• 147• 1 293• -1 1983• 1 124• 183• 1 307• 14 1984• 1 103• 204• 1 307• -9 1985• 1 079• 226• 1 305• 20 1986• 1 081• 227• 1 308• 28 1987• 1 080• 232• 1 312• 27 1988• 1 091• 219• 1 310• 32 1989• 1 090• 202• 1 292• 46 1990• 1 126• 179• 1 305• 31 1991• 1 125• 208• 1 334• -1 1992• 1 125• 225• 1 350• +2 _______________________________________________________________________________ 1. 2. Les chiffres de la main-d’oeuvre et les composantes de la main-d’oeuvre sont donnés selon les rubriques de l’enquête sur la main-d’oeuvre. Pour l’année se terminant en avril. {Sources} {:} CSO (1988). The Trend of Employment and Unemployment 1979-85. CSO (1991). The Trend of Employment and Unemployment 1986-88. CSO (1992). 1992 Labour Force Survey, Preliminary Estimates. National Economic and Social Council (1991). Report No. 90. The Economic and Social Implications of Emigration. Tableau 4 Flux d’émigration brut à partir de l’Irlande pour l’année se terminant en avril 1988, par sexe et par âge (en pourcentage) _______________________________________________________________________________ Age•• Hommes• Femmes• Total ••• •• _______________________________________________________________________________ 0-14•• 15-24•• 25-44•• 45-64•• 65+•• 1.5•• 2.2• 1.8 65.3•• 74.0• 68.8 30.6•• 22.0• 27.1 2.6•• 1.3• 2.1 -•• 0.4• 0.2 Total•• 100.0•• 100.0• 100.0 (n)•• (33 700)••(22 600) •(56 400) _______________________________________________________________________________ {Note:} Ces données ont été obtenues par enquête auprès des familles d’émigrants ayant déjà quitté le pays. Elles demanderaient à être revues à la hausse dans la mesure où il n’a pas été possible de comptabiliser les ménages dont tous les membres se sont expatriés. On considère qu’il ne s’agit pas d’une lacune grave dans la mesure où d’autres sources (statistiques de la migration par groupes d’âge tirées des recensements successifs) confirme que la grande majorité de la migration tend à être constituée de célibataires et de jeunes. {Source:}• Enquête sur la main-d’oeuvre, 1988. Tableau 5 Taux de survie, en pourcentages, des personnes qui avaient dix ans de moins au recensement précédent, pour des périodes intercensitaires entre 1841 et 1991 _______________________________________________________________________________ •• Hommes•• Femmes Période•• Age en début de période • Age en début de période •• 10-14 15-19 20-24 25-29 10-14 15-19 20-24 25-29 _______________________________________________________________________________ de 1841 à 1851• •59 46 50 49 65 47 54 50 de 1851 à 1861• •65 49 53 57• 68 48 52 58 de 1861 à 1871• •70 52 55 59• 80 56 58 61 de 1871 à 1881• •73 61 65 66• 77 62 67 66 de 1881 à 1891• •71 54 56 67• 68 55 57 68 de 1891 à 1901• •77 61 62 75• 79 64 65 72 de 1901 à 1911• •82 67 68 83• 78 68 66 76 de 1926 à 1936• •89 78 76 91• 83 74 77 88 de 1936 à 1946• •82 75 77 86• 81 80 84 91 de 1951 à 1961• •61 58 71 84• 61 63 80 86 de 1961 à 1971• •74 73 96 104• 75 75 96 100 de 1971 à 1981• •92 91 108 113• 93 93 108 111 de 1981 à 1991• •81 69 86 95• 79 71 90 85 _______________________________________________________________________________ {Sources} {:} Commission on Emigration Reports (1954). Census of Population 1981, Vol. II, Ages and Marital Status. Labour Force Survey, 1991. Tableau 6 Flux d’émigration but en 1987/88 selon la catégorie sociale d’appartenance du chef de famille dans l’ancien lieu de résidence _______________________________________________________________________________ Catégorie sociale du chef de famille Proportion sur 1 000 habitants •••• ________________________________________ •••• Hommes• Femmes• Ensemble _______________________________________________________________________________ Agriculteurs••••12.4• 12.4• 12.4 Professions libérales•••19.3• 14.4• 16.8 Employeurs, chefs d’entreprises••19.9• 16.2• 18.1 Salariés, cadres intermédiaires non manuels••••15.3• 13.4• 14.3 Autres professions non manuelles•21.3• 14.5• 18.0 Personnels qualifiés, semi-qualifiés•18.9• 12.1• 15.6 Sans qualifications•••19.1• 10.6• 15.2 _______________________________________________________________________________ Total•••••19.1• 12.8• 15.9 _______________________________________________________________________________ {Note} : Les totaux prennent en compte des personnes pour lesquelles il n’a pas été possible de déterminer la catégorie sociale du chef de famille. {Source} : Enquête sur la main-d’oeuvre, 1988. Tableau 7 Situation sur le marché du travail, un an environ après l’obtention du diplôme, de diplômés du second cycle ayant arrêté les études à plein temps, 1980-19901 (en pourcentage) __________________________________________________________________________________ •• • • • • • • Situation2• 1980 1981 1982 1983• 1984 1985 1986 1987• 1988 1989 1990 •• • • • __________________________________________________________________________________ Activité professionnelle en Irlande • 80.0 Au chômage3• 11.6 Emigrés partis chercher un emploi•• 8.4 77.6 14.5 7.9 71.9 19.9 8.2 69.3• 69.3 22.3 8.4 17.5 13.1 67.4 16.9 15.7 65.7 15.0 19.3 60.4 64.3 8.1 7.2 11.1 62.5 28.6 29.4 28.5 67.5 12.2 20.3 Total•• 100 100 100 100 100 100 100 100 100 100 100 __________________________________________________________________________________ Taux de chômage national• 12.7 15.7 21.7 24.3 20.2 20.0 18.6 15.5 11.5 10.1 15.3 __________________________________________________________________________________ 1. 2. 3. Les années indiquées sont celles au cours desquelles les diplômés ont effectivement passé leur diplôme. Par "situation sur le marché du travail", on entend la situation au printemps suivant l’obtention du diplôme. La rubrique "au chômage" inclut également les bénéficiaires de plans de reconversion. {Sources} : Higher Education Authority (1991). First Destination of Award Recipients in Higher Education (1990). National Economic and Social Council (1991). The Economic and Social Implications of Emigration. Tableau 8 Projection des flux de main-d’oeuvre pour différents groupes d’âge, de 1990 à 2006, à partir de l’hypothèse d’une migration nette nulle dans toutes les catégories d’âge (en milliers) _______________________________________________________________________________ Age•• 1990/91• 1995/96• 2000/01• 2005/06 _______________________________________________________________________________ 15-24••• +59• +58• +56• +48 25-34••• 12••13• 14• 14 35-44••• -2• -2• -3• -3 45-64••• 10••11• 12• 14 65+••• 10• -9• -9• 10 _______________________________________________________________________________ ••• Total••• +25• +23• +18• +7 _______________________________________________________________________________ {Note:} Les projections s’appuient sur l’hypothèse de taux d’activité constants à partir du chiffre de 1986. Elles ont été faites au départ en calculant les évolutions du taux de participation sur des cohortes d’âge d’une année unique pour les périodes d’un an. La formule utilisée est la suivante : • PtMt/t+1 Rt+1 - Pt Rt où Pt est la population d’âge t, Mt/t+1 le taux de survie correspondant au passage de l’année t à l’année t+1, et Rt le taux d’activité pour l’âge t. {Source} {:} National Economic and Social Council. Report No. 90 The Economic and Social Implications of Emigration. END-OF-TEXT