LES DÉCEMBRISTES SAINT-PÉTERSBOURG 1825 « Pourquoi ne vous défendez-vous pas ? - Nous n'avons pas pris de munitions - Mais que faites-vous ? - Nous respirons la liberté... » Saint-Pétersbourg, 14 décembre 1825. Sur la place du Sénat, on inaugure le règne de Nicolas 1er. 3 000 militaires aux ordres de jeunes officiers aristocrates épris de culture européenne, refusent de prêter serment au nouveau Tsar. Ils exigent d’abord la mise en place d’une monarchie constititionnelle et l’abolition du servage. La fin de non recevoir va être sanglante. Les jeunes insurgés tiennent pacifiquement la place toute la journée. L’affront est de taille : ils tournent symboliquement le dos au Sénat et sont soutenus par la population. Dans la soirée, Nicolas 1er donne l’ordre de disperser la foule au canon. La répression a fait de nombreux morts sur place. Des centaines de déportations vont suivre. Pour la première fois des Russes ont tiré sur des Russes. Avec les Décembristes naît un gouffre entre les intellectuels et le pouvoir qui ne sera plus jamais comblé. Les Bolchéviks, quoique critiques à l’égard de ces jeunes bourgeois, leur rendront hommage. L’événement, largement méconnu en France, sert encore aujourd’hui de référence à l’opposition russe. Lors de leur dernier voyage en Russie, en juin dernier, les comédiens de la Séquence 7 ont remonté le temps, menés par Boris Goller sur les traces des Décembristes. Ils ont plongé dans la chronique de cette révolte. Anton Kouznetsov avait choisi de conduire avec eux ce projet parce qu’aujourd'hui cet événement a de nombreux échos. A quoi mènent les révoltes ? Quelle valeurs humanistes un groupe de jeunes comédiens peutil défendre aujourd'hui ? LES DÉCEMBRISTES SAINT-PÉTERSBOURG 1825 "...quelque chose de cette matière dont on fait les flocons de coton..." Boris Pasternak 14 décembre 1825. Saint-Pétersbourg. La place du Sénat est le théâtre de la révolte des Décembristes. De jeunes officiers (ils ont 34 ans au maximum) sortent sur la place du Sénat le jour du couronnement du Tsar Nikolai Ier. Ils réclament la monarchie constitutionnelle et l'abolition du servage. Voilà pour l'Histoire. Mais qui sont les Décembristes ? Ce sont des représentants de familles nobles, parmi les plus riches du pays, prêts à se battre pour l'abolition de leurs propres privilèges. Ce sont pour la plupart des Allemands d'origine, prêts à mourir pour une Russie libre. Ce sont des Romantiques, capables de s'évanouir à la vue d'une belle femme. Ce sont des officiers qui ont découvert l'Europe lors des guerres d'Alexandre Ier et qui ont approché les idées des Lumières sur les ChampsÉlysées. Ce sont des gens qui parlent en vers et connaissent par cœur Diderot et Rousseau. Les Décembristes sont des gens qui sont sortis le 14 décembre 1825 sur la place du Sénat, sans armes, pour "respirer la liberté" ! La première et dernière révolution pacifique de l'histoire russe. Ce jour-là commence le vrai destin de l'opposition russe - la révolte se conclut par un massacre perpétré par les canons tsaristes. Un tir de mitraille à cent pas. Jamais, dans l'histoire de la guerre, on n'avait été décapité par la mitraille. Mais cette fois fit exception : la distance était si petite... Les premières victimes furent deux flûtistes - deux jeunes garçons, douze ans, peut-être treize, ils paraissaient encore plus jeunes. Décapités. Il n'y a plus de flûtes à SaintPétersbourg. "Les Flûtes" - c'est l'homme sur la grande scène de l'Histoire. Il doit faire son choix face au destin. C'est la première fois que les textes de Boris Goller sont donnés sur une scène française. Il a 83 ans, reste à 300 pour cent romantique, comme ses personnages. Il est entré dans l'écriture par une courte pièce sur l'équipage d'Enola Gay qui lâcha la bombe A sur Hiroshima. Dix minutes et toute la vie raconte le destin d'un des pilotes, et a vite fait de Boris Goller l'auteur « interdit ». Cela a duré des années. Il a continué à écrire. Chaque nouvelle pièce voyait sa mise en scène systématiquement repoussée de huit ou dix ans. Lui- même dit : "les soviétiques ne pouvaient pas m'aimer". Et d'expliquer qu'un destin difficile dans l'art est comme une prime d’État : ça n'est pas donné pour rien, c'est donné pour Quelque chose ! Il n'a commencé à être édité qu'au moment de la Perestroïka. C'est à cette époque que sont parus ses recueils de pièces, nouvelles et essais. L’époque des Décembristes, de Pouchkine, Griboïedov, Lermontov est devenu son thème préféré – de grands hommes, de grands textes. Cet amour il l'a transmis à ses élèves - metteurs en scène de la promotion de Lev Dodine. Parmi ces élèves il y avait Anton Kouznetsov. A l'époque Goller ne publiait pas. Et puis, en 2004, à l'occasion du jubilé de Lev Dodine où Anton avait emmené sa première promotion russe, Boris Goller lui a offert son livre Les flûtes de Saint-Pétersbourg. Il a dit : "Qui sait ? Ça pourra t'être utile, à toi et à tes élèves..." Ce ne fut pas pour cette promotion, ni pour la suivante. Anton a choisi ce texte pour sa première promotion en France - la séquence 7 de l'Académie. Je me rappelle de cette rencontre - pendant le dernier voyage de l'Académie à SaintPétersbourg en mai 2013 - d'abord une conférence de deux heures à l'Académie de Saint-Pétersbourg, et puis Place du Sénat - dans le dos d'un Pierre le Grand de bronze - Boris Goller parle, et Anton traduit. C'est là que surgit "cette matière dont on fait les flocons de coton." Goller raconte, les académiciens écoutent et posent des questions, et Anton est là, si heureux de cette rencontre, si curieux lui-même bien qu'il connaisse cette histoire et cette ville par cœur. Tout simplement fier – que ses jeunes Français et que son vieux Russe se comprennent et se plaisent ! Projet de et pour Anton Kouznetsov. Véra Ermakova LES DÉCEMBRISTES SAINT-PÉTERSBOURG 1825 LA SCÉNOGRAPHIE Tout travail sur la scénographie commence par le travail sur le texte. S’imprégner du texte c’est comprendre le lieu, le temps et l’espace dans lesquels évoluent les événements. Dans « Décembristes… », ce lieu est une place de Saint Pétersbourg devenue un symbole de liberté pour le peuple russe. Inspiré de l’architecture de la ville, classique, sobre, le décor est délibérément épuré. Ce parti pris permet au spectateur d’évoluer dans la pièce, de suivre les événements qui se déroulent dans des lieux différents. De la place où se dresse le célèbre monument de Pierre le Grand, fondateur de St Pétersbourg et de la nouvelle Russie, on passe à l’intérieur d’un hôtel particulier, à un cabinet du palais du Tsar. En plein hiver, on traverse la Néva à pied avec les personnages… On passe du monde réel dans un monde imaginaire et rêvé . Le travail conjoint du scénographe et du créateur lumière est très important également, car les effets de lumière modulent l’architecture du décor. Ainsi le spectateur se laisse transporter dans l’espace sans perdre le fil des événements. LES COSTUMES Le parti pris est de ne pas rester fidèle aux costumes d’époque jusque dans les moindres détails. Il y a une idée générale de l’uniforme avec seulement quelques rappels quant aux vêtements portés dans le premier quart du 19 siècle. Chaque comédien joue ainsi plusieurs rôles sans changer de costume. De manière générale, je me suis employé à créer une cohérence entre la conception du décor et des costumes dans une ligne sobre. Ce côté épuré permet de démontrer que les événements qui se sont produits en Russie en 1825 font écho à la vague insurrectionnelle qui a balayé l’Europe occidentale dans la première moitié du XIXème siècle. Le spectateur ne se perd pas dans « l’exotisme russe ». Pourtant cet exotisme est bel et bien présent dans la pièce, on le retrouve dans les rapports entre les personnages en plongeant dans les profondeurs de l’âme russe. Iurii Namestnikov LES DÉCEMBRISTES SAINT-PÉTERSBOURG 1825 BORIS GOLLER Boris Goller, romancier, dramaturge, essayiste russe, né en 1931 à Saint-Pétersbourg (anciennement Léningrad). Il a commencé à écrire dès son adolescence. Mais ses premières publications datent de 1959 (scenarii pour le cinéma documentaire, traduction de poésie orientale). Durant les années 1960, il écrit des pièces de théâtre dont Dix minutes et toute une vie relatant le destin de l’équipage de l’avion Enola Gay à Hiroshima ; Des matelots sans la mer, retraçant les faits de la révolution russe ainsi que de la guerre civile qui s’en est suivie ; Modèle 18/68 - recueil de nouvelles, traitant de l’époque stalinienne. Toutes ces pièces ont subi la censure de l’Etat et n’ont pu être mises en scène qu’à la fin des années 80. En 1969, Boris Goller reçoit une commande du théâtre jeune public de Léningrad. Il adapte pour la scène le roman de Pouchkine : Eugène Onéguine. Depuis cette adaptation, l’histoire de la Russie de la première moitié du XIXème siècle (époque des Décembristes, des poètes Lermontov et Pouchkine) devient le firmament de la création de ses oeuvres littéraires . A la fin des années 70, sa pièce 100 frères Bestoujev a été mise en scène par une jeune troupe «Studio». Cette pièce a rencontré un vif succès en Russie et à l’étranger, elle est restée au répertoire théâtral de Saint-Pétersbourg pendant 11 ans. Pour la première fois, une adaptation de textes de Boris Goller, Les Décembristes Saint-Pétersbourg 1825 est présentée en France. LES DÉCEMBRISTES SAINT-PÉTERSBOURG 1825 AVEC LES COMÉDIENS DE LA SÉQUENCE 7 DE L’ACADÉMIE, ÉCOLE SUPÉRIEURE PROFESSIONNELLE DE THÉÂTRE DU LIMOUSIN VLADIMIR BARBERA, STÉPHANE BENSIMON, GUILLAUME DELALANDRE, ÉLISA DELORME, CLÉMENT DELPÉRIÉ, MARIE-ANNE DENIS, TIMOTHÉE FRANÇOIS, TEYMURAZ GLONTI, SIMON MAUCLAIR, LÉA MIGUEL, GUILLAUME LALOUX, TERESA LOPEZ-CRUZ, NOLWENN PETERSCHMITT, ELSA RITTER, JEAN-BAPTISTE TUR VLADIMIR BARBERA MARIE-ANNE DENIS GUILLAUME LALOUX STÉPHANE BENSIMON TIMOTHÉE FRANÇOIS TERESA LOPEZ-CRUZ GUILLAUME DELALANDRE TEYMURAZ GLONTI NOLWENN PETERSCHMITT ÉLISA DELORME SIMON MAUCLAIR ELSA RITTER CLÉMENT DELPÉRIÉ LÉA MIGUEL JEAN-BAPTISTE TUR