Cours Poncet – Philosophie – M. Cieniewicz
dire, non pas de notre volonté, mais de la nature,
n’ont cependant, quand ce sont des êtres dépourvus
de raison, qu’une valeur relative, celle de moyens,
et voilà pourquoi on les nomme des choses; au
contraire, les êtres raisonnables sont appelés des
personnes, parce que leur nature les désigne déjà
comme des fins en soi, c’est-à-dire comme quelque
chose qui ne peut pas être employé simplement
comme moyen, et qui par suite limite d’autant
notre libre arbitre (et est un objet de respect). [...]
Ce qui a un prix peut aussi bien être remplacé par
quelque chose d'autre comme équivalent ; ce qui,
au contraire, est supérieur à tout prix, qui par la
suite, n'admet aucun équivalent, c'est ce qui a une
dignité. [...]
L’impératif pratique sera donc celui-ci: Agis
de telle sorte que tu traites l’humanité aussi bien
dans ta personne que dans la personne de tout autre
toujours en même temps comme une fin, et jamais
simplement comme un moyen.[...]
Le bonheur est un idéal de l’imagination
Le concept du bonheur est un concept si
indéterminé, que, malgré le désir qu’a tout homme
d’arriver à être heureux, personne ne peut jamais
dire en termes précis et cohérents ce que
véritablement il désire et il veut. [...]
Le problème qui consiste à déterminer
d’une façon sûre et générale quelle action peut
favoriser le bonheur d’un être raisonnable est un
problème tout à fait insoluble; il n’y a donc pas à
cet égard d’impératif qui puisse commander, au
sens strict du mot, de faire ce qui rend heureux,
parce que le bonheur est un idéal, non de la raison,
mais de l’imagination, fondé uniquement sur des
principes empiriques, dont on attendrait vainement
qu’ils puissent déterminer une action par laquelle
serait atteinte la totalité d’une série de
conséquences en réalité infinie.
Emmanuel Kant, Fondements de la métaphysique des mœurs, 1785.